La villa de La Gramière (Castillon-du-Gard) Premier bilan de la recherche

July 6, 2017 | Autor: Núria Rovira | Categoría: Archaeobotany
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Descripción

La villa de La Gramière (Castillon-du-Gard) Premier bilan de la recherche Loïc BUFFAT, Josseline GUERRE, Aurélie MASBERNAT-BUFFAT, Audrey RENAUD, Núria ROVIRA, Gaël PIQUÈS, Armelle GARDEISEN, Jean CANTUEL, Lluis GARCIA, Samuel LONGEPIERRE, Stéphanie PORCIER et Gilles PAYAN

Résumé : Le site de La Gramière fait partie d'une série de villas du Gard rhodanien qui ont bénéficié d'études détaillées entre 1995 et 2005. Ce site présente de nombreux points d'intérêt, grâce à son niveau de conservation exceptionnel. Il comporte notamment un grand bâtiment agricole de la fin de l'Antiquité à la morphologie originale, dont la vocation sera discutée dans l'article. Par ailleurs, le site a livré des traces explicites de constructions du haut Moyen Âge qui autorisent à suivre l'évolution de la trame d'occupation du VIe au Xe s. L'étude de la faune (macrofaune, ichtyologie) permet d'apprécier les mutations de l'alimentation carnée et interroge sur les formes d'élevage pratiquées dans l'exploitation. L'analyse carpologique propose des pistes quant à la gestion des espaces agricoles dépendant de l'établissement. Mots-clés : Languedoc-Roussillon, époque romaine, haut Moyen Âge, villa, élevage, viticulture, artisanat verrier, métallurgie, hydraulique. Abstract: The Gramiere site belongs to a series of villas in the Gard rhodanien region that have benefited from detailed studies between 1995 and 2005. This site presents numerous points of interest thanks to its level of exceptional conservation. It includes in particular a big agricultural building from the end of the Antiquity with its original morphology the use of which will be discussed in the article. In addition, the site has revealed explicit traces of construction from the early Middle Ages that follows the occupational evolution from the VI to the X century. The fauna study (macrofauna, ichtyology) allows us to appreciate the changes in the meat based diet and questions the breeding practises in the region. The carpological study offers some insight into the agricultural practises of the site. Keywords: Languedoc-Roussillon, roman period, early Middle Ages, villa, livestock farming, viticulture, glassblower, metallurgy, hydraulic.

1. PRÉSENTATION Située à une dizaine de kilomètres à l’est de la ville antique d’Uzès/Ucetia, la villa de La Gramière (Castillondu-Gard) correspond à un très vaste établissement rural sur lequel de nombreuses découvertes ont été réalisées depuis le XIXe s. (fig. 1). Nous y avons conduit, entre 1998 et 2002, une fouille programmée qui aura permis l'étude détaillée d'une zone de 1000 m2, localisée au nordouest 1. Parallèlement, des prospections fines ont permis d’appréhender le site dans sa globalité et de tenter d’en comprendre l’évolution. Il s’agit, comme c’est fréquemment le cas dans la région, d’un établissement occupé de la période républicaine (Ier s. av. J.-C.) jusqu’au Moyen Âge (XIIIe s.). Nous avons pu explorer la partie nordouest de l’établissement antique où se développent de grandes installations hydrauliques (bassins) et un bâtiment agricole. Ces constructions faisaient partie d’une vaste villa dont la partie résidentielle a été reconnue plus au sud à l’occasion de sondages anciens. Entre le VIe et le VIIe s.

l’occupation est particulièrement vivace. La fouille témoigne de multiples états architecturaux. La zone explorée conserve apparemment la vocation agricole qui était la sienne dès l'époque romaine (présence de bâtiments de stockage et de structures de transformation, notamment vinicole). La période carolingienne marque une diminution de l’occupation, du moins dans l’espace fouillé. Les prospections montrent que l’habitat de cette période délaisse en grande partie l’emplacement de la villa, pour se développer autour d’un carrefour routier. Au sud de cet habitat, une chapelle (Saint-Caprais) et son cimetière prennent place. L’ensemble est abandonné au XIIIe-XIVe s., période à laquelle le castrum de Castillon attire à lui le peuplement local. 1.1. Le cadre géographique

Le site de La Gramière se trouve 500 m au nord du village de Castillon-du-Gard, petite bourgade perchée sur un éperon rocheux dominant la Basse Uzège (fig. 2).

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Il se développe à une altitude moyenne de 70 m NGF. Exposé au sud-ouest, il domine une plaine d’environ 150 ha, limitée au sud par des massifs de calcaire coquillier (helvétien), au nord par les reliefs de calcaire froid des garrigues d’Uzès (faciès urgonien). Ces massifs rocheux fournissaient en abondance des matériaux de construction, en particulier les reliefs helvétiens (calcaire coquillier) largement exploités pour la construction de la villa. La plaine cultivable est composée de sols variés. En piémont des reliefs, les marnes miocènes affleurent. Elles correspondent à de bons sols agricoles mais constituent surtout une excellente matière première pour la fabrication de terres cuites (céramiques, tuiles). Au sud de la plaine de La Gramière, une vaste tuilerie, probablement dépendante de la villa, a largement exploité cette argile (Pizouroux/La Chambonne, infra § 11.3.2). Les autres sols sont de formation plus récente. Il s’agit surtout de sols bruns. Ils sont chargés en éclats de calcaire à proximité des reliefs, plus épurés au coeur de la plaine. La partie sud de cette plaine (Font Barzaude) est une zone humide et fertile, mais qui nécessite un réseau de drainage

régulièrement entretenu. La villa se trouve ainsi au coeur d’un terroir aux ressources diversifiées, tant au niveau pédologique (sols variés) que strictement géologique (formations rocheuses, marnes). La rareté de l’eau dans la périphérie du site apporte cependant quelques nuances à cette situation favorable. Il n’y a ni source, ni ruisseau à proximité du site. Les agriculteurs signalent cependant qu’une résurgence d’eau se trouvait, il y a quelques décennies, 200 m au sud du site, à coté de la chapelle Saint-Caprais. En outre, l’établissement est implanté au débouché d’une combe qui draine vraisemblablement des écoulements souterrains. 1.2. Historique des recherches

Le site de La Gramière est connu depuis le XIXe s. L’érudit E. Trenquier signale : « Au nord-ouest de l’église [NDR : Saint-Caprais], existe un vieux bassin qui recevait les eaux par un petit aqueduc de maçonnerie, posé dans la direction de l’ouverture de la Grand’Combe Valsannière » (Trenquier 1852 : 37). Dans les années 1910, le gisement est mentionné par F. Mazauric, conservateur du musée de Nîmes, qui signale « à quelque distance de l’église Saint-Caprais, vers le nord, presqu’au pied de la colline néocomienne : pans de murs et petits bassins qui paraissent représenter les restes d’anciens fours romains à tegulae » (Mazauric 1910). En 1924, suite à d'importantes intempéries, cinq sépultures (fig. 3, n° 4), en bâtière de lauzes, ont été découvertes dans le chemin de Valcroze, qui borde le site à l'est. En 1935, une autre sépulture, en bâtière de tuiles, a été découverte dans la même zone. Elle est datée des Ve-VIIe s. par S. Gagnière (Gagnière 1965 : 70, fig. 19). L'ensemble de ces informations invite à restituer un cimetière, que l'on situera largement entre le Ve et le IXe s. En 1980, P. Olive entreprend une fouille au sud du gisement. Il met au jour des thermes « s’inscrivant dans une zone de 1 ha environ » (fig. 3, n° 3). Ces thermes présentent une particularité, puisque les pilettes qui supportaient la suspensura sont faites de blocs de calcaire coquillier (Benoit et al. 1994 : 161). En 1986, M. Chauvet, puis en 1988, M. Gazenbeek, effectuent des prospections qui permettent de préciser la nature du site (habitat de type villa avec des thermes et des bassins) ainsi que sa chronologie (Ier s.-Ve s.). En 1996, suite à un défonçage, R. Bouchet, agriculteur, découvre dans sa parcelle (D2 420) un grand bassin (fig. 3, n° 1). J.-P. Beaumont entreprend la fouille de ce bassin, dont il vide entièrement le remplissage à la pelle mécanique. À cette occasion, il effectue de nouvelles observations sur le site et note la présence d’un second bassin vers l’est. Il estime l’étendue du site autour de 4-5 ha (Beaumont Fig. 1 : Localisation du site de La Gramière et des deux grandes agglomérations proches, Uzès et Le Marduel (L. Buffat). 1996 : 72). RAN, 42, 2009, pp. 115-216

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Fig. 2 : Le site de La Gramière dans son environnement. u : tufs quaternaires ; e : éboulis ; n4a : Barrémien inférieur ; m2m : Helvétien, marnes bleues ; m2g : Helvétien, grès molassique ; fy : terrasses würmiennes ; fx : terrasses rissiennes ; fv :Villafranchien ; fz : alluvions modernes ; n4bu : Urgonien, (L. Buffat).

Fig. 3 : Localisation de la fouille et extension du site gallo-romain d'après les prospections de surface. 1 : zone fouillée entre 1998 et 2002 ; 2 : citerne reperée dans le bois ; 3 : aménagements thermaux dégagés par P. Olive ; 4 : cimetière du début du Moyen Âge découvert dans les années 1925 (J. Guerre, L. Buffat, G. Marchand).

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1.3. Les travaux entrepris entre 1998 et 2002 : stratégie d’une opération archéologique 1.3.1. Une prospection méthodique

En faisant le bilan des découvertes antérieures, on pouvait envisager au départ de nos travaux l'existence d'un vaste site à occupation longue (Antiquité et Moyen Âge). Une première série de repérages, menés au début de l'année 1998, révéla une image de surface extrêmement complexe dont une prospection classique aurait sans doute du mal à saisir les nuances. Nous avons donc décidé de pratiquer, en préalable à toute opération de fouille, une prospection fine. Celle-ci avait quatre objectifs majeurs : - localiser d'éventuels points d'occupation antérieurs à l'époque impériale (Néolithique, Protohistoire, période républicaine) ;

Cette fouille a porté sur une zone située au sud du bassin exhumé en 1996 par J.-P. Beaumont (fig. 4). Le programme avait pour but la fouille exhaustive de ce secteur de l’établissement (environ 900 m2), choix justifié par l'excellente conservation des vestiges et l'épaisseur de la stratigraphie (2 m à certains endroits). Ceci ne permettait pas d’avoir une idée précise de l’organisation et du plan du site, mais autorisait par contre une analyse détaillée de l’évolution de l’établissement. Il était intéressant de pouvoir étudier les niveaux d'occupation du haut Moyen Âge, bien conservés. Pour des raisons de logistique, la fouille a été divisée en deux zones distinctes : zone 1 au nord, zone 2 au sud (fig. 5). À l’instar de la plupart des fouilles de la région, l’enregistrement de la documentation archéologique a été réalisé selon les protocoles utilisés par l’équipe de Lattes.

- déterminer l'extension de la villa et identifier des zones d'activité distinctes (agricole/résidentiel) ; - discerner la répartition des indices du haut Empire et du bas Empire ; - circonscrire le ou les pôles d'occupation médiévaux et déterminer d'éventuels déplacements de l'occupation. Il était intéressant d'effectuer une prospection minutieuse d'un point de vue strictement méthodologique, peu de villas ayant fait l'objet de travaux de ce type. La prospection par carroyage, conduite sur le site de Mas Lavit (Mèze, Hérault) par l'équipe Archéofactory, constitue une tentative bien peu suivie (Bermond et al. 1989). On pouvait espérer tirer de cet exercice quelques enseignements d'ordre méthodologique. Cette prospection a été réalisée selon le protocole « Rapatel » (mis au point par P.-Y. Genty). Cette méthode consiste à relever la position de tous les artefacts présents en surface, selon un maillage régulier (en l'occurrence 1 rang de vigne sur 3). Elle présente l'avantage de fournir une cartographie précise des artefacts. Nous avons en outre localisé et collecté tous les bords de céramique, qui ont ensuite fait l'objet d'une détermination typologique 2. La surface expertisée couvre environ 10 ha, dont une forte proportion (4 ha) totalement illisible (bois ou friche). Plus de la moitié de l’établissement antique, actuellement recouvert par des bois, n’a pu être prospectée. Les résultats de cette étude seront présentés au fil du texte, en suivant la chronologie des occupations. 1.3.2. La fouille

La partie nord-ouest de la villa a fait l'objet à partir de 1998 d’un diagnostic (J. Guerre) puis de 1999 à 2002, d'une fouille programmée conduite par le Service Archéologique de Castillon-du-Gard (L. Buffat, J. Guerre).

Fig. 4 :Vue aérienne du chantier de fouille (mai 2002), (J.-M. Pène, SRA Montpellier).

Les descriptions d’unités stratigraphiques ont été enregistrées sur base informatique Filemaker Pro®, de même que les inventaires de mobilier. En parallèle, nous avons noué des collaborations avec différents spécialistes pour étudier faune et prélèvements : N. Rovira (carpologie), A. Gardeisen, A. Renaud, A. Masbernat-Buffat, J. Cantuel, St. Porcier (archéozoologie) et G. Piquès (ichtyologie). 1.3.3. Le phasage chronologique

Afin de répondre à la complexité des relations chronologiques entre les différents états du site de La Gramière, plusieurs phases et sous-phases ont été créées selon les normes en usage (Syslat). Chaque grande période chronologique est marquée d’une lettre : H pour l’époque républicaine, G pour le haut Empire, F pour le bas Empire, E pour l’époque mérovingienne, D pour l’époque carolingienne. Les lettres A, B et C se rapportent à des phases plus récentes qui n’ont pas été repérées durant l’opération. Cette lettre est précédée du numéro de zone, RAN, 42, 2009, pp. 115-216

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des grands travaux de construction du bas Empire, qui en ont certainement fait disparaître de nombreuses traces. Les prospections apportent cependant quelques informations sur la localisation de cette première villa. 2.1. La période républicaine : une strate d’occupation méconnue (phase H, Ier s. av. J.-C.)

Fig. 5 : Le chantier avec localisation des zones de fouille, (L. Buffat).

1 ou 2. À la phase principale, s’ajoutent ensuite des subdivisions internes, nombres ou lettres, qui permettent de distinguer des sous-phases et de préciser la datation.

On trouve quelques témoins d'une présence humaine à partir de la période républicaine (fig. 6-7). Les céramiques de cette époque sont faiblement représentées dans le mobilier de surface. Quelques fragments d'amphore italique ont été identifiés au sud de la zone de prospection (3 en tout). S’agit-il de l'emplacement d'un petit habitat ? Les indices sont certes rares, mais l'ampleur de la villa romaine tend vraisemblablement à sous-estimer l'étendue de cette occupation ancienne. Lors de la fouille nous n’avons pas identifié de structures de la période républicaine. Seules quelques céramiques sont présentes à l’état résiduel dans des niveaux postérieurs. On peut citer notamment dans un comblement de canalisation de la première moitié du Ve s., un bord de bol Lamb. 31b en céramique à vernis noir (Us 1394) ou encore une lèvre d’amphore italique Dr. 1B (Us 1414, fig. 7).

1.3.4. Les résultats de l’étude sur la villa : justification des choix de présentation

Notre étude se déclinera en trois parties principales : la première, consacrée aux résultats archéologiques stricto sensu, la seconde, aux études archéozoologiques, la troisième, à l'analyse carpologique. Nous ne présenterons pas une analyse détaillée des contextes céramologiques (tous étudiés et dessinés) dont l’analyse nécessiterait des développements trop longs dans le cadre de cet article. Les faciès de mobilier seront présentés de façon rapide pour justifier les datations et émettre quelques observations d'ordre général (composition des vaisseliers, type d'importations).

2. L'ÉTABLISSEMENT À LA PÉRIODE RÉPUBLICAINE ET AU HAUT EMPIRE (PHASES H ET G, I S. av. J.-C. - III S. ap. J.-C.) er

E

La fouille que nous avons conduite a surtout permis le dégagement de niveaux du bas Empire et du haut Moyen Âge. Les occupations plus anciennes demeurent mal connues. L’occupation de la période républicaine n’est documentée que par les prospections de surface. Celle du haut Empire est représentée par quelques structures dégagées lors de la fouille et par des tessons vus en prospection de surface. Il est manifeste que ces structures ont souffert

Fig. 6 : Quelques rares indices de la période républicaine (amphore italique) repérés lors des prospections de surface. La localisation des fragments de céramique non-tournée n’est pas reportée, ceux-ci pouvant se rattacher à l’occupation du Néolithique (L. Buffat, J. Guerre).

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2.2. La villa du haut Empire (phase G, Ier - IIIe s. ap. J.-C.)

2.2.1. Constructions et niveaux trouvés lors de la fouille

Fig. 7 : Bord d’amphore italique trouvé dans un comblement de canalisation de la première moitié du Ve s. ap. J.-C. (Us 1414 : élément résiduel), (L. Buffat).

Les fouilles ont permis d'identifier deux zones réduites ayant livré des structures du haut Empire : à l’ouest, une grande fosse ; au sud une série de constructions (fig. 8). La fosse repérée à l’ouest a été reconnue sous un bâtiment postérieur. Seule la limite orientale de ce grand creusement a été identifiée. Profonde d’environ 80 cm, elle est creusée dans le substrat marneux, jusqu'à un affleurement de molasse. Il s'agit manifestement d'une fosse d'extraction d’argile. Elle est comblée dans la seconde moitié du IIe s. ou la première moitié du IIIe s. ap. J.-C. Au sud-est, les structures du haut Empire sont plus nombreuses, mais elles ont été fortement perturbées par les occupations postérieures. Elles dessinent les traces d’un bâtiment (espace 2/6) dont il n’est pas facile de restituer l’organisation. Ce bâtiment est limité par des murs constitués de blocs de calcaire coquillier liés à la terre. Des différences de mise en œuvre entre ces murs pourraient témoigner de plusieurs phases de constructions. Un

Fig. 8 : Les niveaux et constructions du haut Empire repérés sur le chantier. Ci-dessus localisation des secteurs de découverte. À droite, relevé des structures fouillées au sud-est du chantier. Il existe sans aucun doute d’autres niveaux de cette période sous les bâtiments postérieurs (J. Guerre).

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niveau de sol (2043) est matérialisé, au centre de cet ensemble, par un fin niveau de mortier coulé sur des éléments en terre cuite (tegulae, briques). Plusieurs ouvertures sont caractérisées par la présence de piédroits : deux à l’ouest, une à l’est et une au sud. Il est pour l’heure difficile de déterminer la fonction de ces bâtiments fort dégradés par les constructions postérieures et dont on ignore l'extension vers le nord, l’est et le sud. Immédiatement à l’ouest de ce bâtiment très ruiné, quatre pots horticoles ont été retrouvés en place (2211, 2242, 2243, 2317). D'environ 12 cm de diamètre et 8 cm de hauteur, ces vases présentent la particularité d'être percés volontairement sur le fond et la panse avant cuisson. Ces vases sont traditionnellement interprétés comme des vases à bouture. Mais les auteurs antiques les recommandent pour différents usages : plantation de graines, marcottage d'arbres ou d'arbustes ou transport de plantes 3. Le réseau de ces plantations est encore lacunaire. Il serait donc vain de raisonner sur le maillage de ces traces. Il semble à première vue que les pots soient implantés tous les deux pieds dans le sens nord-sud, tous les quatre pieds dans le sens est-ouest. La datation précise de ces pots n’est pas clairement établie 4. Dans toute la partie nord du chantier, nous n’avons pas identifié de constructions du haut Empire. Mais les sols de tuileau du bâtiment du bas Empire peuvent masquer ces états anciens et les constructions du haut Empire ont pu être évacuées lors de la mise en place des bâtiments tardifs, qui a engendré des terrassements massifs et un profond remodelage de la topographie initiale.

2.2.2. Quelques observations générales sur l’établissement du haut Empire : les données de la prospection Les prospections de surface apportent quelques informations pour replacer ces vestiges épars dans un contexte plus large (fig. 9). Les indices du haut Empire apparaissent en quantité importante sur une surface de 1,5 ha. Ils sont surtout représentés au sud du chemin menant au Mas Rafin, dans le secteur où P. Olive avait dégagé, en 1980, le complexe thermal. On en trouve également, mais en densité moindre, au nord-est. Les indices antérieurs au milieu du Ier s. ap. J.-C. sont rares. Les seuls éléments clairement rattachables à la première moitié du Ier s. correspondent à un bord de sigillée italique (Ettlinger 22) et de sigillée sud-gauloise (Drag. 18a). L’histogramme chronologique, construit à partir des formes collectées sur le site, indique une augmentation de la densité d’indices dans la seconde moitié du Ier s. ap. J.-C. (fig. 10). Le nombre de formes reste à peu près constant jusqu'au milieu du IIIe s., période à laquelle il enregistre une décrue, qui pourrait cependant être due à une méconnaissance des céramiques de cette période. Du point de vue de l’organisation générale du site, il n’est pas facile de tirer des conclusions. On a observé au sud-ouest du site, dans la zone de découverte

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des hypocaustes, plusieurs fragments de marbre. Cette zone avait apparemment une vocation résidentielle. Mais était-ce le cas au haut Empire ? Il est difficile d’être affirmatif, cette zone ayant livré aussi de nombreux indices du bas Empire. Si l’existence d’une partie résidentielle au haut Empire est probable, vu la taille du site à cette période, on ne peut affirmer qu’elle se trouvait à cet emplacement, faute de pouvoir dater les éléments de marbre ainsi que les thermes découverts anciennement. L'un des objectifs majeurs de cette prospection était de distinguer la partie agricole au sein de la villa. Les résultats enregistrés sont un peu décevants. La répartition des fragments de dolium n'appelle pas de conclusions pertinentes, ces derniers étant présents sur l'ensemble du site (fig. 9, B).

3. L'ÉTABLISSEMENT IIIe S.- Ve S.)

DU BAS

EMPIRE

(PHASE F,

MILIEU

Si l’on dispose d’éléments discrets et peu exploitables pour les occupations républicaines et alto-impériales, l’établissement du bas Empire est en revanche largement documenté par la fouille. Un grand complexe hydraulique occupe la partie supérieure de la zone fouillée, tandis qu’en contrebas se développe un grand bâtiment agricole équipé d’un sol de tuileau et de rigoles. La vocation agricole de ce bâtiment est assurée. En revanche sa fonction prête à discussion : étables ? chai ? Les états de construction sont multiples de même que les réfections ou consolidations. La bonne conservation des vestiges permet d'en fixer la chronologie relative. La chronologie absolue est plus difficile à déterminer. Il y a peu de stratigraphie en relation avec les bâtiments avant le Ve s. ap. J.-C. Les modifications architecturales (cloisonnements, mise en place de nouveaux équipements) s'effectuent sans remblaiements, et les sols de tuileau ont été constamment nettoyés, si bien qu’aucun lot céramique n’aide à la datation. Ceci explique les datations larges que nous proposons. La portion de bâtiment explorée montre le dynamisme de la villa du bas Empire. Les données de la fouille rejoignent celles de la prospection pour attester l'importance du centre domanial à cette période. Les éléments du bas Empire sont denses sur une surface de 2,5 ha. Une nécropole connue par des découvertes anciennes se développe au nord de la villa. 3.1. Les premières constructions : aménagements agricoles et hydrauliques (phases 1F1 [= 2F1] - IIIe - début IVe s. ?)

Alors que les constructions du haut Empire reconnues au sud-est de la fouille étaient visiblement arasées, un vaste complexe est mis en place (fig. 11). Il est installé sur deux terrasses artificielles, qui ont été créées pour gommer la forte déclivité du terrain originel. La terrasse supérieure est occupée par un grand bassin (celui dégagé par J.-P. Beaumont) et une canalisation maçonnée. La terrasse inférieure comprend une grande salle à piliers axiaux et sols en béton de tuileau.

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Fig. 9 : Cartographie des indices gallo-romains enregistrés lors de la prospection au sol

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3.1.1. Un dispositif hydraulique

Le bassin Au nord de la fouille, sur la terrasse supérieure, le bassin (1/1) qu’avait fouillé J.-P. Beaumont correspond à un large réservoir mesurant 20,4 x 3,6 m (fig. 11-12).

Fig. 10 : Histogramme du nombre de formes céramiques collectées lors des prospections de surface (par tranches d'un demi siècle), (L. Buffat).

Sa capacité est de l’ordre de 70 m3. La chape de fond, en tuileau, se situe à une profondeur de 0,9 m. Elle est installée sur un radier constitué de petites pierres liées au mortier. Les murs du bassin se composent d’un béton banché fait d’éclats de calcaire froid (urgonien) mêlés à du mortier. Cette construction est doublée à l'extérieur par un mur maçonné composé de blocs de calcaire coquillier. Les parois internes du bassin sont recouvertes d’un enduit étanche assez fin (2 à 3 cm) en opus signinum, renforcé aux angles par des boudins d’étanchéité en quart-de-rond. Trois dés en pierre prenaient place dans l’axe central du bassin. L'un d'eux, récupéré lors d'un remaniement postérieur, n'est plus représenté que par son négatif (1075). Ces dés étaient surmontés de gros monolithes de calcaire coquillier, mais ceux-ci ont été évacués lors de la fouille de J.-P. Beaumont (l'un d'eux a été déposé sur le côté du bassin). Ces piliers porteurs soutenaient une toiture dont on ignore la structure. L’eau était évacuée à l’angle sud-ouest du bassin, au moyen d'une bonde, constituée d'un large tuyau de plomb placé au niveau du fond. Au delà de ce tuyau, seul un empierrement assez grossier a été vu en sondage. Il est encore impossible de déterminer le système hydraulique par lequel s’écoulait l'eau après le bassin. On ignore pour le moment la façon dont ce bassin était alimenté en eau. Les tranchées réalisées au nord n’ont révélé ni canalisation, ni puits. Faut-il penser, comme E. Trenquier, qu’un aqueduc acheminait l’eau depuis la combe de Valsannière, située au nord-ouest ?

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Ce bassin correspond selon toute vraisemblance à une citerne. Il s’inscrit effectivement dans un contexte clairement utilitaire. Nous verrons plus loin qu’il surplombe des bâtiments à vocation agricole, disposition qui rejette a priori l’hypothèse d’un bassin d’agrément ou d’une piscine thermale. En outre ce bassin, comme son voisin, occupe une position dominante par rapport au reste de l’établissement, situation idéale pour des citernes alimentant les différents corps de bâtiments. Une canalisation La citerne est longée au sud par une grande canalisation (1/6). Large de 1,1 m et profonde d’au moins 1,5 m, elle est limitée au sud par un mur de terrasse (1090), au nord par un épais mur maçonné (1010). Le fond de cette canalisation n’est pas construit. Il correspond à un fossé à profil en V, aménagé directement dans le substrat marneux. Dans la partie la plus basse, une rigole peu profonde (5 à 10 cm) a été creusée. L’eau s’écoulait d’ouest en est. La pente est assez faible (1,5 %). Le caractère assez sommaire de cette canalisation (absence de béton hydraulique) suggère qu’elle acheminait des eaux usées ou du moins impropres à la consommation. Elle pouvait servir aussi à canaliser et drainer, lors de fortes pluies, les eaux s’écoulant des toitures environnantes. Elle se prolonge vers l’est et pourrait rejoindre la seconde citerne, découverte en prospection par J.-P Beaumont. Au bord du grand bassin, un dépôt propitiatoire Une urne complète en céramique kaolinitique oxydante (forme KAOL A18) a été retrouvée en bordure sud-ouest du bassin (1018), à côté de l'évacuation de la citerne (fig. 13). Le remplissage de ce vase se composait de substrat marneux presque pur (quelques petits cailloux) dans lequel trois œufs de poule ont été disposés sur des niveaux distincts. Il s’agit de toute évidence d’un dépôt volontaire, vraisemblablement à caractère propitiatoire. Des urnes à caractère votif sont signalées sur plusieurs sites régionaux : à Lunel-Viel (Raynaud 1990 : 67), à Ambrussum (Villetelle), où un pot contenait un reptile (Fiches 1996 : 82), sur la villa des Prés-Bas (Loupian), où une urne renversée contenait un oeuf (Pellecuer 2000 : 447, fig. 2213). Le vase découvert à La Gramière est très proche des premières productions en céramique à pisolithes (Raynaud in Py dir 1993 : 528-529) et il faut probablement le dater du IVe s., voire du début du Ve s.

3.1.2. Le bâtiment à rigoles

Le bâtiment qui prend place au sud de la citerne et de la canalisation couvre plusieurs centaines de mètres carrés (au moins 380) et présente un plan en « L » renversé (fig. 11). Ses murs, solidement construits, étaient bâtis en opus caementicum. La largeur du corps nord-est et sud-ouest est

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Fig. 11 : Premier état des aménagements hydrauliques et agricoles (phase 1F1/2F1). La morphologie du bassin (1/17) qui recueille les écoulements provenant des rigoles n’est pas clairement établie compte tenu des remaniements postérieurs. Le rattachement des structures agraires de l’espace 1/4 à cette période est hypothétique (L. Buffat, J. Guerre, G. Marchand, A. Masbernat-Buffat).

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Fig. 12 : Profil est-ouest (restitué) du bassin

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soutenaient, dans la partie haute, des poteaux de bois. Une encoche creusée au sommet des bases en pierre permettait l'emboîtement du poteau de bois. Les niveaux pris au fond des rigoles montrent que les écoulements étaient dirigés dans la partie nord-ouest du bâtiment vers un bassin dont nous ne connaissons pas la morphologie exacte, ce dernier ayant été remanié postérieurement (bassin 1/17). La pente des rigoles est de l’ordre d’1 %.

