Un cas d’ostéomalacie au cours de la lymphangiectasie intestinale primitive (maladie de Waldmann)

August 31, 2017 | Autor: Mohamed Elleuch | Categoría: Vitamin D
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Descripción

Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com

Revue du Rhumatisme 75 (2008) 77–79

Fait clinique

Un cas d’ostéomalacie au cours de la lymphangiectasie intestinale primitive (maladie de Waldmann)夽 Osteomalacia in a patient with primary intestinal lymphangiectasis (Waldmann’s disease) Héla Sahli a,∗ , Rim Ben Mbarek a , Mohamed Elleuch a , Dhouha Azzouz a , Nihel Meddeb a , Elhem Chéour a , Mohamed Msaddek Azzouz b , Slaheddine Sellami a a b

Service de rhumatologie, hôpital la Rabta, 1007 Tunis, Tunisie Service de gastroentérologie, hôpital de Nabeul, Nabeul, Tunisie Rec¸u le 12 juillet 2006 ; accepté le 31 janvier 2007 Disponible sur Internet le 28 aoˆut 2007

Résumé La maladie de Waldmann (MW) ou lymphangiectasie intestinale primitive est une entéropathie exsudative par anomalie des canaux lymphatiques de la paroi intestinale. C’est une pathologie rare qui apparaît dans la première enfance. Nous rapportons à ce propos l’observation originale d’une patiente âgée de 63 ans, suivie pour MW de révélation tardive, mise sous régime, qui a consulté pour des douleurs pelvirachidiennes mécaniques apparues depuis trois ans. L’examen physique a objectivé une ascite de faible abondance, des œdèmes des membres inférieurs et une impotence fonctionnelle partielle des membres inférieurs. L’examen neurologique était normal. Les prélèvements sanguins ont révélé une hypocalcémie, une hypophosphorémie, des phosphatases alcalines élevées et des stigmates de malabsorption. Les radiographies du bassin ont montré la présence d’une fracture et de stries de Looser Milkman des branches iliopubiennes et du col fémoral gauche avec un aspect délavé des vertèbres. L’ostéodensitométrie faite par DEXA a révélé une perte osseuse avec un T score à −1,2 déviations standard (DS) au rachis lombaire et à −2,5 DS aux cols fémoraux. Le diagnostic d’ostéomalacie carentielle a été posé. Les taux de 25 (OH) vitamine D et de parathormone (PTH) étaient, respectivement, de 18,2 ng/ml (20–40 ng/ml) et de 620 pg/ml (15–65 pg/ml), en faveur d’un hyperparathyroïdisme secondaire. Une supplémentation parentérale en vitamine D, un apport quotidien en calcium et des règles diététiques ont été instaurés. Après un recul de huit mois, des stigmates d’évolutivité de la MW ont été constatés avec une discrète amélioration clinique et densitométrique des signes liés à l’ostéomalacie. © 2008 Publi´e par Elsevier Masson SAS. Mots clés : Maladie de Waldmann ; Lymphangiectasie intestinale primitive ; Syndrome de malabsorption ; Ostéomalacie ; Vitamine D Keywords: Waldmann’s disease; Primary intestinal lymphangiectasis; Intestinal malabsorption; Osteomalacia; Vitamin D

1. Introduction La maladie de Waldmann (MW) ou lymphangiectasie intestinale primitive est une entité anatomoclinique rare, caractérisée par des dilatations lymphatiques avec fuite de la lymphe dans

夽 Ne pas utiliser, pour citation, la référence franc ¸ aise de cet article, mais sa référence anglaise dans le même volume de Joint Bone Spine. ∗ Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (H. Sahli).

