Reseña de Marie-Cécile Bénassy de \"Sor Filotea y Sor Juana. Cartas del obispo de Puebla a Sor Juana Inés de la Cruz\".

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Couv_CARAVELE104:Mise en page 1 23/11/15 10:41 Page1

CAHIERS DU MONDE HISPANIQUE ET LUSO-BRESILIEN CARAVELLE 105 Décembre 2015

CAHIERS DU MONDE HISPANIQUE ET LUSO-BRESILIEN

Cuba, cultures contemporaines ........................................................................................... Sylvie MÉGEVAND : Présentation .......................................................................................

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Les paradoxes culturels de la période spéciale ..................................................................... Luisa CAMPUZANO : La Casa de las Américas hoy (memoria personal asistida)..................... Sylvie MÉGEVAND : Opus Habana, organe du discours urbanistique de l’Oficina del Historiador de la Ciudad de La Habana...................................................................................................... Sylvie BOUFFARTIGUE : Le talent ne fructifie pas dans l’oisiveté : une Française dans la Révolution cubaine..................................................................................................................

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Des voix créatives multiples ................................................................................................. Nancy MOREJÓN : Agustín Cárdenas y las formas del silencio ............................................... Sandra MONET-DESCOMBEY HERNÁNDEZ : Afro-féminisme et écriture critique à Cuba ....

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L’exil : vers une autre transculturation ............................................................................... Michèle GUICHARNAUD-TOLLIS : Écritures, espaces et imaginaires cubains depuis l’exil ....

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Mélanges ............................................................................................................................... Christine RUFINO DABAT : La Magna Carta des coupeurs de canne dans le Pernambouc (Brésil) selon les archives de la Justice du Travail (1963-1965).................................................................... Étienne SAUTHIER : Une Madeleine tropicale : la première traduction brésilienne d’À la recherche du temps perdu ...................................................................................................................... Antonino VIDAL ORTEGA, Giuseppe D’AMATO CASTILLO : Los otros, sin patria: italianos en el litoral Caribe de Colombia a comienzos del siglo XX ............................................. Orlando ARAÚJO FONTALVO : La ficcionalización del erotismo en los cuentos de Germán Espinosa

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Cuba, cultures contemporaines

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IPEAT INSTITUT PLURIDISCIPLINAIRE POUR LES ÉTUDES SUR LES AMÉRIQUES À TOULOUSE

Comptes rendus.................................................................................................................... 199 (Voir détail p. 233)

CAR 105

Prix : 27 €

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cultures contemporaines

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Littératures ........................................................................................................................... 189 Poèmes de Nancy MOREJÓN inédits en France ...................................................................... 191

Code Sodis : F408075 ISBN : 978-2-8107-0406-4

Cuba,

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105 PRESSES UNIVERSITAIRES DU MIDI 2015 - ISSN 1147-6753

Caravelle 105 p. 201-232

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Verena DOLLE (ed.), La representación de la Conquista en el teatro latinoamericano de los siglos XX y XXI, Hildesheim, OLMS, 2014, 370 p. Après l’abondance d’éclairages et de rétrospectives sur la rencontre et le choc de deux mondes qu’a suscitée le cinquième Centenaire de 1992, si l’on peut à présent prendre quelque champ et ébaucher quelque bilan, on constate la maigreur des études portant sur la production théâtrale proprement américaine inspirée par ce sujet. À cet égard, l’ensemble qu’offre Verena Dolle constitue donc un apport bienvenu, tant par la quantité que par la qualité de ses contributions. Ces différents travaux sont précédés d’une excellente introduction. Une présentation, très fouillée et éclairante, replace la démarche au regard des différentes approches déjà réalisées sur ce sujet de la Conquista, dans le théâtre européen et dans le cinéma. L’ouvrage est organisé en cinq chapitres qui réunissent de façon équilibrée les productions des différentes régions du continent : Mexique ; Amérique Centrale ; un regroupement comprenant Colombie, Venezuela et Brésil ; « el entorno de los Andes » ; Argentine. Sont étudiées une trentaine de pièces qui se sont succédé sur plus d’un siècle, du romantisme « attardé » de l’Argentin Nicolás Granada, de 1897, jusqu’au Colón, el huevo conquistador d’un autre Argentin, Leandro Rosati, de 2010. Ainsi, du Mexique au Cône Sud, dix-huit études analysent comment la dramaturgie met sa lecture de l’histoire, ou de ses chroniqueurs, au service d’une idée, voire d’une idéologie, nationale ou nationaliste, grâce à son impact direct, social et/ou politique, sur le public, avec les variantes dues tant aux conditions locales qu’à la conjoncture internationale. Ceci est perceptible dès le premier contact avec le Mexique, lieu de la « Conquista por antonomasia » : la figure de la Malinche est reprise dans la perspective plus large de l’hétérogénéité, là où elle apparaît comme porteur d’un néocolonialisme en rapport avec une globalisation menaçante pour l’identité individuelle et/ou collective. En Amérique Centrale, où la Conquête n’a pas eu le même caractère traumatisant, on trouve, à côté d’une allusion appuyée à la politique d’expansion agressive des États-Unis, le thème d’une « évangélisation pacifique des indigènes » associé à l’idée d’une Amérique latine aux harmonieuses racines ethniques et d’une mise en valeur d’une culture