Une étable ou un chai ? En ce qui concerne ces vestiges, nous avons avancé dans un premier temps l'hypothèse d'étables à bovins (Buffat, Guerre 2001 : 76-78). On trouve en effet des exemples d’étables modernes (XIXe ou XXe s.) présentant

Fig. 13 : Urne en céramique commune trouvée en bordure du bassin (VP1018) (J. Guerre).

sensiblement la même (respectivement 11,2 et 11,1 m). Le sol est composé d’un béton de tuileau doté de quatre rigoles. Peu profondes (de 5 à 10 cm) et de profil arrondi, ces rigoles se répartissent selon un schéma cohérent : deux rigoles sont installées à proximité des murs gouttereaux (à environ 1,5 m), deux autres sont situées dans l’axe médian à faible distance l’une de l’autre. Les rigoles médianes encadrent des dés en pierre, qui correspondent aux vestiges de piliers axiaux, divisant la salle en deux nefs (fig. 14, 15). Ces dés ont des caractéristiques différentes selon les secteurs. Au nord-est, ils présentent une forme rectangulaire d’environ 0,6 x 0,6 m. Au sud-ouest, le seul dé conservé (les autres ont été épierrés) était circulaire. Les éléments qui nous sont parvenus permettent de restituer la morphologie des structures porteuses : les monolithes en pierre (hauts d'une quarantaine de centimètres),

Fig. 14 : Le bâtiment agricole : dés en pierre et rigoles médianes dans la partie nord-est. De nombreuses architectures postérieures sont venues recouper cette salle. Le mur oriental du bâtiment (à droite sur la photo) a été totalement épierré. Il ne subsiste que le pilier engagé (L. Buffat).

une disposition proche de celle dégagée à La Gramière (fig. 16, 17). Un exemple très semblable est donné dans l'Encyclopédie Agricole Quillet (Sartory dir. 1930 : 179) : il s’agit d’une grande salle permettant d’accueillir deux rangs de bestiaux, disposés en vis à vis, et alimentés par

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un couloir central (fig. 16, c, 17). On relève plusieurs similitudes : la largeur de l’étable (de l'ordre de 11 m), la largeur des couloirs d’accès latéraux (1,5 m) et la présence d’un couloir central. Des différences existent cependant : dans les étables présentées dans l'Encyclopédie Quillet, il n'existe pas de rigoles centrales, et le couloir central comporte rarement des piliers axiaux. Les piliers trouvés à Castillon-du-Gard constituent d'ailleurs un obstacle pour la distribution des fourrages. Ceci dit, le foin pouvait être entreposé au dessus, dans un fenil, et être déposé par l'intermédiaire de trappes. C'est un dispositif qui, aujourd'hui encore, est extrêmement répandu, dans les étables ou dans les écuries. Quoiqu’il en soit les modules et la disposition des étables modernes se rapprochent des vestiges dégagés ici. En outre, il faut noter que l’usage de ces rigoles dans les logements animaux était connu des Romains. On le retrouve en particulier dans les écuries souterraines de la villa Hadriana à Tivoli (Gros 2006 : 366, fig. 418). Plusieurs analyses (micro-morphologie, parasitologie) ont été conduites sur le sol de tuileau du bâtiment afin de vérifier cette hypothèse. Mais la longue occupation de l'installation invite à une extrême prudence quant à l’interprétation des dépôts trouvés sur ce sol. La fouille montre que le bâtiment a été plusieurs fois transformé et que le sol bétonné a été régulièrement nettoyé. Il est donc peu probable que ces analyses nous renseignent sur l’utilisation primaire de la structure. Un niveau type « litière » a été mis en évidence sur le sol de tuileau dans la partie centrale du complexe par l’analyse micromorphologique (J.-E. Brochier, couche 2170). Mais ils appartiennent à un niveau beaucoup plus tardif que le bâtiment lui-même (seconde moitié du Ve s.). Des coprolithes ont également été découverts dans une rigole mais ils sont associés à une couche qui a livré des céramiques de la fin du Ve s. ou de la première moitié du VIe s. (couche 1370). À l'hypothèse d'étables pour bovins, on pourra légitimement opposer que la région est peu favorable à l’élevage de ces animaux. Pour s’en convaincre, on prendra pour exemple les recensements réalisés à Castillon-du-Gard entre le XVIIe et le XIXe s. Ils montrent que les bovins ont représenté au mieux 10 % du cheptel. Ceci n’interdit pas cependant que des troupeaux plus conséquents aient existé, notamment dans les grands domaines. En 1757, les troupeaux de Malmont, appartenant au comte de Rochefortdu-Gard, comptent « soixante à quatre-vingt bœufs et huit cents bêtes à laine. » (Latard 1995 : 156). L’existence d’un cheptel bovin important n’est donc pas incompatible avec la région. Le domaine foncier que l'on est tenté d’attribuer à la villa de La Gramière durant le bas Empire est suffisamment étendu pour y réserver une part appréciable aux prairies ou aux cultures fourragères. Une autre possibilité peut être envisagée pour ces structures. Celle d’un chai ayant accueilli des foudres en bois.

C’est une hypothèse qui a été proposée pour des structures similaires dégagées sur les sites charentais de la HauteSarrazine (Cognac) ou de la Pointe des Minimes (La Rochelle). Sur ces sites, de grands bâtiments proches des installations vinicoles (cuves, pressoirs) étaient équipés de sols en dur et de rigoles aboutissant apparemment à des bassins (Balmelle et al. 2001 : 142-148, 158-159). Les rigoles seraient utilisées pour recueillir les fuites des vaisseaux en bois. Cette hypothèse peut s’appuyer notamment sur une prescription de Palladius (I,18) qui recommande d’aménager des sols de tuileau de sorte que si un foudre fuit, les vins « soient recueillis dans une cuve placée en contrebas » (Balmelle et al. 2001 : 159). Les similitudes entre les installations charentaises et celle de La Gramière sont effectivement assez nettes pour envisager cette hypothèse. Il est vrai que l’on concevrait aisément la présence de grands foudres dans le bâtiment de la Gramière. Les jus de fuite pouvaient être récupérés dans les rigoles et dirigés vers le bassin 1/17. En faveur de cette hypothèse il faut souligner que plus tardivement des cuves vinicoles sont installées dans ce bâtiment (infra, § 3.2). Il manque cependant pour valider l’hypothèse d’un chai vinicole des structures corollaires telles que pressoirs et cuves. Nous n’avons pas trouvé, pour cette période, ce type d’installation, mais celles-ci se trouvent peut-être hors de l’espace fouillé. L’hypothèse d’un chai est fortement appuyée par l’apparition postérieure de structures de pressurage au même endroit, ainsi que par la fréquence de restes de vitis vinifera dans les contextes datés de la période 1F. Des traces de réfection des murs du bâtiment Des différences de mise en œuvre du mur qui limite la salle au nord attestent plusieurs remaniements dont il est impossible de détailler la chronologie absolue en l'absence de contextes stratigraphiques explicites. Le tronçon le plus ancien correspond à la partie centrale du mur. Il se distingue par sa mise en œuvre : assises régulières de blocs sommairement taillés, joints repris au fer. Sa face nord correspond à un vulgaire blocage non parementé. On peut penser que cette face du mur était au départ cachée et appuyée contre le substrat marneux. Elle sera partiellement mise à nu lors de la construction de la canalisation, ce qui laisse supposer que la structure hydraulique est plus récente que le bâtiment agricole. La partie est du mur a été intégralement reconstruite sur une longueur d’au moins 3 m (le mur se développe au delà des limites de la fouille). Beaucoup plus soignée, elle est faite de moellons soigneusement taillés, disposés en assises régulières. Ce tronçon du mur est plus large (1 m) probablement pour assurer une meilleure stabilité, et ses deux faces sont parementées. RAN, 42, 2009, pp. 115-216

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Fig. 15 : Le bâtiment agricole : profil (partie nord). Les différences de profondeur entre les rigoles sont spécifiques à cette partie du bâtiment. Dans les autres secteurs, les profondeurs et profils des rigoles sont plus réguliers (L. Buffat).

Fig. 16 : Comparaison entre le bâtiment de La Gramière et des étables du début du XXe s. Les étables, à deux rangs tête à tête, présentent la même organisation et des modules quasi-identiques (largeur dans œuvre comprise entre 10,7 et 11,5 m, couloirs de service latéraux larges de 1,3 à 1,5 m). Les vestiges de La Gramière s'individualisent par la présence de rigoles centrales. RAN, 42, 2009, pp. 115-216 fichier EDITEUR destiné à un usage privé

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Le tronçon occidental du mur (1315), également reconstruit, est plus fruste. Les moellons sont plus grossiers mais le mur est parementé sur ses deux faces. Un glacis de maçonnerie constitué de petits blocs liés au mortier a été rajouté contre le parement nord de ce mur, visiblement pour assurer une meilleure étanchéité à la canalisation et éviter les infiltrations vers le bâtiment agricole, implanté au sud (fig. 18). C’est un dispositif que l’on rencontre dans certaines canalisations, par exemple à Alba (CAG 07, 005/19 : 132, fig. 105). 3.1.3. Datation des vestiges hydrauliques et agricoles Il n’est pas possible de situer avec précision l’époque de construction du complexe formé par les installations hydrauliques (citerne, canalisation) et le bâtiment agricole. En ce qui concerne le grand bassin (1/1), les fouilles menées lors de la découverte nous privent de toute information stratigraphique. Pour le bâtiment à rigoles (2/3), les datations sont pénalisées par la rareté des contextes stratigraphiques antérieurs et la difficulté à lire clairement quelques secteurs clés, telle la partie sud-est de la fouille où se trouvent les constructions antérieures. Ici malheureusement, des relations stratigraphiques déterminantes ont été perturbées par les multiples creusements du haut Moyen Âge. À quelles informations peut-on donc se raccrocher ? On note d’abord que l’une des pièces de cet ensemble architectural (pièce 2/2) recoupe, à l’ouest de la fouille, une grande fosse comblée dans la seconde moitié du IIe s. ou la première moitié du IIIe s. Les rares tessons trouvés dans le sol de tuileau apportent peu de renseignements complémentaires. Les fragments de poterie appartiennent à des céramiques communes ou des amphores à pâte calcaire, ou bien à des amphores hispaniques de type Almagro 51AB, diffusées dans la région dès la fin du IIIe s. Une monnaie de la seconde moitié du IVe s. a été découverte dans l’angle nord-est du bâtiment à rigoles (2/3), soudée à la surface du sol de tuileau. Faut-il se fier à cette monnaie pour dater la mise en place de l’ensemble du bâtiment agricole ? Il est préférable de rester prudent en ce qui concerne cette monnaie, celle-ci n’ayant pas été découverte dans l’épaisseur de la chape de tuileau. En définitive, l’état de notre documentation ne permet de proposer qu’une fourchette de datation large, entre la seconde moitié du IIIe s. et la fin du IVe s. Précisons enfin qu’il n’est pas assuré que ces structures hydrauliques et agricoles aient été mises en place en une seule fois. Les différentes constructions pourraient s’échelonner en plusieurs phases.

Fig. 17 : Profil comparé du bâtiment de La Gramière et d’étables des XIXe-XXe s.

Fig. 18 : La partie ouest de la canalisation (1/6) vue de l’est. À droite de la photo, le glacis de maçonnerie, destiné à éviter les infiltrations vers le bâtiment à rigoles (L. Buffat). RAN, 42, 2009, pp. 115-216 fichier EDITEUR destiné à un usage privé

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3.1.4. Les aménagements périphériques

À l’ouest, un corps de bâtiment (salle 2/2) À l'ouest de la grande salle à rigoles, un corps de bâtiment de direction est-ouest se développe (fig. 11). Une seule pièce en a été fouillée (pièce 2/2). Celle-ci est limitée par des murs liés au mortier. Elle présente un sol en terre et trois fosses de faible profondeur installées en bordure des murs. Ces creusements pourraient être des fosses de stockage ou bien des calages d'amphores, comme cela a été proposé à Loupian sur la villa des Prés-Bas (Pellecuer 2000 : 458, fig. 33-9) ou sur le site du Bourbou (Pellecuer 2000 : 506, fig. 61-16). La pièce pouvait servir à stocker du matériel ou des denrées nécessaires au fonctionnement du bâtiment agricole voisin.

Un espace agraire (espace 1/4) À l’est de la citerne, se développe un espace agraire (1/4, fig. 11). Il comprend un fossé (1067) qui se place, de façon surprenante, dans l’alignement du mur nord de la citerne. Les premières fouilles anciennes ayant détruit le contact entre ce fossé et la citerne, il est impossible de préciser la chronologie relative entre les deux structures. L’attribution du fossé à la période romaine ne fait pas de doute du fait de l’abondance des tegulae dans le comblement, mais l’absence de céramique ne permet pas de préciser la datation. Une série de petites fosses longilignes se développe au sud de ce fossé (fig. 11). Le plan de ce réseau de fosses est encore partiel. Toutes n’ont pas été mises en évidence lors de la fouille. De direction est-ouest, il s'agit manifestement de traces de plantation de vigne. L’orientation générale de ces structures est identique à celle du fossé et de la citerne. Les décapages confirment le caractère organisé de ces fosses. Ces plantations traversent un paléosol limonoargileux (1110) ainsi qu’un encroûtement calcaire (le « taparas ») qui coiffe le sol géologique (à cet endroit, une formation composée majoritairement de gelifracts calcaires, mêlés à un limon argileux ocre). C'est certainement la présence de cet encroûtement qui a nécessité ces creusements afin de permettre la pénétration racinaire. On dispose de peu d’éléments pour dater ces fosses. Les exemplaires fouillés (1027, 1054, 1066) n’ont livré aucun artefact. En revanche, on peut observer que l'une des fosses a été recoupée par un petit bâtiment occupé au bas Empire (1/5).

Un petit bâtiment de stockage (1/5) ? Un bâtiment (1/5) a été repéré dans la même zone (fig. 11). Seule la pièce la plus occidentale (1/5) en a été dégagée. Elle mesure 2 x 2 m. Elle est fermée sur 3 côtés (murs 1035, 1038 et 1188). L’accès se faisait certainement par le nord où l’absence totale de construction invite à

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restituer une entrée sur toute la largeur (fig. 19). Une couche de destruction (1101) était présente dans l’ensemble de la pièce. Le niveau de circulation se situait visiblement à la base de cette strate, mais le sol était bien peu marqué. L’exiguïté de la construction et l’absence d’indices d’une occupation domestique laissent supposer que cette pièce correspondait à un espace utilitaire (stockage ?). La stratigraphie ne permet pas de dater l’édification de cette unité, édifiée sur le sol géologique. L’abandon est mieux documenté grâce au mobilier recueilli dans la tranchée d’épierrement (1038) des murs ouest et sud. Les quelques tessons recueillis se rattachent à la fin du IVe ou au début du Ve s. ap. J.-C.

Fig. 19 : La pièce 1/5 vue du sud. Cette pièce appartient à un bâtiment qui s’étend vers l’est, au delà des limites de la fouille (ici à droite), (L. Buffat).

3.2. Les modifications du complexe agricole : un changement de fonction ? (phases 1F1c, 1F2a à 1F2c [= 2F2] - IVe s.) Le grand bâtiment agricole va être progressivement cloisonné par la construction de solides murs de refend. Plusieurs bassins seront ensuite installés à l’intérieur de cet ensemble remanié. Ces bassins se rattachent selon toute vraisemblance à une production de vin, comme l’indiquent leur morphologie, ainsi que les résultats de l’analyse carpologique. 3.2.1. Premières modifications du grand bâtiment agricole (phase 1F1c)

Une première étape dans l’évolution du bâtiment agricole est marquée par la construction de deux nouveaux murs en opus caementicum (1185 et 2153). Trois salles distinctes sont ainsi créées (fig. 20). À l’ouest, la pièce 1/12 s’étend sur 11,2 x 7,8 m (dans oeuvre). Elle couvre une surface de près de 85 m2 et dispose d’une large ouverture au sud-est. À l’est, la pièce 1/7 s’étend sur une surface

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plus importante : 9,6 x 11,5 soit environ 110 m2. Au sud, on ignore la limite méridionale de la pièce 2/4. Cette redistribution des espaces ne paraît pas s’accompagner d’un changement de fonction des pièces. À l’emplacement des rigoles, de petites ouvertures sont aménagées sous les murs afin de permettre les écoulements vers le bassin 1/17. 3.2.2. Nouveaux cloisonnements et construction d'une première cuve

La cuve (phase 1F2a) Postérieurement au cloisonnement du grand bâtiment agricole, un bassin (1/19) de type oléi-vinicole, comportant une cupule, est installé à l’angle nord-ouest de la pièce 1/7 (fig. 21, 22). Il mesure 1,2 x 1,9 m pour une profondeur conservée de 1 m, soit une capacité minimale de 22 hl. Ce bassin est associé à un épais radier maçonné (1142) installé immédiatement au nord, sur le tracé de la canalisation 1/6. Une galerie est aménagée sous ce radier pour assurer le passage de l’eau dans la canalisation. Le complexe formé par la cuve et le radier présente toutes les caractéristiques d’une unité de pressurage. Le radier occupe effectivement une position surplombante par rapport à

Fig. 21 :Vue de la canalisation passant sous le radier (de pressoir ?) 1142 (L. Buffat).

Fig. 20 : Les remaniements du bâtiment agricole (1F1c). En noir les constructions existantes ; en gris, les nouvelles constructions (L. Buffat).

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la cuve, situation idéale pour un fouloir ou un pressoir. Il reste cependant difficile de déterminer si le radier 1142 soutenait un pressoir ou un fouloir. L’absence de contrepoids ou de blocs d’ancrage n’est pas réellement significative. Les pressoirs à vis directe sont diffusés bien avant cette période et ne laissent qu’exceptionnellement des traces archéologiques (Tchernia, Brun 1999 : 50). L'hypothèse d'un petit pressoir à vis directe peut être envisagée. L'ensemble formé par cette cuve et le radier a de bonnes chances de se rattacher à une production de vin. La présence d’une seule cuve est peu compatible avec la production d’huile, utilisant généralement plusieurs bassins mitoyens afin d’effectuer une décantation par surverse. En outre les études carpologiques attestent l'abondance des restes de vitis et l’absence de l’olivier (infra, § 10.3)

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Les modifications de la citerne L’analyse architecturale laisse penser qu’à la même période, ou un peu plus tard, des remaniements affectent la citerne. Mais, on ne dispose d’aucun renseignement sur ces modifications. Rappelons que les premiers fouilleurs ont vidé le bassin à la pelle mécanique et que la stratigraphie du comblement n’a pas été étudiée. On peut cependant émettre un certain nombre d’hypothèses à partir des quelques lambeaux d’architectures préservés lors de cette fouille (fig. 22). Tandis que le pilier central est récupéré, une nouvelle chape de tuileau est installée à l’est du bassin, rehaussant le fond d’une vingtaine de centimètres. Mesurant 7,5 m de long, cette chape est divisée en deux par un mur de refend, presque totalement détruit lors de la découverte. L’absence d’étude stratigraphique du

Fig. 22 : La partie nord de la fouille au terme des modifications (construction d’installation de pressurage, cloisonnements). État de la phase 1F2c (L. Buffat). RAN, 42, 2009, pp. 115-216 fichier EDITEUR destiné à un usage privé

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comblement ne permet pas de déterminer si la partie ouest du bassin est alors remblayée et abandonnée ou si elle est toujours en usage. Si la partie orientale a été conservée, le nouveau dispositif pourrait s’assimiler à un système permettant la décantation de l’eau par des surverses successives. L’eau aurait ainsi été décantée dans les deux petits bassins situés à l’est pour ensuite se déverser dans la partie ouest. Ph. Leveau a restitué un tel système sur une des villas de la région de Cherchel (Algérie), à Sidi-MoussaZaouia (Leveau 1984 : 421). Si, au contraire, la partie occidentale a été remblayée, la capacité de la structure se trouverait fortement diminuée (environ 20 m3). Quelques indices vont dans ce sens notamment l’aménagement d’une nouvelle évacuation se déversant dans la canalisation située en contrebas du bassin. 3.2.3. Modifications du dispositif et ajout de nouveaux bassins : les traces d’une nouvelle installation de pressurage (phases 1F2b, 1F2c)

Une nouvelle phase de construction est marquée par la mise en place de nouveaux bassins, visiblement vinicoles, dans la pièce 1/12 : le bassin 1/13, installé dans l’angle nord-ouest, et le bassin 1/20 au sud (fig. 22). Le bassin 1/13 est installé directement dans l’angle de la pièce. Il a connu deux états de fonctionnement. Dans un premier temps (1F2b), il couvre une surface interne de 4,3 x 3,7 m (soit 15,91 m2). Son fond est constitué par le sol de tuileau antérieur (1323) dont la rigole est toujours utilisée. Un enduit à inclusions sableuses recouvre les parois de la structure. Dans un second temps (1F2c), son parement interne est reconstruit en doublage au nord, à l’ouest et au sud (murs 1319, 1317 et 1318), ce qui ramène les dimensions internes de la structure à 3,7 x 2,9 m. Le bassin 1/20 est un peu plus modeste puisqu’il couvre une surface de 2,7 x 3,6 m (soit environ 16 m2). À l’est, il est limité par un mur lié à la terre assez dégradé. Comme le bassin 1/13, il réutilise le sol de tuileau 1323, ainsi qu’une rigole antérieure. Il comporte sur son parement interne le même enduit caractéristique (enduit à inclusions sableuses). Dans la partie centrale, le sol conserve une marque sub-circulaire évoquant l'empreinte d'un pressoir (fig. 24-25). Le bassin 1/17 (vers lequel convergent les rigoles) continue d’être utilisé. Ses parois ont été refaites et enduites par le même type de revêtement que celui retrouvé dans les bassins 1/13 et 1/20 (à inclusions sableuses). L’ensemble formé par ces différents bassins correspond apparemment à une seconde installation de pressurage, venant compléter celle mise en place antérieurement (1/19). Il est tentant d’interpréter le bassin 1/13 comme un fouloir. Le bassin 1/20 pourrait être un espace de pressurage : la présence d’une empreinte circulaire évoque la

trace d’une cage de pressoir, peut-être à vis directe. Le faible diamètre de l’empreinte faite sur le tuileau peut indiquer une machine de petite dimension. Le bassin 1/17 situé en contrebas des deux précédents est probablement la cuve de recueil des moûts. L’écoulement entre les structures de pressurage/foulage et cette cuve était assuré par les rigoles. La fouille montre que celles-ci étaient toujours utilisées à cette période. Entre les deux bassins supérieurs et la cuve, de larges ouvertures ont été aménagées à l’emplacement des rigoles pour assurer l’écoulement. Au nord de la pièce 1/12, une ouverture met en communication cette probable installation de pressurage avec la canalisation 1/6 (élévation représentée supra, figure 11). Le seuil de cette ouverture surplombe de 0,5 m le sol de la pièce, ce qui exclut a priori l'hypothèse d'une porte. Il s’agit plus vraisemblablement d’un passage technique mettant en relation la pièce avec la canalisation. Est-ce pour fournir de l'eau pour les besoins de l’installation de pressurage ? L’hypothèse est séduisante, pressoirs et fouloirs nécessitant de l’eau, notamment pour les opérations de nettoyage. On peut aussi se demander si cette ouverture, située à côté de la cuve de recueil, n'a pas servi à évacuer certains résidus de décantation, telle la « bourbe », qui se dépose au fond des cuves de recueil. L’eau de la canalisation pouvait également être utilisée pour les tonneaux et les foudres. Ces récipients en bois nécessitent de l'eau pour différents usages. On peut les remplir d’eau pour les faire gonfler (« embugage ») et en parfaire l’étanchéité. On évite ainsi que les fûts ne suintent lorsqu'on y verse le moût ou le vin. L’eau peut enfin être utile pour nettoyer les vaisseaux en bois lorsqu’ils ont été vidés. 3.2.4. Cloisonnement de la partie sud-ouest du complexe agricole : une zone de circulation et un nouveau bâtiment (phase 2F2) Au sud de cette probable installation de pressurage, les anciennes constructions (pièce 2/3) sont profondément réaménagées (fig. 23). Il est probable que la toiture de cet espace ait été démontée. Deux petites bases de mortier marquent apparemment l’aménagement d’une nouvelle couverture, partielle, peut-être un appentis aménagé à l’entrée de l’installation de pressurage. Une zone de cheminement est particulièrement visible dans l’axe de cet appentis (2011). À cet endroit, le sol de tuileau antérieur a disparu, laissant apparaître le radier. Des traces d’usure liée à un piétinement répété sont perceptibles à la surface de ce radier, qui forme alors une authentique calade. Plus au sud, cette zone de circulation, large d’environ 4 m, oblique vers l’est et s’engage au delà des limites de la fouille. À l’ouest de ces aménagements, un grand mur nordsud (2155) est construit, créant ainsi un bâtiment longiligne, long d’au moins 16 m et large de 3 m. Un accès peut être RAN, 42, 2009, pp. 115-216

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Fig. 23 : Hypothèse de restitution des installations vinicoles au terme des différentes campagnes de construction (phase 1F2c, entre le IVe et le début du Ve s.), (L. Buffat).

Fig. 24 : Le fouloir et le pressoir supposés vus du sud. Les deux bassins visibles en bas à gauche sont postérieurs (L. Buffat).

Fig. 25 :Vue de la trace circulaire interprétée comme la trace d’un pressoir à vis direct (L. Buffat).

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restitué au nord. On ne sait trop comment interpréter ce bâtiment, faute d’aménagements significatifs. S’agit-il d’une salle dans laquelle étaient entreposés des tonneaux ? L’hypothèse est envisageable. Apparemment la rigole qui traverse cette salle n’est pas bouchée et l’écoulement vers la cuve de recueil (1/17) continue de fonctionner. Si l'on suit cette hypothèse, il faudrait restituer un stockage dans des foudres de petite dimension, vu l’étroitesse de la pièce. 3.2.5. Une grande installation vinicole

À la suite des différents phases de travaux précédemment décrits, l’installation agricole de La Gramière comprendrait donc deux unités de pressurage vinicole : l’une à l’ouest, que nous venons de présenter, l’autre à l’est construite antérieurement (1/19). Il reste à s’interroger sur l’emplacement et la morphologie de l’espace dévolu au stockage du vin. L’absence de dolia n’est pas surprenante dans ces contextes tardifs où l’usage des récipients en bois pour la conservation du vin s’est généralisé (Tchernia, Brun 1999 : 64). La salle 1/7, par ses dimensions importantes (105 m2) et la présence de rigoles, pouvait accueillir des foudres et tonneaux. Nous avons déjà évoqué les cas de grands bâtiments à rigoles utilisés comme chai, notamment en Charentes (Balmelle et al. 2001 : 142-148, 158-159). À La Gramière, les écoulements pouvaient être dirigés vers la cuve de recueil (1/17). Mais on ne peut en être certain : les rigoles aménagées sous le mur de séparation entre la grande unité de pressurage (1/12) et le chai supposé (1/17) ont été bouchés avec du mortier à une époque difficile à préciser. Un autre chai pourrait prendre place à l’ouest, dans la salle 2/1, comme nous l’avons proposé plus haut (supra, § 3.2.4). 3.2.6. Datation des installations vinicoles et des transformations du bâtiment agricole (phases 1F1c à 1F2c, 2F2)

Reconnaissons qu’il n’est pas facile de dater avec précision les différentes étapes de mise en place des cuves et des installations de pressurage. Les contextes avec mobilier sont effectivement fort rares. Le terminus ante quem est fixé par l’abandon des fouloirs/pressoirs dégagés au nord-ouest (1/13 et 1/20). Celui-ci est daté par la céramique de la première moitié du Ve s. ap. J.-C. L’épierrement d’un pilier antérieur (1480), réalisé lors de la construction de ce même complexe fouloir/pressoir, fournit un terminus post quem à la construction de la seconde installation de pressurage. La fosse d’épierrement a effectivement livré de l’amphore africaine et de la céramique à pisolithes, notamment une urne PISO A13, datée de la seconde moitié du IVe s. et du début du Ve s. (Raynaud in Py dir. 1993 : 529). Si l’on considère que cette installation, abandonnée dans la première moitié du

Ve s., a fonctionné quelques décennies, il faut en situer la construction dans le seconde moitié du IVe s. Nous n’avons en revanche pas d’éléments pour dater la construction de l’installation de pressurage 1/19, dégagée à l’est. Un large IVe s. est une hypothèse envisageable. 3.3. Au Ve s. : remaniements de l’installation vinicole, condamnation du dispositif hydraulique (1F3 [=2F3], Ve s.) Le V e s. correspond à une période de transition importante (fig. 26). Les aménagements hydrauliques sont effectivement abandonnés et comblés. Le bâtiment agricole subit également des évolutions. Les principales installations de pressurage vont être comblées durant cette période, mais un nouveau bassin pérennisera la production vinicole, dans des proportions plus modestes. Vers l’est, le chai est divisé en plusieurs pièces. 3.3.1. L’abandon des structures hydrauliques

Un abondant mobilier (2879 fr. de céramique) permet de dater le comblement de la canalisation 1/6 des années 420-440 (fig. 27). La canalisation est bouchée par des niveaux de démolition (tuiles, pierres) ou de dépotoir (céramique, faune). Des sols sont réaménagés au sommet du comblement de la canalisation (1466 et 1485). Ces sols se trouvent 1,5 m plus haut que le fond de la canalisation, surplombant très nettement les aménagements situés en contrebas. Un foyer circulaire (1097), repéré à l’est, témoigne d'une activité artisanale ou agricole. Les petits bassins réaménagés dans l’ancienne citerne pourraient être comblés à la même période. Mais il est difficile de le certifier. Les céramiques collectées par J.-P. Beaumont se rattachent au même faciès que celles trouvées dans la canalisation, mais leur provenance stratigraphique est incertaine. 3.3.2. Comblement des bassins vinicoles (1F2d), mise en place d’une nouvelle cuve (1F3)

Dans la partie nord-ouest du bâtiment agricole (salle 1/12), différents aménagements sont abandonnés durant le Ve s. Ainsi, le complexe de pressurage est délaissé dans la première moitié du Ve s. (fig. 26). Les différentes structures (pressoir, fouloir) qui le constituent sont comblées partiellement ou totalement. Mais cette condamnation des installations n’est ni synchrone, ni homogène. Le pressoir et le fouloir présentent des remblaiements différents (1234 : marne jaune dominante ; 1479 : tuiles dominantes). La grande cuve centrale (1/17) est comblée par un effondrement de toiture, consécutif à un incendie. Ce remplissage est marqué à la base par un niveau charbonneux correspondant apparemment à la charpente calcinée (1556). Des traces de rubéfaction ponctuelles ont également été observées sur le sol de tuileau entourant ce bassin. Cet incendie n’a apparemment eu qu’un caractère localisé.

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À l’est, l’autre installation de pressurage (1/19) est également abandonnée au Ve s., certainement dans la première moitié de ce siècle d'après les céramiques trouvées dans le remplissage du bassin (couches 1179 à 1183). L’abandon de ces installations ne signifie pas pour autant la fin de l’activité vinicole. Une nouvelle cuve (1/18) à cupule de décantation est effectivement édifiée en remplacement de l’installation de pressurage occidentale (pièce 1/12). Limitée par des murs liés à l’argile, elle mesure 1,2 x 2,3 m (fig. 26). Elle n’est conservée que sur une profondeur de 0,45 m. La capacité restituée (12,5 hl) n’est qu’un strict minimum. Ce bassin est enduit d’un béton de tuileau classique, recouvrant le fond et les parois, mais ne dispose pas de boudins d’étanchéité. L’emplacement du pressoir ou fouloir en relation avec cette cuve n’est pas connu. La continuité de l’activité

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vinicole que suggère ce bassin est confirmée par l’étude carpologique qui montre la présence constante de vitis dans les niveaux du Ve s. (Us 2271, 2248).

3.3.3. Des sépultures

Deux sépultures d'enfants ont été retrouvées au nordouest de la fouille. Leur mise en place intervient tardivement. Elles recoupent les remblais qui condamnent, dans le second quart du Ve s., la canalisation 1/6. La première sépulture (1408, localisation : fig. 26 et 28) correspond à une bâtière de tegulae, de direction est-ouest. Elle contenait les restes fort dispersés d’un jeune enfant. Une partie des ossements a été retrouvée à l’extérieur de la tombe, notamment en-dessous. Cet éparpillement est probablement lié à des phénomènes de soutirage ou à l’action de fouisseurs.

Fig. 26 : Plan des évolutions du site dans le courant du Ve s. (phases 1F2d [= 2F2] et 1F3 [= 2F3]), (L. Buffat).