1169-8330/$ – see front matter © 2008 Publi´e par Elsevier Masson SAS. doi:10.1016/j.rhum.2007.01.025

la lumière intestinale entraînant une diarrhée chronique, une hypoprotidémie et des œdèmes. 2. Observation Il s’agit d’une patiente âgée de 63 ans, suivie depuis 1992 en gastroentérologie pour un syndrome de malabsorption clinique et biologique ayant débuté à l’âge de 43 ans. Le diagnostic de MW a été retenu devant les résultats de la fibroscopie œsogastroduodénale, qui a montré un aspect nodulaire du duodénum

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et de la biopsie, qui était en faveur de lymphangiectasie duodénale. Depuis, la patiente a été mise sous régime dépourvu de triglycérides à chaînes longues, enrichi en protéines et en triglycérides à chaînes moyennes. Mais l’évolution était marquée par la survenue d’épisodes œdémato-acitiques récidivants, d’où des hospitalisations multiples pendant lesquelles des perfusions d’albumine ont été administrées. En 2003, devant l’installation de douleurs inguinales mécaniques et la constatation d’une calcémie corrigée basse à 69 mg/l avec une élévation des PAL à neuf fois la normale, le diagnostic d’ostéomalacie a été évoqué par les gastrologues et un traitement à base de vitamine D par voie orale (cinq gouttes par jour de Stérogyl® ) a été prescrit. L’installation progressive d’une impotence fonctionnelle concomitante aux douleurs pelvirachidiennes a constitué un motif d’hospitalisation de la patiente dans notre service de rhumatologie. L’examen physique a alors trouvé une ascite de faible abondance, des œdèmes des membres inférieurs, une diminution des murmures vésiculaires aux deux champs pulmonaires, une impotence fonctionnelle partielle des membres inférieurs avec une marche dandinante et un signe du tabouret positif. L’examen neurologique était normal. La biologie n’a pas objectivé de syndrome inflammatoire mais le bilan phosphocalcique était perturbé avec une hypocalcémie à 78 mg/l (calcémie corrigée), une hypophosphorémie à 26 mg/l et des phosphatases alcalines très élevées à 1990 UI/l. Une hypoprotidémie à 56 g/l, une hypogammaglobulinémie à 5,5 g/l, une hypocholestérolémie à 0,95 g/l et une lymphopénie à 1222 éléments ont également été constatés. Le taux d’albumine était normal puisque la malade venait de recevoir de l’albumine en perfusion. La fonction rénale était normale, de même que la calciurie. Les radiographies standard ont montré la présence au bassin d’une fracture de la branche iliopubienne gauche et des stries de Looser Milkman de la branche controlatérale et du col fémoral droit, ainsi qu’un aspect délavé des vertèbres au rachis. La radiographie du thorax a révélé la présence d’un épanchement pleural bilatéral. L’ostéodensitométrie a objectivé une baisse de la densité minérale osseuse trabéculaire (T score égal à −1,2 déviations standard (DS) au rachis lombaire antéropostérieur) et corticale (T score moyen égal à −2,5 DS aux cols fémoraux). Le contenu minéral osseux au niveau de ces deux sites était, respectivement, de 39,32 et de 3,08 g. Devant ce tableau clinique, biologique et l’imagerie, le diagnostic d’ostéomalacie carentielle a été posé. Le dosage de la vitamine D et de la parathormone (PTH) a révélé un taux à la limite inférieure de la normale de 25 (OH) vitamine D (18,2 ng/ml) alors que celui de la PTH était très élevé à 620 pg/ml (15–65 pg/ml), en faveur d’une ostéomalacie avec une hyperparathyroïdie secondaire. Une supplémentation parentérale en vitamine D (Stérogyl® 15 H en intramusculaire), un apport en calcium ainsi que des règles diététiques ont été ainsi préconisés. La malade n’a pu être revue que huit mois plus tard, de nouveau dans un tableau œdémato-acitique, malgré le respect du régime conseillé. L’interrogatoire a permis toutefois de constater une légère amélioration des douleurs pelvirachidiennes. Une hypoprotidémie à 43 g/l, une hypoalbuminémie à 21 g/l et une hypogammaglobulinémie à 6,2 g/l ont été trouvées à l’électrophorèse des protides. La fonction rénale étant normale avec une protéinurie de 24 heures qui était nulle. La cal-