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indigène idéalisée, proche de la « nature ». En ce sens l’autre figure de la controverse américaine, Bartolomé de las Casas, est particulièrement présenté comme « el apóstol de la causa indígena y precursor de los derechos humanos en Hispanoamérica ». Le territoire de la Colombie n’ayant pas été marqué précisément par un conquistador déterminé, le théâtre utilise, outre Bartolomé de las Casas, les multiples héros de la Conquête territoriale : Lope de Aguirre, Núñez de Balboa... Les pièces étudiées sont alors essentiellement le reflet de la crise aiguë traversée par le pays au cours des dernières décennies du XXe siècle. Cette tension se manifeste dans l’usage répété de la parodie et de la satire. L’allusion subversive aux différents acteurs de la Conquête est à replacer, ici aussi, dans le contexte de la forte présence et de la pression des États-Unis, ressenties comme un néocolonialisme. Le Venezuela, pour sa part, affiche peu d’œuvres traitant de la Conquête, et le théâtre s’attache davantage au « mythe fondateur » d’une nation, au destin d’un peuple héritier d’ancêtres dépossédés porteurs d’une histoire héroïque. Si la proximité géographique justifie la présence du Brésil dans ce chapitre, il n’en reste pas moins qu’il représente un cas particulier, à la fois par l’origine et les modalités de sa Conquête, et par la façon dont le thème est traité dans les rares œuvres qui lui sont consacrées et où le conquérant est particulièrement vilipendé. Les Portugais apparaissent comme des balourds incapables de communiquer avec les indigènes ou bien, à travers une série d’épisodes comiques ou absurdes, l’histoire du Brésil est présentée comme un long déroulement de violence, d’oppression et de méconnaissance. Le quatrième chapitre, qui regroupe les terres andines et « el entorno de los Andes », introduit, à côté de Pizarro et de Valdivia, les figures mythiques de la résistance indigène : Atahualpa et Lautaro, bien que ce dernier, pas plus que son peuple, les Araucans, n’apparaisse guère dans la mémoire nationale chilienne avant la découverte et la réhabilitation de la richesse culturelle indigène par Pablo Neruda. De fait, le retour sur l’épisode de la Conquête espagnole est essentiellement l’occasion d’une réflexion sur l’histoire, présentée comme un ensemble de variables qui ne peut prétendre à une vérité absolue. Les œuvres du théâtre équatorien sont, elles aussi, marquées, beaucoup plus que par un retour sur le personnage des conquistadors, par l’époque de leur création, dans un contexte hautement politisé ; elles reflètent ainsi les tensions et les affrontements idéologiques des dernières décennies du siècle. On retrouve, là encore, la marque de la pesante présence du grand voisin du Nord : « El predominio de la espectacularidad y la concepción colectiva del trabajo dan cuenta de una marcada preocupación ética, más atenta a una identidad cultural contemporánea que a una identidad histórica. » (Checa Puerta, p. 232) Alors que la Conquête représente pour le Mexique une référence fondamentale, ce thème n’apparaît qu’à de rares occasions dans le

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théâtre péruvien. Certes, le Pérou n’a pas connu de couple « fondateur de la nation » à l’image de Cortés et la Malinche, mais le métissage y est, là aussi, une réalité liée à la Conquête (et el Inca Garcilaso n’est pas le moindre de ses exemples. On se souvient aussi du courant de pensée dont Ciro Alegría s’était fait porteur dans son El mundo es ancho y ajeno, voyant dans le métissage la promesse d’une fusion harmonieuse des deux « races »). Bien au contraire, les dramaturges contemporains reprennent et retournent l’ancienne conception de l’affrontement entre « civilisation et barbarie ». Là, les valeurs positives sont incarnées par les indigènes et leur chef Atahualpa, alors que la barbarie des conquérants est dénoncée comme responsable et fondatrice des injustices du temps présent, dans un appel à un engagement social et politique. Offrant à l’ensemble un bouquet final, l’Argentine, paradoxalement, fournit le plus gros contingent de créations, interprétations et propositions sur le thème. Une vingtaine de pièces, s’échelonnant sur plus d’un siècle, trouve là, comme dans les autres pays du continent, l’occasion (le « pré-texte » ?) d’une transposition immédiate, reflet des problèmes politiques et sociaux contemporains. Le pays n’a pas connu l’ère des premiers conquistadors, mais la référence à la guerre meurtrière et dévastatrice que fut la « Campaña del Desierto » de 1879 contre les Indiens pampas suscite le parallèle, auquel s’ajoute le souvenir immédiat de la plus récente dictature militaire. Cette dernière a également entraîné une personnalisation et individualisation des victimes ; de plus, l’aspect génocidaire se nuance d’une reconnaissance générique. Cette attention aux femmes marginalisées et vaincues permet d’établir un parallèle entre la femme indigène et la femme ouvrière, que l’on retrouve dans le théâtre anarchiste des années 20 : la Conquête devient l’archétype structurel du processus par lequel une minorité, non plus ethnique, mais de classe, parvient à dominer une majorité et entraîner sa disparition. La trame historique dès lors est utilisée pour exposer les problèmes de la violation des droits humains, et la dramaturgie a recours aussi bien au registre de la parodie et du grotesque. (On pourrait en ce sens rappeler les Esperpentos de Valle Inclán.) Les faits historiques très librement évoqués sont en fait « una alegoría para la crítica del presente » (Dolle, p. 28). La Conquête apparaît comme le point de départ d’une invasion non seulement politique ou économique, mais aussi commerciale, voire culturelle, tant sur le plan national que continental. (On en retrouverait les échos, dès les années 1960-1970, dans certaines planches de Mafalda.) Ainsi donc le thème de la Conquête a été traité amplement et sans discontinuer par l’ensemble des dramaturges latino-américains. On peut noter une évolution dans son traitement en relation avec les courants de pensée qui se sont succédé au cours du siècle. Le problème est posé de l’intrusion d’un conquérant absolument dominateur ou du dialogue entre les cultures, comme l’indique V. Dolle en conclusion :

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« Varias tendencias y desarrollos en los últimos años van más bien hacia [...] una re-esencialización y una profundización de líneas delimitadoras/separadoras y han hecho evidente que la idea de interculturalidad e hibridación puede ser una ilusión, un pretexto bajo el cual siguen existiendo diferencias e incomunicaciones profundas. De ahí que me parezca oportuno analizar para investigaciones futuras la producción teatral latinoamericana bajo el enfoque de la ‘‘traducción cultural...” » (p. 29) Claire PAILLER Université de Toulouse

José Manuel DÍAZ BLANCO, Así trocaste tu gloria: guerra y comercio colonial en la España del siglo XVII, Valladolid, Instituto Universitario de Historia Simancas, 2012, 313 p. Comment renouveler l’histoire du commerce atlantique, longtemps prisonnière des querelles de chiffres, des pesées globales et de la longue durée aux méthodes toujours discutées ? José Manuel Díaz Blanco relève le défi en proposant d’aborder un sujet éminemment économique du point de vue politique. Il s’interroge sur « comment et à quel point l’interventionnisme institutionnel peut conditionner le jeu économique » (p. 21) et se place dans la perspective des travaux de Carlos Álvarez Nogal, d’une « analyse économique institutionnelle ». De la sorte, il retourne la question classique de l’impact qu’eurent les métaux précieux américains sur l’économie et la politique européennes, pour saisir des conséquences de la politique royale castillane sur le commerce atlantique : une pression fiscale particulièrement agressive à l’encontre des marchands sévillans, notamment avec la saisie forcée des remesas à l’arrivée de la flotte, a détérioré le commerce pendant le règne de Philippe IV. Si la question semble plus spécifique, elle évite l’écueil de grandes théories en intégrant les réalités politiques, mais aussi sociales (le sort de la caste marchande sévillane), qui guident les multiples acteurs pris dans d’inextricables contradictions ou conflits d’intérêts. Ainsi, J. M. Díaz Blanco saisit de façon originale l’évolution des pratiques et les différents styles de gouvernance de la monarchie hispanique de Philippe II à Charles II. L’unité de temps réside dans le XVIIe siècle, celui d’une « crise globale » (G. Parker) dont on ne cesse de discuter les tenants et les aboutissants : pour l’Espagne ce siècle marque le passage de la prépondérance au « déclin », mais conserve une forte cohérence politique (les Habsbourg règnent) et les défis de la guerre sans cesse renouvelés à l’exception de deux périodes de paix toute relative (sous Philippe III et Charles II).