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La seconde sépulture (1462, localisation : fig. 26 et 29) se trouve un peu plus à l'ouest. Elle est orientée la tête à l’ouest. Seul un clou a été retrouvé en association. Il pourrait indiquer l’existence d’un coffre en bois. Le squelette de l'enfant, mieux conservé que celui de la première tombe, présentait de nombreuses connexions. 3.3.4. Transformations de la partie est du bâtiment agricole (1F3, 2F3)

Dans la partie est du bâtiment agricole (fig. 26), l’ancien chai (supposé) est divisé en 3 salles par la construction de murs à liant de terre (1292 et 2095). La pièce 1/14 utilise toujours le sol de tuileau antérieur (1313). C’est apparemment à cette période que le mur 1185 est contreforté au nord par une construction à liant de terre (1259). Dans son

alignement, les traces d’un pilier constitué de gros blocs liés à la terre ont été reconnues. Avec le pilier antérieur, ces nouvelles constructions révèlent peut-être la mise en place d’un nouveau système de couverture. L’absence d’aménagement particulier rend difficile l’interprétation de cette pièce. L’extrême rareté de la céramique et l’absence de foyer excluent l’hypothèse d’un habitat. On peut en revanche noter que le niveau qui condamne le sol de tuileau (1370) a livré plusieurs coprolithes. L’analyse parasitologique de ces derniers a révélé la présence d’œufs d’ascaris, qui proviendraient de porcins (étude inédite, G. Chavés da Rocha). Plus à l’est, la pièce 1/15 présente des dimensions plus modestes que sa voisine (5,1 x 7,3 m). Elle continue également à utiliser le sol de tuileau existant (1313),

Fig. 27 : Exemple de mobilier de la première moitié du Ve s. Céramiques provenant du comblement de la canalisation (1/6). Les céramiques communes sont dominées par les productions à pisolithes, mais on note la présence de quelques céramiques kaolinitiques (celles-ci deviennent majoritaires à partir de la fin du Ve s.). Parmi les amphores, les productions africaines et hispaniques (Bétique, Lusitanie) sont les plus abondantes (L. Buffat).

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ponctuellement recouvert par des lambeaux de sol (1344, 1368). On sait peu de choses sur la fonction de cette pièce, en l’absence d’aménagements caractéristiques. 3.3.5. L’évolution de la partie sud-ouest du bâtiment agricole (phase 2F3)

Dans la partie sud-ouest du bâtiment, le Ve s. est marqué par des modifications assez minimes des structures existantes (fig. 26). On relève surtout des remblaiements sur les sols antérieurs, sous la forme de niveaux riches en céramiques, en faune et en coquillages (huîtres notamment). Ces remblaiements interviennent dans le seconde moitié du Ve s. (2167, 2246). Au sud, un épais niveau de mortier est coulé sur les sols antérieurs (2226).

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Dans la pièce 2/1 (considérée comme un chai secondaire : supra, § 3.2.2), la partie nord est cloisonnée par de nouveaux murs à liant de mortier (2154, 2157). On ignore si la partie sud a également été cloisonnée, ce secteur étant arasé. Le tuileau est abandonné et recouvert par des sols en terre (2163, 2166), installés une vingtaine de centimètres plus haut. L’absence d’aménagements domestiques (foyer) et de mobilier laisse penser que, malgré ces modifications, le bâtiment conservait une vocation utilitaire. À l’ouest, la pièce 2/2 est toujours occupée. Plusieurs petites fosses y sont présentes (2238, 2239, 2240), de même qu’un foyer (2234) constitué de dalles rubéfiées. Celui-ci est associé à un niveau particulièrement charbonneux (2206). On ne sait s’il faut voir dans cet ensemble des aménagements domestiques ou artisanaux. 3.4. Une perspective générale sur l’établissement du bas Empire : les données de la prospection

Fig. 28 :Vue de la sépulture 1408

(L. Buffat).

Fig. 29 :Vue de la sépulture 1462

(L. Buffat).

La fouille atteste une forte occupation du site de La Gramière tout au long du bas Empire. Mais il nous faut voir d’une façon plus globale quelle pouvait être la superficie occupée par l’établissement à cette période. En ce sens, les prospections fines permettent d’émettre quelques hypothèses sur les limites de l’établissement à cette époque (fig. 30). La zone de plus forte concentration des artefacts s'étend sur environ 2,5 ha. Mais les travaux révèlent des zones sans indices à l'intérieur de la concentration : c'est le cas au sud du chemin qui traverse le site d’est en ouest. Ce vide paraît lié à l'aménagement de terrasses agricoles modernes (décaissements lors de la mise en place des « restanques »). De la même façon, l'extension de la concentration au sud-ouest est vraisemblablement masquée par les remblaiements qui ont accompagné la construction d'une autre terrasse. Il est possible que l’établissement soit plus développé que ne le laissent penser les prospections actuelles. Le bas Empire est apparemment une période d'expansion du site. On enregistre en effet une forte densité d'indices des IVe-Ve s. sur une surface de près de 2,5 ha, soit 1 ha de plus que pour le haut Empire. Le site se développe apparemment vers le nord-ouest, en bordure de la zone fouillée. Il est en revanche difficile de raisonner sur l’organisation de l'établissement. On ignore notamment la datation des thermes exhumés au sud par P. Olive (supra, § 2.2.2). Il reste impossible d’affirmer que ceux-ci fonctionnaient au bas Empire, même si à cet emplacement le mobilier tardif est abondant en surface (amphore africaine, amphore Dr. 23, céramique à pisolithes). La prospection révèle également une zone dense en scories de fer. Ces scories (une dizaine, réparties sur une surface d’environ 40 m2) correspondent de toute évidence à des scories de forge : gangues ferreuses hétérogènes et alvéolées, en forme de calotte. Elles pourraient marquer l’emplacement d’une petite forge ou d’un dépotoir de forge, de chronologie tardive d'après les céramiques présentes en surface.

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Une petite concentration de mobilier se développe une centaine de mètres au nord de la villa (fig. 30). Elle livre de gros fragments de tegulae, mais pas de céramiques. Elle pourrait marquer l'emplacement de la nécropole de la villa tardive. Plusieurs agriculteurs nous ont signalé que le défonçage de la parcelle avait livré de nombreux ossements humains et des vases complets (aujourd'hui perdus). Compte tenu de ces indications, on peut y restituer des sépultures à inhumation sous tegulae.

4. L'ÉVOLUTION DE L'ÉTABLISSEMENT AUX PREMIERS SIÈCLES DU MOYEN ÂGE (PHASE E, VI S. - VIII S. ap. J.-C.) e

e

Au début du Moyen Âge (VIe-VIIIe s.), l’occupation s’est poursuivie à l’emplacement de la villa romaine sans que ne survienne de période d’abandon (fig. 31). Les premiers siècles du Moyen Âge sont représentés par de

nombreuses structures qui portent la trace de multiples remaniements. Les occupants du site ont largement tiré parti des éléments encore visibles de l’établissement antique. Cette « survie » du cadre architectural romain est particulièrement intéressante, car elle est rarement démontrable sur les sites, faute de vestiges suffisamment conservés. Les changements de fonction demeurent assez faibles, l'espace conservant essentiellement une vocation utilitaire : artisanat, stockage et transformation des produits agricoles (vin, céréales). Il n'accueillera que tardivement un habitat. Le phasage de ces structures paraîtra compliqué, mais la fouille atteste une évolution constante des structures d'occupation, caractérisée par une multitude de petits états architecturaux. Il aura fallu un très long travail (en fouille et post-fouille) pour démêler cet écheveau complexe. L'étude céramologique a amené, là où la stratigraphie ne

Fig. 30 : Répartition des indices gallo-romains (au sens large : tegula, céramique oxydante), des formes céramiques du bas Empire et des fragments d’amphore africaine (selon un maillage d’un rang de vigne sur trois), (L. Buffat, J. Guerre).

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permettait pas de trancher, de notables avancées, grâce à des recollages interstratigraphiques ou des comparaisons entre les ensembles céramiques.

Fig. 31 : Les constructions des VIe-VIIe s. recouvrant les vestiges romains au nord du chantier.Vue en cours de fouille, (L. Buffat).

4.1. Les premiers temps de l'occupation du haut Moyen Âge : structures artisanales et agricoles (phases 1E1a à 1E1d - fin du Ve s.- début du VIIe s. ?)

4.1.1. De nouvelles transformations du bâtiment agricole à la phase 1E1a (fin Ve s.-milieu VIe s)

La plus ancienne occupation médiévale (phase 1E1a) se développe à l’intérieur des bâtiments gallo-romains (fig. 32). Il apparaît clairement que la plupart des murs antiques sont restés en élévation à cette époque. Vers l’ouest, la pièce 1/12 ne connaît pas de bouleversements importants. L'unité de foulage/pressurage antérieure a été précédemment condamnée, et ses murs probablement arasés. Mais l'activité vinicole ne cesse pas pour autant. Un nouveau bassin (1/18), construit au Ve s., continue de fonctionner durant cette phase. La pièce est remblayée (surtout par apport de substrat marneux) et accueille de nouveaux sols en terre (1434 et 1253). Le niveau de circulation se trouve rehaussé de 20 à 30 cm par rapport au niveau antique. Ces sols comportent deux fours (1365, 1458) qui témoignent de la vocation artisanale et agricole de cet espace.

139

Au nord-ouest, se trouve un foyer (1365, fig. 33), qui a connu au moins deux périodes de fonctionnement. Dans son premier état, le foyer correspond à une structure circulaire d’une cinquantaine de centimètres de diamètre. Il est posé sur un radier de pierres et de fragments de tuiles. Les parois sont constituées d’un cordon d’argile, rubéfié sur une épaisseur de 4 à 5 cm. Le second état est marqué par une réduction du four. Des pierres sont placées à l’intérieur du laboratoire, laissant au centre un espace réservé, de forme longiligne (environ 6 x 30 cm), constituant la nouvelle chambre de chauffe. La gueule du four est ouverte vers l’ouest. De nombreuses scories ont été retrouvées dans son comblement. Un premier examen de celles-ci indique apparemment qu’il s’agit de scories de verre. L’hypothèse d’un four de verrier paraît envisageable. Les petites dimensions du four ne sont pas contradictoires avec cette interprétation, de même que la découverte dans différentes couches du VIe-VIIe s., de possibles fragments de creusets (en général, des fragments de céramique kaolinitique comportant un dépôt de verre - liste des Us : 1152, 1164, 1218, 1222, 1235, 1236, 1252, 1273, 1382). L'utilisation de vases d'usage courant par les verriers est signalée au Ve s. sur l’établissement d'Eyguières (Bouches-du-Rhône). En l'occurrence, ce sont des marmites en céramique à pisolithes de forme B5 qui sont utilisées (Pelletier, Poguet 2000 : 308). À l’ouest du four, une fosse est présente (1366). Son remplissage était exclusivement constitué de charbons de bois. Il pourrait s'agir d'une fosse destinée au stockage du charbon de bois utilisé dans le four 1366. On connaît un exemple comparable dans l’installation métallurgique de la Ramière (Maufras, Fabre 1998). Un autre four est installé plus au sud (1458). Orienté selon un axe est-ouest, il présente une forme sub-rectangulaire et mesure 1,1 x 0,7 m (fig. 34). Encaissé dans le sol, il est profond de 0,15 m et comporte des parois légèrement évasées et rubéfiées sur 3-4 cm. Son remplissage correspond, dans la partie supérieure, à de la cendre blanchâtre incluant de nombreux charbons (1459), dans la partie inférieure à une terre charbonneuse noirâtre contenant quelques gros blocs (1467). Contrairement au four 1365, il n’a livré aucune scorie ou trace d’artisanat. Il semble qu’il s’agisse plutôt d’une structure à usage agricole, par exemple pour le séchage des grains ou d’un four culinaire, comme ceux utilisés depuis la protohistoire pour la cuisson de pains ou de galettes (structure de type clibanus). Autour du four, un grand nombre de trous de poteau a été repéré. On peine à déceler l’organisation des trous de poteau les plus grands. En revanche, pour les plus petits, qui s'assimilent par leur faible diamètre à des trous de piquet, un alignement significatif permet de restituer une cloison en matériaux périssables (fig. 32).

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À l'est, dans les pièces 1/14 et 1/15, des remblais (1370, 1308) recouvrent les sols de tuileau antiques, exhaussant le niveau de circulation d'une vingtaine de centimètres. Les creusements et aménagements postérieurs

n’ont laissé subsister que peu de choses de cet état d’occupation. On a cependant reconnu deux fosses (1391, 1392) qui pouvaient être vouées au stockage. Plus au nord, un petit ensemble comporte deux petits trous de

Fig. 32 : Les transformations de la partie nord du bâtiment agricole entre la fin du Ve et la première moitié du VIe s.(phase 1E1a), (L. Buffat).

Fig. 33 : Relevé du four 1365

(N.Viala).

Fig. 34 : Le four 1458 vu du sud

(L. Buffat).

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poteau de forme sub-rectangulaire (1359, 1360), placés dans le même axe que le pilier et correspondant peut-être à une délimitation en matériaux périssables (cloison en planches ?). Les céramiques situent cette phase entre la fin du Ve et la première moitié du VIe s. (fig. 35). Elles sont assez abondantes (1210 fr. répartis sur 28 contextes). Les importations y sont très rares : quelques fragments d’amphore africaine, notamment une lèvre de type Keay 62L. Parmi les céramiques fines, quelques D.S.P. grises sont présentes, de même que des céramiques luisantes. Les céramiques kaolinitiques sont très largement dominantes dans les lots. Produites non loin du site (à une dizaine de kilomètres, en Haute-Uzège) elles deviennent largement majoritaires dans les contextes régionaux au VIe s. Le répertoire est proche de celui de la rue de Sauve à Nîmes, daté de la première moitié du VIe s. ap. J.-C. (Raynaud 1990 : 244250). Il rappelle également le matériel d’un silo (230) de Lunel-Viel daté de la deuxième moitié du Ve s. ou du début du VIe s., (Raynaud 1990 : 244-250). Les ensembles de La Gramière présentent cependant des pourcentages nettement plus élevés de céramique kaolinitique que ces ensembles de comparaison.

141

4.1.2. Modifications de la salle 1/12 (Phase 1E1b, courant VIe s.) La phase d'occupation suivante (1E1b) est marquée par des remaniements qui interviennent à l’intérieur de la pièce 1/12 (fig. 36). Ceux-ci affectent la partie sud de la pièce, qui est divisée en 3 grands espaces par la construction de murs liés à la terre. Ces murs ne disposent pas de fondation et leur première assise est posée directement sur le sol de terre (1434). La partie sud-est du dispositif est occupée par une pièce (1/21) d’environ 6 m2 (2,2 x 2,7 m), dans laquelle on accédait au sud-ouest par une porte, sommairement aménagée (absence de seuil en pierre). Dans la partie centrale du bâtiment, on trouve une construction (1446), qui correspond soit à un mur, soit à une base de pilier (fig. 37). À l’ouest, des constructions très dégradées complètent cet ensemble. Deux murs (1441, 1453) délimitent une pièce (1/22). À l’angle nord-est de cette pièce, une construction a été rajoutée (1454), mais sa fonction reste énigmatique. À l'ouest, un nouveau bassin est construit (1/25), tandis que le bassin 1/18 est comblé par de gros blocs. Cette nouvelle structure, de taille modeste (0,8 x 1,3 m), est bâtie de

Fig. 35 : Quelques contextes céramiques de la phase 1E1a (fin Ve s.-milieu VIe s.), (L. Buffat). RAN, 42, 2009, pp. 115-216 fichier EDITEUR destiné à un usage privé

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façon sommaire : ses murs, peu épais, sont liés à la terre et ne comportent qu'un enduit maigre dont ne subsistent que quelques lambeaux. Sa contenance minimale est de 5 hl. Le pressoir n'est pas clairement identifié. On proposera à titre d'hypothèse de le restituer au nord, à l'emplacement du bassin antérieur (1/18), comblé par une épaisse couche

de pierres. Là encore, on peut envisager une production viticole. Les restes carpologiques de vitis sont effectivement abondants dans les niveaux des VIe-VIIe s. ap. J.-C. (Us 1138, 1214, 1365, 1366, 1408, 1451, 1467, 2240, étude N. Rovira). Il faut également signaler la découverte d’une serpette de vendangeur dans un niveau spatialement

Fig. 36 : Réaménagements du VIe s. (phase 1E1b), (L. Buffat, E. Saccard).

Fig. 37 : Pièces 1/21 et 1/22 vues de l’ouest. Les murs visibles sur les côtés de la photographie sont postérieurs (L. Buffat).

Fig. 38 : Reconstitution d’une grange gallo-romaine (d'après Ferdière 1988 : 72).

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et chronologiquement proche (Us 1223, phase 1E1c). Dans la partie nord de la salle 1/12 se développe un vaste espace, dans lequel deux foyers lenticulaires ont été reconnus. Cet espace pouvait convenir pour le stockage de différentes productions (foin, céréales, vin). L’organisation d’ensemble du bâtiment présente des similitudes avec des granges gallo-romaines connues en Lyonnaise ou en Aquitaine (Ferdière 1988 : 72-73). Ce type de grange prend généralement la forme de « bâtiment de forme carrée, comportant une grande salle, précédée d’un large portail, lui-même flanqué de deux pièces annexes » (Ferdière 1988 : 72). Les composantes sont ici réunies pour envisager cette hypothèse (fig. 38). La présence d'un bassin vinicole suggère cependant une pluralité des fonctions : stockage certes, mais aussi pressurage ou foulage du raisin (fig. 39).

Datation de la phase Le mobilier de cette phase est peu abondant (342 fr. pour 16 contextes). Il ne présente d’un point de vue typologique que des différences minimes avec les ensembles de la période précédente (1E1a, cf. supra, fig. 35). La céramique kaolinitique constitue l’essentiel du mobilier. La typologie invite à situer cette phase dans un large VIe s. ap. J.-C., plus vraisemblablement dans la première moitié de ce siècle.

143

Fig. 39 : La cuve 1/25 vue de l’ouest. Cette cuve est visible en bas, à droite de la photo. En bas à gauche, la cuve antérieure 1/18. En haut, le pressoir antérieur 1/20 (L. Buffat).

4.1.3. Abandon et traces sporadiques d'occupation (phase 1E1c)

La désaffection des constructions de la salle 1/12 est marquée par l'apparition de plusieurs niveaux d'abandon (fig. 40). Les traces d’occupation sont sporadiques et principalement localisées au nord-ouest de la pièce 1/12. Il s’agit de deux fosses (1241, 1237), peut-être destinées au

Fig. 40 : Les vestiges d’une phase mal caractérisée (1E1c), (L. Buffat, E. Saccard). RAN, 42, 2009, pp. 115-216 fichier EDITEUR destiné à un usage privé

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stockage. Au sud-ouest, une grande fosse de 2 x 3 m est creusée (1470). Elle épargne soigneusement le bassin 1/25 qui pourrait continuer de fonctionner. Le mobilier de cette phase présente d’un point de vue typologique de faibles différences avec celui des deux phases précédentes. Un large VIe s. est l’hypothèse la plus vraisemblable.

4.1.4. Des réaménagements assez discrets (phases 1E1d et 1E1e, seconde moitié VIe-début VIIe s. ?)

Trous de poteau et fosses Les restructurations que connaît le bâtiment témoignent d'une occupation peu organisée dont on a du mal à saisir les formes exactes (fig. 41). Le fait le plus marquant correspond à l’implantation d’une série de poteaux, selon un axe est-ouest, au sud de la pièce 1/12 (1471, 1419, 1418, 1424, 1416). Ces vestiges permettent peut-être d’envisager l’existence d’un nouveau système de couverture. Entre ces poteaux et le mur situé au sud apparaissent différentes traces d’occupation : un lambeau de sol (1451) associé à un dépôt cendreux (1456) et deux fosses (1413, 1431). Au nord de la pièce, des niveaux de sol se succèdent à cette période (1221, 1228). C’est probablement à la même période que se développent vers l’est plusieurs grands creusements qui se recoupent mutuellement : la fosse 1345 (phase 1E1e), d’usage indéterminé, et la fosse 1346, dont le remplissage, exclusivement constitué de pierres, pourrait être lié à l’aménagement d’un drain. Plusieurs fosses circulaires de dimensions moyennes sont creusées plus à l’est, mais restent attachées hypothétiquement à cette phase (1282,

1284). Peu profondes (une trentaine de centimètres), il pourrait s’agir de trous de poteau ou de dispositif de stockage (type silo).

Une grande fosse (phase 1E1e) Au nord de la pièce 1/12, une grande fosse à parois évasées (1265, fig. 41), profonde d’environ 1 m, vient percer des niveaux de sol antérieurs (1221, 1228 phase 1E1d). Il est possible que les aménagements précédemment décrits (calages de poteau de la phase 1E1d) continuent de fonctionner. On ignore quelle pouvait être la fonction de ce creusement. L’hypothèse d’une fosse de stockage est possible, celle d’un fond de cabane étant peu probable vu l’irrégularité du creusement et l’absence d’éléments porteurs.

Datation des phases 1E1d et 1E1e Les phases 1E1d et 1E1e ont livré une quantité importante de céramiques (3042 fr. pour 31 contextes). Les productions kaolinitiques dominent toujours mais les caractères typologiques ont évolué (fig. 42). D’une part les marmites (KAOL B32, B24) tendent à se raréfier, d’autre part les urnes à bord triangulaire connaissent des évolutions. Celles-ci sont complexes : on relève dans certains cas une diminution de la hauteur des cols pour les types classiques (A22, A29). Une influence du répertoire rhodano-alpin de le seconde moitié du VIe s. et de la première moitié du VIIe s. est perceptible sur certains de ces vases (Faure-Boucharlat dir. 2001 : 228-229, 384, 259). Apparaissent également des urnes à bord mouluré (A23) préfigurant le type CATHMA 7 des VIIIe-IXe s., ainsi que

Fig. 41 : Les réaménagements et creusements attribués aux phases 1E1d et 1E1e (entre le milieu du VIe s. et le milieu du VIIe s.), (L. Buffat).

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des urnes à bord déversé simple (type KAOL A20, A26, A27). Il faut noter aussi la présence de quelques tessons de céramique « bistre » abondante en Bourgogne, mais rare dans la région. Elle est attestée dans un contexte du

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VIIe s. à Dassargues dans l’Hérault (Garnier et al. 1995 : 14, fig. 11, n° 12). Les comparaisons typologiques et la chronologie relative invitent à situer ces contextes entre le milieu du VIe et le milieu du VIIe s.

Fig. 42 : Échantillonnage des céramiques des phases 1E1d et 1E1e (entre le milieu du VIe et le milieu du VIIe s.), (L. Buffat).

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4.2. De nouvelles constructions

(phases 1E1f à 1E1j, fin du VIe - courant VIIe s.)

4.2.1. Recomposition de la salle 1/12 (phases 1E1f, 1E1g) Après une période de relative atonie (phases 1E1c à 1E1e), d'importants remaniements architecturaux sont réalisés (fig. 43). Ils marquent les premiers travaux de construction conséquents réalisés depuis le début du Moyen Âge. Les murs sud et est de la salle 1/12 sont arasés pour faire place à de nouveaux murs (1177 et 1422, phase 1E1f). Ainsi recomposée, la pièce présente un plan rectangulaire. Elle couvre une vaste superficie, environ 85 m2 (12 x 7 m). Elle comporte dans sa partie centrale une structure constituée de gros blocs, seule structure du haut Moyen Âge, qui utilise un liant de mortier. Cette construction est à l’évidence un soubassement de pilier, soutenant la charpente. Il est intéressant de noter que la toiture de cette pièce, dont on a retrouvé une partie de l’effondrement, était constituée de tegulae et d’imbrices (infra, § 4.3.4). Le cas observé ici n’est pas isolé. L'utilisation de ce mode de couverture typiquement gallo-romain a en effet été constatée sur d'autres sites languedociens du haut Moyen Âge (dans l’habitat des VIIeVIIIe s. fouillé sur le Mont Bouquet dans le Gard : CAG, 30/2, 048-3, 260 ; ou encore à Dassargues dans l’Hérault : Garnier et al. 1995 : 37). Malgré ces remaniements, ce grand bâtiment dépourvu de structures domestiques présente toujours les caractéristiques d'une grande salle utilitaire, éventuellement vouée au stockage. À l’est, la construction du petit bâtiment 1/8 (phase 1E1g) intervient probablement peu de temps après la recomposition du bâtiment 1/12 (fig. 43). Appuyée contre le grand mur qui délimitait le bâtiment romain (1090), cette nouvelle construction couvre un espace intérieur de 22 m2 (7,2 x 3,1 m).

4.2.2. Un artisanat métallurgique (phases 1E1h/1E1i) À l’intérieur de ce nouveau bâtiment (1/8), prend place un foyer (1141, fig. 44, 45). Il correspond à une petite fosse sub-rectangulaire profonde d’une trentaine de cm. Les parois de cette fosse présentent une teinte blanchâtre révélatrice d'une intense combustion (fig. 45). La présence de scories de fer et de battitures dans le comblement (1138 et 1139) indique qu’il s’agit d’un foyer de forge. Un petit creusement longiligne et peu profond, repéré au contact sud-est de la fosse, pourrait marquer l’emplacement de la tuyère du soufflet. Dans la partie occidentale de la construction, la stratigraphie indique l’existence d’une fosse (1247). Cette fosse présente une forme régulière, des parois légèrement évasées et une profondeur d’environ 0,9 m. Le soin apporté à son creusement et son volume important, en regard des fosses de la même période, sont de bons indices pour

Fig. 44 : Le foyer de forge de la pièce 1/8 (VIIe s., phase 1E1h/1E1i), (L. Buffat).

Fig. 43 : Les constructions réalisées lors des phases 1E1f et 1E1g (fin du VIe-courant VIIe s.), (L. Buffat, E. Saccard). RAN, 42, 2009, pp. 115-216 fichier EDITEUR destiné à un usage privé

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l’interpréter comme un silo. C’est probablement durant cette même phase que le bâtiment 1/12 est divisé en deux pièces longilignes (1/23 et 1/24) par la construction d’un mur de refend, solidement fondé (1314). Le mobilier de cette phase comporte toujours des influences rhône-alpines (fig. 46). Il présente des analogies avec des faciès du courant du VIIe s. : Beynost (Faure Boucharlat dir. 2001 : 259, 260), Trévoux (Faure Boucharlat dir. 2001 : 228, 229), Lyon/rue Audry (Faure Boucharlat dir. 2001 : 386). Il faut retenir une datation dans le courant du VIIe s.

Fig. 45 : Le foyer de forge vu de l’est (L. Buffat).

4.2.3. Transformation de la salle 1/8 en habitat (phase 1E1j - entre le milieu du VIIe et le milieu du VIIIe s. ap. J.-C.) La période suivante voit la construction d’un mur de refend (1162) qui divise le petit bâtiment en deux pièces de dimensions inégales (1/8 et 1/9, fig. 47). Dans la pièce 1/8, un sol est aménagé sur un remblai (1148). Deux foyers sont en relation avec ce sol. L’un (1146) correspond à une sole argileuse installée sur un radier formé par des petits fragments de lauzes (fig. 48). L’autre (1113), un peu plus récent comme l'indique la stratigraphie, est marqué par un assemblage de blocs, en étroite relation avec

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une couche charbonneuse (1112). Ces deux foyers ont de toute évidence une fonction domestique. Quatre fosses sont contemporaines de ces aménagements. La première est située à l’angle sud-est de la pièce (1152), la seconde à côté des foyers (1147), la troisième dans la partie ouest de la pièce (1133) et la quatrième à l’angle nord-est (1129). Ces fosses sont peu profondes (de 10 à 15 cm) ce qui exclut a priori l’hypothèse de silos. Elles peuvent par contre correspondre à des structures d’appoint pour le stockage alimentaire. Le bâtiment ouest (1/12) connaît à la même période quelques remaniements importants. La partie occidentale du mur 1314 est démantelée pour aménager une communication entre les pièces 1/23 et 1/24. Les sols présents dans l’ensemble du bâtiment sont compacts, organiques et riches en charbons. Dans la pièce nord (1/24), un sol très compact marque cette nouvelle occupation (1218). Il est caractérisé par des dépôts ponctuels de charbons et par la présence d’une fine chape de mortier épaisse de quelques millimètres. La vocation utilitaire de ce sol est suggérée par la présence d’un catillus de meule à bras en calcaire coquillier. La fonction des aménagements repérés dans la partie nord orientale est plus difficile à déceler. Un trou de poteau (1225), une plaque de mortier percée d’un petit trou quadrangulaire (1226) et une fosse de forme longiligne, comblée principalement par du charbon (1224) constituent les éléments de ce dispositif énigmatique. L’analyse carpologique conduite dans deux couches appartenant à cette phase du bâtiment montre une abondance particulière des plantes fourragères, apparemment d’origine sauvage. Cette information pourrait être retenue pour interpréter ce lieu comme un logement animal. La morphologie du bâtiment conforte elle-même cette hypothèse, compte tenu de l’ampleur de la salle et de l’absence notoire d’aménagements domestiques. La nature organique du sol (1218, 1405) va également dans ce sens, rappelant par son aspect une litière décomposée.

Datation de la phase 1E1j La céramique de cette phase est presque exclusivement composée de productions kaolinitiques réductrices (fig. 49). Certains vases (urnes A29 à lèvre étirée) s’apparentent à des urnes de la région Rhône-Alpes datées du milieu du VIIe au VIIIe s. (Faure Boucharlat dir. 2001 : 260, 386, 388). D’autres céramiques, de forme globulaire,

Fig. 46 : Un exemple de mobilier de la phase 1E1i (silo 1247), (L. Buffat). RAN, 42, 2009, pp. 115-216 fichier EDITEUR destiné à un usage privé

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sont dans une ambiance typologique proche des ensembles trouvés sur le site de San Peyre à Bouquet (Gard), datés de la seconde moitié du VIIe s. ou de la première moitié du VIIIe s. ap. J.-C. (CATHMA 1993 : 150-151). En revanche les bords CATHMA 5, diffusés à partir du VIIIe s., sont absents. Des amphores dites « globulaires » sont présentes (en faible nombre) dans certains contextes, comme sur le site du Bouquet (Gard). En définitive, la typologie conduit à dater cette phase de la seconde moitié du VIIe s. ou du début du VIIIe s. Notons enfin que les premiers décors cannelés apparaissent sur certains vases (ceux-ci se multiplieront aux VIIIe-IXe s., comme le montrent notamment les fouilles du site de Mayran à Saint-Victor-la-Coste : Buffat et al. 2005/2006 : 270-271, fig. 56).

Durant la dernière phase d’occupation (1E1l), la partie orientale du bâtiment est transformée par le creusement d’une nouvelle fosse (1092), parementée à l'ouest par un petit muret (1176). Un foyer constitué d’une dalle de calcaire coquillier (1143) prend place dans la partie ouest du creusement (fig. 51).

4.3. Dernières traces d’habitat : des adaptations sommaires des constructions existantes (phases 1E1k, 1E1l, 1E2, fin VIIe-courant VIIIe s.)

4.3.1. L’occupation de la partie ouest de l’habitation (phases 1E1k et 1E1l)

Par la suite (phase 1E1k), une grande fosse de 1,4 x 2,8 m (1122) est creusée dans la pièce 1/9 (fig. 50). L'hypothèse d'un fond de cabane est à exclure, du fait de la faible emprise de cette fosse et de l'absence de sol. En revanche, celle d'une fosse de stockage ou d'un vide sanitaire est envisageable.

Fig. 48 : L’habitat 1/8 vu de l’est. Les aménagements visibles se rattachent pour l’essentiel à la phase 1E1j. Le mur visible au premier plan est carolingien (L. Buffat).

Fig. 47 : Le bâtiment agricole et l’habitat (phase 1E1j), (L. Buffat, E. Saccard). RAN, 42, 2009, pp. 115-216 fichier EDITEUR destiné à un usage privé

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Fig. 49 : Exemples de céramiques de la phase 1E1j

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(L. Buffat).