cémie corrigée était à 81,6 mg/l, la phosphorémie était à 18 mg/l, les phosphatases alcalines toujours élevées à 1066 UI/l (taux à 1990 UI/l lors de la première hospitalisation), avec une baisse de moitié du taux de la PTH (305 pg/ml). Le contrôle ostéodensitométrique a permis d’objectiver une augmentation de la densité minérale osseuse de 135 g/cm2 au rachis lombaire et de 61 g/cm2 au col fémoral. Le contenu minéral osseux ayant augmenté, respectivement, de 6,65 et de 0,42 g au niveau de ces deux sites. Le caractère réfractaire de la MW a été évoqué mais aucune alternative thérapeutique n’a semblé possible. Ainsi, des conseils diététiques, des injections mensuelles de Stérogyl® 15 H après contrôle biologique, un apport oral quotidien de 1,5 g de calcium et des perfusions épisodiques d’albumine en cas de besoin sont programmés. 3. Discussions La lymphangiectasie intestinale primitive ou MW a été décrite pour la première fois en 1961 par Waldmann [1,2]. C’est une entéropathie exsudative due à une malformation diffuse ou localisée des canaux lymphatiques de la paroi intestinale. Le tableau clinique est dominé par des œdèmes périphériques, une hypoprotidémie, une hypogammaglobulinémie et une lymphopénie [3,4]. Dans quelques cas, s’associent des épanchements chyleux, péritonéaux ou pleuraux comme pour cette patiente. Des troubles digestifs à type de nausées, de vomissements, de diarrhée et de stéatorrhée peuvent exister [4]. L’hypocalcémie est presque constante. De plus, il existe souvent une hypocholestérolémie. Un retard staturopondéral et des manifestations tétaniques sont parfois retrouvés [4]. Le diagnostic est affirmé par la biopsie intestinale qui révèle la présence de dilatations des vaisseaux lymphatiques [5,6]. Toutefois, les prélèvements peuvent être normaux en raison d’une localisation segmentaire possible des anomalies [7]. C’est une affection généralement diagnostiquée dès l’enfance, mais des formes de l’adulte ont été également décrites [8,9]. L’évolution naturelle de la maladie est très variable. Le traitement est essentiellement médical et diététique, basé sur un régime pauvre en graisses à chaînes longues et riche en triglycérides à chaînes moyennes et en protides. Sous régime, les résultats sont en général excellents. En cas d’échec, une nutrition parentérale exclusive peut être nécessaire [10]. Des formes réfractaires, ne répondant qu’à un traitement par octréotide ont été rapportées [8,9]. Cela ne peut être envisagé chez cette patiente pour des considérations socioéconomiques. De nombreuses affections gastro-intestinales et hépatiques peuvent entraver l’absorption du calcium, du phosphore et de la vitamine D. Elles s’associent ainsi à un risque accru d’atteintes osseuses à type d’ostéoporose et/ou d’ostéomalacie, corollaires du trouble du métabolisme osseux, responsable d’une baisse de la densité minérale osseuse et/ou d’une altération de la minéralisation de la matrice protéique [11,12]. L’ostéomalacie associée aux syndromes de malabsorption est de plus en plus en rare, du fait de la prise en charge précoce de ces affections. Toutefois, de plus en plus de formes frustes d’entérocolopathies sont diagnostiquées chez l’adulte, ce qui souligne l’intérêt d’une

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exploration digestive minutieuse devant tout tableau clinique et biologique évocateur d’ostéomalacie [13,14]. Par ailleurs, et si l’ostéomalacie carentielle a été bien décrite au cours d’autres entéropathies, telles que la maladie de Crohn et la maladie cœliaque [11], son association à la MW n’a pas été jusque-là rapportée dans la littérature, d’où l’originalité de cette observation. Le syndrome de malabsorption observé au cours de la MW peut être responsable d’ostéomalacie et d’une hyperparathyroïdie secondaire, comme c’est le cas chez cette patiente. L’hypersécrétion réactionnelle de la parathormone permet de réglementer les conséquences phosphocalciques de l’ostéomalacie avec une tendance à la normalisation du taux de la vitamine D, également remarquée dans notre observation [15]. L’hyper résorption ostéoclastique et le défaut de minéralisation de la matrice protéique sont responsables d’une baisse de la densité minérale osseuse, d’une augmentation de la fragilité osseuse avec un risque accru de fracture. La prise en charge précoce et rigoureuse de la MW permet d’éviter de telles complications osseuses. Références [1] Waldmann TA, Steinfeld JL, Dutcher TF, Davidson JD, Gordon Jr RS. The role of the gastrointestinal system in “idiopathic hypoproteineia”. Gastroenterology 1961;41:197–207. [2] Waldmann TA. Protein-losing enteropathy. Gastroenterology 1966;50: 422–33.

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