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Plus précisément, l’étude propose de suivre année par année, le jeu de négociations entre les différents acteurs institutionnels du commerce entre Séville et l’Amérique : elle souligne la marge de manœuvre souvent étroite de chacun et le pouvoir de coercition de la Couronne. Les acteurs sont multiples, mais suffisamment peu nombreux pour être suivis de près : notamment grâce à la correspondance de la Casa de la Contratación, aux avis des Conseils des Indes et des Finances à Madrid, aux décrets royaux et aux actas du Consulat des marchands à Séville. Cette documentation homogène met en scène le roi, le président de la Casa de la Contratación, le président du Conseil des Indes, les conseillers des Indes, le Conseil des Finances, le valido, le cabildo de Séville, le Consulat (son prieur, ses membres). Ce dernier, dont le siège – la Casa Lonja – accueille aujourd’hui l’Archivo General de Indias, est le fil conducteur de la recherche et fournit le principal poste d’observation pour l’historien. Le Consulado ou Universidad de cargadores a Indias réunissait donc les marchands sévillans commerçant avec les Indes occidentales pour protéger et améliorer les conditions du négoce tout en disposant d’une juridiction sur ce commerce. La thèse défendue par J. M. Díaz Blanco est celle que la politique intérieure de la monarchie, en particulier de la Castille, dépend aux XVIe et XVIIe siècles de la politique extérieure : autrement dit la Castille paye le prix de l’empire voulu par Charles Quint et conservé par Philippe II et ses descendants. Así trocaste tu gloria réussit à synchroniser les aspects économiques, politiques et internationaux en n’oubliant pas de déplacer la focale entre Séville et Madrid, entre la communauté des marchands, la capitale andalouse, le royaume et l’empire. D’une part, il s’agit de révéler la participation plus ou moins directe des marchands sévillans à la politique impériale, par le biais des fortes contributions financières consenties pour les guerres et la lutte contre les révoltes. Le cœur de la Castille bat au rythme de la politique impériale (dans des registres différents cette idée apparaît dans les travaux de G. Salinero, I. Altman ou B. Yun) et le commerce atlantique par sa nature même est particulièrement exposé. Dès lors J. M. Díaz Blanco s’inscrit dans la tendance actuelle de ne plus envisager les questions à des échelles (nationales) qui n’étaient pas celles des temps modernes et de rompre la dichotomie « historia moderna »/« historia de América ». D’autre part, l’auteur reconsidère l’idée de pactisme qui caractérise la « monarchie composite » et la relation roi/royaumes pour y inclure de puissantes institutions locales (autres que les cortes) comme les universités de marchands. C’est bien le sens du titre de l’ouvrage, repris d’un vers du poète Francisco de Rioja qui en 1633 s’adressant à Séville écrivait « así trocaste tu gloria » faisant référence à l’acceptation d’échanger au profit de la Couronne de l’or et argent contre la monnaie de vellón... Le dialogue permanent entre le roi et ses royaumes pour obtenir l’argent nécessaire à la guerre permet aux groupes sociaux sollicités d’atteindre

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leurs objectifs politiques en profitant des difficultés financières de la Couronne. Les marchands obtiennent la création d’un Consulat en 1543 en même temps qu’une nouvelle imposition sur le commerce est adoptée : l'almojarifazgo de Indias. Dès lors, le Consulat voit son pouvoir croître et le manifeste dans la Suma de Tratos y Contratos (1571) de Tomas de Mercado ou la construction au cœur de Séville de la Casa Lonja dessinée par Juan de Herrera. 1591 marque une étape décisive dans l’histoire du Consulat avec la signature d’un pacte presque indissoluble avec la Monarchie : avec l’asiento de avería de 1591, le Consulat s’engage à financer dix galions pour la protection de la Carrera de Indias, ce qui lui confère une grande responsabilité donc un grand pouvoir. Philippe II concède une série de privilèges au négoce (dont une suspension des enquêtes pour fraudes) et soutient la position des marchands sévillans contre la concurrence des étrangers : de ce point de vue la victoire est complète pour le Consulat qui obtient un décret royal interdisant les étrangers dans le commerce et un tarissement des naturalisations. Néanmoins, le commerce sévillan s’épanouissait depuis le XVe siècle grâce au commerce avec l’Europe du Nord et le cabildo de Séville défendait les marchands étrangers. La question des étrangers resta toujours au cœur des tractations entre les marchands et la monarchie : durant le valimiento d’Olivares, les marchands affaiblis luttèrent péniblement contre une augmentation des naturalisations des serviteurs étrangers du comte-duc. À côté des étrangers, plusieurs questions récurrentes traversent l’ouvrage : la fraude, l’appétit fiscal de la Couronne, le jeu des institutions. La question de la fraude est au cœur de la relation et de la négociation entre le roi et ses marchands : c’est autant un moyen de pression pour le roi qui menace fréquemment de la réprimer sévèrement tout en acceptant indultos et composiciones, que la manière pour les marchands d’échapper à la fiscalité et surtout aux saisies arbitraires des métaux précieux enregistrés à la Casa de la Contratación. En 1617, une enquête révèle une fraude de 400 000 ducats sur les droits de douane. Le Consulat demande la possibilité de payer une composición de 120 000 ducats. Dans le même temps, les négociations du nouvel asiento de avería et le changement de politique internationale à Madrid avec la disgrâce du duc de Lerma et le retour d’une politique agressive provoquent d’importantes nécessités financières. Le roi exige 400 000 ducats aux marchands de Séville, contre l’avis même du Conseil des Indes. Le Consulat négocie cette somme en mettant dans la balance l’avería et l’intégration des marchands naturalisés. En 1619, la négociation reprend dans le cadre d’une junta à Madrid : le roi accepte de diviser par deux la somme, mais le paiement effectif se laisse attendre. Finalement, en 1620, le conflit dans la Valteline oblige la Monarchie à puiser 1/8 de l’or et de l’argent des particuliers arrivés à Séville soit 800 000 ducats ! Casa et Conseil des Indes protestent en