Fig. 50 : Dernières modifications de l'habitation (phases 1E1k et 1E1l), (L. Buffat). RAN, 42, 2009, pp. 115-216 fichier EDITEUR destiné à un usage privé

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Ce foyer suggère que l’excavation pouvait servir au moins ponctuellement, d’habitat. Vers l’est, des aménagements pourraient s’intégrer à ce petit édicule : deux fosses de faible profondeur (1118 et 1139) et une fosse à profil en entonnoir (1130) dans laquelle on est tenté de voir un calage de grande amphore cylindrique.

Fig. 52 :Traces d’occupation de l'espace 1/10 (phase 1E2, fin du VIIe-courant VIIIe s.), (L. Buffat).

Fig. 51 : Quelques aménagements de l’habitation (phases 1E1k et 1E1l) tirant parti des constructions antiques (L. Buffat).

4.3.2. Traces d’occupation à l’est de l’habitation (Phase 1E2) À l’est, sur l’arase du mur oriental de l’habitation 1/8 (1173), quelques aménagements témoignent d'une continuité de l'occupation (espace 1/10), qui est peut-être en relation avec les vestiges décrits dans le paragraphe précédent (fig. 52-53). Mais les relations stratigraphiques sont équivoques (supra, § 4.3.1, phase 1E1l et 1E1k). Cette phase est principalement caractérisée par un niveau de sol jaunâtre (1134), qui n'a livré ni céramiques, ni charbons. Ces vestiges se développent vers l’est, au delà des limites de fouille. Au sud, le sol est limité par un mur à liant de terre (1161). Aucun mur n’est connu à l’ouest. On ignore également si le mur sud de l’habitation (1157) continue de fonctionner ou s'il est réutilisé dans ce nouveau dispositif. Un foyer bâti (1166), constitué de fragments de tuiles, est accolé au mur 1161. Ce foyer est limité au nord par un muret constitué de dalles verticales, à l’est et au nord, par une tranchée (1165) qui pourrait correspondre à l’épierrement de cette structure. Plusieurs creusements ont également été repérés. On ne sait pas s’ils sont strictement contemporains de l’espace 1/10. Il y a d’une part trois tranchées parallèles de faible profondeur (1153, 1155 et 1156), d’autre part une petite fosse dont les parois sont parementées par des dalles (1151). Des recoupements entre ces structures attestent des remaniements fréquents.

Fig. 53 :Vue des traces d’occupation à l’ouest de l’habitat 1/8 (phase 1E2).Vue en cours de fouille. L’édicule visible en haut de la photo est postérieur (cabane 1/11, période carolingienne), (L. Buffat).

4.3.3. Datation des derniers états de l’habitat (phases 1E1l, 1E1k, 1E2) Le mobilier des derniers états de l’habitat est marqué par la présence de nombreux éléments résiduels, provenant notamment des niveaux sous-jacents du VIe s. (phases 1E1b et c). Il est donc difficile de discerner les éléments de cette période et proposer une datation. On note la présence de quelques décors de cannelures et de molette sur des fragments de céramique kaolinitique des phases 1E1k et 1E2, décors qui n’apparaissent qu’au VIIIe s. en Languedoc (Garnier et al. 1995 : 20 ; CATHMA 1997 : 104 et 107). En revanche les bords CATHMA 5 qui apparaissent à la même période sont absents. On proposera donc une datation calée entre la fin du VIIe s. et le courant du VIIIe s. RAN, 42, 2009, pp. 115-216

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4.3.4. Abandon des constructions du VIIe s. ap. J.-C. Au VIIIe s., l’abandon des deux bâtiments du VIIe s. (1/12 et 1/8) est effectif. La désaffection du grand bâtiment situé à l’ouest (1/12) est marquée par d’épais niveaux de démolition (fig. 54). À la base de la stratigraphie, une couche d’effondrement de la toiture de tegulae et imbrices (1194) est recouverte par des niveaux de pierres, correspondant à l’éboulement des murs (1188). À l’est, l’abandon de l’habitation (1/8) est marqué de façon moins nette par des niveaux limono-sableux (1115, 1099) à inclusions rares. Ceci indique peut-être que la couverture de l’habitation était en matériaux périssables.

Fig. 54 : Niveau d’abandon dans le grand bâtiment 1/12 (L. Buffat).

4.3.5. Un élargissement de perspective : les structures mérovingiennes de la partie méridionale de la fouille (zone 2) Des vestiges datés des VIe-VIIIe s. ont été découverts au sud de la fouille (zone 2). Cependant, ils n’ont pas bénéficié de la fouille extensive qui a pu être conduite plus au nord, en zone 1, et font l’objet d’une présentation plus succincte. Il faut en premier lieu noter l’existence d’un grand bâtiment du début du Moyen Âge se développant en limite sud de la fouille (fig. 55). Encore partiellement dégagé, la date de sa construction, ainsi que sa fonction nous échappent. Des foyers domestiques vus en sondage pourraient indiquer qu’il s’agit d’un d’habitat, mais l’état d’avancement de la fouille ne permet pas d’en être certain. Au nord de cette construction se développe toute une série

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d’aménagements. On trouve notamment une grande fosse de drainage, intégralement comblée de pierres, datable du VIe s. ainsi qu’un grand silo qui témoigne d’un stockage souterrain des grains sur le site même. D’autres fosses pourraient être des silos plus modestes. Se développe également un foyer de forge. 4.4. L’occupation mérovingienne (VIe-milieu VIIIe s.) : premiers éléments de synthèse 4.4.1. Résumé des acquis de la fouille concernant l’occupation mérovingienne

Le caractère exigu de la fouille limite les conclusions que l'on peut tirer sur l'organisation de l'habitat à cette période. Ces premières données laissent entrevoir une évolution complexe et probablement rapide des structures d’occupation. Ceci n’étonne pas quand on se réfère à des habitats de la même période, telle la ferme de Lunel/Dassargues dans l’Hérault (Mercier 1994). En simplifiant à l’extrême, on peut résumer l’évolution de la zone en deux grandes étapes : - pour la première (phases 1E1a à 1E1e), l’espace étudié à une fonction essentiellement utilitaire. L’occupation se concentre dans la partie nord-ouest des bâtiments romains (pièce 1/12). Elle fait l’objet de fréquents réaménagements, qui n’affectent cependant pas fondamentalement la vocation du lieu, qui reste (comme dans l’Antiquité) partagée entre activité agricole et artisanale ; - la seconde étape (phases 1E1f à 1E1l) est marquée par la construction d’un petit bâtiment, à l’est (1/8). Cet édicule modeste a été remanié à de nombreuses reprises. Pour les premières étapes de son existence, il comprend une forge. Il est ensuite transformé en habitat, dont les formes ne sont pas sans rappeler celles des habitats protohistoriques. Vers l’ouest, le grand bâtiment 1/12 fait l’objet d’une reconstruction partielle. Sa morphologie, la physionomie de son sol et les graines qui y ont été retrouvées laissent penser qu’il a servi de logement pour des animaux. 4.4.2. Vue d’ensemble du site de La Gramière à la période mérovingienne : données de prospection

Les prospections apportent un éclairage indispensable pour tenter de cerner de façon plus globale l’emprise de l’occupation mérovingienne sur le site de La Gramière. Pour ce faire, nous nous sommes basés sur la répartition des bords de céramique kaolinitique réductrice de cette période. La localisation des fragments de panse de cette céramique est effectivement trompeuse, la céramique kaolinitique étant largement diffusée dans la région jusqu’au XIIIe s. Les éléments de cette période sont concentrés dans deux secteurs (fig. 56) : au sud, à l'emplacement des

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FS1510

PO15 09

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pilier ? FS1516

PO1488

FS1165

1526

MR2053

Fig. 55 :Vue d’ensemble des vestiges d’époque mérovingienne (VIe-milieu VIIIe s.), (L. Buffat, J. Guerre).

Fig. 56 : Carte des répartitions des fragments de céramique kaolintique réductrice et des bords des VIe-VIIe s. La répartition des bords montre nettement que l’occupation de cette période se développe à l’emplacement de la villa. Les nombreux fragments de kaolinitique repérés au sud-est appartiennent aux occupations plus tardives (IXe-XIIIe s.), (L. Buffat, J. Guerre).

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fouilles de P. Olive ; au nord-est, en bordure du chemin de Valsannière. Il faut y ajouter les nombreux vestiges que nous avons dégagés au sud de la citerne. Vu la répartition des concentrations de mobilier, il y a de fortes chances pour que l'occupation se développe aussi dans le bois qui masque la partie centrale du site. Ainsi reconstituée, l'occupation du début du Moyen Âge s'étendrait sur une surface de 1,2 ha, soit la moitié de celle qui est attribuée au bas Empire. La nécropole de cette période, fouillée en 1925 (supra, § 1.2), se situe en marge de la zone délimitée par les prospections. Le fait que l'occupation soit strictement localisée à l'emplacement de la villa est un aspect marquant. Les constructions de l'établissement antique constituent à l'évidence le support de cette première occupation médiévale. Le profil chronologique du site (supra, fig. 10) montre une bonne représentation des bords de cette période, dont la densité est, au VIe s., équivalente à celle des indices du bas Empire (mais sur une surface deux fois inférieure). Une décrue est en revanche perceptible dans la seconde moitié du VIIe et au début du VIIIe s. Mais celle-ci est peut-être liée à la méconnaissance des fossiles directeurs de cette période.

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5. LE SITE DE LA GRAMIÈRE À L'ÉPOQUE CAROLINGIENNE (PHASE D, MILIEU VIIIe-Xe S.)

Des horizons d'occupation d'époque carolingienne sont présents sur le site de La Gramière (fig. 57). Par rapport aux niveaux antérieurs, ils ont dans l'ensemble souffert des travaux agricoles. Les niveaux de circulation ont pour la plupart disparu, ce qui pénalise l'analyse stratigraphique et spatiale. Des recoupements entre les structures de cette période témoignent cependant d'une occupation assez durable, que confirme l’étude céramologique. Aucun hiatus n’est perceptible jusqu’au Xe s. ap. J.-C. La prospection montre que cette période est marquée par des bouleversements dans la topographie du site : l’habitat principal quitte progressivement l’emplacement de la villa pour s’installer un peu plus à l’est, autour d’un carrefour de chemins. Il présente une organisation éclatée, de type polynucléaire. Les vestiges sporadiques trouvés lors de la fouille témoignent de cette redistribution de l’occupation. 5.1. Les vestiges (phase 1D=2D)

Si l’on envisage d’une façon globale les vestiges carolingiens dégagés lors de la fouille, on constate que les

Fig. 57 :Vue d’ensemble des vestiges d’époque carolingienne (milieu VIIIe-Xe s.), (L. Buffat, J. Guerre).

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structures de cette période sont concentrées dans deux secteurs précis : à l’est, où l’on trouve des creusements divers et des lambeaux d’architectures ; à l’ouest, où une pièce du bâtiment antique est réoccupée (fig. 57). Il est frappant de noter la répartition circulaire des aménagements situés à l’est de la fouille. Dans cette zone, les structures, pour la plupart des fosses, sont localisées sur le pourtour d’un cercle virtuel d’un diamètre d’environ 8 m. Dans la partie centrale de ce cercle, aucun aménagement probant n’apparaît. On est tenté de penser qu’il existait ici une structure circulaire qui a influencé la répartition des fosses, mais aucune trace de celle-ci ne nous est parvenue. S’agissait-il d’un bâtiment ? D’un enclos ? Il est difficile de répondre. Quoiqu’il en soit, cette disposition circulaire a eu une influence durable, puisque les structures qui la constituent appartiennent à des séquences distinctes de l’occupation carolingienne. 5.1.1. La phase ancienne de l’occupation carolingienne (phase 1D1, 2D1, milieu VIIIe-IXe s.)

Précisons tout de suite qu’aucune rupture d’occupation n’intervient de façon claire au cours du VIIIe s. Les bâtiments des premiers siècles du Moyen Âge ont été abandonnés, mais en marge de ces bâtiments on trouve de nouveaux aménagements. À l’ouest, une pièce de l’établissement romain (2/2) est réoccupée (fig. 58). Cette réoccupation se manifeste par des trous de poteau (2179, 2180, 2182), un radier de petites pierres (2198) et un four (2193). Ce four, qui a souffert des labours modernes, correspond à une fosse ovale peu profonde, à parois d’argile thermo-rubéfiées. Deux niveaux, l’un cendreux (2194), l’autre charbonneux (2195), comblent cette structure. Dans ces couches, des scories de verre et des fragments de creusets en céramique (kaolinitique à panse cannelée) laissent penser qu’il s’agit d’un four de verrier. Vers l’est, une grande fosse recoupe les bâtiments antiques (2108). Couvrant 4 x 3,2 m, elle présente une forme quasi rectangulaire. Profonde de 0,9 m, ses parois sont légèrement évasées. Au fond de cette fosse, un niveau de sol cendreux a livré des céramiques et déchets culinaires. On pense que cette structure peut correspondre à une cabane excavée, mais le dispositif porteur de la couverture n’apparaît pas clairement (absence de trous de poteau). Plus au nord, deux grandes fosses prennent place (1310 et 1379). Leur creusement, assez soigné (forme sub-rectangulaire, fond plat, parois régulières et légèrement évasées) exclut a priori qu'il s'agisse de simples fosses de récupération de matériaux (fig. 59). L'hypothèse de structures de stockage est plus probable, c'est du moins celle que retient Cl. Raynaud pour des structures analogues trouvées à Lunel-Viel (Raynaud 1990 : 76-83). Les produits conservés dans ces creusements posent problème. Les possibilités sont assez larges : betteraves, tubercules,

certains fruits, chou, plantes fourragères. Des comparaisons ethnographiques indiquent également que graines et céréales pouvaient être entreposées dans de telles structures (Raynaud 1990 : 83). Dans l'environnement de ces fosses, deux petits creusements correspondent apparemment à de modestes silos (1376, 1152). Le silo 1376 recoupe l’une des grandes fosses (1379), sur le comblement de laquelle se trouve un reste de mur (1383), qui témoigne de l'existence d'un petit bâtiment. Sommairement construit, il se termine au nord par un bloc quadrangulaire, placé en boutisse, qui pourrait correspondre au piédroit d'une porte. Il reste malheureusement difficile de relier cette structure à un ensemble plus large. Aucune construction contemporaine n'est conservée à proximité.

Datation de la phase Les ensembles de cette époque comportent des éléments résiduels des VIe-VIIe s. (fig. 60). Il n’est pas facile de savoir si les urnes à bords triangulaires (A29) sont résiduelles dans ces contextes. On note l’apparition d’urnes à bord mouluré CATHMA 7 et à bord à marli CATHMA 5, caractérisées ici par un col bien marqué. Les décors cannelés deviennent fréquents, tandis que les décors à la molette sont assez rares. L’abondance des vases à panse cannelée apparaît caractéristique des VIIIe s. et IXe s. (Cathma 1997 : 104 et 107). Les ensembles de La Gramière se rapprochent de ceux d’Augéry de Corrèges (Arles, Bouches-du-Rhône), datés par radiocarbone fin VIIIe-IXe s. (Kotarba in Cathma 1993 : 144-146) ou ceux d’Abeilhan/Saint-André (Hérault : Cathma 1997 : 109). Ils sont également proches de ceux observés sur le site des Codoyères à Tavel, datés du VIIIe s. (Monnet, Mercier 2002 : 934), ou encore des contextes de Dassargues (Lunel, Hérault) datés du VIIIe s. (Garnier et al. 1995 : 20). La typologie conduit donc à proposer une fourchette de datation entre le milieu du VIIIe s. et la fin du IXe s. Cette proposition s’accorde avec la situation de cette phase dans les diagrammes stratigraphiques, entre des niveaux de la fin VIIe-début VIIIe s. et des niveaux du Xe s. 5.1.2. La phase récente de l’occupation carolingienne (phase 1D3, 2D2 - entre le fin du IXe s. et le début du XIe s.)

Au nord-est, une petite construction (1/11) se rattache à cette phase (fig. 61, 62, 63). Accolée au mur 1090, elle correspond à une modeste cabane, limitée par des murs liés à la terre (1128, 1160). De dimension réduite, cet édicule n'a livré ni sol caractéristique, ni traces de foyers. Plutôt qu'un habitat, il faut plutôt y voir une structure utilitaire : remise ou abri pour un animal. La prépondérance des lauzes dans les niveaux d’abandon (1125, 1126) laisse RAN, 42, 2009, pp. 115-216

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penser que ce matériau entrait largement dans la composition de la toiture. À l'ouest, un silo à profil en cloche (1135) est présent. Son comblement a livré de nombreux fragments de lauzes. Au sud, un lambeau de mur circulaire (2102) est associé à des niveaux livrant des céramiques kaolinitiques à décor poli (2091, 2100). Bordant cette zone, une fosse à paroi évasée prend place (2093). Son comblement livre lui aussi beaucoup de lauzes. Au sud-ouest, trois silos sont rattachés à cette phase (2211, 2128, 2262). 5.2. Le site à l’époque carolingienne : une perspective d’ensemble

Les prospections méthodiques permettent d’envisager l’évolution d’ensemble du site à la période carolingienne (fig. 64). Pour suivre cette évolution, il faut croiser, comme nous l’avons fait pour l’occupation mérovingienne

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(supra, § 4.3.3), la répartition des céramiques kaolinitiques et celles des formes caractéristiques de la période carolingienne. Rappelons effectivement que les seuls fragments de céramique kaolinitique réductrice n’ont pas de valeur chronologique précise, cette poterie étant largement diffusée du VIe au XIIIe s. Les bords permettent d’affiner l’approche mais n’autorisent à envisager l’occupation carolingienne que de façon assez sommaire. La forme Cathma 7 est diffusée dès le VIIIe s., de même que la forme Cathma 5, qui, de surcroît, est encore largement présente jusqu’au XIe s. C’est donc une période élargie au VIIIe s. et au XIe s. que nous envisagerons. En analysant la cartographie des indices, on constate que la période carolingienne est marquée par d'importants changements dans la répartition des pôles d'occupation. On constate effectivement une dispersion des zones de mobilier. La concentration la plus nette se trouve au sud,

Fig. 58 :Vestiges attribués au début de la période carolingienne (milieu VIIIe-IXe s.), (L. Buffat, J. Guerre). RAN, 42, 2009, pp. 115-216 fichier EDITEUR destiné à un usage privé

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en bordure du carrefour, où elle couvre une surface de 0,5 ha. Elle pourrait s'étendre de l'autre côté de la route, mais la présence d'une grande friche empêche de vérifier cette hypothèse. Plus au sud, les témoins de cette période se retrouvent de façon diffuse le long de la route et au sud de la chapelle. Au nord, dans le quartier de Vallebon, les éléments de cette époque sont présents de façon disparate. Quelques bords sont associés à de la céramique kaolinitique sur un vaste surface. Le même cas de figure se présente au sud-est, où quelques éléments des VIIIe-XIe s. ont été repérés. Ces concentrations plus ténues marquent peutêtre l'emplacement d'habitats plus ponctuels et/ou de silos. Il faut enfin ajouter à l'occupation de cette période les quelques vestiges repérés sur la fouille.

Fig. 59 : La fosse 1379 recoupée par le silo 1376 et recouverte par le mur 1383.Vue du sud (L. Buffat).

De façon générale, la période carolingienne marque un très sensible changement dans l'organisation du site. Les occupants semblent délaisser peu à peu l'emplacement de la villa pour s'installer une cinquantaine de mètres vers le sud-est. Autour d'un pôle principal de dimension assez moyenne (mais il est peut-être incomplet), une série de concentrations - plus ou moins étendues - témoignent soit d'une organisation complexe, plus éclatée que durant les périodes antérieures, soit de déplacements successifs de l’occupation tout au long de cette période.

6. LES MEULES DU SITE DE LA GRAMIÈRE par S. Longepierre

Trois fragments de meules rotatives à actionnement manuel ont été retrouvés lors des fouilles menées sur le site de la Gramière (fig. 67). Leur étude s’inscrit dans le

cadre plus général d’une thèse de doctorat qui concerne la connaissance des meules romaines et médiévales du SudEst de la France. Les meules nos 1 et 2 sont confectionnées dans le grès caractéristique de Saint-Quentin-la-Poterie, commune située à une quinzaine de kilomètres au nordouest du site ici étudié. Ce grès a été exploité dans une meulière qui a pu être bien datée entre la fin du IVe s. et le courant du VIe s. ap. J.-C., grâce notamment à la réalisation d’une fouille programmée sur un site d’habitat en lien avec cette activité artisanale (Longepierre à paraître). En fonction des très importants vestiges laissés par cette carrière, il n’est ainsi pas surprenant de retrouver ses productions sur les sites de la région. La période précédente du haut Empire est au contraire caractérisée par la diffusion quasi-exclusive de meules en basalte. Après la fin de l’Antiquité, la meulière Saint Quentinoise est, semble-t-il, totalement abandonnée, au profit du développement d’une multitude de petites meulières locales qui, désormais exploitent, non plus des matériaux reconnus pour fournir une pierre meulière de qualité destinée à la mouture des céréales, mais le plus souvent des molasses calcaires ou gréseuses, moins dures et abrasives. Le catillus n° 3 de la Gramière, associé à un niveau de sol daté du VIIe s. ap. J.-C., et taillé dans une molasse calcaire, constitue un bon exemple de cette évolution. D’autre part, cette meule présente la typologie classique des catilli du haut Moyen Âge, de forme simplement cylindrique. En revanche, les meules tournantes du bas Empire, languedociennes ou provençales, sont définies par une face de mouture conique et une face supérieure également conique marquée par la présence d’un réceptacle pour le passage du grain limité au pourtour de l’œillard. La meule n° 2 illustre cette typologie qui diffère de celle des catilli du haut Empire dont l’ensemble de la face supérieure, concave, sert de réceptacle, délimité par un petit bandeau périphérique.

7. CONSOMMATION,

GESTION DES TROUPEAUX ET ENVIRONNEMENT ANIMAL

par A. Renaud, A. Masbernat-Buffat, J. Cantuel, S. Porcier et A. Gardeisen

7.1. Introduction Les fouilles de La Gramière ont fourni un matériel faunique abondant. Nous présentons dans cet article les résultats de l’étude de la faune provenant de la zone 1, environ 6000 restes osseux et dentaires. Ce travail a été réalisé dans le cadre de travaux pratiques d’ostéologie dirigés par Armelle Gardeisen depuis 2004 5. Nous avons privilégié les deux phases principales d’occupation : la phase 1F (bas Empire) et la phase 1E (époque mérovingienne). La phase 1D (époque carolingienne) RAN, 42, 2009, pp. 115-216

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Fig. 60 : Quelques ensembles céramiques du début de la période carolingienne (L. Buffat).

Fig. 61 : Les vestiges de la phase récente de l’occupation carolingienne

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(L. Buffat, J. Guerre).

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Fig. 62 : Un exemple de vase de la phase récente de l’occupation carolingienne (L. Buffat).

Fig. 63 : La cabane 1/11 et sa toiture de lauzes effondrée (L. Buffat).

n’a pas fait l’objet d’une attention approfondie en raison du nombre peu élevé de restes (154 restes déterminés). La phase 1F couvre une période allant de 350 à 500/550 de notre ère. Quant à la phase 1E, elle englobe trois siècles, des années 475/500 aux années 800/850. Pour les besoins de l’étude archéologique, elles ont été divisées en plusieurs sous phases, néanmoins, nous avons choisi de conserver le découpage en grandes phases (1F et 1E). La faune a été récoltée dans différents contextes : niveaux de remblai, d’abandon ou de comblement de fosse. Pour le bas Empire, le matériel provient en grande partie des niveaux d’abandon d’une canalisation qui a servi de dépotoir. Les niveaux de remblai ou d’abandon constituent également une partie non négligeable des lots étudiés. Seuls quelques échantillons ont été exhumés de niveaux de sol. Lors de la période suivante, on note que la faune provient essentiellement des comblements de fosses et dans une moindre mesure de niveaux de remblais ou d’abandons. Les niveaux de sol et les structures de type foyer sont peu représentés et aucun ensemble clos n’a fourni d’ossement. La détermination des espèces a été effectuée grâce à des squelettes de comparaison (UMR 5140 Lattes) et à des manuels d'anatomie comparée (Barone 1999). Le protocole ostéométrique suivi correspond à celui de A.Von Den Driesch (Von den Driesch 1976). La distinction entre les genres Ovis et Capra est délicate car, à l’exception de la

Fig. 64 : Carte des répartitions des fragments de céramique kaolintique réductrice et des bords des VIIIe-XIe s. La répartition des bords montre nettement que l’occupation de cette période se développe à l’est de la villa (L. Buffat, J. Guerre).

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Fig. 65 : Coupes stratigraphiques générales

(L. Buffat, N.Viala).

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Fig. 66 : Coupes stratigraphiques générales (L. Buffat, N.Viala).

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forme des chevilles osseuses et de la suture occipito-pariétale, aucun critère morphologique ou métrique n’est absolu. Néanmoins, la distinction a parfois été possible grâce aux référentiels d’anatomie comparée (Boessneck 1969 ; Payne 1985 ; Prummel et Frisch 1986). Les unités de dénombrement sont le nombre de restes déterminés (NRD) et le nombre minimum d'individus (NMI). Le NRD a été privilégié pour sa simplicité, son explicité naturelle, et pour rester au plus près de l’idée de portion de viande. Le NMI a uniquement été utilisé lors de l’analyse des âges d’abattage. Afin d'établir des profils d'abattage cohérents, seule l'attrition dentaire des dents jugales a été prise en compte. En effet, les divers stades d'épiphysation sont susceptibles de variations notables d'un individu à l'autre : nous ne les utilisons que lorsqu'il s'agit de détecter un individu âgé ou un plus jeune (Barone 1999 : 76). La détermination du sexe est uniquement effectuée sur des vestiges fiables telles les canines de suidés et certains os coxaux. L’estimation de la hauteur au garrot des individus est fondée sur la longueur maximale des os longs (GL ou GLI). Les coefficients de corrélation ont été élaborés par plusieurs auteurs (Boessneck 1956 ; Fock 1966 ; Kiesewalter 1888 ; Matolcsi 1970 ; Schramm 1967 ; Teichert 1969 ; Teichert 1975 ; Zalkin 1960). Les résultats obtenus ne sont pas à considérer comme étant le reflet d’une réalité historique - car la morphologie mammalien-

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ne a beaucoup évolué sous l’effet de la sélection anthropique - mais peuvent être utilisés comme moyens de comparaison. 7.2. Exploitation des animaux à La Gramière 7.2.1. Taphonomie de l'assemblage

Les restes fauniques de la zone 1 proviennent de rejets successifs relativement dispersés. Quelques unités stratigraphiques présentent des assemblages pouvant être caractérisés comme dépotoirs. Ces dépotoirs contiennent des restes fauniques en quantité restreinte par rapport aux gros dépotoirs connus dans la région pour l’Antiquité tardive (Congès et Leguilloux 1991 ; Audoin-Rouzeau 1991 ; Columeau 1991a). Toutes phases confondues, 2 896 restes ont été déterminés anatomiquement et spécifiquement sur un total de 5 813, ce qui fait un taux de détermination de l’ordre de 51 %. Le mobilier est globalement très fragmenté. Les restes entiers ou sub-entiers sont peu nombreux par rapport au nombre total de restes déterminés et correspondent principalement à des dents isolées pour les trois principales espèces domestiques. Il est vrai que le bœuf, les caprinés et le porc font l’objet de nombreuses manipulations anthropiques avant et sans doute après le rejet des différentes parties de leur squelette, d’où une importante

Fig. 67 : Les meules retrouvées sur le site de La Gramière RAN, 42, 2009, pp. 115-216 fichier EDITEUR destiné à un usage privé

(S. Longepierre).

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fragmentation de leurs ossements. Si on exclut les dents isolées des comptages, on remarque que, pour ces trois espèces, les pourcentages de restes entiers et sub-entiers (fig. 68) sont d’environ de 17 à 18 %, alors que, pour les équidés, les lagomorphes et les carnivores, la part des restes peu fragmentés représente 39 % chez le chien et jusqu'à 83 % chez le chat. Ces observations mettent en évidence un traitement différentiel des espèces en fonction de leur potentiel de rendement alimentaire, mais également en fonction de la taille de l'animal consommé. La comparaison des espèces consommées avec le chat retrouvé en connexion montre bien cette différence de traitement d'une espèce à l'autre et caractérise à la fois la nature de l’assemblage et le statut différent de l’animal. L'observation de carcasses non consommées met en évidence le rejet ponctuel d'animaux morts à proximité ; la question de la consommation des équidés reste en suspend. Les équidés et les chiens sont peu fréquents dans les séries d’origine alimentaire stricte. À l’inverse, ils sont plus abondants dans les contextes de décharges. Mais leur présence dans des séries correspondant à des mélanges de poubelles domestiques, c'est-àdire à la fois d'origine alimentaire et de décharge, est documentée régulièrement. À La Gramière, les restes d’équidés, de chiens et de chats sont présents en grande majorité dans des comblements de fosses où le matériel faunique est plus abondant que dans les autres contextes archéologiques. Ils sont également attestés dans les contextes de remblais et de sols, mais ponctuellement. L'observation des surfaces osseuses apporte des informations complémentaires sur les traitements différentiels des carcasses animales. Les restes portant des traces d'altérations diverses représentent environ 10 % du nombre total de restes déterminés. Les restes ayant subi l'action anthropique atteignent 5 %, suivent les altérations natu-

relles avec 3 %, ceux ayant subi l'action du feu (2 %) et enfin l'action des carnivores (0,5 %). Tout indique que la faune issue de la zone 1 correspond à des contextes domestiques et que les restes présents sont issus d'une activité de consommation humaine. En effet, aucune activité particulière comme l’artisanat ou la boucherie n’a été identifiée. Les traces de brûlure évoquent le passage au feu de certains ossements, phénomène qui participe également à la fragmentation de l’assemblage originel. Les traces laissées par les détritivores indiquent quant à elles la présence d'animaux ayant eu accès aux ossements après que l'homme ait fini d'exploiter les carcasses. Les carnivores, principalement les canidés, ont provoqué la fragmentation des os, mais à une échelle très réduite. Enfin, les altérations d'origines naturelles (dissolutions, racines, fissures, écrasement) ont également entraîné la modification de l'assemblage originel. Ceci nous amène alors à conclure, au vu des contextes archéologiques, de la fragmentation et des altérations diverses, que cet assemblage a subi de multiples transformations par les divers agents taphonomiques et en premier lieu par l'Homme. Néanmoins, les contextes archéologiques, l’homogénéité du mobilier, les spectres et les profils de représentation associés aux observations de découpe et de consommation permettent d’attribuer à l’homme la formation de l’assemblage initial. 7.2.2. La fin de l’Antiquité (phase 1F) 7.2.2.1. Distribution des espèces

Faune domestique Les niveaux du bas Empire ont fourni 782 restes fauniques répartis comme suit : 339 restes osseux et dentaires de bœuf ont été déterminés, le nombre de restes de caprinés est quant à lui de 234 et 139 restes ont été attribués au porc (fig. 69).



