Saulieu G. de 2016, « L’Equateur. Un El Dorado pour les archéologues »

L’Équateur Un eldorado pour les archéologues Geoffroy DE SAULIEU

Dossiers d’Archéologie / n° 373

Sépulture des « amants de Sumpa », un couple enlacé, dans le site de Las Vegas, 5000 ans avant J.-C., côte équatorienne. Photo S. Rostain.

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L’impulsion culturelle initiale de la côte a permis le développement de nombreuses sociétés précolombiennes, toutes plus brillantes les unes que les autres : Machalilla, Chorrera, JamaCoaque, Guangala, Bahía de Caráquez, Manteño, Milagro-Quevedo, etc. La plus singulière fut sans doute La Tolita (Tumaco, en Colombie). Se développant sur un substrat Chorrera vers 600 avant J.-C., La Tolita s’organise en une société très hiérarchisée, avec une architecture monumentale en terre, en pleine région tropicale humide côtière. Les élites y développent la métallurgie du cuivre, de l’or et du platine et un art céramique inégalé en Amérique du Sud. Le fameux « masque d’or », symbole de la Banque centrale équatorienne, est l’une des productions emblématiques de cette culture, qui s’éteignit vers 400 après J.-C.

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’est dans des paysages côtiers diversifiés que les civilisations précolombiennes se sont précocément développées. Après un paléoindien peu connu, le site Las Vegas révèle l’existence de chasseurs-cueilleurs sédentaires cultivant une variété de maïs primitif et de calebasse dès 6000 avant J.-C. C’est là que fut découverte la fameuse tombe des « amants de Sumpa », dans laquelle étaient enterrés enlacés un homme et une femme. Les sociétés agricoles dites « formatives » (Néolithique) apparaissent avec Valdivia vers 3800 avant J.-C. Célèbre pour sa céramique richement ornée et ses « Vénus », Valdivia s’organise en villages, avec très vite une architecture monumentale : des monticules de terre surmontés d’édifices cérémoniels (voir la chronologie des cultures archéologiques de l’Équateur, p. 14-21).

LA SOBRIÉTÉ APPARENTE DES FACIÈS CULTURELS Dans les Andes, est-ce le paysage plus âpre et plus froid qui explique le caractère moins exubérant des cultures locales ? Bien avant les Incas, qui ne restèrent que quelques décennies en Équateur, malgré des traces paléo indiennes plus nombreuses, les sociétés agrocéramiques s’y développèrent plus tardivement que sur la côte. L’humilité apparente des cultures andines ne fait cependant pas illusion, car les sociétés, bien connectées aux régions pacifiques et amazoniennes, ont parfois su s’y développer avec ambition. Ainsi, Cochasqui, un complexe daté des environs de 900 après J.-C. à proximité de Quito, en est la meilleure illustration, avec une pyramide principale de 90 m de côté, 25 m de hauteur, et une rampe de 200 m de longueur ! Plus au sud, le

Reconstitution de l’habitat Valdivia, 3500 ans avant J.-C., sur la côte équatorienne. Aquarelle S. Rostain.

site formatif de Santa Ana - La Florida, dans une haute vallée tropicale des Andes orientales, illustre quant à lui une tradition céramique et une architecture monumentale précoce et innovante – il y a plus de 5 000 ans –, fruits d’interactions fortes avec la côte pacifique et le précéramique péruvien.

DES TERRES ENCORE INCONNUES Enfin l’Amazonie, grande méconnue jusqu’à récemment, fournit occasionnellement des objets de cultures non identifiées. Le développement formatif y est sans doute précoce, comme l’illustrent les nombreuses bouteilles à protoanse à étrier. Des recherches récentes ont aussi permis d’y retrouver la maison la plus ancienne de toute l’Amazonie, conservée sous une couche de cendres volcaniques. Ailleurs, la culture Upano, avec le site Sangay, constitué de plusieurs centaines de monticules rectan-

gulaires témoignant d’une organisation proto-urbaine, montre la vigueur insoupçonnée des sociétés amazoniennes d’il y a déjà 2 000 ans. Plus au nord, l’originalité des formes céramiques et la complexité des décors de la culture Napo, en basse Amazonie équatorienne, font quant à elles réfléchir sur la structuration de sociétés plus récentes (vers l’an 1000), montrant des interactions jusqu’au Brésil actuel, et nous interrogent sur la nature des élites qui les dirigeaient.

Bouteille à anse-goulot du site formatif de Santa Ana - La Florida, dans une vallée subandine du sud de l’Équateur. Photo G. de Saulieu.