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vain. Cet épisode ouvre une période de 30 ans d’abus de la Couronne sur l’argent des particuliers pour répondre aux besoins de la guerre en Europe. La lutte contre la fraude resurgit tout au long du XVIIe siècle, par exemple vers 1650, avec d’importantes enquêtes contre les commerçants : la Couronne est prête à pardonner moyennant 140 000 pesos. En 1652, 24 notaires publics de la ville de Séville sont chargés de contrôler les écritures des marchands et une commission confiée à don García de Porres cherche à acheter des produits coloniaux en monnaie de vellón. C’est dans ce contexte, en avril 1652, que se déroule le tumulte de la Feria (une des « altercaciones » de Domínguez Ortiz) à cause de la montée du billion et du manque de pain. Les marchands n’ont pas participé (ils sont favorables à la répression du mouvement), mais le Conseil des Indes s’inquiète et demande à Philippe IV de mieux traiter les marchands. Suivre année par année les activités du Consulat permet de prendre la mesure de l’appétit fiscal démesuré de la Couronne. Certes deux phases de forte pression (1618-1652 ; 1680-1700) semblent se dégager comme l’auteur le démontre en conclusión ; pourtant les expédients de la Monarchie forment une chaîne continue et démontrent une imagination sans borne (le Conseil des Finances la plupart du temps est à la manœuvre) : on le sait déjà, l’almojarifazgo de Indias, l’asiento de avería dont le taux augmente tout au long de la période, la création d’une avería gruesa, la saisie de l’argent des particuliers pour échange contre de la monnaie de vellón ou des rentes incertaines, les « dons volontaires », les servicios, la taxe sur les marchandises américaines pour payer 6 ans de soldes de 500 soldats en 1631, la taxe sur droit des Infantes, la taxe sur le tonnage... Néanmoins, sitôt la guerre de Trente Ans terminée, l’idée de réforme pour revitaliser le commerce Espagne-Inde émerge. Dans les années 1660-1661, Luis de Haro et José González proposent de donner à l’avería un montant fixe dont la charge reposerait cette fois sur les marchands américains (plutôt péruviens) et ainsi de supprimer l’enregistrement des marchandises à la Casa. Dans l’ensemble, toutes les nouvelles contributions sont le fruit d’âpres négociations entre diverses institutions fréquemment en conflit : au départ, le Consulat s’oppose à la Casa de la Contratación, laquelle voit ses compétences rognées ; le Consulat s’oppose également durablement à la municipalité de Séville (jusqu’à ce que l’élite marchande fusionne avec l’élite municipale dans un mouvement d’aristocratisation à la fin du XVIIe siècle), laquelle défend les marchands étrangers, source de richesse pour la ville, mais contraire au principe du monopole ; à Madrid, le Conseil des Indes, favorable aux marchands et à la protection du commerce atlantique, fait front à la mécanique du Conseil des Finances, le commerce est pris dans le jeu des factions attisé par les validos. Le livre démontre comment la matière économique, le commerce international, constituent un enjeu politique de premier plan et dévoilent les jeux de pouvoir. Dans la lignée de B.

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Yun, Así trocaste tu gloria met en évidence que ce qu’on perd en efficacité économique, on le gagne en stabilité politique. En effet, J. M. Díaz Blanco ne cesse de discuter les grandes questions historiographiques comme la Castille vue comme « une société non révolutionnaire » : il explique que les marchands de Séville ne restent pas passifs face à la pression de la monarchie, ils participent à la chute d’Olivares par leur action à la Cour et empruntent donc une voie politique de résolution du conflit. D’un autre côté, le pouvoir sait faire preuve, ponctuellement, de modération et de souplesse en n’hésitant pas à faire marche arrière. La conclusion réside dans l’interdépendance très forte de tous les acteurs, en particulier des marchands et de la Monarchie : l’avería en est le paradigme, mais aussi l’investissement massif, parfois contraint, des marchands dans les juros et autres rentas qui lient leur destin à celui des finances du monarque. On regrettera que, parmi les acteurs présentés, les marchands américains et leurs Consulats à Mexico et Lima apparaissent peu : on mesure par exemple leur poids avec le mémoire, envoyé par les marchands liméniens (les fameux peruleros) en 1654 (p. 219), qui semble infléchir les velléités fiscales de la Couronne. Quoi qu’il en soit Díaz Blanco tranche en dernier ressort : il affirme que le pouvoir monarchique, malgré la fraude massive qui a fait dire aux historiens que l’État hispanique était débordé et faible, est plus fort que le monde des marchands : « En nuestra opinión, lo fundamental es comprobar cómo se quebró la dualidad rey-Reino en un sentido concreto que conducía a la desaparición del Reino como sujeto activo de la negociación política, monopolizada casi por completo por los intereses y la voluntad regia » (p. 288). De là, il n’y a qu’un pas à franchir pour faire de cette histoire celle de la construction d’une monarchie absolue en Espagne au cours du XVIIe siècle. Guillaume GAUDIN FRAMESPA

Alejandro SORIANO VALLÈS (edición, introducción, estudio liminar y notas), Sor Filotea y Sor Juana. Cartas del obispo de Puebla a Sor Juana Inés de la Cruz, Toluca de Lerdo, Fondo Editorial del Estado de México, 2015, 320 p. Estos últimos años, han aparecido unos diez documentos que traen más luces sobre los polémicos años finales de la vida de Sor Juana Inés de la Cruz. Los dos que edita aquí el veterano sorjuanista A. Soriano Vallès nos proporcionan datos importantes sobre los meses menos conocidos, los que median entre la polémica de la Carta atenagórica (fines de 1690 y principios de 1691) y la famosa conversión de principios de 1693.

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Resumamos los elementos del debate. En agosto de 1690, la gloria literaria de Sor Juana en España empieza su auge. Ahora bien, en su prestigioso locutorio del convento de San Jerónimo, ocurre que la monja critica con brío un antiguo sermón del afamado jesuita portugués Antonio Vieira. Entusiasmado, un desconocido oyente le pide una versión escrita de su argumentación. Se multiplican las copias y una va a parar entre las manos del muy respetado obispo de Puebla, D. Manuel Fernández de Santa Cruz. Sin informar a la autora, éste edita el texto bajo el título rimbombante de Carta atenagórica. Añade un prólogo de su mano que colma de elogios a Sor Juana pero la insta a reservar sus grandes dotes a las ciencias religiosas. Para limitar el alcance de esta exigencia, el obispo toma el seudónimo (transparente) de Sor Filotea, inspirado de San Francisco de Sales. Entre los muchos comentaristas del librito surgen algunos envidiosos (y «antifeministas» ) a veces muy violentos. Desde el año 2004, gracias a los hallazgos del profesor limeño J. A. Rodríguez Garrido, sabemos que los adversarios eran contados y poco influyentes. A 1 de marzo de 1691, Sor Juana contesta por la talentosa Respuesta a Sor Filotea. Allí explica los motivos de su modo de vida parcialmente mundano ; se niega cortés pero resueltamente a reservar su pluma a la teología : «Yo no quiero ruido con la Santa Inquisición.» Es decir que se niega a practicar la auto-censura. Dos años después, en el auge de su gloria literaria, Sor Juana no anuncia que va a escribir de teología, sino que va a dejar de escribir. También cierra su locutorio y vuelve a llamar a un confesor severo a quien había despedido algo brutalmente años antes. Y redacta un texto de penitencia que, sacado del contexto de la época, ha causado gran escándalo. Pero, cosa extrañísima, el clero de México se abstiene de celebrar un acontecimiento que lógicamente hubiera debido aparecer como una sonada victoria. Y, en 1695, las exequias de Sor Juana son inesperadamente discretas. Vengamos a las cartas del obispo dejando aparte un borrador de la Carta de Sor Filotea cuyo interés es menor. En un anexo del libro Jesús Joël Peña Espinosa, el archivero descubridor de los documentos en la Biblioteca Palafoxiana de Puebla, nos prueba minuciosamente su autenticidad. La primera es un borrador escrito de la mano del propio obispo. Es una epístola larga y erudita de estilo muy cuidado, dirigida a Sor Juana a 20 de marzo de 1691. Al fin conocemos la primera reacción del prelado ante la famosa Respuesta de la Décima Musa. Él no se enfada. Se solidariza con ella frente a sus despreciables enemigos. Expresa otra vez su amistad y admiración, dice compartir el «vicio dorado» del amor del estudio. Pero, ya que Sor Juana no quiere escribir teología, la insta esta vez a leer libros místicos… No comenta los argumentos «feministas» que contenía el texto de Sor Juana. Él urge a Sor Juana para que sea más santa pero quiere obrar «por las buenas». Otra información interesante: el obispo no alude a ningún director