Fig. 68 : Représentation des restes entiers et sub-entiers en fonction du pourcentage du nombre de restes déterminés pour chaque espèce (Zone 1, toutes phases confondues), (A. Renaud). RAN, 42, 2009, pp. 115-216 fichier EDITEUR destiné à un usage privé

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Une différenciation des genres Ovis et Capra a pu être réalisée sur sept fragments : quatre ont été attribués à la chèvre et trois au mouton. Le sexe a été identifié sur deux fragments. Le premier correspond à une cheville osseuse de mouton appartenant à un individu mâle adulte tandis que le second est un fragment de coxal appartenant à une femelle adulte dont l’os pubis est aplati. Aucune différenciation entre porc et sanglier n’a été observée. Seize fragments ont permis une diagnose sexuelle principalement en fonction des canines inférieures au nombre de treize. Une canine supérieure et un fragment de mandibule ont également permis une différenciation sexuelle, ainsi qu’un fragment de coxal gauche appartenant à un individu mâle dont l’os pubis présente une section circulaire. Au total, une jeune adulte et trois adultes femelles, ainsi que deux jeunes adultes et dix adultes mâles ont pu être identifiés. Sept fragments osseux d’équidés adultes ont été comptabilisés. L’état de fragmentation ne permet aucune distinction entre âne, cheval ou hybrides. Les chiens sont représentés par seize restes, de jeunes et d’adultes. La présence du chat est évoquée par la présence de dix-huit restes osseux bien conservés.

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La faune de La Gramière est marquée à la fin du IVe siècle et au début du Ve siècle par une forte proportion de bovins, 43 % (fig. 70). Les caprinés sont représentés, mais en plus faible proportion que le bœuf (30 %). Le porc domestique arrive en troisième position de la triade domestique (18 %). Les équidés, le chien et le chat sont représentés à hauteur de 0,6, 2 et 2,3 %. Faune sauvage La faune sauvage représente 4 % du nombre de restes déterminés et se compose essentiellement de lagomorphes et de cerf. Parmi les six fragments attribués au cerf, quatre sont des fragments de bois. S’agit-il de bois de massacre ou de bois de chute ? La réalité de la présence du cerf dans l’alimentation de La Gramière ne dépend que de la présence d’un radius et d’une phalange. Les lagomorphes sont représentés par vingt-quatre restes osseux et dentaires : seize os ont été déterminés comme appartenant à du lapin et deux à du lièvre (Callou 1997). Une ulna droite sub-entière et isolée, attribuée au castor, a été identifiée 

Fig. 69 :Tableau quantitatif des espèces de La Gramière (bas Empire, Phase 1F), (A. Masbernat-Buffat).

Fig. 70 : Répartition des espèces en fonction du nombre de restes déterminés et du nombre minimum d’individu (bas Empire, Phase 1F), (A. Masbernat-Buffat). RAN, 42, 2009, pp. 115-216 fichier EDITEUR destiné à un usage privé

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dans un remblai supérieur de la canalisation ; sa présence, anecdotique, est sans doute intrusive et ne saurait répondre à une question relative à l’exploitation du castor. 7.2.2.2. Pratiques bouchères

Le bœuf Pour la fin de l’Antiquité, cinquante-trois restes fauniques portent des traces de découpe, dont trente-huit restes ont été attribués au bœuf (fig. 71). La présence de stries transversales sur la face vestibulaire des mandibules atteste du prélèvement des joues. La découpe du squelette axial (vertèbres et côtes) est représentée par des stries localisées sur les côtes et les corps vertébraux de vertèbres lombaires, indiquant leur décharnement. Les membres antérieurs et postérieurs portent des traces de désarticulation soit au couteau, soit à l’aide d’un outil plus lourd de type couperet comme l’indiquent les stries et tranchés au niveau des extrémités proximales de radius, d’ulna et de fémur, ainsi que sur les extrémités distales de scapula et d’humérus. La présence de stries sur un corps de scapula et sur la diaphyse d’un humérus évoque également le prélèvement de la masse musculaire. Les stries et tranchés localisés au niveau des métapodes, des tarses et des phalanges évoquent l’élimination des extrémités des pattes soit par désarticulation des tarses ou des premières phalanges, soit par tranché en milieu de diaphyse des métapodes. 

Les caprinés Chez les caprinés, dix-huit restes osseux portent des traces de découpe. Deux chevilles osseuses ont été débitées comme l’attestent les tranchés et impacts ainsi que les stries profondes et circulaires, au niveau de leur base. Le débitage à vocation artisanale n’est pas certain : il est plus probable que cet os ait été éliminé lors du débitage primaire de la carcasse et rejeté sans autre préparation. Deux mandibules ont fait l’objet de décharnement, la présence d’une strie et d’un enlèvement cortical sur le bord lingual du corps mandibulaire en témoigne. En ce qui concerne le squelette axial, deux vertèbres ont été débitées. Des traces de débitage transversal sont observables derrière l’articulation crâniale d’une deuxième vertèbre cervicale, la désarticulation de la tête à l’aide d’un outil lourd et tranchant pouvant se faire entre l’atlas et l’axis. Une vertèbre lombaire a également été tranchée transversalement par le bord ventral. Les membres antérieurs et postérieurs ont été désarticulés, mis en pièces et désossés. Les traces de désarticulation correspondent à de multiples stries au niveau de l’articulation d’une ulna et de l’articulation distale d’un fémur. La désarticulation par des actions plus lourdes, c’est-à-dire des tranchés, peut également être mise en évidence. On observe alors des tranchés sur une trochlée distale d’humérus, sur l’olécrane d’une ulna et sur la partie distale de la diaphyse d’un tibia. Ces différents tranchés sont souvent accompagnés d’impacts témoignant d’une reprise du geste. On observe aussi la mise en pièce en milieu de diaphyse comme en témoignent les 

Fig. 71 : Répartition des marques anthropiques chez le bœuf, les caprinés et le porc (bas Empire, Phase 1F), (A. Renaud). RAN, 42, 2009, pp. 115-216 fichier EDITEUR destiné à un usage privé

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impacts transverses retrouvés sur un humérus et un radius. De plus, les stries et enlèvements corticaux observés sur la face médiale du col d’une scapula et sur le bord médial de la diaphyse d'un tibia, indiquent que la masse musculaire a été prélevée. Aucun os n’indique un débitage de l’extrémité des pattes au niveau des carpes, tarses ou métapodes. Seuls les impacts transversaux dans la partie distale de la diaphyse du tibia précédemment décrit peuvent indiquer ce débitage. Un talus présente des stries transversales sur son bord latéro-crânial, ce qui signale plus une action de dépouillage que de désarticulation. Enfin, un métacarpe et un métatarse présentent des stries transversales en milieu de diaphyse pour le premier, et au niveau distal de la diaphyse pour le deuxième, indiquant également le dépouillage de l’animal. Le porc Chez le porc, peu de traces de découpe ont été observées par rapport aux autres espèces domestiques. Sept fragments portent des marques anthropiques. Les traces liées au prélèvement de la tête sont inexistantes hormis un impact sur une mandibule témoignant de son débitage. La séparation des mandibules est attestée par trois stries fines et parallèles au niveau de la symphyse. Les membres antérieurs ont été décharnés ou dépecés : les enlèvements corticaux et un impact sur deux humérus renvoient clairement à du décharnement alors que le dépeçage est visible sur un radius (un impact et un tranché transversaux). Les marques sur les membres postérieurs sont rares. Le décharnement est attesté par des stries sur une fibula. Un talus présente un impact indiquant l'élimination de l'extrémité des pattes alors que des stries groupées sur ce même talus témoignent du dépouillage de l’animal. 

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7.2.2.3. Mortalité Près de 90 % des bœufs sont abattus à l’âge adulte 6 et environ 10 % à l’âge jeune adulte, tandis que les individus juvéniles sont absents (fig. 72). Cette très forte proportion d’adulte atteste certainement d’une exploitation de la force motrice de l’animal pour la traction ou le portage. L’abattage d’individus jeunes adultes peut indiquer également une utilisation du bœuf pour une production optimale de viande. Pour les caprinés, près de 10 % sont abattus jeunes 7, plus de 20 % jeunes adultes mais 80 % atteignent ou dépassent l’âge adulte. Ces âges d’abattage correspondent à une exploitation mixte des caprinés (viande, lait et laine). En effet, les bêtes sont préservées très largement jusqu’à l’âge adulte alors qu’aucun individu très jeune n’est identifié. Enfin, les porcs sont abattus à tous les âges mais près de 50 % des individus sont adultes 8, ce qui témoigne d’une recherche de rentabilité carnée. En outre, près de 10 % sont tués avant trois mois, attestant ainsi un goût pour la viande de porcs de lait. 7.2.2.4. Consommation carnée L’approvisionnement carné est fondé sur la triade domestique et dans une moindre mesure sur la faune sauvage. Les choix des portions de viande et le traitement des carcasses s’avèrent différents selon chaque espèce. Afin de mettre en évidence ces divers aspects, nous nous sommes intéressés au taux de fragmentation des espèces consommées. Ce taux de fragmentation est calculé en fonction du nombre de restes déterminés (NRD) et du nombre de restes initiaux (NRi). Le NRi permet, pour chaque os du squelette, d’individualiser le nombre minimum

Fig. 72 : Répartition des âges de mortalité pour la triade domestique (bas Empire, Phase 1F), (A. Renaud). RAN, 42, 2009, pp. 115-216 fichier EDITEUR destiné à un usage privé

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de pièces anatomiques dans un assemblage osseux. Il est donc inférieur au nombre de restes, l’écart entre les deux étant dû à la fragmentation. Ce mode de comptage permet de saisir avec précision la sélection des parties consommées. Le taux de fragmentation peut alors être considéré comme le reflet plus ou moins fidèle de l’état du squelette après intervention de l’Homme et avant le rejet. Pour la fin de l’Antiquité (fig. 73), le bœuf et les caprinés affichent une fragmentation similaire de leur squelette tandis que le porc est deux fois moins fragmenté. En effet, d’après le graphique, on note que le squelette entier des bovidés (bœuf et caprinés) atteint un taux de fragmentation de l’ordre de 40 % alors que le squelette entier du porc atteint seulement 20 %. Le rapport entre le nombre de restes (139) et le nombre minimum d’individu (40) reflète cette faible fragmentation du squelette ; le traitement du porc a produit moins de restes osseux, les pièces de viande pouvaient donc être plus conséquentes. Néanmoins, ce rapport est surprenant car, au regard du format, on se serait attendu à une fragmentation proche entre le porc et les caprinés. Au Ve s., le traitement entre les bovidés (bœuf et caprinés) et les suidés est donc clairement différent. Plusieurs facteurs sont à l’origine de ce traitement différentiel : la taille et la robustesse, ou les modes de préparation et de consommation. En effet, nous avons remarqué qu’une proportion non négligeable de porc est abattue avant l’âge adulte, à l’inverse des bovidés. Si l’on s’intéresse aux différentes parties anatomiques, on note que ce sont le crâne et les mandibules qui ont été, pour chaque espèce, les plus morcelés. Le prélèvement des joues, de la langue et des cornes peut induire cette forte fragmentation. En contre partie, la nature de l’os joue un rôle important, ainsi que la perte de dents qui augmente les taux de fragmentation. Les résultats sont donc

toujours à nuancer en fonction de la partie anatomique considérée. La forte fragmentation de la tête chez les caprinés s’explique en partie par le débitage systématique des chevilles osseuses (supra, § 7.2.2.2.). Le squelette axial est clairement plus fragmenté chez le bœuf. La découpe du rachis semble avoir été plus fractionnante que pour les caprinés, ce qui s’explique par la différence de format des animaux. Le porc est absent en raison du nombre restreint de restes provenant du squelette axial et n’est donc pas à prendre en compte pour cette partie anatomique. Les membres antérieurs et postérieurs sont relativement peu fragmentés. Les os longs ont-ils été plus facilement désarticulés que mis en pièce ? C’est particulièrement remarquable chez le porc où les membres ont une fragmentation très faible. Quelle que soit l’espèce, les extrémités des pattes sont peu fragmentées. Cette faible fragmentation est due en partie à l’absence de viande sur ces os. Les lagomorphes présentent une fragmentation très réduite par rapport aux espèces domestiques. Les os entiers et sub-entiers sont prépondérants (supra, § 7.2.1). Leur consommation n’implique pas une mise en pièce aussi importante que pour les animaux de grand format, ce qui expliquerait l’absence de traces de découpe sur les ossements. Toutefois, la possible intrusion du lapin dans les niveaux archéologiques pose un problème et l’absence de traces anthropiques peut à l’inverse conclure à sa non consommation. Certains indices nous amènent à reconnaître malgré tout une consommation de cette espèce. Tout d’abord, la plupart des individus sont des adultes, ce qui présuppose le choix d’individus apportant une quantité de viande optimale. Ensuite, les membres antérieurs et postérieurs sont nettement prépondérants, alors que le squelette axial (côtes et vertèbres) est déficitaire.

Fig. 73 : Fragmentation des espèces consommées - TF = 100 - (NRi/NRD × 100) - (bas Empire, phase 1F), (A. Masbernat-Buffat).

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Pour finir, aucune connexion du squelette n’a été observée dans les niveaux fouillés, ce qui signifie qu’il n’y a probablement pas eu d’animal jeté ou pris au piège sans avoir été mangé. La présence ou l’absence des parties anatomiques est un élément important qui permet de mettre en évidence les choix alimentaires pour chaque espèce. Cette répartition anatomique est généralement établie à partir du nombre de restes déterminés qui reflète mal l’assemblage originel. Dans le cadre de cette étude, les représentations anatomiques ont été faites en fonction du taux de conservation. Ce taux de conservation correspond au rapport du NRi

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avec le nombre de restes initial théorique (NRith), luimême calculé en fonction du nombre d’individus présents (NMI). On peut mettre en évidence le déficit ou l’abondance de certaines parties anatomiques. Il s’agit ainsi de traduire la consommation des animaux au plus près de la réalité. Pour le Ve s. (fig. 74-75), la représentation du squelette est déséquilibrée pour le bœuf, les caprinés et le porc alors que l’on considère a priori, en utilisant le taux de conservation, que les carcasses sont complètes. À la fin de l’Antiquité, pour le bœuf, les membres, en particulier les antérieurs, constituent une part importante des restes osseux. Cette part est également appréciable chez le porc et

Fig. 74 :Tableau quantitatif des restes déterminés pour chaque organe du bœuf, des caprinés et du porc (bas Empire, phase 1F), (A. Masbernat-Buffat).

Fig. 75 : Répartition anatomique de la triade domestique en fonction du taux de conservation - TC = NRi/NRith × 100 (bas Empire, phase 1F), (A. Masbernat-Buffat).

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les caprinés. L’exploitation de ces trois espèces est optimale puisque ce sont des portions où les masses musculaires sont très abondantes. On remarque, quelle que soit l’espèce, que les choix alimentaires se portent davantage sur les membres antérieurs que sur les membres postérieurs. Les raisons de ce choix sont imperceptibles. En parallèle, les extrémités des pattes (déchets issus du débitage primaire de l’animal) sont totalement absentes. Ce déficit peut signifier que l’approvisionnement en viande se fait soit par importation de certaines parties, soit que la carcasse est partagée sur le site et les restes issus du débitage rejetés ailleurs. Ces extrémités ont pu également être prélevées avec les peaux comme le suggèrent certaines traces de dépouillage (supra, § 7.2.2.2). La consommation de la tête est attestée pour le bœuf, les caprinés et le porc, en ce qui concerne la langue et la cervelle. Le squelette axial est quant à lui insignifiant chez les trois espèces. Pour les caprinés et le porc, il s’agit indubitablement d’un problème de détermination couplé à un problème de conservation. Mais pour le bœuf, les limites ostéologiques seules n’expliquent pas cette insuffisance. Il y a eu clairement un traitement différent du rachis et des côtes. Dans ce cas, on pourrait supposer que ces parties n’ont pas été traitées et consommées dans la zone 1. Les choix des portions de viande pour chaque espèce sont relativement similaires, avec seulement quelques variantes pour les mandibules (caprinés et porc) et les membres antérieurs (bœuf). Les dépôts osseux à La Gramière sont peu abondants et plutôt dispersés à l’échelle de l’unité stratigraphique (supra, § 7.2.1.). Ce mode de rejet et l’effet de dispersion à travers les niveaux de remblai sont habituels pour un site de consommation. Il s’agit d’une consommation domestique et non d’une activité spécifique liée par exemple à des étapes de débitage primaire des carcasses ou à de l’artisanat. Les profils de découpe diffèrent entre bovidés et porcs. Tandis que les restes de bœufs et des caprinés sont majoritairement attribués à des individus adultes, la

présence de jeunes ou jeunes adultes a été soulignée pour le porc, ce qui peut en partie expliquer la conservation différentielle de certaines parties (rachis). En parallèle, les taux de fragmentation attestent clairement le traitement différentiel entre bovidés et suidés sûrement en raison du format mais aussi probablement en raison des modes de consommation. L’approvisionnement carné des trois espèces domestiques est fondé sur les membres et la tête au détriment du squelette axial. Hormis les extrémités des pattes qui peuvent être enlevées avec la peau, ce déficit peut signifier soit que le partage des carcasses s’effectue dans un autre secteur de la villa, soit que la viande est importée d’un autre lieu. 7.2.3. Haut Moyen Âge (phases 1E et 1D) 7.2.3.1. Distribution des espèces

Époque mérovingienne (phase 1E) Cette phase couvre trois siècles et a produit 3835 restes fauniques (fig. 76). Le bœuf n’est représenté que par 292 restes alors que 1126 restes de caprinés sont répertoriés et 378 ont été attribués au porc. Chez les caprinés, vingtquatre fragments ont fait l’objet d’une détermination des genres Ovis et Capra. Dix ont ainsi été attribués au mouton et quatorze à la chèvre. La diagnose sexuelle a été réalisée sur deux fragments de cheville osseuse : l’une appartenant à un mâle adulte et l’autre à une femelle adulte. Le sexe des porcs a également été déterminé sur trente-trois fragments osseux. Vingt-quatre canines inférieures, trois canines supérieures, deux fragments de mandibule, deux fragments de maxillaire et deux fragments d’os crânien ont permis de recenser dix-neuf individus femelles et quatorze individus mâles. On remarque que, pour la période mérovingienne, les caprinés sont de loin les plus importants en nombre de restes avec 57 %, alors que le bœuf ne représente plus que 15 % et se voit relégué à la troisième 

Fig. 76 :Tableau quantitatif des espèces de La Gramière (époque mérovingienne, Phase 1E), (A. Masbernat-Buffat). RAN, 42, 2009, pp. 115-216 fichier EDITEUR destiné à un usage privé

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position. Le porc avec 19 % se place juste devant le bœuf (fig. 77). Le nombre d’ossements d’équidés est de quatrevingt-cinq restes osseux et dentaires. Tous ces restes ont été attribués à des individus adultes. Vingt-quatre restes ont pu être attribués au cheval en fonction de leur morphologie osseuse. Pour le chien, quatorze ossements ont été recensés, une majorité d’entre eux appartiennent à des adultes. La part de la faune sauvage dans l’alimentation carnée se maintient avec environ 3,6 %. Les restes de cerf correspondent à une douzaine d’ossements seulement. Comme pour l’époque précédente, il s’agit surtout de fragments de bois. De surcroît, les restes de cervidés sont des bois portant des marques de manufacture destinés à une production artisanale 9. Pour cette période, on ne peut pas considérer avec certitude que le cerf ait été chassé et consommé car on dénombre seulement deux fragments de radius et de métatarse. Les lagomorphes sont représentés par cinquante-sept restes osseux et dentaires, parmi lesquels vingt-huit os appartiennent au lapin et neuf au lièvre. Dans un niveau daté du VIIe s., une mandibule de suidé avec la deuxième et troisième molaire a paru morphologiquement différente des autres restes de suidés (infra, § 7.3.2.).

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Époque carolingienne (phase 1D) Comme nous l’avons précisé en introduction, le nombre de restes déterminés pour l’époque carolingienne est faible, avec 154 restes (fig. 78). À titre indicatif, le bœuf et les caprinés sont sensiblement équivalents avec respectivement cinquante-et-un et soixante restes osseux et dentaires (32 et 36 %). La proportion du porc est stable avec 22 % (trente-six restes). Trois individus mâles ont pu être identifiés à l’aide des canines inférieures. Les autres espèces, équidés, chien et lagomorphes sont négligeables avec tout au plus quatre à cinq restes ; on constate néanmoins que ce sont les mêmes espèces que dans les niveaux précédents.



7.2.3.2. Pratiques bouchères

Le bœuf Au cours du haut Moyen Âge, soixante-dix-neuf ossements portent des traces de boucherie dont vingt-quatre attribués au bœuf (fig. 79). Les stries et les tranchés observés sur des mandibules indiquent le décharnement et le débitage de celles-ci. Les vertèbres thoraciques ont été tranchées longitudinalement et décharnées. Les tranchés et stries observés sur les plats de côtes indiquent la mise en pièce et le décharnement. Les marques retrouvées sur



Fig. 77 : Répartition des espèces en fonction du nombre de restes déterminés et du nombre minimum d’individu (époque mérovingienne, Phase 1E), (A. Masbernat-Buffat).

Fig. 78 :Tableau quantitatif des espèces de La Gramière (époque carolingienne, Phase 1D), (A. Masbernat-Buffat). RAN, 42, 2009, pp. 115-216 fichier EDITEUR destiné à un usage privé

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les scapulas, humérus et ulnas correspondent principalement à de la désarticulation par tranché, mais également à du décharnement. Aucune trace n’a été observée sur les membres postérieurs pour cette période. Un métacarpe et un métatarse présentent des tranchés transversaux soit en milieu de diaphyse, soit au niveau de l’extrémité proximale ce qui indique l’élimination des extrémités des pattes. Enfin, une strie longue et transverse localisée en milieu de diaphyse d’un métatarse évoque probablement le dépouillage de l’animal.

Les caprinés Chez les caprinés, quarante et un restes osseux portent des traces de découpe. Deux chevilles osseuses ont été débitées. L’une d’elle a probablement subi une découpe préparatoire dans un but artisanal car la partie distale de la cheville a également été tranchée transversalement. Un fragment d’os crânien présente des stries de désarticulation sur le bord ventral du condyle occipital : la tête a été séparée du reste du corps par désarticulation entre le condyle occipital et la première cervicale à l’aide d’un couteau. Cette séparation de la tête par désarticulation se retrouve sur une première cervicale qui porte une strie sur son bord ventro-crânial. Les traces sur le reste du rachis correspondent principalement à du débitage transversal, tout comme lors de la phase précédente sur les portions cervicales et lombaires, le but étant la découpe en tronçon de la colonne vertébrale. Les côtes ont été découpées et 

décharnées comme l’attestent les divers tranchés transversaux sur les faces internes et les stries obliques et transverses. Les membres antérieurs et postérieurs ont été mis en pièce par désarticulation puis décharnés. Le coxal et le fémur portent des traces de débitage primaire comme le montre le tranché sur bord ventral de l’aile de l’os ilium, ainsi que des traces de désarticulation au couteau dans l’incisure de l’acétabulum et au niveau de la tête fémorale. La mise en pièce des quartiers est attestée soit par désarticulation au couteau soit par tranchés, indiquant alors l’utilisation d’un couperet. Ces traces de désarticulation et ces tranchés sont observables sur le col de scapulas, sur l'extrémité distale et la diaphyse d'humérus et de radius. Les stries indiquant le décharnement sont présentes à la fois sur les portions diaphysaires des os longs des membres antérieurs et postérieurs et sur les scapulas. Les extrémités de pattes ont été éliminées au couperet au niveau de la partie distale de la diaphyse de tibia. En effet, deux tibias présentent des impacts et tranchés à la base distale de leur diaphyse. La strie observée sur un talus et le tranché localisé sur la partie distale d’un métatarse montrent que l’élimination de l’extrémité des pattes ne se fait pas systématiquement au couperet à la base du tibia, mais peut également se faire au couteau par désarticulation du tarse ou par débitage au niveau du métatarse. Enfin, deux stries groupées parallèles transverses sur la diaphyse d’un métatarse suggèrent une action de dépouillage.

Fig. 79 : Répartition des marques anthropiques chez le bœuf, les caprinés et le porc (époque mérovingienne, Phase 1E), (A. Renaud). RAN, 42, 2009, pp. 115-216 fichier EDITEUR destiné à un usage privé

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Le porc Chez le porc, malgré un nombre de restes plus élevé qu’à l’époque précédente, relativement peu de traces de découpe ont été mises en évidence au cours du haut Moyen Âge. En effet, sept fragments de porcs portent les marques d’une activité anthropique qui ne sont pas toujours clairement lisibles. Deux impacts sur une mandibule à l’arrière de la série dentaire indiquent nettement le débitage de la tête tandis que les stries sur les mandibules évoquent l'enlèvement des joues. Les membres antérieurs ont été décharnés et désarticulés. Plusieurs stries au niveau de l’articulation distale d’un radius témoignent d’une désarticulation radius/carpe indiquant probablement l'élimination de l’extrémité des pattes à ce niveau. Les traces sur les membres postérieurs ou les extrémités des pattes sont moins nettes. Des stries au-dessus de l’articulation distale d’un tibia renvoient à une désarticulation mais également à du décharnement. Un impact sur un métapode relève du débitage et correspond donc à l'élimination de l'extrémité du membre. 

Équidés Deux premières phalanges d'équidés portent des traces de découpe. On relève deux stries transversales sur la face latéro-dorsale en milieu du corps de la première phalange et sept stries transversales sur le bord dorsal au milieu du corps de la phalange du deuxième individu. Les traces de couteau sur ces deux phalanges traduisent probablement le dépouillage. 

7.2.3.3. Mortalité Les stratégies d’abattage du bœuf sont comparables à celles de la phase précédente avec une meilleure représentation des juvéniles (fig. 80). La gestion des troupeaux

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bovins est toujours essentiellement tournée vers la force de travail, mais le choix d’une consommation de viande plus tendre est perceptible. Chez les caprinés, les animaux atteignant l’âge adulte sont moins nombreux qu’à la période précédente au profit de bêtes plus jeunes. Leur courbe d’abattage est similaire à celle des porcs, ce qui témoigne d’une exploitation dirigée davantage vers une production de viande. Les porcs sont représentés à 50 % d’individus abattus à l’âge adulte, l’apport en viande étant optimal à cet âge. La présence de très jeunes et de jeunes indique, tout comme à la période précédente, un choix de viande plus tendre (porcs de lait). On note également la présence de fœtus ou nouveaux nés qui indiquent des naissances sur place.

7.2.3.4. Consommation carnée Entre la fin du Ve s. et le VIIIe s., la répartition de la conservation des squelettes indique quelques changements par rapport au Ve s. (fig. 81). Les caprinés sont nettement l’espèce la plus fractionnée. La mise en pièce du porc est également plus poussée. La découpe apparaît à cette époque un peu plus fractionnante pour les mandibules, le squelette axial, les membres antérieurs et postérieurs. Les portions de viande sont plus petites qu’à l’époque précédente. Cependant, les remaniements post-dépositionnels peuvent influer sur la fragmentation de l’animal qui ne reflète pas alors exclusivement un traitement différentiel. Chez les caprinés, le rapport entre le nombre de restes et le nombre d’individus a augmenté : un individu produit plus de fragments. Chez le porc, ce rapport prend le contre-pied : un individu produit moins de fragments. Cependant, on remarque que le traitement de la tête joue fortement sur l’augmentation de la fragmentation du squelette.

Fig. 80 : Répartition des âges de mortalité pour la triade domestique (époque mérovingienne, Phase 1E), (A. Renaud). RAN, 42, 2009, pp. 115-216 fichier EDITEUR destiné à un usage privé

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Le traitement du bœuf est, quant à lui, très différent. En effet, à cette époque la fragmentation est relativement limitée. Le rapport entre le nombre de restes et le nombre d’individus a fortement diminué par rapport au Ve s. Malgré la possibilité d’un effet de source, on peut penser qu’il y a proportionnellement moins de boeufs consommés à cette période mais ils sont consommés sur place au fur et à mesure de la réforme des individus. Les différences dans le traitement des carcasses d’une période à l’autre s’accordent avec un changement dans le traitement et la gestion des animaux que nous avons remarqué à plusieurs reprises entre la fin de l’Antiquité et le haut Moyen Âge.

Fig. 81 : Fragmentation des espèces consommées - TF = 100 (NRi/NRD × 100) - (époque mérovingienne, Phase 1E), (A. Masbernat-Buffat).

Pour le haut Moyen Âge, les proportions des os appartenant aux membres augmentent légèrement chez les caprinés (fig. 82 et 83). Toutefois une diminution du nombre de restes des membres antérieurs est nette pour le bœuf et dans une moindre mesure pour le porc. Chez le bœuf, la baisse de moitié des membres antérieurs et postérieurs fait écho à la différence de traitement observée chez cet animal entre le Ve s. et le VIe s. Aucun changement dans le traitement du squelette axial et des extrémités des pattes n’est perceptible à cette période. Leur absence est toujours manifeste, ce qui renvoie aux problèmes évoqués pour le Ve s. Pour les caprinés, l’augmentation des restes crâniens est remarquable tout comme la baisse des restes de mandibules. Pour la triade domestique, la consommation de la tête est toujours clairement attestée. Néanmoins, l’utilisation du taux de conservation n’exclut pas tous les biais taphonomiques. En effet, la forte proportion du crâne et des mandibules est à nuancer en raison du fort taux de fragmentation de cette région anatomique et donc de la multiplication des restes et des dents isolées. Le haut Moyen Âge documente un changement dans la répartition des espèces avec une prédominance nette des restes de caprinés. Les découpes sont peu nombreuses à cette période. L’augmentation des restes d’équidés et l’observation de deux ossements découpés posent la question de leur consommation. La fragmentation de leur squelette n’exclut pas cette possibilité. Les âges de mortalité restent globalement les mêmes qu’à la période précédente. Le nombre de jeunes caprinés augmente sensiblement. Les carcasses des caprinés et les porcs sont plus fractionnées,

Fig. 82:Tableau quantitatif des restes déterminés pour chaque organe du bœuf, des caprinés et du porc (époque mérovingienne, Phase 1E), (A. Masbernat-Buffat).

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peut-être dans la perspective de pièces de viande plus réduites ou d’un changement dans la préparation (salage, stockage…). À l’inverse, l’utilisation du bœuf semble différente. L’utilisation pour la force et le lait est peut-être privilégiée à cette époque. Le choix des portions de viande n’a pratiquement pas évolué aux VIe-VIIIe s. Le squelette axial et les extrémités des pattes sont toujours absents. 7.3. La Gramière dans son contexte régional

7.3.1. Espèces consommées à La Gramière et dans le midi de la France Le manque de publications dans nos régions pour les périodes abordées a restreint le choix à des sites qui, bien que chronologiquement proches, ont soit un statut différent de la villa, soit un nombre restreint de restes fauniques. Du Ve au VIIe s., douze sites, répartis entre le Languedoc occidental et la Provence orientale, ont permis de mettre en parallèle les données de La Gramière avec les données régionales. À Arles, la fouille d’un dépotoir du Ve s. dans le quartier de l’Esplanade a offert l’étude de près de 1500 restes (Congès et Leguilloux 1991 : 201234). L’agglomération fortifiée de hauteur de Constantine à Lançon-de-Provence a également fourni un corpus pour le Ve s. (Columeau 2001 : 123-137). L’oppidum de SaintBlaise a quant à lui permis de recueillir des données pour les Ve, VIe et VIIe s. (Columeau 1994 : 225-228). Une fosse sur l’agglomération de Gardanne dans les Bouchesdu-Rhône a livré des données pour le VIe s. (AudoinRouzeau 1991 : 341-346). Deux établissements ruraux camarguais ont également alimenté le corpus : le site du Carrelet du Ve s. (Saintes-Maries-de-la-Mer) et celui de Cabassole (Arles) du Ve et VIe s. (Forest 2004a 241-267).