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espiritual de Sor Juana; parece que ella entonces no tenía ninguno, sólo un confesor. El segundo texto de 31 de enero del año siguiente es mucho más corto y alusivo. La pluma es de un secretario y el sentido de algunas frases algo oscuro, pero es tan instructivo como el anterior. Se alude a un mensajero particular llamado Lazcano. El obispo se queja de la escasez de las cartas de Sor Juana lo que denota una correspondencia casi regular desde el texto anterior entre dos personajes que no se veían nunca. Es una correspondencia privada: Sor Juana se ha quejado anteriormente de las pesadas cargas que se le impone en el convento. Hay otra gran revelación: Sor Juana entonces estudia griego y esto parece hacerle poca gracia al obispo. ¡El pretende que es cosa de diversión ya que las grandes obras han sido traducidas al latín! En todo caso, él no propone prestar a la monja unos libros de su gran librería palafoxiana… D. Manuel le propone un tema de estudio: el rey Saúl de la Biblia. Pero sigue respetando su libertad. Incluso dice deberle favores a la jerónima. El gran mérito de esta edición es la erudición de las notas atadas a ambos textos. Tenemos aquí las referencias de fuentes difíciles de encontrar y muchas informaciones sobre el contexto, por ejemplo la probable identidad del poblano Lazcano. También tenemos a disposición en anexo la Carta de Sor Filotea y su Respuesta. El largo estudio preliminar se extiende para refutar la «leyenda negra» dominante que ve en el alto clero el verdugo de una Sor Juana vencida por fin en 1693. El blanco principal es por supuesto Octavio Paz quien veía en Sor Juana la víctima de un conflicto entre prelados, con el final abandono del otrora amigo Don Manuel. Esta teoría suya que nunca tuvo fundamento concreto acaba de hundirse por obra de las cartas recién encontradas. Soriano Vallès está convencido de que el cambio de vida de 1693 fue una conversión total a la vida monástica. Pero ¿cómo no tener en cuenta algunos poemas profanos que seguramente se compusieron después? «Contadora», es decir mujer de negocios del convento desde 1688 hasta su muerte en 1695, Sor Juana conservaba el contacto con el mundo exterior. Y, hace poco, se ha encontrado en el Archivo Nacional de México el testamento del clérigo encargado de vender libros de Sor Juana a favor de los pobres: él habla de «distintos libros», no de una biblioteca entera. Tal vez, en la calma de la celda que ella había comprado en 1692 con permiso del arzobispo, Sor Juana haya seguido estudiando hasta su muerte el idioma griego. Marie-Cécile BÉNASSY Université de Paris III

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Hortensia CALVO, Beatriz COLOMBI (ed.), Cartas de Lysi. La mecenas de Sor Juana Inés de la Cruz en correspondencia inédita, Madrid: Iberoamericana/Frankfurt am Main: Vervuert/México D.F., Bonilla Artigas Editores, 2015, 240 p. Une bonne surprise qui fait espérer d’autres découvertes dans les riches bibliothèques des États-Unis d’Amérique. Dans un dossier mal classé acquis par échange en 1936 chez un libraire juif allemand réfugié à la Nouvelle Orléans, la bibliothécaire de l’Université de Tulane, Hortensia Calvo, a trouvé deux textes de María Luisa, comtesse de Paredes, épouse du marquis de La Laguna et vice-reine de Nouvelle Espagne de 1680 à 1686. Le premier (30 décembre 1682, 8 fol. r/v) est une lettre adressée à sa cousine María de Guadalupe, duchesse d’Aveiro. Une seconde lettre (29 juillet 1687, 3 fol. r/v) l’est à son propre père, Vespasiano Gonzaga dont elle ignore le récent décès. Le couple est alors en attente du bateau de retour. Outre les fac-similés, nous trouvons dans le livre la version paléographique et la modernisée, une introduction très fournie, de nombreuses notes, une chronologie détaillée (entre 1621 à 1728) de la vie publique et privée de cette grande famille, une bibliographie. En annexe, deux lettres inédites adressées par le duc de Medinaceli à son frère le vice-roi, les deux petits poèmes écrits par María Luisa en éloge de son amie Juana, trois de Sor Juana à la comtesse, son long romance « Grande duquesa de Aveiro… », des portraits et un index. Le premier texte ressuscite les mérites intellectuels de cette duchesse luso-castillane. Nos éditrices ont lu l’Espagnole Natalia Maillard Alvarez qui elle-même a lu les Mémoires de Saint Simon : « Sa maison à Madrid était le rendez-vous de tout ce qu’il y avait de plus considérable en esprit, en savoir et en naissance » (Pléiade, t. I, p. 834). Issue de la plus haute noblesse, mais placée alors dans une situation politique et matrimoniale intenable, cette femme était riche, pieuse, généreuse en faveur des missions jésuites et même franciscaines. Un de ses protégés, le trentin Eusebio Kino (Kuhn) se révéla un très grand explorateur quoique médiocre astronome. Mais elle était aussi une femme fort savante, possédant plus de 4 000 livres en dix langues différentes dont on conserve le catalogue. Quand Sor Juana la dit « Presidenta del Parnaso », ce n’est pas de la flatterie. La lointaine cousine de Mexico, beaucoup plus jeune, apparaît dans la lettre comme une fidèle disciple de la duchesse. Elle partage sa piété, son intérêt pour les Indiens que cette fois elle connaît, et son enthousiasme pour les missions jésuites des Philippines (« la China »). Elle est très à l’aise pour parler politique mais, intellectuellement, elle se sent très seule à Mexico. Ses visites à Sor Juana Inés de la Cruz constituent à l’entendre le seul dérivatif. Les vingt lignes qu’elle consacre à la « monja de San Jerónimo » sont un vibrant éloge de sa science et de son intelligence : « Creo que habías de gustar mucho de