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En Provence toujours, deux sites ruraux documentent le Ve s. : la ferme de l’Ormeau dans le Var (Columeau 1991b : 75) et un dépotoir dans une grotte située à quelques centaines de mètres de la ferme de La Fourbine à Saint-Martin-de-Crau (Columeau 1991a : 361-364). Pour le Languedoc, nous avons retenu les deux études sur le village gallo-romain et médiéval de Lunel-Viel : l’une sur le quartier central pour le Ve s. (Forest 2007 : 65-79) et l’autre sur le quartier ouest pour les Ve et VIe s. (Columeau 1990 : 302-308). En Languedoc oriental, trois établissements ruraux ont fourni des assemblages malheureusement restreints : la villa de Montagnac-Lieussac du VIe s., l’établissement de Fontès-Bardens également du VIe s. et l’établissement de Puissalicon pour les Ve et VIe s. (Forest 1998a : 162-173).

7.3.1.1. Gestion des troupeaux Intégrer le site de La Gramière dans une perspective régionale est complexe car les méthodes utilisées sont disparates entre spécialistes 10. Afin d’appréhender la gestion des troupeaux, l’évolution de la consommation et de l’apport carné, nous avons privilégié le nombre de restes déterminés. Ce choix se justifie en raison des approches comparables de calcul entre les différentes études de faune. Le nombre de restes ne renseigne pas directement sur la place des espèces dans l’alimentation carnée, la masse de viande produite par un bœuf étant supérieure à celle d’un mouton ou d’un porc, mais sur les possibles changements dans l’alimentation (Forest 1998b : 146147). Bas Empire La faune est marquée à la fin du IVe s. et au Ve s. par une forte proportion de bovins (fig. 84). Les caprinés sont correctement représentés mais en plus faible proportion que le bœuf.



Fig. 83 : Répartition anatomique de la triade domestique en fonction du taux de conservation - TC = NRi/NRith × 100 - (époque mérovingienne, Phase 1E), (A. Masbernat-Buffat). RAN, 42, 2009, pp. 115-216 fichier EDITEUR destiné à un usage privé

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Le porc, plus stable, arrive en troisième position de la triade domestique. Cette tendance, caractéristique du Ve s. à La Gramière, du moins jusqu’aux années 475, ne trouve pas d’écho dans la plupart des autres sites régionaux occupés à cette période (fig. 85). En effet, l’espèce majoritaire reste celle des caprinés suivi dans une majorité de cas du porc ; les bovins occupant le plus souvent la troisième position. Seul un site languedocien et un site provençal ont un pourcentage de bovins plus important : Puissalicon et le Carrelet. Pour ces deux établissements ruraux, le bœuf est l’espèce majoritaire et la proportion de caprinés reste très faible alors qu’à La Gramière cette part est plus conséquente. Le taux de porcins est plus ou moins équivalent surtout en ce qui concerne Puissalicon. Ce parallèle avec nos données est à nuancer en raison de la faiblesse numérique des assemblages de Puissalicon et du Carrelet. La situation du porc sur la villa est quelque peu originale. Dans tous les sites régionaux, le taux de restes de porc occupe la deuxième position, que les bovins ou les caprinés soient majoritaires. À La Gramière, le nombre de restes porcins reste stable mais toujours inférieur aux deux autres espèces de la triade domestique. C’est également le cas sur l’agglomération de Constantine. Au cours du bas Empire, le bœuf est représenté essentiellement par les adultes, seuls quelques individus jeunes adultes sont présents. Cette répartition est à rapprocher de l’agglomération de Constantine, de Lunel-Viel et du Carrelet. Cette préservation des adultes indique un élevage et une exploitation destinés à la force de travail et à la production de lait avant de passer dans le circuit de la consommation carnée. Les jeunes adultes sont suffisam-

ment matures pour offrir la meilleure qualité et quantité de viande pendant que certains adultes sont maintenus pour la reproduction. Malgré l’absence des très jeunes, une production de bœufs sur la villa afin de ravitailler d’autres sites n’est pas à exclure. En effet, la consommation des très jeunes veaux n’est pas attestée avant l’époque moderne (Audoin-Rouzeau 1991 : 343) et donc ne se retrouve pas dans les contextes de consommation de la villa. Les caprinés ont également une part prépondérante d’adultes et quelques jeunes adultes. Les jeunes individus sont présents ainsi qu’un individu âgé de plus de sept ans. Cette répartition se retrouve sur les sites de Lunel-Viel et Constantine. On retrouve, comme chez le bœuf, une préservation des individus adultes indiquant une exploitation pour les produits secondaires (lait et laine). La présence de jeunes correspond à un optimal carné et à une viande de qualité. L’individu réformé a été entretenu plus longtemps probablement pour la reproduction. Chez le porc, tous les âges sont représentés : près de la moitié des porcs n’atteignent pas l’âge adulte. Cette répartition est à rapprocher de Lunel-Viel et de Constantine qui se caractérisent par un équilibre relatif entre les âges. Ce mode de prélèvement s’explique par le fait que le porc n’offre pas de produits secondaires. Le choix d’une viande de qualité est recherché (porc de lait) et les individus abattus avant deux ans offrent un optimal carné. Il est inutile et onéreux de garder des porcs au-delà de deux ans, qui coûteront plus qu’ils ne rapporteront. Les adultes de plus de trois ans et demi quant à eux sont préservés pour la reproduction sur place dont témoignent les populations très jeunes et jeunes.

Fig. 84 : Évolution du nombre de restes déterminés pour chaque espèce sur toute l’occupation de La Gramière (fin IVe s. - VIIIe s.), (A. Renaud).

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Haut Moyen Âge Aux environs des années 475-525, la tendance s’inverse nettement (fig. 84). On assiste alors au cours du VIe s., à une forte augmentation de la proportion de caprinés par rapport aux bovins, ces derniers étant relégués à la troisième position après les caprinés et les porcs. Ce spectre de la triade domestique de La Gramière - caprinés, porc, bovins - est identique à ce que l’on observe sur certains sites contemporains, tous provençaux à l’exception de Lunel-Viel (fig. 85). En parallèle, deux sites du Languedoc occidental présentent un profil différent. Sur le site de Puissalicon, le bœuf est toujours dominant, comme au Ve s. Le site de Fontès-Bardens a également un taux plus élevé de bœuf. Toutefois, bien que le nombre total de restes soit faible, il nous est paru important de ne pas négliger cet apport documentaire, au même titre que les sites de Montagnac et de Lunel-Viel, quartier ouest. Les restes d’équidés, dont la proportion augmente légèrement, suivent plutôt la tendance de tous les sites. Au VIIe s., la répartition des espèces n’a pas changé par rapport au VIe s. Dans le contexte régional, seul l’oppidum de Saint-Blaise a fourni un lot de faune important (fig. 85) ; on y retrouve le même schéma qu’à La Gramière avec une très forte proportion de caprinés, puis le porc et le bœuf dans une moindre mesure. Sur la villa, le maintien des caprinés est accompagné d’une petite progression des restes d’équidés pour la première moitié du VIIe s. tandis qu’à Saint-Blaise ils sont quasi inexistants. Cet écart est peut être lié à la nature des sites et pose la question de l’utilisation et de l’exploitation des équidés à cette époque. 

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Bien qu’il soit difficile de comparer des espèces entre elles pour les raisons déjà évoquées, on ne peut négliger, entre le Ve s. et le VIe s., l’inversement évident entre le nombre de restes de bœuf et celui de caprinés. Dès le début du VIe s. et tout au long du VIIe s., l’apport carné des caprinés devient nettement plus important qu’au siècle précédent : un changement dans l’alimentation est donc clairement perceptible. S’agit-il alors d’un choix culinaire ou d’une contrainte économique, conséquence d’une nouvelle stratégie de production ? La rupture entre le Ve s. et le VIe s. est perceptible à plusieurs niveaux. Elle est, comme nous l’avons vu, lisible dans les choix alimentaires et à la fois dans l’organisation de la villa. En effet, cette transition s’accompagne de mutations dans l’aménagement des bâtiments. À ce même moment, les importations d’amphores baissent et l’activité agricole semble connaître des changements importants (supra, § 4.1). Cette évolution n’affecte pas la présence du porc qui reste constant tout au long de l’occupation du site mais qui, peu à peu, est consommé plus jeune avec parallèlement des naissances sur place attestées. Au VIIIe s., le nombre de restes total de La Gramière chute nettement par rapport aux siècles précédents. Au cours de la première moitié de ce siècle, on note une majorité de restes de caprinés, suivis de loin par le porc puis par le bœuf. Les équidés sont quant à eux peu représentés. Vers 750, malgré la baisse du nombre total de restes, les pourcentages du porc remontent et rejoignent ceux de restes des caprinés alors que le bœuf reste stable.

Fig. 85 : Répartition de la triade domestique aux Ve s.,VIe s. et VIIe s. dans le midi de la France RAN, 42, 2009, pp. 115-216 fichier EDITEUR destiné à un usage privé

(A. Masbernat-Buffat).

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Aux VIe-VIIIe s., les répartitions des âges diffèrent au niveau des proportions de juvéniles par rapport au Ve s. Ces stratégies d’élevage se rapprochent de celles de l’agglomération de Saint-Blaise où néanmoins les très jeunes caprinés sont bien représentés. Les bœufs sont toujours utilisés pour leur force de travail ou le lait et une meilleure qualité de viande avec la présence de jeunes. Chez les caprinés et les porcs, les taux de très jeunes et les nouveaux nés augmentent, ce qui confirme un élevage local. 7.3.1.2. La chasse Au Ve s., la faune sauvage de La Gramière représente environ 4 % du nombre de restes déterminés. Dans la région, la proportion de la faune sauvage varie fortement d’un site à l’autre, quelque soit sa nature. La ville d’Arles a une part quasi nulle, tout comme les établissements de Puissalicon et Cabassole qui n’ont livré aucun reste de faune sauvage. Les autres sites ruraux ont des proportions comprises entre 7 et 15 %. Le village de Lunel-Viel se détache nettement de tous ces sites contemporains avec près de 20 % de faune sauvage, représentée en grande partie par les lagomorphes. En définitive, la part de chasse à La Gramière est comprise entre celle de l’agglomération de Constantine et du dépotoir de la grotte de la Fourbine. Par rapport aux établissements ruraux, La Gramière est clairement en dessous de la moyenne. La faune sauvage est principalement caractérisée par les lagomorphes et les cervidés. Cette répartition des espèces sauvages correspond à celle de la majorité des sites méditerranéens (fig. 86). En effet, les lagomorphes représentent pour la majorité des sites l’espèce sauvage dominante. Seuls le Carrelet et la Fourbine présentent une majorité de cervidés. La pré-

sence de faune sauvage à La Gramière est donc à mettre en parallèle avec les agglomérations provençales comme Constantine pour le Ve s. Au VIe s., la part de la faune sauvage dans l’alimentation carnée reste plus ou moins stable pour un nombre total de restes équivalent : les écarts entre les divers sites se sont atténués. À Lunel-Viel, cette proportion chute à moins de 2 %. Certains établissements ruraux ont un apport cynégétique quasiment nul comme Puissalicon, Cabassole ou le site de Fontès. À La Gramière, la proportion de la faune sauvage est comprise entre celle de la ville de Montagnac et celle du dépotoir de la Fourbine. Les lagomorphes sont toujours largement majoritaires, comme à Saint-Blaise. Pour la villa de Montagnac et l’agglomération de Gardanne, on retrouve en priorité du cerf. La présence du sanglier est également bien réelle à LunelViel. Le cerf reste très marginal et aucun reste de sanglier n’a été identifié pour le VIe s. Au VIIe s., la faune sauvage atteint son taux le plus bas avec 2,6 % malgré un nombre de restes déterminés plus élevé. Seul le site de Saint-Blaise a fourni un corpus ostéologique assez pertinent avec un nombre de restes total important. À cette époque, La Gramière voit la disparition presque totale des cervidés et seuls les lagomorphes composent l’assemblage de la faune chassée, hormis un reste susceptible d’appartenir à du sanglier. Saint-Blaise livre également une majorité de lagomorphes mais d’autres espèces viennent compléter l’ensemble comme le chevreuil et le cerf, mais de manière marginale. Au cours du VIIIe s., la part diminue de nouveau, environ d’1 %. Il semble que cette activité cynégétique ne réponde pas réellement à un besoin alimentaire mais peut-

Fig. 86 : Représentation et répartition de la faune sauvage aux Ve,VIe et VIIe s. en fonction du nombre de restes déterminés (A. Renaud).

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être à une activité irrégulière. La part de la faune sauvage à La Gramière paraît en définitive subsidiaire dans l’alimentation carnée de l’établissement. La composition de la faune sauvage pose plusieurs problèmes. En ce qui concerne les cervidés, nous avons évoqué le problème des fragments de bois. Nous pouvons nous demander si le cerf a bien été chassé et consommé et s’il ne s’agit pas principalement de bois de chute. Si l’on soustrait les bois de cervidés du nombre de restes, le pourcentage tombe systématiquement sous la barre des 4 %. En ce qui concerne les lagomorphes, il s’agit au préalable de la question de l’élevage du lapin. À La Gramière, aucune donnée directe ne permet de savoir si les lapins sont de nature domestique ou sauvage. Cependant, il semble légitime de les inclure dans la faune sauvage pour plusieurs raisons. Premièrement, le nombre total de restes est insuffisant pour évoquer une consommation régulière en relation avec une captivité du lapin. Deuxièmement, la présence de lièvres et d’autres espèces sauvages peut plaider en faveur de lapins sauvages et chassés (Gardeisen et al. 1993 : 195). Troisièmement, chez le lapin il y a une majorité nette de membres antérieurs et postérieurs au détriment du reste du squelette, ce qui exclurait la captivité des lapins. En effet, dans le cas contraire, le squelette serait probablement représenté de manière plus équilibrée. De plus, l’absence de traces de découpe sur les ossements pourtant bien conservés suggère leur nature intrusive sans pour autant la démontrer car le lapin nécessite peu de manipulations avant d’être consommé. 7.3.2 Formats des animaux

De nombreux ossements ont fait l'objet de mesures (annexes 3-5). À l’échelle du site, leur nombre ne semble pas suffisant pour une analyse vouée à l’évolution chronologique du format des animaux. Faute de comparaison chronologique interne au site, la comparaison avec les populations animales voisines et contemporaines s’est imposée. Certaines mesures brutes ont fait l’objet d’analyse afin d’aborder les problématiques telles que la distinction des espèces et la diagnose sexuelle. La taille au garrot des différentes espèces présentes à La Gramière a été privilégiée, cette méthode offrant une lecture simple du format des populations animales malgré ses limites (Forest 1998c). Pour le bœuf, les coefficients utilisés ont été réduits à ceux de Matolcsi (Matolcsi 1970 cité par Von den Driesch et Boessneck 1974). Pour les moutons et chèvres, les coefficients utilisés correspondent à ceux de Teichert (Teichert 1975) pour le mouton et ceux de Schramm pour la chèvre (Schramm 1967). La taille au garrot des porcs a été calculée à partir des travaux de Teichert (Teichert 1969) et celles des équidés à partir de Kiesewalter (Kiesewalter 1888). La multiplication des coefficients entraîne inévitablement une grande variabilité

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des résultats aussi bien au niveau de l’espèce qu’entre les différentes parties anatomiques. Cette méthode statistique a certainement ses limites, mais il ne faut pas oublier qu’il s’agit seulement d’estimations permettant des comparaisons entre sites. Le bœuf À La Gramière, seul un métatarse a permis le calcul de la hauteur au garrot. Pour le métatarse, Matolcsi propose des coefficients minimal et maximal 11, ce qui nous donne une fourchette et une moyenne. La hauteur moyenne obtenue pour l’individu de La Gramière est de 119,9 cm, la valeur minimale étant de 116,2 cm et la valeur maximale de 123,6 cm. Dans la région, les sites de comparaison ont livré des données ostéométriques brutes ou des hauteurs au garrot déjà calculées. Ce corpus étant faible, ont été ajoutées les données provenant du site de La Bourse à Marseille (Jourdan 1976), le dépotoir daté du Ves. d’Arles (Congès et Leguilloux 1991) ou encore la villa du Clos de la Lombarde à Narbonne (Forest 2004b). Le graphique de comparaison des hauteurs au garrot dans le sud de la France (fig. 87) place l’individu de La Gramière dans la moyenne de l’Antiquité tardive. Cependant, ce métatarse a été mis au jour dans des niveaux du VIe-VIIe s. ap. J.-C. et le graphique n’offre que peu de sites contemporains. Il est donc difficile de préciser la position de notre individu dans l’ensemble régional aux VIe-VIIe s. ap. J.-C. L’article de V. Forest et I. Rodet-Belarbi (Forest et Rodet-Belarbi 2002) peut aider au positionnement de cet individu dans un contexte géographique plus large. Le corpus de données de cet article propose un classement des individus en fonction de la taille au garrot et du sexe : le format « petit » correspondant à des estimations de taille au garrot inférieures à 110 cm, le format « moyen » entre 110 et 120 cm environ, les « grands formats » entre 120 et 130 cm et les « très grands individus » correspondant aux tailles supérieures à 130 cm. Notre individu se place alors entre les formats moyen et grand (entre 110 et 130 cm), sans tenir compte du sexe. En complément au métatarse, il a été possible de comparer les données métriques de cinq talus. Le graphique de dispersion obtenu à partir de la longueur latérale et du diamètre transverse distal des talus (fig. 88) montre que les individus de La Gramière sont aussi dispersés que ceux du bas Empire de la région. Les valeurs minimales pour la fin de l’Antiquité vont de 55 mm pour la longueur et 36,5 mm pour le diamètre transverse à 69,1 et 46,9 mm. Un seul individu, celui des Clapisses daté des XIe-XIIe siècles, se démarque des populations bovines de l’Antiquité tardive et du haut Moyen Âge avec une valeur assez basse pour son diamètre transverse. Les individus identifiés sur la villa sont donc assez éloignés des populations dites « petites » du Moyen Âge central auxquelles 

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appartient le bœuf des Clapisses (Renaud et Rivals 2007 : 186). La variabilité des mesures de talus pour cette période provient de la diversité des formats et des variations dues au dimorphisme sexuel et à la castration. La hauteur au garrot de l’individu de La Gramière daté des VIe-VIIe s. ap. J.-C., l’intègre dans les formats moyen à grand, sans préfigurer les variations les plus basses des Xe-XIe s. en France.

Les équidés À La Gramière, vingt-quatre restes ont été attribués morphologiquement au cheval. Un métacarpe et un métatarse ont fait l’objet d’estimations de la hauteur au garrot 12 ainsi qu’un radius et un métacarpe d’équidé non déterminés spécifiquement. La valeur minimale est de 144,2 cm et la maximale de 148,2 cm. La moyenne générale pour notre site est alors de 146,4 cm de taille au garrot pour le haut Moyen Âge. Dans le contexte régional, trois publications ont permis une comparaison : la Bourse à Marseille, Gardanne dans les Bouches-du-Rhône et Ambrussum (Forest 1998d). Le graphique de la figure 89 se compose des tailles au garrot de chevaux mais également d’individus déterminés comme asiniens (fig. 89). Deux individus appartenant à la collection ostéologique de l’UMR 5140 de Lattes ont également été ajoutés : le premier correspondant à un cheval retrouvé à Ambrussum et le deuxième à un cheval provenant des puits gallo-romains de Lattes. Il apparaît assez clairement que l’individu de La Gramière se positionne dans la moyenne haute des chevaux de l’Antiquité tardive. Dans sa publication sur la taille du cheval en Europe de l’Antiquité aux temps moderne, F. Audoin-Rouzeau (Audoin-Rouzeau 1994 : 12) met en évidence à partir d’un large corpus ostéométrique européen, la disparition des grands chevaux romains « après la lente fin de 

l’Empire ». L’auteur indique également que quelques chevaux pouvant atteindre 145 à 150 cm au garrot perdurent au delà de cette limite chronologique mais une diminution des valeurs est perceptible au niveau européen puisque la moyenne pour le Moyen Âge est alors de 135,5 cm (Audoin-Rouzeau 1994 : 14). La hauteur au garrot, datée du VIe-VIIe s. ap. J.-C., se situe donc parmi les grandes valeurs des chevaux et hybrides du Moyen Âge.

Les caprinés Peu de restes ont été attribués spécifiquement au mouton ou à la chèvre. On a mis en relation sur la figure 90 la longueur latérale (GLl) et le diamètre distal (Bd) des talus de caprinés provenant de La Gramière, de Marseille, des Combettes de Montagnac et du Clos de la Lombarde. Les valeurs des chèvres et moutons s’entremêlent sans qu’aucune distinction spécifique ne soit possible. Cependant, deux groupes se distinguent. Peut être faut-t-il y voir une distinction en fonction du sexe des individus : les femelles correspondant au groupe des valeurs basses et les mâles seraient représentés par les valeurs hautes (talus les plus robustes). Les individus de La Gramière se répartissent entre mâles et femelles avec une plus grande part de femelles et se caractérisent par des dimensions inférieures ou égales aux moyennes des femelles de comparaison. Seuls deux talus se rattachent au groupe des mâles. La limite de ce graphique réside dans le fait que la distinction entre moutons et chèvres n’est pas systématiquement acquise. Pour la hauteur au garrot, un seul métacarpe, huit talus non attribués spécifiquement et un talus de mouton ont permis des estimations 13. Le problème est alors la non attribution spécifique puisque les coefficients ont été établis en fonction de l’espèce. Les travaux de Schramm (Schramm 1967) concernant la chèvre ne présentent 

Fig. 87 : Comparaison des hauteurs au garrot du bœuf dans le sud de la France (IVe-VIe s. ap. J.-C.), (A. Renaud). RAN, 42, 2009, pp. 115-216 fichier EDITEUR destiné à un usage privé

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Fig. 88 : Comparaison des mesures de talus pour le bœuf dans le sud de la France (IVe s. -Xe s. ap. J.-C.), (A. Renaud).

Fig. 89 : Comparaison des hauteurs au garrot d’équidés dans le sud de la France (IVe-VIe s. ap. J.-C.), (A. Renaud).

Fig. 90 : Comparaison des mesures de talus pour les caprinés dans le sud de la France (IVe-VIe s. ap. J.-C.), (A. Renaud). RAN, 42, 2009, pp. 115-216 fichier EDITEUR destiné à un usage privé

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aucun coefficient pour le talus ce qui nous oblige à utiliser les coefficients moyens de Teichert (Teichert 1975) correspondant aux moutons. La hauteur au garrot des caprinés de La Gramière est en moyenne de 57,7 cm (coefficient relatif au mouton) avec une valeur minimale de 46,3 cm et une valeur maximale de 58,3 cm. Le seul métacarpe permettant une estimation pour la chèvre est de 61,1 cm. Sur le graphique confrontant les tailles au garrot des caprinés dans la région (fig. 91), les individus de la villa se situent dans les valeurs basses, celles des moutons. Le métacarpe (triangle noir) est quant à lui localisé dans la zone de recoupement. Le sexe jouant probablement un rôle important dans cette zone intermédiaire, il est difficile d’attribuer ce métacarpe à l’une ou l’autre espèce. La distinction spécifique des caprinés à partir des mesures de talus et sur la base des hauteurs au garrot n’est pas concluante pour le site de La Gramière. Cependant, les graphiques apportent des informations quant à la composition du cheptel au niveau des répartitions sexuelles où les femelles dépassent en nombre les mâles. Les hauteurs au garrot mettent en évidence que la population des caprinés de notre site se composerait essentiellement de moutons. Le format de ces animaux étant situé dans la moyenne et également dans les valeurs basses de la région, il peut s’agir de « petites brebis ». Mais en l’absence de coefficient pour les chèvres concernant le talus, ces résultats doivent être pris avec prudence : ils ne permettent pas d’exclure la présence de chèvres. Le porc Cinq ossements ont permis une estimation de la taille au garrot du porc 14 : un radius, un métacarpe III, un métacarpe IV et deux talus. La moyenne est de 76,9 cm, le minimum étant de 69,8 cm et le maximum de 77,5 cm. Dans le contexte régional, les porcs de La Gramière sont 

assez proches de la moyenne pour les IVe-VIIe s. ap. J.-C., qui est d’environ 73,5 cm. Une mandibule possédant une troisième molaire développée a incité une étude ostéométrique afin de déterminer le statut sauvage ou domestique de cet individu. Sur le diagramme de dispersion des mesures des troisièmes molaires dans le sud de la France (fig. 92), ce suidé se détache du reste des mesures prises à La Gramière. En effet, cette molaire est plus longue (36,7 mm) que les autres troisièmes molaires (de 29 à 31,3 mm). En comparant ces mesures à celles de sangliers actuels, mâles et femelles, aux mesures des porcs de La Bourse à Marseille et à celles du Clos de la Lombarde, il est assez difficile de se prononcer, vue la zone de recoupement des mesures de porcs et de sangliers. Les trois autres individus de notre site se situent nettement dans le groupe des porcs. Là encore, le facteur sexuel joue probablement un rôle important puisque le verrat, indispensable pour la reproduction, est très corpulent, et peut se situer dans les valeurs fortes des porcs qui recouvrent celles des sangliers. Le chat Un chat a été mis au jour dans un niveau de comblement de la canalisation daté de la première moitié du Ve s. L’ensemble est composé de dix-huit restes osseux bien conservés. On dénombre une canine inférieure, deux vertèbres thoraciques, deux vertèbres lombaires, le coxal droit, les deux fémurs, les deux tibias, une fibula, quatre métatarses gauches, deux métatarses droits et un calcanéum. L’absence du crâne, des membres antérieurs et d’une partie du rachis peut s’expliquer de différentes manières : remaniements post-dépositionnels, perturbation ancienne du niveau archéologique, ou techniques de fouille comme l’absence de tamisage. Il s’agit d’un individu de sexe indéterminé. Aucune trace d’intervention anthropique n’a été observée. Les lignes de synostose étant encore visibles sur la plupart 

Fig. 91 : Comparaison des hauteurs au garrot des caprinés dans le sud de la France (IVe-VIIe s. ap. J.-C.), (A. Renaud).

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des os, l’âge de cet individu est estimé à 12-19 mois 15. La comparaison des données ostéométriques publiées par Kratochvil (Kratochvil 1976 : 36-42) et Baraton (Baraton 2001 : 59-62) avec celles du chat de La Gramière met en évidence que ce dernier est plus proche du chat domestique que du chat sauvage (fig. 93) 16. Les valeurs du chat de La

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Gramière se situant dans la fourchette inférieure des données Felis catus, celui-ci était donc de petite taille. Les valeurs ostéométriques (GL et SD) du fémur comparées aux données de Baraton, à celle d’un chat domestique actuel et de chats retrouvés en contextes archéologiques, rattachent également le chat de La Gramière à l’espèce domestique (fig. 94) 17.

Fig. 92 : Graphique de comparaison des mesures de 3e molaires inférieures de porc dans le sud de la France

(A. Renaud).

Fig. 93 :Tableau comparatif des valeurs ostéométriques du chat de La Gramière et des données Felis catus/Felis silvestris de St. Baraton (Baraton 2001) et Zd. Kratochvil (Kratochvil 1976), (S. Porcier).

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Diversité des populations animales de La Gramière La caractérisation du format des animaux a permis de mettre en évidence des formats assez diversifiés pour les bœufs, entre moyen et grand formats. Les équidés, quant à eux, font partie des plus grands chevaux ou hybrides de la période médiévale. Au contraire, les caprinés se situent dans les valeurs basses de l’Antiquité et du haut Moyen Âge alors que les porcs sont de taille moyenne. De plus, la composition des troupeaux chez les caprinés a révélé une part plus importante des femelles par rapport aux mâles, avec une majorité de moutons. Enfin, le statut domestique du chat de La Gramière semble assuré. 

7.4. Conclusion

De cette étude se dégage un faisceau de pratiques pastorales et alimentaires, spécifiques à La Gramière. L’importance des bovins mise en évidence par les taux de NRD au bas Empire associés à l’absence de jeunes veaux indique un système d’approvisionnement original par rapport aux données régionales contemporaines, probablement lié à une économie agropastorale forte où les produits secondaires sont privilégiés. Ce fait est confirmé par le taux très élevé de caprinés abattus pour la boucherie à l’âge adulte. En parallèle, les porcs ont un rendement minimal constant traduit par une courbe d’abattage plus large (avec 10 % de très jeunes et 40 % de juvéniles) qu’il

est intéressant de mettre en relation avec une répartition anatomique et un mode de traitement des carcasses différents de ceux du bétail. Dans tous les cas de figure, l’élevage des espèces propres à la triade domestique semble être réalisé sur place avec un confort de prélèvement sur les troupeaux et une activité agricole forte qui font que le recours à la prédation est très limité et fondé sur des espèces de faible rapport comme les lagomorphes et les poissons (infra, § 9). Tout au long de l’occupation de la villa, les oiseaux - et en particulier les galliformes domestiques - ont été consommés. L’éventualité d’un élevage local est envisagée au vu de la présence de juvéniles et de fragments de coquilles d’œuf (infra, § 8). La période mérovingienne, nettement mieux documentée quantitativement, voit se mettre en place un approvisionnement différent avec une diminution notable des restes de bovins consommés, compensée par une nette augmentation des caprinés d’une part et des porcins d’autre part. Le système d’exploitation semble toujours privilégier les productions laitière, lainière, force de travail tout en s’accordant un quota plus important de bêtes destinées à la boucherie. Le bœuf reste un animal plus strictement réservé à l’activité agricole car il participe à l’apport carné pour 90 % des restes d’animaux adultes, probablement de réforme.

Fig. 94 : Diagramme de dispersion en fonction de la longueur totale (GL) et du diamètre transverse minimum de la diaphyse (SD) des fémurs de chat (S. Porcier). RAN, 42, 2009, pp. 115-216 fichier EDITEUR destiné à un usage privé

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En résumé, l’approvisionnement carné de la zone 1 de La Gramière traduit une forte orientation pastorale à laquelle s’ajoute le développement progressif de l’exploitation du petit bétail et des porcs. Compte tenu des pratiques contemporaines, il semble que les habitants aient mis en place au cours de l’Antiquité un système de production qui n’a pu être maintenu pour des raisons que l’on ignore (conditions environnementales, éloignement relatif de grands centres urbains, déficience dans la production…). Il serait risqué de tenter d’extrapoler au-delà tant il est certain que la vision offerte par les assemblages de la zone 1 est une réduction de ce que pourrait être la consommation et l’élevage à l’échelle de la villa. Les répartitions anatomiques, avec leur caractéristiques propres et plus particulièrement la spécificité des porcs soulignent un débitage primaire hors zone et l’introduction à l’échelle domestique de carcasses déjà mises en pièce pour la consommation directe. La Gramière et en particulier la phase 1E, époque mérovingienne, éclaire ainsi les pratiques pastorales et alimentaires dans les proches garrigues nîmoises à une période où la documentation est extrêmement fragmentaire et inégale. Les assemblages posent la question de la spécificité de certains élevages (cheval, lapin et poulet) en un temps et en un lieu donnés, mais surtout soulignent la question de la finalité de cet élevage dont la consommation et l’alimentation carnée n’ouvrent qu’une fenêtre.