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hablar con ella. » (p. 177) Le lecteur est frustré de ne pas trouver enfin dans cette lettre un portrait physique de Sor Juana. Un autre aspect mis en lumière est l’obsession de la descendance. À 34 ans, María Luisa a perdu une fille de 3 ans, un garçon de 18 mois et elle relève d’une fausse couche. Elle est alors à deux mois d’une nouvelle grossesse mais son angoisse est aussi forte que son espoir. Quand elle écrit la seconde lettre, elle laisse éclater sa joie d’avoir enfin un charmant José/« Chepito » qui a 4 ans : « como es criollo lo quieren mucho ». Ici se manifestent à la fois l’aristocrate qui peut enfin transmettre ses titres, la vice-reine qui se dit satisfaite du bilan politique de son couple, et la « madre de carne y hueso ». On manque d’espace ici pour commenter les innombrables allusions à la vie publique et familiale des correspondants. Les éditrices les ont vaillamment et longuement annotées ; on citera les frictions, en 1687, entre l’ancien couple vice-royal qui attend son embarquement mais paraît encore dans les cérémonies avec le nouveau. María Luisa ne ménage guère les successeurs. Les Français verront aussi mentionné l’explorateur Cavelier de la Salle qui fait peur (à tort cette fois) au marquis de la Laguna. « Abre numerosas interrogantes sobre la vida de las mujeres nobles del siglo XVII hispánico » lisons-nous page 12. En effet, elles paraissent ici beaucoup moins compassées qu’on ne l’imagine souvent. Notre seule véritable critique concerne le dossier Sor Juana. La bibliographie est approximative. Par exemple Amado Nervo, édité en 1910, apparaît faussement comme un auteur de 1995. Surtout, il eût été souhaitable d’évoquer la grandiose représentation privée devant la vice-reine de la comedia de Sor Juana Los Empeños de una casa le 4 octobre 1683. Cette initiative pouvait faire figure de défi face au tout nouvel archevêque Francisco Aguiar y Seijas, connu pour son hostilité au théâtre. De façon inexplicable, cet important personnage est oublié dans la chronologie et n’apparaît que comme évêque page 76. Ne trempons pas jusqu’au cou María Luisa dans l’eau bénite. Marie-Cécile BÉNASSY Université de Paris III

Evelyne SANCHEZ, Las élites empresariales y la independencia económica de México. Estevan de Antuñano o las vicisitudes del fundador de la industria textil moderna (1792-1847), Puebla, Universidad de Puebla, 2013, 363 p. Este libro es la versión española de una tésis leida en el año 2000. Refleja fielmente los puntos fuertes y también algunas de la insuficiencias del original. El punto más positivo consiste en una correcta reconstrucción de la carrera del biografiado. No era empresa fácil porque si bien dejó una apreciable documentación, ésta permanece silenciosa acerca de amplios segmentos de su vida; porque también la imagen que él mismo se dio

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de padre fundador de la industria moderna mejicana, conjuntamente con la búsqueda de un figurón modernista por la ciudad de Puebla con que tapar la fama de tradicionalista, cuando no de reaccionaria, que arranca desde el siglo XIX, contribuyeron en crear en su entorno un halo legendario que dificulta sobremanera la comprensión de su figura. Cuarto hijo de un comerciante español de mediano pasar afincando en Vera Cruz, heredó de su padre una buena formación comercial, algún que otro contacto útil con mercaderes importantes con quienes el padre y sus socios hacían negocio, tal vez también la solidaridad más difusa, pero efectiva, de común naturaleza con los naturales de las Encartaciones de Vizcaya de donde eran oriundos los Antuñana. La autora accepta la afirmación de algunos de sus biográfos que Antuñana se educó en España, pero parece rechazar, con argumentos de buen sentido, la idea de una estadía en Londres en su período formativo. La independencia le encuentra afincado en Puebla, dueño de una casa de comercio de importancia regional, vendiendo al por mayor un poco de todo – desde miel hasta algodón en ramas – tanto a mercaderes de Méjico como extranjeros. Parece que los contactos heredados de su familia le permiten una prestigiosa boda, en una familia de mucha raigambre pero de pocos medios; y el arranque de una carrera política, que le hace en 1822 síndico segundo de la ciudad – en contra de la voluntad de sus regidores – y le propulsan al grado de coronel de las milicias locales. Su carrera cambió de rumbo cuando Lucás Alamán, que a todas luces fue su principal valedor en el mundo político, crea el Banco de Avío para financiar empresas industriales nacionales. A principios de los años 1830, Antuñano consigue alrededor de 180 000 pesos de préstamos del mismo para establecer un modelo de negocios nuevo. Puebla tenía a su lado un río, el Atoyac, en el que se encontraban molinos harineros. Antuñana, con algunos socios, proponía transformar el mayor de ellos en fábrica mecanizada de hilo de algodón, con maquinaria importada y un núcleo de obreros extranjeros que formarían a los mejicanos; hilos que luego vendería a los numerosos tejedores artesanos de la zona, que le entregarían a su vez las mantas que produjeran, a las que él se encargaría de dar salida en el mercado nacional. En sí, el sistema no estaba mal pensado. Mecanizaba el segmento del proceso de producción en el que la mecanización era más rentable; insertaba la empresa en un tejido económico local que modernizaba sin destruirlo; por producir mantas bastas, no entraba en competencia directa con los productos, más finos, que se importaban a principios de los años 1830; la creación de fábricas modernas, por otra parte, no podía sino beneficiar a la economía nacional. Funcionó. Hubo retrasos en los pagos, naufragios, pérdidas de máquinas por accidentes de mar e imprevistas esperas a la intemperie bajo las lluvias de Vera Cruz, pero en enero de 1835 la fábrica La Constancia Mejicana empezaba a producir y a acumular beneficios