8. L’AVIFAUNE par Ll. Garcia

Les fouilles de la zone 1 ont livré 171 restes attribuables à la classe zoologique des oiseaux. Pour la fin de l’Antiquité, 45 restes ont été recensés, 117 pour l’époque mérovingienne et 9 pour l’époque carolingienne (annexe 2). Cette répartition inégale est à l’image de celle des restes fauniques consommés tout au long de l’occupation de la villa. Du fait de l’homogénéité de l’assemblage, les résultats seront commentés ici de manière globale. La grande majorité des restes identifiés (90 %) correspond au groupe galliformes-phasianidae-Gallus. Les critères d’identification des galliformes de taille moyenne sont bien établis depuis le travail d’Erbersdobler (Erbersdobler 1968), mais leur application dépend largement de l’état de conservation des restes et est même impossible pour certaines parties squelettiques. Toutefois, et à l’image des restes de mammifères, les ossements attribués aux oiseaux présentent un excellent état de conservation. Il est donc possible, a priori, d’exclure un biais taphonomique à l’origine d’une perte potentielle de matériel. Même si l’ordre des galliformes de taille com-

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parable au coq regroupe le grand tétras, le tétras lyre, le faisan et la pintade (la famille des phasianidés est formée par le coq et le faisan), il faut considérer que la totalité des restes identifiés comme galliformes ou phasianidés correspond à Gallus gallus, seule espèce ostéologiquement identifiée. On peut étayer cette hypothèse par deux remarques complémentaires : la reconnaissance d’individus juvéniles (huit restes de juvéniles galliformes et seize restes de juvéniles indéterminés) témoigne probablement de la naissance de poulets sur place ainsi que l’observation de découpes sur l’humérus et les coracoïdes (quatre restes) qui confirme leur préparation et leur consommation sur place. Au vu de la représentation anatomique, il apparaît que tous les os longs sont bien représentés (ailes et pattes), certains même nous étant parvenus entiers. Le Gallus gallus, nom scientifique pour le coq (qui désigne aussi l’ensemble de l’espèce, la poule, le poulet, le chapon et la poularde) est une espèce originaire de la vallée de l’Indus, dont la présence en France remonte au VIe s. av. J.-C. (Garcia 2002). Depuis cette date, les galliformes domestiques sont régulièrement consommés mais toujours dans des proportions relativement faibles par rapport à l’approvisionnement carné global. Il est donc permis de considérer qu’il s’agit d’actes de consommation occasionnelle, à l’image de celle du lapin. Cela pose la question de la finalité de cet élevage répandu qui offre en outre une production régulière d’œufs. Il semble que la poule bénéficie d’un statut particulier dès le IIIe s. avant J.-C dans le sud de la France où l’on a retrouvé par exemple des squelettes ainsi que des œufs dans les tombes d’Ensérune (Gardeisen 1995).

9. LES RESTES DE POISSONS par G. Piquès

Sur les quarante-neuf unités stratigraphiques échantillonnées, datées du haut Empire à l’An Mil, trente-trois ont livré des restes de poissons recueillis par tamisage à l’eau à l’aide d’une colonne de tamis de 4, 2 et 0,5 mm. Si on exclut les côtes, les épines, les lépidotriches, les axonostes et les écailles, 63 restes sur 79 (soit 80 % environ), ont pu être déterminés d’un point de vue taxonomique. Sept taxons ont été identifiés : l’anguille, Anguilla anguilla, l’alose, Alosa sp, le brochet, Esox Lucius, la perche, Perca fluviatilis, le loup, Dicentrarchus labrax et des représentants de la famille des Cyprinidés et des Mugilidés. Compte tenu du faible nombre de restes disponibles, une étude quantitative et diachronique des poissons consommés ne peut être envisagée. Ces restes nous apportent toutefois des informations qualitatives, notamment sur le milieu exploité et les circuits d’approvisionnement en poisson au cours de l’Antiquité tardive et du haut

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Moyen Âge. Or pour ces périodes comme pour le Moyen Âge, les données archéozoologiques sur le poisson font cruellement défaut dans le sud de la France. Il convient donc, dans un premier temps, de présenter les restes déterminés par taxon (fig. 95), avant de passer aux informations que l’on peut tirer de ces données. 9.1. Les restes déterminés

L’anguille, Anguilla anguilla (Linné, 1758) Six restes sont attribués à cette espèce. Les mesures prises sur deux vertèbres thoraciques et un dentaire correspondent chacune à des spécimens de 40 cm de longueur totale pour un poids de 100 g environ. 

Référentiel ostéométrique utilisé : Piquès1998 Us 1366 : 2e vertèbre ; M1 = 2,1 mm ; M3 = 2,6 mm Us 1512 : dentaire droit ; M1 (diamètre antéro-postérieur maximal) = 15 mm

Us 2240 : 21-30e vertèbre ; M1 = 2,6 mm, M2 = 2,8 mm, M3= 3,8 mm Us 1125, 1155 et 1530 : vertèbre caudale

L’alose, Alosa sp. Trois vertèbres sont attribuées à ce poisson de la famille des clupéidés à laquelle appartiennent, entre autres, la sardine et le hareng. La différentiation entre A. alosa, la grande alose et A. fallax, l’alose feinte, morphologiquement très proches, n’a pu être effectuée. Les marques de croissance n’étant pas visibles sur ces vertèbres on ne peut déterminer, par rapport à la taille des vertèbres, si elles correspondent à la croissance de l’alose feinte ou de la grande alose. L’élément discriminant le plus fiable peut toutefois être la taille des spécimens, la grande alose atteignant 70 à 80 cm de long alors que l’alose feinte ne dépasse pas 50 cm. Cependant d’après leur mesure (M1 = hauteur maximal 

Fig. 95 : Inventaire du nombre de restes déterminés par taxon et indéterminés recueillis à la Gramière (IIIe – Xe s.), (G. Piquès). RAN, 42, 2009, pp. 115-216 fichier EDITEUR destiné à un usage privé

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du centrum ; M2 = diamètre transverse du centrum, M3 = diamètre antéro-postérieur du centrum), les vertèbres recueillies appartiennent à des spécimens de moins de 40 cm de longueur totale par comparaison avec la mesure des vertèbres de nos squelettes de référence d’A. fallax. Il s’agit pour l’Us 2240 d’un individu de taille inférieure de peu à 40 cm pour un poids d’environ 500 g. Les deux autres aloses (Us 1350 et 2215) apparaissent nettement plus petites. Us 1350 : vertèbre thoracique ; M1 = 1,8 mm, M2 = 2,4 mm, M3 = 1,7 mm Us 2215 : vertèbre thoracique ; M1 = 2,2 mm, M2 = 2,6 mm, M3 = 2,1 mm Us 2240 : vertèbre thoracique ; M1 = 3,4 mm, M3 = 3,3 mm

Le Brochet, Esox lucius (Linné, 1758) Deux vertèbres de brochet d’environ 45 cm de longueur totale. Sur l’une de ces vertèbres (Us 1512) sont visibles les marques de croissance, en l’occurrence deux annuli, le deuxième étant situé en limite de la bordure du centrum. 

Us 1512 : 42e ou 43e vertèbre, M1 = 5,5 mm, M2 = 5,3 mm, M3 = 4,5 mm Us 1530 : vertèbre thoracique, M3 = 4,9 mm

La perche, Perca fluviatilis (Linné, 1758) Cette espèce est attestée dans des couches du Ve siècle par un fragment de dentaire d’un spécimen de 30 cm de longueur totale pour un poids de 300 g environ et plusieurs écailles cténoïdes.



Référentiel ostéométrique utilisé : Desse et al. 1987a Us 1491 : dentaire droit, M4 = 3,4 mm Us 1366, 1434, 1270 : écailles cténoïdes

Le loup, Dicentrarchus labrax (Linné, 1758) Un otolithe, cassé à la moitié, d’un spécimen de 35 à 40 cm pour un poids d’environ 500 à 700 g.



Famille des Cyprinidés La majeure partie des os déterminés (46 sur 63) est attribuée à des représentants de cette vaste famille. Parmi ces restes figurent un maxillaire (Us 1530) et un os pharyngien (Us 1491) de vandoise, Leuciscus leuciscus. Deux autres os pharyngien (Us 1218, 1491) moins bien conservés (dents et processus anterior manquants) peuvent être attribués au genre Leuciscus (vandoise, chevaine) d’après leur forme et les bases d’implantation des dents (5+2) disposées sur deux rangées (d’après Le Gall 1984 ; Libois et Hallet-Libois 1988). Les quarante-deux os restants sont des vertèbres. L’identification de l’espèce ou du genre à partir de ces pièces n’est pas aisée compte tenu de leur morphologie assez proche entre représentants de cette famille, en parti

Us 2215 : otolithe, Largeur maximale = 5,1 mm

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culier pour les vertèbres caudales. De plus, sur les vertèbres thoraciques, l’orientation des neuraphophyses et prézygapophyses ne peut être utilisée comme élément discriminant (Le Gall 1984 : 57-64) dans la mesure où ils ne sont pas conservés. Sur les seize vertèbres thoraciques représentées, six peuvent être attribuées sans risque au genre Leuciscus. Pour les autres, une confusion reste possible entre Leuciscus et d’autres cyprins. Nous pouvons toutefois exclure la présence de brème, Abramis brama, de tanche, Tinca tinca et de carpe, Cyprinus carpio. Cette dernière semble n’avoir été introduite en France qu’à partir du XIIIe siècle à des fins d’élevage, d’après les sources textuelles et archéozoologiques (Benarrous et Marinval 2004). La mesure M1 de ces vertèbres s’échelonne entre 1,4 et 2,4 mm et atteint 3,6 mm pour seulement une d’entre elles. Pour le genre Leuciscus, cela correspond à de petits individus de 15 à 20 cm environ, le plus grand mesurant autour de 25 cm.

Famille des Mugilidés Une vertèbre caudale d’un muge d’une longueur totale d’environ 50 cm pour un poids de 1000 g auquel peuvent être attribués également trois fragments d’un operculaire, retrouvés dans le même prélèvement.



Référentiel ostéométrique utilisé : Desse et al. 1987b Us 2215 : vertèbre caudale I, M1= 9,2 mm, M2=9,8 mm + trois fragments d’operculaire

9.2. Interprétation et discussion

Parmi les taxons représentés, l’alose, l’anguille, le brochet, la perche et les cyprinidés font partie des poissons pouvant provenir d’une pêche locale, dans un rayon de quelques kilomètres du site. Les aloses tout d’abord, aussi bien A. fallax que A. alosa, sont des poissons amphihalins d’origine marine qui migrent en eau douce pour se reproduire, où elles séjournent quelques mois (entre mai et juillet). De nos jours, les barrages sur le Rhône et ses affluents ont considérablement restreint leur voie de migration. Avant les années 1930, la grande alose remontait encore le Gardon (passant à 3 km au sud de la Gramière) jusqu’au niveau de la commune de Remoulins (Bruslé et Quignard 2001 : 303). Les cyprinidés représentés sont, dans l’ensemble, des espèces d’eaux courantes, en particulier du genre Leuciscus comme la vandoise, Leuciscus leuciscus, qui affectionne les eaux fraîches et pures, à fond de graviers et de cailloux. Quant au brochet et à la perche, ils fréquentent aussi bien les eaux courantes, mais modérées, (< 25 cm/s pour le brochet) du cours inférieurs des rivières et des fleuves, que les eaux stagnantes des lacs et des étangs. On les

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retrouve notamment comme espèces d’accompagnements des cyprins d’eaux courantes de la « zone à barbeau » selon la classification de Huet (Le Gall 1984 : 130). Par ailleurs, l’absence de tanche et de brème à La Gramière semble exclure une pêche en eaux calmes et lentes des étangs et des rivières. De ce fait, il est fort possible que ces poissons proviennent du même endroit, en l’occurrence d’une « zone à barbeau ». Dans les environs du site, seul le cours du gardon en aval du Pont du Gard pouvait correspondre à ce milieu. Moins encaissée qu’en amont, la rivière est à cet endroit beaucoup plus facile d’accès mais surtout plus adaptée à la pêche au filet, en particulier l’épervier. Cette zone devait par ailleurs être beaucoup plus poissonneuse que la « zone à truite » du cours supérieur du Gardon qui, cela étant, ne devait certainement pas être délaissée. Parmi les poissons représentés, figurent également l’anguille, attestée ponctuellement comme le brochet, la perche et l’alose de l’Antiquité tardive au haut Moyen Âge. Cette espèce, qui présente une large distribution, des eaux littorales (estuaires, lagunes) aux eaux continentales (fleuves, rivières, lacs, étangs) pouvait également être pêchée dans le bas Gardon. Il ne faut toutefois pas exclure l’importation d’anguilles, vivantes ou salées, en particulier des lagunes languedociennes où elles foisonnent. L’acheminement de poisson du littoral vers le site est attesté au IVe siècle par la présence dans une même couche (Us 2215) de restes de loup et de muge, poissons abondants en lagune comme en mer. Quelle était la part du poisson dans l’alimentation des

habitants de La Gramière ? Bien que nous ne puissions ici la quantifier, il faut souligner que sur les 49 échantillons prélevés, 33 ont livré au moins un reste d’ichtyofaune, ce qui n’est pas négligeable au regard du faible volume des échantillons mais aussi du contexte archéologique. En effet, la partie explorée du site a mis au jour principalement des bâtiments et structures à vocation agricole et artisanale, moins propices aux rejets de déchets de poisson que ne l’est l’habitat. De ce fait, le poisson semble se présenter comme une denrée courante, et peut être recherchée. L’histoire de sa consommation est étroitement liée à celle du christianisme et de ses prescriptions alimentaires ; raison de plus pour ne pas négliger ces données archéozoologiques.

10. LES RESTES CARPOLOGIQUES PAR

N. ROVIRA

10.1. Introduction L’échantillonnage réalisé sur le site de La Gramière lors des campagnes de fouilles de 1999 à 2002 a permis la collecte d’un certain nombre de restes carpologiques (graines et fruits archéologiques). Ces carpo-restes témoignent de la consommation et de l’utilisation de divers produits végétaux par les habitants de la villa au cours surtout des occupations du bas Empire (IVe-Ve s. ap. J.-C.) et du haut Moyen Âge (VIe-Xe s.).

Fig. 96 :Type d’unités stratigraphiques échantillonnées à La Gramière. En noir : le nombre d’échantillons par type d’Us ; en gris : la densité de restes/litre selon le type d’Us (N. Rovira).

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10.1.1. Matériel et méthodes

10.2. Résultats : les taxons végétaux attestés

L’échantillonnage conduit sur le site de La Gramière s’est centré spécialement sur un certain type de structures (par exemple, structures de combustion, fosses, canalisations) et d’unités stratigraphiques (niveaux de circulation et d’occupation, niveaux cendreux et charbonneux) susceptibles de contenir des résidus organiques. Sur les quarante- neuf échantillons prélevés sur le site, trente-neuf ont livré des restes carpologiques. En général, les unités stratigraphiques les mieux représentées sont les comblements de fosse (fig. 96). Les densités de restes par litre les plus élevées correspondent cependant à un niveau cendreux (Us 1427 : 9,20 restes/litre) et aux résidus d’un foyer (Us 1404 : 3,85 restes/litre), bien que deux comblements de fosse (Us 1224 et 2308) présentent également des densités très hautes (12,3 et 4020 restes/litre respectivement). Ainsi, un total de 1528 restes ont été collectés pour un volume de 626,25 litres de sédiment tamisé. Il faut noter cependant qu’un millier de ces restes correspond à des graines de lin qui font partie d’un seul amas (Us 2308). En définitive, le nombre absolu de carpo-restes, en excluant cet amas, est de 523 restes (individus et fragments inclus). En général, le taux de fragmentation des restes est élevé et leur état de conservation assez déficient. La presque totalité des restes collectés sont carbonisés, seuls quelques pépins de raisin sont minéralisés. Il s’agit pour la plupart de graines au sens large (caryopses, noyaux, pépins, akènes et fragments de coque), bien que deux tiges et un réceptacle floral aient également été collectés. À noter l’absence de restes de balles des céréales. Les échantillons ont été tamisés à l’eau sur une colonne de tamis à mailles de 4, 2 et 0,5 mm. Le tri des fractions de 4 et 2 mm s’est fait à l’œil nu, tandis que celui de la fraction de 0,5 mm à l’aide d’une loupe binoculaire.

Une des principales caractéristiques des ensembles carpologiques de La Gramière est que le nombre de restes des plantes sauvages est presque équivalent à celui des plantes cultivées (fig. 97). Un total de trente-deux taxons végétaux a été déterminé : dix-neuf appartiennent à des espèces sauvages et treize à des espèces cultivées. Parmi ces dernières, les céréales comptent cinq taxons, les légumineuses quatre, les fruits trois et les oléagineuses un. De la totalité des carpo-restes collectés, seuls vingt n’ont pas pu être déterminés (fig. 98). Le blé tendre/dur (Triticum aestivum/durum) et l’orge vêtue (Hordeum vulgare) sont les céréales les plus importantes de La Gramière sur la base tant du nombre de restes que de leur fréquence absolue et relative d’attestation (autour de 50 et 25 % respectivement). Le blé amidonnier (Triticum dicoccum) est représenté autour de 10 % en moyenne, tandis que le millet commun (Panicum miliaceum) et le seigle (Secale cereale) ont une présence plus ponctuelle (5 et 3 %). En ce qui concerne l’avoine (Avena sp.), l’absence de glumes ne permet pas d’affirmer sa culture. Elle a donc été classée parmi les plantes sauvages, bien que quelques spécimens aient une taille qui avoisine celle des cultivés. La vesce cultivée (Vicia sativa) est le taxon le plus important du groupe des légumineuses en nombre de restes et en fréquence d’attestation (31 %). La lentille (Lens culinaris) et la gesse (Lathyrus sativus/cicera) suivent avec une fréquence de 13 %, la première étant mieux représentée que la seconde. Enfin, le pois (cf. Pisum sativum) est attesté de façon ponctuelle.

Fig. 97: Relation (en %) entre les plantes cultivées et les plantes sauvages attestées à La Gramière (à gauche), ainsi qu’entre les différentes catégories de plantes cultivées (à droite), selon le nombre de restes (A) et de taxons (B), (N. Rovira).

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Fig. 98 : Quantification et détermination des carpo-restes collectés à La Gramière à partir du nombre absolu de restes (colonne blanche), ainsi que de la fréquence absolue (colonne grise, à gauche) et relative (colonne grise, à droite) d’attestation des taxons, au cours des périodes et phases d’occupation du site. Mode de conservation : carbonisation (carb.), minéralisation (min.).Type de reste : graine au sens large (g), pédicelle (ped), réceptacle floral (rf), tige (t). *Quantifications approximatives (N. Rovira). RAN, 42, 2009, pp. 115-216 fichier EDITEUR destiné à un usage privé

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En ce qui concerne les fruits, le raisin (Vitis vinifera) est le plus important (44 % de fréquence d’attestation). Les olives (Olea europaea) et les noix (Juglans regia) sont uniquement attestées de façon ponctuelle. Enfin, parmi les plantes cultivées, on note également la présence du lin (Linum usitatissimum), qui fait partie notamment d’un amas de graines carbonisées attesté dans le comblement d’une fosse (Us 2308). Un total de trentedeux fragments de tailles diverses, équivalant à 150 ml de volume, a été collecté. Dans cet amas ont également été décomptées cinq graines de silène (Silene sp.). En ce qui concerne les plantes sauvages, la plupart des taxons appartient à des regroupements végétaux de rudérales et d’adventices. Malgré l’absence de taxons au cours de la plupart des phases, les espèces les plus fréquentes et abondantes sont l’ivraie enivrante (Lolium temulentum), qui présente une fréquence de 23 %, l’ivraie ou ray-grass (Lolium sp.), l’avoine (Avena sp.), les vesces sauvages (Vicia sp.), ainsi que la saponaire des vaches (Vaccaria sp.) et la petite oseille (Rumex acetosella). Notons la présence de certains taxons qui poussent dans des milieux humides (marais, étangs, bordure de cours d’eau), comme la naïade marine (Najas marina) ou le marisque (Cladium mariscus). D’un point de vue général, la plupart des ensembles carpologiques attestés à La Gramière au cours des différentes phases d’occupation dans ce secteur de la villa sont des dépôts secondaires. Il s’agit certainement de déchets de consommation (humaine ou animale) ou, dans certains cas, de résidus d’activités artisanales (vinification ? élaboration d’huile de lin ?), fruit du nettoyage des espaces ou des structures d’habitation, artisanales et agricoles. 10.3. Discussion : consommation et utilisation de produits végétaux à La Gramière

Le faible nombre de carpo-restes collectés sur le site de La Gramière ne permet pas d’interpréter l’évolution des taxons, donc de la consommation et l’utilisation des produits végétaux, d’un point de vue diachronique. Néanmoins, un certain nombre de tendances ressortent de l’analyse carpologique et permettent de tracer les grandes lignes de l’économie végétale de la villa au cours surtout des périodes du bas Empire et mérovingienne. La caractéristique principale des contextes analysés dans ce travail est qu’il s’agit majoritairement d’espaces destinés à des activités agricoles et artisanales. La partie résidentielle de la villa se trouve plus au sud et n’a pas été encore fouillée (Buffat 2004). Ce fait peut donc influencer plus ou moins fortement tant la composition taxonomique des ensembles carpologiques attestés que les interprétations qui en découlent.

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10.3.1. Le haut et le bas Empire Durant les phases qui se rattachent à l’occupation du haut Empire (IIe-IIIe s. ap. J.-C.) la plupart des espèces dominantes des périodes postérieures sont déjà présentes : le blé tendre/dur, la lentille, les vesces cultivées, les olives et le raisin. L’absence d’autres espèces, comme l’orge vêtue, le millet commun ou les gesses, est probablement dûe au nombre peu élevé d’échantillons, ainsi que de restes collectés pour cette période. D’un point de vue géographique, ces données suivent les principales tendances aperçues non seulement durant cette période sur la région nîmoise (par exemple, Rovira 2006), mais également depuis l’âge du Fer en Languedoc oriental et en France méridionale (Ruas, Marinval 1991 ; Buxó 1992, 1999, 2003 et 2005 ; Alonso et al. 2007 et 2008). En ce qui concerne l’établissement du bas Empire (milieu e III -Ve s.) de La Gramière, il se caractérise principalement par la présence de certains aménagements agricoles (étable ou chai vinicole ?) et hydrauliques (une canalisation et un bassin), qui sont modifiés de façon plus ou moins importante au cours de cette longue période. Cependant, la vocation agricole de cette zone de la villa restera toujours intacte, car si certains bassins vinicoles sont comblés et perdent leur usage, de nouvelles cuves sont construites par la suite. De façon plus générale, la composition taxonomique des échantillons des phases 1F et 2F montre que les principales espèces végétales consommées durant cette époque en France méditerranéenne sont globalement présentes à La Gramière (Ruas 1989 ; Ruas, Marinval 1991 ; Marinval 1999 ; Ruas et al. 2006). Ainsi, le blé tendre/dur est la céréale la plus importante (50 % de fréquence), suivie de l’orge vêtue (30 %) ; les lentilles (20 %), les vesces cultivées (30 %) et les gesses (20 %) sont également bien représentées. Les fruits sont représentés par les noix, les olives et surtout par le raisin, qui a une fréquence relative d’attestation de 80 %. Enfin, le lin cultivé est ponctuellement attesté par un seul spécimen (fig. 98). L’interprétation comme une étable du grand bâtiment en L (pièce 2/3) avec des piliers et un sol en béton de tuileau, dans lequel quatre rigoles qui se déversent dans un bassin (1/17) ont été creusées, pose toujours problème (Buffat 2004 : 224227). L’analyse micromorphologique a identifié des restes végétaux de type « litière » sur ce sol (Us 2170), mais les restes carpologiques (un seul spécimen de blé tendre/dur, d’avoine et d’ivraie) attestés dans cette même couche ne permettent pas de confirmer cette identification. En revanche, l’attestation quasi exclusive au cours de la phase 1F2d de pépins de raisin sur le sol SL1313 (Us 1491), au nord de la pièce 2/3, et dans une rigole (Us 1501) de la même pièce qui se déverse dans le bassin 1/17, semble assurer, malgré leur faible nombre, l’utilisation de ces installations à de fins vinicoles durant le Ve s.

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10.3.2. Les périodes mérovingienne et carolingienne La période mérovingienne (VIe-VIIIe s.) est la mieux représentée sur La Gramière tant en nombre d’échantillons que de carpo-restes. Comme pour la période précédente, plusieurs phases d’occupation liées à des activités agricoles et artisanales (notamment métallurgiques) ont été mises au jour. En parallèle, des aménagements d’habitat ont été également répertoriés (Buffat 2004). Les espèces cultivées attestées durant cette période sont pratiquement les mêmes que pour la période précédente (fig. 98). La tendance aperçue sur le site pour cette période s’accorde avec celle établie de façon générale pour le haut Moyen Âge en France méridionale (Ruas, Marinval 1991 ; Ruas 1992 et 2005 ; Ruas et al. 2006). Ainsi, à La Gramière, le blé tendre/dur continue d’être la céréale la plus importante (53 % de fréquence relative d’attestation), suivie à nouveau de l’orge vêtue (26 %). Ensuite, le blé amidonnier présente une fréquence d’attestation un peu plus élevée (16 %) qu’au cours de la phase précédente, bien qu’il semble minoritaire par rapport aux blés nus. En ce qui concerne les légumineuses, les vesces sont toujours le taxon prédominant (32 %), tandis que les autres taxons diminuent fortement leur importance. Ce dernier fait est aussi vrai pour le raisin, le seul fruit attesté, car sa fréquence d’attestation diminue à 37 %. Le lin n’apparaît ici que dans une unité stratigraphique. Cet amas de graines de lin a été découvert dans le comblement de la fosse FS2308, qui est daté entre le VIe s. et la fin du VIIe s. La consommation humaine de graines de lin cuites (en bouillie) est possible, mais il semblerait qu’il soit préférable de les consommer plutôt crues. En parallèle, les graines de lin peuvent aussi être chauffées avant d’être données comme aliment au bétail, notamment ovin et bovin (Lundström-Baudais 1986). Enfin, au cours du processus d’extraction d’huile, les graines de lin peuvent faire l’objet d’une première pression à froid (huile destinée à la consommation humaine) et ensuite êtres chauffées afin de finir d’en extraire l’huile qui reste (huile destinée à de fins artisanales). À ce propos, l’utilisation d’huile de lin est bien connue en France depuis le Néolithique, par exemple, pour la fabrication des colles d’emmanchement d’outils en silex (Delattre et al. 1997). Un deuxième fait remarquable durant cette période, concernant les phases 1E1d (deuxième moitié VIe-début VIIe s.) et 1E1j (milieu VIIe-milieu VIIIe s.), est l’attestation de trois ensembles carpologiques (Us 1124, 1404 et 1427) composés de nombreux restes de plantes sauvages. L’ensemble le plus ancien dans le temps (Us 1427) est composé presque en totalité de taxons d’espèces adventices des cultures des céréales d’hiver, dont la saponaire des vaches (Vaccaria sp.), les ivraies (Lolium temulentum, Lolium sp. et Lolium/Festuca) et le gaillet grateron

(Galium aparine). D’autres espèces, plutôt rudérales, sont également présentes : la petite oseille (Rumex acetosella) et le plantain lancéolé (Plantago lanceolata). Enfin, notons l’attestation de la naïade marine (Najas marina), une plante aquatique submergée (hydrophyte), qui pousse dans les roselières des étangs littoraux ou des marais, ainsi que sur les rives à eau faiblement courante. Ces milieux humides sont également représentés par le marisque (Cladium mariscus) dans l’Us 1224, ainsi que par les laîches (Carex hirta-type) et la renoncule (Ranunculus repens-type) dans cette couche et dans l’Us 1404. Ces taxons peuvent éventuellement provenir de roselières localisées sur les rives du Gardon, qui se situe approximativement à 3 km de La Gramière. Les deux unités stratigraphiques qui viennent d’être mentionnées ci-dessus se trouvent dans le bâtiment 1/12, caractérisé par la présence de sols très organiques et d’un catillus de meule à bras (Buffat 2004). La première couche correspond au comblement d’une petite fosse (FS1224) et la seconde à des résidus d’un foyer (FY1404). La caractéristique principale de ces ensembles est qu’ils sont très semblables. Il faut noter l’abondance de graines de vesces sauvages (Vicia sp.), ainsi que de plusieurs graminées comme les ivraies (Lolium), les bromes (Bromus) ou l’avoine (Avena). On note ensuite la présence d’autres légumineuses, comme la petite luzerne (Medicago minima), de polygonacées comme la petite oseille, le rumex crépu (Rumex crispus) et les renouées (Polygonum sp.), ou des chénopodiacées comme l’ansérine blanche (Chenopodium album). L’hypothèse que ce sol charbonneux et organique puisse témoigner de restes de litière a été émise lors de la fouille. La composition taxonomique de ces deux ensembles de carpo-restes montre qu’ils sont très riches en espèces sauvages (petites légumineuses et graminées notamment). La plupart de ces plantes pousse dans des prés ou prairies, des champs en jachère ou d’autres endroits incultes plus ou moins proches de la villa. Il est possible que, dans ces prairies, une flore sélectionnée, composée notamment de petites légumineuses (Medicago, Trifolium) et de graminées, ait été favorisée afin de fournir au cheptel des aliments à haute valeur nutritive (Bouby, Ruas 2005). L’absence de coprolithes dans le bâtiment, où ces graines auraient pu se retrouver, montre que ces produits n’ont pas été consommés par les animaux (notamment des ovicaprins, d’après les données de l’étude archéozoologique). Ces ensembles semblent donc effectivement témoigner d’une litière ou d’un stockage d’herbe destinée au nourrissage du bétail. Finalement, les restes carpologiques attestés pour la période carolingienne (milieu VIIIe-Xe s.) sont très peu RAN, 42, 2009, pp. 115-216

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nombreux, mais ils témoignent de la présence des mêmes plantes cultivées qu’au cours de la période précédente : blé tendre/dur, orge vêtue, vesces, lentilles, gesses et raisin. À souligner également l’absence de restes de plantes sauvages. 10.4. Bilan et perspectives

L’étude des carpo-restes de La Gramière a permis de mettre en évidence, malgré leur faible nombre et densité, toute une gamme de produits végétaux consommés ou utilisés par les habitants de la villa au cours des diverses phases d’occupation. L’une des principales caractéristiques des ensembles carpologiques étudiés est la prédominance du blé tendre/dur (ou des blés nus) sur l’orge vêtue au cours de toute la séquence d’occupation du site. En effet, la tendance suivie par d’autres sites régionaux contemporains montre que, au moins depuis le deuxième âge du Fer, l’orge vêtue est tant ou plus importante que le blé tendre/dur (utilisé surtout pour l’élaboration de pain), en raison de son utilisation dans la consommation humaine et animale (fourrage), ainsi que dans la fabrication de la bière. Il faut noter également l’importance de certaines plantes fourragères, comme les vesces et les gesses cultivées, bien qu’aucun de ces ensembles ne puisse être proprement identifié comme des restes de fourrage donné aux animaux de la villa. Les seuls ensembles qui pourraient témoigner de l’alimentation du bétail (ramassage et stockage d’herbe) sont ceux trouvés dans le bâtiment 1/12 au cours de la phase 1E1j, puisqu’ils sont essentiellement composés de graines de plantes sauvages, notamment de vesces sauvages et de graminées. Cependant, il se peut également que ces ensembles soient aussi des restes de litière… Dans tous les cas, ces ensembles, ainsi que celui de la phase 1E1d, montrent l’exploitation d’un milieu, plus ou moins proche, essentiellement rudéral, mais également associé à une zone de marais ou d’eaux faiblement courantes (comme les rives du Gardon ?). Des activités agricoles, en particulier liées à la vinification, ont été envisagées. En parallèle, d’autres activités artisanales, dont l’élaboration d’huile de lin, peuvent être soupçonnées. En définitive, l’analyse carpologique des échantillons prélevés à La Gramière lors de ces dernières campagnes de fouilles ouvre des lignes de recherche essentielles pour mieux cerner des problématiques capitales (dont il faut souligner les caractéristiques de l’économie végétale et les pratiques de gestion et d’exploitation des milieux végétaux) assez méconnues pour ces périodes tardives en Languedoc. Il serait intéressant par la suite non seulement d’approfondir l’échantillonnage de ces espaces, mais de RAN, 42, 2009, pp. 115-216

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l’étendre aux secteurs résidentiels de la villa afin de croiser toutes les données et obtenir ainsi confirmation des hypothèses émises et aux tendances aperçues.

11. UNE VILLA DANS L'OCCUPATION DU SOL LA GRAMIÈRE

SON ENVIRONNEMENT : DANS LA PLAINE DE

11.1. Présentation

Il paraissait intéressant de conclure la présentation de l’établissement de La Gramière en quittant quelque peu le site lui-même pour analyser son environnement immédiat (fig. 99). Des travaux ont été menés qui permettent d'étudier l'évolution du territoire environnant la villa. Des prospections systématiques ont été réalisées en 1998 et 1999 autour du site sur une surface de 200 ha. Elles ont permis de recenser de multiples gisements et de proposer une première série d'hypothèses sur l'histoire de cette petite unité physique. Au début de l'année 2002, une révision des sites a été réalisée ainsi qu'une nouvelle prospection des zones d'épandage repérées précédemment. Ces travaux permettent d'avoir une vision de la dynamique du peuplement autour du site de La Gramière. Ils laissent entrevoir l'histoire des habitats qui environnent la villa, et proposent quelques pistes sur l'organisation du territoire, à travers l'étude de petits sites annexes. Les prospections amènent à s'interroger sur l'exploitation des ressources du territoire : impact agricole, à travers l'étude des zones d'épandage, exploitation des ressources géologiques (argiles pour l'artisanat tuilier, calcaire coquillier pour les carrières). Le dernier aspect que les prospections permettent d'aborder correspond à la genèse et à l'évolution du réseau viaire, grâce à la distribution des gisements et des zones d'épandage. 11.2. Le vallon de La Gramière durant la Protohistoire

La plaine de La Gramière a livré de nombreux sites du Néolithique. Mais il était hors de propos d'en traiter ici. Nous relaterons les résultats des prospections à partir de l'âge du Fer. Les traces d'occupation de cette époque sont surtout localisées dans la partie centrale de la plaine (fig. 100). Il s'agit de sites de petite dimension ne livrant généralement que quelques tessons. Leur attribution à cette période reste dans certains cas hypothétique (n° 39, 40). Ces sites sont surtout marqués par des concentrations de céramique non-tournée, où l’amphore massaliète demeure fort rare. Le manque de précision des datations rend difficile l'analyse des relations entre ces sites. Leur proximité est néanmoins remarquable. Ils se répartissent pour l’essentiel sur une dizaine d'hectares, à l'exception du site n° 46, qui occupe une position légèrement excentrée (sud-ouest). Cette concentration d'éléments de l’âge

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du Fer se traduit également dans les épandages. Les fragments d'amphore massaliète s'inscrivent en effet précisément dans la concentration de sites. Un site plus important a été repéré au sud-est, au pied du plateau de Castillon. Il a livré beaucoup de céramique non-tournée et 3 fragments d'amphore massaliète (n° 73). Il pourrait être en relation avec l'oppidum que l'on restitue sur le plateau à l'est, sous le village médiéval de Castillondu-Gard. 11.3. L'occupation gallo-romaine : une villa, un terroir 11.3.1. La période républicaine

À première vue, l'époque républicaine correspond à une période de faible occupation dans la zone qui nous intéresse (fig. 101). Deux petits sites prennent place au centre du vallon. L'un d'eux correspond à l'occupation initiale de la villa. Elle paraît assez limitée. Un site plus important se développe au pied du plateau. Le chemin qui

traverse la plaine selon un axe nord-sud existait probablement à cette période. Si on lui restitue un tracé rectiligne, cet axe de circulation serait bordé par deux des sites de cette période (n° 2 et 6). La présence d'épandage le long de cet itinéraire renforce cette hypothèse. Globalement, les épandages sont assez faibles et concentrés au centre du vallon. Ils sont bien marqués dans la dépression de Font Barzaude. Ceci paraît indiquer que ce secteur fertile a attiré les hommes, et que la dépression était peut-être déjà drainée (naturellement ou anthropiquement). 11.3.2. Le haut Empire

Durant le haut Empire, deux habitats majeurs se développent. Le premier, situé à la Combe de Valsannière (fig. 102, n° 4), est de dimension assez modeste, même si son étendue réelle est encore inconnue (il se développe au nord dans une parcelle en friche). Le mobilier qu'il a livré atteste une occupation du Ier au début du IIe s. ap. J.-C. Le second habitat correspond à la villa de La Gramière (n° 2),

Fig. 99 : Situation de la plaine de la Gramière

(L. Buffat).

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LA VILLA DE LA GRAMIÈRE (CASTILLON-DU-GARD). PREMIER BILAN DE LA RECHERCHE

dont les prospections tendent à montrer qu'il se développait déjà au IIe s. sur près d'1,5 ha. Ces deux habitats sont en relation avec des sites de petite dimension, peut-être des aménagements annexes (bâtiments ou structures agraires). Un modeste gisement (n° 5), de nature indéterminée, prend place 150 m au nord de l'établissement de la Combe de Valsannière (n° 4). Au sud de La Gramière, se développe un petit gisement (n° 6) qui ne semble pas être un habitat (rareté de la céramique, omniprésence des tuiles). Cinq petits sites repérés au nord-est correspondent probablement à des annexes de la villa. Ils ne livrent que des fragments de tegulae, sauf un qui a livré une demi meta en basalte. A l'extrémité sud du vallon, à 1 km de la villa, se trouve une importante tuilerie. Elle prend place au niveau de l'exutoire de la dépression

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de Font Barzaude. Elle est marquée par trois concentrations (n° 42, 53, 54), qui ont livré des tuiles surcuites et des éléments de four. La tuilerie bénéficiait d'une matière première abondante grâce aux affleurements de marnes helvétiennes. Malgré plusieurs prospections, cette fabrique de tuile n'a fourni qu'une proportion dérisoire de céramiques. Ceci laisse penser qu'elle n’avait pas vocation d'habitation, comme c’est le cas pour plusieurs tuileries de la région (Moulin d’Aure et Chemin de Beaucaire à Saint-Hilaire-d’Ozilhan). On peut se demander si la main d’œuvre n’était pas logée dans la villa et si, d’une façon plus générale, cette vaste fabrique de tuiles ne constituait pas une dépendance du domaine. La prospection exhaustive de ce territoire permet d'émettre quelques hypothèses sur l'organisation du réseau viaire.

Fig. 100 : L'occupation du sol dans la plaine de La Gramière durant l'âge du Fer. Les parcelles ayant livré des fragments d’amphore massaliète épars sont marquées par un point (L. Buffat, J. Guerre). RAN, 42, 2009, pp. 115-216 fichier EDITEUR destiné à un usage privé

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La grande route nord-sud, de fondation probablement ancienne, sert ici à relier la villa à la tuilerie. Le tracé de cette route est encore conservé au nord et au sud du vallon. Il semble par contre effacé et légèrement dévié en contrebas de la villa. A l’emplacement théorique de ce chemin, une concentration linéaire composée de pierres et de fragments de tuiles surcuites pourrait d'ailleurs être un vestige du chemin (n° 55, chaussée empierrée ? fossé bordier ?). C’est à titre plus hypothétique que l’on suppose l'existence de la route est-ouest de Castillon à Vers, qui est isocline avec le chemin nord-sud. Il est également difficile de restituer le tracé du chemin qui longe le piémont. L'hypothèse retenue reste encore sujette à confirmation archéologique. Les premières observations effectuées sur les épandages indiquent une représentation assez modeste des éléments

du haut Empire (sigillée sud-gauloise, amphore gauloise sableuse...). Cependant, cette période demeure difficile à caractériser car les fossiles directeurs, notamment l'amphore gauloise, sont moins caractéristiques que ceux du bas Empire (amphore africaine, céramique à pisolithes) ou du haut Moyen Âge (kaolinitique réductrice). Les panses d’amphores gauloises peuvent être confondues avec des céramiques communes oxydantes qui sont abondantes jusqu’au IVe s. ap. J.-C. L'analyse des épandages n'apporte pas la confirmation d'une mise en culture extensive des terrains. Des vides existent : étaient-ce des zones boisées ? Tous les terrains cultivés étaient-ils amendés ? Il se dégage en tout cas au sud de la villa une zone d'épandage d'une quarantaine d'hectare, entre la tuilerie et la villa. La dépression humide située au sud (Font Barzaude) était probablement drainée à cette période, comme l'indique la présence d'épandages dans les terrains hydromorphes. 11.3.3. Évolution du peuplement et organisation du territoire à la fin du haut Empire

Dès le IIe s., la villa de La Gramière a probablement une mainmise sur le vallon. L'abandon de l'établissement de la Combe de Valsannière (n° 4) survient assez précocement (entre la fin du Ier et la première moitié du IIe s. ap. J.-C.). Le territoire de la villa a pu s'étendre et asseoir plus largement l'assise foncière du domaine. À la fin du IIe s., la villa dominerait un vallon comprenant 200 ha de terres potentiellement cultivables. Les prospections proposent quelques pistes sur l'organisation du territoire de la villa. Plusieurs petits sites sont interprétés comme des annexes agraires. Les données archéologiques suggèrent également que la fabrique de tuile repérée au sud dépendait du domaine. Étant donnée l'importance de cette fabrique, on peut supposer qu'elle n'a pas fonctionné uniquement pour répondre au besoin de la villa. Elle a pu diffuser plus largement sa production, localement mais aussi régionalement grâce au Gardon, qui n’est qu’à 1,3 km au sud. Il y a lieu aussi de s’interroger sur les relations que le domaine entretenait avec les affleurements de calcaire coquillier. Ceuxci ont fourni les pierres de construction pour l'établissement de La Gramière et il est probable que le domaine disposait d’une carrière. En tout cas, le croisement des données de prospection avec celles de la géologie locale invite à restituer une économie domaniale diversifiée : agriculture mais aussi production tuilière, peut-être même extraction de pierres à bâtir. 11.3.4. Le bas Empire

Fig. 101 : L'occupation du sol et les épandages agraires dans la plaine de La Gramière durant les périodes républicaines et augustéennes (rond noir : amphore italique ; rond blanc : amphore massaliète impériale), (L. Buffat, J. Guerre).

Les prospections montrent que la plaine est dominée durant le bas Empire par la villa de La Gramière (fig. 103). Le site connaît vraisemblablement une expansion à cette époque (superficie estimée à 2,5 ha). À cette période, plusieurs sites se développent au sud du centre domanial, RAN, 42, 2009, pp. 115-216

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qui correspondent vraisemblablement à des bâtiments annexes (n° 6, 38). La nécropole du domaine (supra, § 3.4) se trouverait une cinquantaine de mètres au nord (n° 35). Deux petits sites se développent 600 m au nord-ouest de la villa. Le premier (n° 28), très modeste, correspond à un aménagement ponctuel, indéterminé. Le second (n° 27) est plus étendu et a livré quelques céramiques ; il s'agit soit d'un bâtiment annexe, soit d'un petit habitat (de dépendants ?). Concernant la tuilerie, quelques indices suggèrent qu'elle est encore en activité à cette période (mais la période de fonctionnement de celle-ci est difficile à fixer vu la rareté du mobilier). Les épandages du bas Empire (amphore africaine, céramique à pisolithes) sont importants. C’est à cette époque qu’ils atteignent leur plus large extension (fig. 104). Au sud de la villa, une vaste aire d'épandage se développe sur une cinquantaine d'hectares. Une seconde zone d'épandage prend place au sud du site de Valsannière (site 27) sur une dizaine d'hectares. On observe également

un épandage ténu au niveau de la dépression de Font Barzaude, ce qui est un indice pour supposer son exploitation à cette période. Le réseau viaire ne connaît peut-être que des mutations mineures à cette période. On peut se demander si le chemin qui traverse la plaine en diagonale n’a pas été mis en place à cette époque. Le site 38, nouvellement créé, est appuyé contre lui.

Fig. 102 : L'occupation du sol et les épandages agraires durant le haut Empire (L. Buffat, J. Guerre).

Fig. 103 : L'occupation du sol et les épandages agraires durant le bas Empire (L. Buffat, J. Guerre).

11.4. Eléments sur l'évolution de la plaine durant le Moyen Âge 11.4.1. Le début du Moyen Âge (VIe-VIIe s.)

L’organisation du site de La Gramière au début du Moyen Âge s'inscrit dans la continuité de celle de la villa du bas Empire (supra, § 4.3.5). On constate seulement une contraction de l'emprise du site (fig. 105). Autour du site principal, plusieurs petits sites annexes sont abandonnés, probablement au Ve s. ap. J.-C. (n° 6, 27, 28).

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Une seule création est à signaler : un modeste gisement (n° 45) qui s'installe au carrefour entre deux chemins. Le statut de ce nouveau site, d'extension très limitée, est difficile à préciser. On peut toutefois se demander s'il ne s'agit pas d'une dépendance de La Gramière. Il n'est pas facile de circonscrire les zones d'épandages de cette période. Les simples fragments de céramiques kaolinitiques ne diffèrent pas de ceux de la période carolingienne ou du Moyen Âge médian. On remarquera cependant que seuls les alentours du site de La Gramière et les terrains bordant le chemin reliant le site principal au site 45 ont livré des bords de cette période. Ceci invite à restituer une zone d'épandage d'une cinquantaine d'hectares, polarisée autour de la La Gramière et du petit site 45. 11.4.2. La fin du haut Moyen Âge (VIIIe-XIe s.)

Le site de La Gramière connaît d'importants bouleversements à l'époque carolingienne (fig. 106). À cette période, l'habitat tend à se déplacer vers le sud-est. L’occupation s'organise en concentrations plus ou moins denses. De nouvelles zones sont occupées, notamment au sud de la chapelle (n° 68). Au sud-ouest, l'occupation paraît diminuer sur le site 38, qui ne livre plus que quelques rares témoins. Il n’est pas absolument certain que la chapelle SaintCaprais, mentionnée en 896, se situait à l'emplacement de la chapelle romane actuellement visible. Il serait néanmoins étonnant qu’elle soit éloignée de cet emplacement. Autour du site, les traces d'un enclos (ecclésial ?) se lisent dans le parcellaire actuel. Ils forment une structure approximativement carrée de 130 m de coté, dans laquelle la chapelle occupe très exactement la position centrale. Il semble en tout cas qu’il existe à cette période une partition entre une zone d'habitat au nord, et une zone religieuse au

sud. Cette bipolarisation trouve de nombreux échos en Languedoc (Parodi 1994 : 110-115). Ailleurs dans le vallon, deux sites sont mis en place (tardivement ?) : un site de dimension moyenne (n° 26), situé au nord-ouest, qui correspond vraisemblablement à un habitat, et une occupation modeste de quelques centaines de mètres carrés (n° 72), à vocation indéterminée, installée en piémont du plateau de Castillon. La genèse du carrefour de chemins qui se développe au cœur du site de La Gramière pourrait remonter à cette période, comme le suggère la répartition des concentrations de mobilier. Les bouleversements dans la structure du site, caractérisés par un déplacement vers ce carrefour actuel, pourraient donc s'accompagner de la création d'un nœud routier. Les limites des concentrations de mobilier invitent à restituer des tronçons de chemins se rejoignant dans la partie centrale du site. La restitution que nous proposons reste bien entendu hypothétique, en l'absence de fouilles, mais elle laisse transparaître les grandes lignes d'un réseau de chemins en étoile, qui s'articule à partir du site de La Gramière. Il n'est pas simple de dessiner les contours des zones d'épandages de la période carolingienne, faute de pouvoir identifier cette période à partir des seules panses de céramique kaolinitique. C’est une nouvelle fois la découverte de quelques bords hors des sites qui permet de fixer des tendances générales. On notera que la plus grande zone d'épandage de cette période occupe dans les grandes lignes le même espace que celle de la période antérieure, soit un espace de 50 ha. Une nouvelle zone fournit, autour du site 26, des tessons de cette période sur une surface de 15 ha. Autour de la dépression de Font Barzaude, deux petites zones d'épandage, situées sur les flancs de la zone humide, témoignent d'une reprise de l'anthropisation, après une désertion apparente aux VIe-VIIe s., marquée par une disparition de toute trace d’habitat ou d’épandage.

Fig. 104: Évolution comparée de la surface occupée par les sites et par les épandages agraires dans la plaine de la Gramière (L. Buffat, J. Guerre). RAN, 42, 2009, pp. 115-216 fichier EDITEUR destiné à un usage privé

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Fig. 105 : L'occupation du sol et les épandages agraires durant les premiers siècles du Moyen Âge (L. Buffat, J. Guerre).

12. CONCLUSION GÉNÉRALE L'étude du site de La Gramière aura été riche d'enseignements. Ceci tient au niveau de conservation des vestiges, exceptionnel pour nos régions, ainsi qu’aux analyses croisées proposées par différentes disciplines. Au final, plusieurs points forts émergent et méritent d’être synthétisés. En premier lieu, on a rarement appréhendé avec tant de détails le passage de l'époque romaine au Moyen Âge sur un site rural. Nous pouvons ainsi apprécier les continuités et les ruptures. Les continuités sont manifestes dans le maintien de l'occupation et dans l'évolution du bâti. Aucune période d'abandon n'est perceptible entre le haut Empire et la période carolingienne. La trame architecturale évolue elle-même sans soubresauts. Il suffit d'observer l'évolution complexe du bâti, par petites touches successives,

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Fig. 106 : L'occupation du sol et les épandages agraires entre les VIIIe-XIe s. (L. Buffat, J. Guerre).

pour s'en convaincre. Rappelons à ce propos que les principaux murs de la villa romaine sont toujours utilisés à l'époque carolingienne. Pour autant, des périodes de changement sont également très nettes. La seconde moitié du Ve s. marque un tournant évident dans la vie du site. La forme des constructions change, avec un recours systématique au liant de terre pour la construction des murs. L'usage des sols bétonnés disparaît également. Cette évolution est également perceptible dans la composition de la céramique. La seconde moitié du Ve et le début du VIe s. marquent la raréfaction rapide des poteries exogènes. En quelques décennies, l'approvisionnement en céramique va se trouver presque exclusivement couvert par la céramique kaolinitique, d'origine locale. Amphores et céramiques fines se raréfient assez rapidement. Des basculements s'observent aussi dans la composition de la faune. Alors que le bas Empire était marqué par une présence forte des

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bovins, le début du Moyen Âge consacre un changement rapide avec la prédominance des caprinés. Ce point de basculement que constitue la seconde moitié du Ve s. trouve finalement un écho dans des phénomènes plus larges. C'est évidemment l'heure du changement historique, avec la disparition de l'Empire romain. C'est aussi une période où le réseau d'habitat connaît une correction significative (Archaeomedes 1998 : 166-167). Qu'on ne s'y trompe pas pour autant, cette époque n'est pas celle qui voit les campagnes locales précipitées dans un gouffre. L'opération prouve que l'occupation est restée parfaitement cohérente. Elle est loin d'être entrée dans la noirceur de ces « siècles obscurs ». Il faut constater simplement que s’opère sur un site comme celui-ci des évolutions dans les modes de vie et certainement aussi dans le système de production. La Gramière illustre ainsi un processus de mieux en mieux perçu à l’échelle régionale (Schneider 2007). Un autre temps fort de cette recherche concerne les questions d'élevage et plus particulièrement le thème du logement de l'animal. Nous nous sommes interrogés à plusieurs reprises sur l'utilisation des bâtiments comme étable ou bergerie. Cela a été particulièrement le cas pour le grand bâtiment à rigoles du bas Empire. Malheureusement, il est difficile d'être affirmatif, l'hypothèse d'un chai étant toute aussi convaincante que celle d’une étable, voire même plus. Dans ce cas, la mise en œuvre d'analyses micromorphologique et parastitologique n'aura pas été décisive. Sur cette surface bétonnée régulièrement entretenue et longtemps vouée à une vocation agricole, comment tirer argument d'un niveau de litière ponctuel ou de la présence de coprolithes ? Ces analyses ne sont évidemment pas en cause ; elles sont tout à fait pertinentes sur des sols en terre. Mais elles s'avèrent d'interprétation délicate pour des surfaces bétonnées, plus longuement utilisées et qui ont pu changer de fonction. Au niveau archéozoologique, la proportion majoritaire de bovins à la fin de l'Antiquité n'est en elle même porteuse d'aucune information pour interpréter ce bâtiment. Il faut reconnaître en définitive que seul un élargissement de la fouille, permettant de cerner l'ensemble des structures agricoles, conduira à une réponse fiable. Le constat est frustrant, compte tenu des efforts déployés par l'équipe, mais il est contraint par l'objectivité. D’un autre côté, le cheminement méthodologique conduit à La Gramière n'aura pas été dépourvu d'intérêt. Il a le mérite d’attirer l’attention sur un sujet, le logement animal, peu étudié. Si, comme nous venons de le souligner, il est difficile d'être affirmatif pour le bâtiment à rigoles, un bâtiment du

VIIe s. a de bonnes chances d’avoir abrité des animaux. La carpologie a mis en évidence, dans un épais niveau grisâtre, une présence anormalement élevée de plantes sauvages potentiellement fourragères. Le niveau lui-même n'est pas sans rappeler les épaisses litières accumulées dans les bergeries. L’archéozoologie souligne de son côté l’omniprésence des caprinés durant cette même période. L'opération met ainsi en évidence la pertinence d’une approche croisée entre carpologie, archéozoologie et observation des niveaux de sols pour l'identification des lieux d'élevage. Il est maintenant temps de parfaire ces protocoles d’étude pour mieux évaluer la place de l’élevage dans l’économie rurale régionale. Loïc BUFFAT - chercheur associé à l’UMR 5140 « Archéologie des Sociétés Méditerranéennes », Montpellier-Lattes [email protected] Josselyne GUERRE - INRAP [email protected] Aurélie Masbernat-Buffat - Groupe Archéologique de La Gramière [email protected] Audrey RENAUD - doctorante à l'Université Paul Valéry, Montpellier III - UMR 5140 « Archéologie des Sociétés Méditerranéennes » [email protected] Núria ROVIRA - chercheur associé à l’UMR 5140 « Archéologie des Sociétés Méditerranéennes », Montpellier-Lattes [email protected] Gaël PIQUÈS - UMR 5140 « Archéologie des Sociétés Méditerranéennes », Montpellier-Lattes [email protected] Armelle GARDEISEN - UMR 5140 « Archéologie des Sociétés Méditerranéennes », Montpellier-Lattes [email protected] Jean CANTUEL - UMR 5140 « Archéologie des Sociétés Méditerranéennes », Montpellier-Lattes [email protected] Lluis GARCIA - Université de Barcelone [email protected] Samuel LONGEPIERRE - doctorant à l’Université de Provence AixMarseille I [email protected] Stéphanie PORCIER - chercheur associé à l’UMR 5140 « Archéologie des Sociétés Méditerranéennes », Montpellier-Lattes [email protected] Gilles PAYAN - Groupe Archéologique de La Gramière

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NOTES 1- Cette fouille a été co-financée par la mairie de Castillon-du-Gard et le Ministère de la Culture, sous la forme de subventions annuelles aux fouilles programmées. Elle a également bénéficié d’un financement complémentaire de la délégation régionale du CNRS. Nous remercions les personnes qui ont soutenu ce projet et l'ont rendu possible : R. et M. Bouchet, propriétaires des terrains, A. Navatel et le conseil municipal de Castillon-du-Gard, M. Schwaller, conservatrice du Patrimoine en charge du département du Gard. Notre reconnaissance va également à la fidèle équipe qui a participé aux campagnes de fouille entre 1999 et 2002 : D. Bages, P. Caubisens, I. Commandré, B. Durand, R. Fritz, M. Jouffroy, G. Le Goïc, M. Mendiboure, R. Roure, E. Saccard, Chr. Soler et N. Viala. Nous sommes également reconnaissants à G. Marchand qui a assuré le levé topographique du site, ainsi qu’à J.-P. Brun, J.-L. Fiches, H. Petitot, Chr. Pellecuer, Cl. Raynaud et L. Vidal qui nous ont fait bénéficié de leurs conseils sur le terrain. 2- La prospection du site s’est déroulée du lundi 20 au jeudi 23 juillet 1998. Elle a mobilisé deux personnes (L. Buffat, J. Guerre) à plein temps. 3- Voir sur ce point Caton (52 et 133), Pline (XII, 7,25), Palladius (IV, 10 et 14). 4- De tels aménagements sont de plus en plus fréquemment mis en évidence sur les établissements romains (pour un bilan sur cette question, Barat 1999 : 141-145). Il faut signaler la présence de tels pots dans le jardin d’une domus des Villégiales à Nîmes (Barberan 1998). Non loin du site de La Gramière, des fragments de pots horticoles ont été récemment exhumés sur le site de Croix de Fenouillé (Inédit, L. Buffat). 5- Participants aux travaux pratiques : N. Boulbes, J. Cantuel, G. Croizier, A. Masbernat, St. Porcier, A. Renaud. 6- Très Jeune = < 6 mois ; Jeune = 6 mois à 18 mois ; Jeune Adulte = 18 mois à 30 mois ; Adulte = 2,5 ans à 8 ans ; Vieux = > 8ans (Py et al. 1997, 266). 7- Très Jeune = < 3mois ; Jeune = 3 mois à 9 mois ; Jeune Adulte = 9 mois à 24 mois ; Adulte = 2 ans à 7 ans ; Vieux = > 7 ans (Py et al. 1997 : 266). 8- Très Jeune = < 6 mois ; Jeune = 6 mois à 12 mois ; Jeune Adulte = 12 mois à 18 mois ; Adulte = 18 mois à 5 ans ; Vieux = > 5 ans (Py et al. 1997 : 266).

9- Il s'agit de bois présentant des traces de débitage transverse des andouillers. De plus, l’andouiller provenant de l’unité stratigraphique 1280 présente dans sa cavité médullaire un trou qui peut laisser penser à une perforation dont le but est l’insertion d’une lame ; cet élément aurait été élaboré pour faire un manche. 10- D’une part, les méthodes d’estimation des âges varient en fonction des archéozoologues et d’autre part, la classe d’âge « Jeune Adulte » est absente de la littérature. Nous regretterons particulièrement ce dernier point car la proportion occupée par les jeunes adultes est une des données pertinentes pour fournir des renseignements sur les stratégies d’élevage. 11- Coefficients de corrélation pour le métatarse (Matolcsi 1970) : 5,28 et 5,62. 12- Coefficients de corrélation (Kiesewalter 1888) : radius 4,34 ; métacarpe 6,41 ; métatarse 5,33. 13- Coefficient de corrélation pour la chèvre (Schramm 1967) : métacarpe 5,75. Pour le mouton (Teichert 1975) : métacarpe 4,84 ; talus 19,24. 14- Coefficients de corrélation pour le porc (Teichert 1969) : radius 5,26 13 ; métacarpe III 10,72 - 28,7 ; métacarpe IV 10,53 - 29,4 ; talus 17.9 + 3. 15- Cette fourchette d’âge a pu être calculée à partir d’un référentiel des âges de synostose des os de chats (Porcier, en préparation). 16- Les normes ostéométriques utilisées sont celles de Von den Driesch (Von der Driesch 1976) accompagnées de mesures supplémentaires : 1 - Largeur de l'acétabulum ; 2 - DT de la branche du pubis (épaisseur) ; 3 - DAP de la branche du pubis (longueur) ; 4 - Calca DT au sustentaculum ; 5 - DAP distal maximum sur poulies. Les données de Kratochvil sont fondées sur 63 chats domestiques et 19 chats sauvages, mâles et femelles; celles de Baraton sont fondées sur 20 chats domestiques (au maximum) et 4 chats sauvages. 17- Baraton (Baraton 2001, annexes 15-16, 109-111) ; Coll. A. Gardeisen, UMR 5140, 390 avenue de Pérols, 34970 Lattes. Faune archéologique : Ambrussum, IVe s. ap. J.-C. (Forest 1998d : 226-227) ; Plailly, Ve s. (Lepetz 1995 : 147-148, annexe squelette 1 chat) ; Les prêcheurs, XIVe s. (Leguilloux 1994, fiche n° 45/5).

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ANNEXE 1

TABLEAU SYNTHÉTIQUE DU MOBILIER PAR PHASE DE LA ZONE 1 (A. MASBERNAT-BUFFAT)

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LA VILLA DE LA GRAMIÈRE (CASTILLON-DU-GARD). PREMIER BILAN DE LA RECHERCHE

ANNEXE 2 LISTE DÉTAILLÉE DES TAXONS D’AVIFAUNE (LL. GARCIA)

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ANNEXE 3 DONNÉES OSTÉOMÉTRIQUES DES MAMMIFÈRES - PHASE 1F (IVe-Ve S. AP. J.-C.) (A. RENAUD)

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ANNEXE 4 DONNÉES OSTÉOMÉTRIQUES DES MAMMIFÈRES - PHASE 1E (VIe-VIIIe S. AP. J.-C.) (A. RENAUD)

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LA VILLA DE LA GRAMIÈRE (CASTILLON-DU-GARD). PREMIER BILAN DE LA RECHERCHE

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ANNEXE 5 DONNÉES OSTÉOMÉTRIQUES DES MAMMIFÈRES - PHASE 1D (IXe-Xe S. AP. J.-C.) (A. RENAUD)

L. BUFFAT et al.

Abréviations : Capitato. trap. : diamètre transverse de la surface articulaire capitato-trapézoïde (métacarpe d'équidé) ; Circ. : circonférence à la base de la cheville osseuse ; DAP dist : diamètre antéro-postérieur de l'extrémité distale ; DAP max : diamètre antéro-postérieur maximal, sur os du carpe et du tarse ; DAP pubis : diamètre antéro-postérieur du pubis de l'os coxal ; DMD col. : diamètre mésio-distal au niveau du collet (dent isolée) ; DMD M3 : diamètre mésio-distal de la troisième molaire sur mandibule et maxillaire ; DMD occ. : diamètre mésio-distal au niveau de la suface occlusale (dent isolée) ; DT pubis : diamètre transverse du pubis de l'os coxal ; DT surf. art. : diamètre transverse de la surface articulaire, sur patella ; DT sus. : diamètre transverse au sustentaculum (calcaneum) ; DVL col. : diamètre vestibulo-lingual au niveau du collet (dent isolée) ; DVL M3 : diamètre vestibulo-linguel de la troisième molaire, sur mandibule et maxillaire ; DVL occ. : diamètre vestibulo-lingual au niveau de la surface occlusale (dent isolée) ; Ht. cour. : hauteur de la couronne (dent isolée) ; Ht. der. M3 : hauteur de la mandibule derrière la troisième molaire ; Ht. dvt Pm1 : hauteur de la mandibule devant le première prémolaire ; Ht. max : Hauteur maximale, sur os du carpe et du tarse ; Ht. surf. art. : hauteur de la surface articulaire (patella) ; Larg. ac. : largeur de l'acétabulum. RAN, 42, 2009, pp. 115-216

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