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ingentes: el precio de venta del producto final se mantenía, mientras la mecanización reducía los costes de producción. Por poco tiempo. A partir de 1840 Antuñana no consigue aprovisionar sus fábricas en materia prima. El gobierno mejicano, por razones presupuestarias y bajo la presión de los productores costeros, ha implantado fuertes aranceles sobre la importación de algodón en rama. No la prohibe. Vende licencias de importación. Antuñana ha tenido imitadores. Tiene que competir con ellos para conseguirlas. A pesar de intensos esfuerzos, no consigue movilizar los apoyos políticos que le habían proporcionado en su momento el apoyo del Banco de Avío. Muere casi arruinado en 1847. La familia liquida los bienes y vuelve a Europa en los años 1860. Historia interesante, ésta, por partida doble. Lo primero porque muestra hasta qué extremos, a mediados del siglo XIX en Méjico, todavía, la empresa industrial depende de los espacios que le abre el poder político, como en el Antiguo Régimen. Lamentamos el que la autora no haya profundizado semejante puesta en contexto (el libro clásico de Jean Yves Grenier ni se cita). Lo segundo porque Antuñano, en sus tentativas de movilizar a los políticos, maneja instrumentos heredados del período anterior, contactos personales, servicios, clientelismo, familia; pero también, y más con el tiempo, instrumentos nuevos, el recurso a la opinión pública, la ideología de defensa del interés nacional mejicano, a través de numerosas publicaciones en la prensa. Es lástima que la autora no se haya enfrentado más directamente con este tema. No podemos silenciar tampoco la dificultad de lectura del libro: demasiadas veces consideraciones teóricas, no siempre del mayor interés para la comprensión del relato, interrumpen éste. Se tenían que separar mejor ambos aspectos, que ambos se beneficiarían con tal segregación. A pesar de unos defectos en su ordenación y de cierta falta de profundización, leimos un libro interesante por la depuración a la que procede de una figura emblemática, apasionante por el caso que cuenta. Jean Pierre DEDIEU CNRS / FRAMESPA

António COSTA PINTO, Francisco CARLOS PALOMANES MARTINHO (org.), O passado que não passa. A sombra das ditaduras na Europa do Sul e na América Latina, Rio de Janeiro, Civilização Brasileira, 2013, 334 p. Cet ouvrage à plusieurs mains, fruit d’un projet collectif fondé sur une approche commune entre les anciennes métropoles ibériques et l’Amérique latine voire les Suds européens (Portugal et pays de l’aire méditerranéenne, une historiographie là aussi récente et dynamique) s’interroge sur un passé certes récent à l’aune des chronologies historiques communément admises. Ce passé n’en est pas moins problématique compte tenu des échos persistants qu’il suscite dans le

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temps présent du politique ou encore de l’oubli ou anamnèse dont il a fait l’objet jusqu’à une période récente, y compris en Europe, voire du retour de certaines idées précédemment développées à « l’ombre des dictatures ». La prise en compte du passé apparaît en effet, de part et d’autre de l’Atlantique et bien que suivant des calendriers différentiels, comme un préalable au retour et plus encore à la consolidation d’une démocratie à la définition parfois incertaine. Par la reconnaissance de faits traumatiques qu’elle implique, ce « passé qui ne passe pas » ne manque pas d’interpeller le pouvoir en place des décennies après la chute des régimes concernés, comme le montrent bien les travaux réunis dans cet ouvrage. Sa prise en compte est même l’un des impératifs majeurs de cette démocratie retrouvée. Plusieurs contributions montrent bien à cet égard que la rupture avec les élites portées au pouvoir par les régimes autoritaires constitue en principe une première étape, plus ou moins consensuelle selon les conjonctures considérées, dans un contexte de fin de Guerre froide particulièrement centré sur l’émergence d’une communauté démocratique internationale : les élites grecques et le gouvernement de Karamanlis contrôleront ainsi la mise en œuvre de la « justice de transition » dans la période postérieure à 1974, au profit d’une stabilité politique fragilisée par les conspirations militaires. Dans le cas italien, c’est un processus « inachevé » qui est généralement mis en exergue par les spécialistes de la période. Au Portugal, les interactions entre l’armée et le Parti communiste sont un élément clé de cette période de transition fréquemment fondée sur des accords « informels » (voir également l’exemple espagnol, qui « ignore » délibérément le passé pendant trois longues décennies, y compris depuis des gouvernements dirigés par le PSOE). Le contexte international, les luttes partisanes mais aussi le rôle des partis lorsqu’il s’agit de juger des crimes d’État (rôle particulièrement essentiel dans le Portugal de la Révolution des œillets et de la transition 1974-1976, lors des premières élections libres du 25 avril 1975), l’émergence de mémoires nationales inspiratrices de commémorations, la quête de la vérité ou de pardon, la justice « transitionnelle » ou le rôle des médias (essentiel dans le cas des « deux Espagne »), ont conduit depuis quelques années à une réflexion renouvelée aussi bien du point de vue des problématiques historiques que d’enjeux mémoriels incontestablement très proches. Les sorties de dictatures et les héritages autoritaires y compris dans le cadre européen, les politiques publiques du passé et la justice « transitionnelle » – plus volontiers évoquée dans cet ouvrage dans le cas du Brésil et du Portugal, pour lesquels les circulations sont notables, y compris dans le cas de politiques et intellectuels partisans du salazarisme – sont ainsi le prétexte d’une révision conceptuelle et épistémologique qui s’appuie sur des études de cas. Celui de l’Italie met ainsi en évidence un héritage contrasté et insuffisamment remis en question du fascisme selon les régions, plus

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ou moins affectées par la guerre civile entre « partisans » et la République sociale italienne (1943-1945) ou libérées du fascisme comme ce fut le cas dans le Sud. La mémoire de la dictature apparaît de toute évidence plus clairement dans le cas du Brésil et de sa commission d’amnistie, en une reconnaissance, à la fois matérielle et morale, des victimes, et en une mise à l’écart d’une culture politique jugée désormais anachronique. Les modalités d’application de la justice transitionnelle posent ici la question de la durée de ces réparations dans l’ordre juridique et du moment du passage à une « politique du passé ». Cet ouvrage fournit par conséquent des éclairages peu habituels sur la question, clivée généralement entre deux continents et des historiographies privilégiant habituellement les questions partisanes ou de représentations strictement politiques au détriment des mécanismes, achevés ou non, de transition, que ce soit du point de vue politique ou judiciaire. Il présente de ce fait le grand mérite de dépasser les histoires nationales prédominant dans l’aire européenne, sauf conjonctures spécifiques liées à la Guerre froide ou aux deux conflits mondiaux. Dans la perspective de l’histoire du temps présent, peu évoquée en définitive malgré la référence explicite à l’ouvrage de Henry Rousso, on pourra regretter l’absence de discussion sur le rôle des historiens dans le débat démocratique, la manière dont ils ont été à même de jouer un rôle d’experts et ont parfois été partie prenante dans la démocratisation de leur pays. Dans la perspective comparée certes ambitieuse affichée par le titre (Europe du Sud et Amérique latine), il aurait également été pertinent de revenir plus longuement sur les dictatures du Cône sud (Argentine, Chili, Uruguay, ce qui n’est fait qu’à la fin de l’ouvrage) et l’abondante production historiographique sur les sorties de dictature, le rôle de la justice y compris au plan international, et le rôle d’une société civile à la fois vigilante et engagée (d’où le Nunca más). Renforcer la comparaison « atlantique » aurait également permis de revenir sur les rythmes de prise en compte de ce passé traumatique, et notamment celui du pardon. La Commission de vérité brésilienne est en effet bien postérieure à celles d’autres pays latino-américains et la question des droits humains demeure une question toujours brûlante dans le cas d’une Espagne confrontée tout à la fois à l’ouverture des fosses communes, à la difficulté d’accéder désormais à des archives de la période franquiste (la mémoire d’une dictature tue bien après la disparition du caudillo) et à l’application chaotique de la Loi de mémoire historique de 2007. Ces quelques remarques n’enlèvent bien entendu aucun mérite à cette réalisation collective qui s’insère dans un débat qui est loin d’être clos sur ce « passé qui ne passe pas » des Suds dans leur acception à la fois méditerranéenne et atlantique. Frédérique LANGUE CNRS

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Luc CAPDEVILA, Frédérique LANGUE (dir.), Le passé des émotions d’une histoire à vif, Amérique latine et Espagne, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2014, 204 p. En Amérique latine comme dans d’autres régions du monde, les combats politiques des dernières décennies sont souvent allés de pair avec des reconsidérations, voire des luttes historiographiques d’une l’ampleur et d’une vigueur parfois étonnantes, au premier abord, et vues de l’extérieur. Le recours à des rhétoriques productrices d’émotions y a joué une grande place, en général dans des contextes et des logiques de conflits lourds de sens qui ont pu être d’une extrême violence. Comme le précisent les éditeurs scientifiques du livre : « Les émotions que leur généalogie rapproche en ce sens des idées politiques, apparaissent de ce fait comme des prismes privilégiés permettant d’analyser la relation intuitive que la société et les individus entretiennent avec le passé, au même titre qu’elles permettent d’affiner la connaissance des systèmes politiques et de leurs dynamiques, des résistances qu’ils suscitent via les affects […] voire d’imaginaires fonctionnant sur un mode religieux. » Cet ouvrage prolonge à bien des égards les réflexions de celui que Frédérique Langue et Luc Capdevila avaient publié en 2009 aux PUR (Entre mémoire collective et histoire officielle. L’histoire du temps présent en Amérique latine) dans la mesure où il cherche à savoir « dans quelle mesure et comment les régimes émotionnels participent-ils des régimes d’historicité ? Que nous disent des sociétés ces émotions qui portent la manifestation publique du souvenir, entre exaltation, enthousiasme, exaspération ? Quelles en sont les expressions rhétoriques, rituelles et corporelles ? » Quels peuvent donc être le statut et les attitudes de l’historien du temps présent dans la cité qui est la sienne face aux régimes émotionnels qui fondent l’instrumentalisation des émotions ? La douzaine de contributions réunies dans ce livre, dues à des chercheurs européens et latino-américains, sont organisées en deux parties. Dans la première (La mémoire des corps), les auteurs ont cherché à démontrer « en quoi et comment les émotions collectives pouvaient manifester la trace d’une expérience passée, dévoilant le corps en archives de sensibilités » d’où des thèmes portant sur la colère des handicapés, la peur lors de la guerre d’Espagne, la haine politique en Argentine, les morts violentes au Mexique ou les funérailles publiques dans l’Argentine des années 1930. Les textes de la seconde partie de l’ouvrage se situent sur un plan un peu différent, puisque les contributions questionnent les articulations entre émotions collectives, mémoire et mobilisations politiques à partir d’exemples espagnols, vénézuéliens, chiliens, uruguayens et paraguayens du XXe siècle.

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Le livre se termine sur un texte court mais très fort des deux directeurs scientifiques de la publication, dans lequel ils montrent que dans des sociétés où les reviviscences des blessures du passé sont, selon l’heureuse expression de Marc Ferro, « plus fortes que toute volonté d’oubli », « le passé des émotions ne se réduit pas à une collection d’affects ensevelis et oubliés dont il faudrait retrouver la trace et recouvrer l’historicité », car « il constitue également le laboratoire privilégié de l’expérience historique du temps présent et d’un futur imaginé dans lequel l’insomnie du Libertador n’aurait plus lieu d’être ». Au cours des dernières décennies, des manifestations aussi différentes que les escraches d’Argentine, les représentations théâtrales inspirées dans plusieurs pays par les enquêtes et les conclusions des commissions justice et vérité, les asociaciones barriales des sociétés ayant connu la dictature dans un passé récent, ou les combats autour de l’appropriation de certains lieux de mémoire particulièrement symboliques ont donné lieu, sur des registres variés, à des moments de grande émotion collective. À leur manière, ils ont été la preuve d’une profonde intériorisation de ce passé particulièrement douloureux mais aussi de la volonté de travailler à une réécriture de l’histoire avec des moyens nouveaux et vers un avenir qui le serait aussi sans rien oublier du passé. Les travaux réunis dans ce livre fort suggestif montrent à l’évidence que le mode des émotions collectives intégrées à l’historicité permet sans doute de mieux comprendre les orientations prises par les sociétés face à leurs propres enjeux, à leur présent et à leur avenir. Il n’en reste pas moins que leur appréhension reste complexe. Toutefois, ainsi qu’il ressort des contributions ici publiées, d’une façon générale, et comme le soulignent les éditeurs scientifiques de ce livre, « non dénuées d’enjeux politiques à court terme, les émotions mobilisées dans le temps présent des mondes ibériques s’inscrivent à l’encontre des violences parfois séculaires et ritualisées et des traumatismes liés au passé récent des dictatures ou des révolutions aux principes subvertis voire trahis. Le thème du retour à la démocratie et à la préservation des acquis d’une politique marquée du sceau de la liberté est donc sousjacent au registre émotionnel, intimement lié de surcroît à une demande de justice si ce n’est à une mémoire recomposée. » Cet ensemble de textes qui sait allier cas particuliers et réflexion théorique est sans aucun doute un outil de grande utilité pour tous ceux qui souhaitent s’intéresser à ces domaines relativement nouveaux de la recherche historique. Outre les exemples étudiés, l’abondante bibliographie figurant en pied de page est fort bien venue et fait de cette publication un ouvrage de référence incontournable. Bernard LAVALLÉ

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Carmen DE MORA, Alfonso GARCÍA MORALES (ed.), Viajeros, diplomáticos y exiliados. Escritores hispanoamericanos en España (1914-1939), Bruxelles, Peter Lang, 2014, vol. III. Il s’agit du troisième et dernier volume d’un ensemble dont les deux premiers sont sortis en 2012. Le premier comportait une introduction, due à l’éditrice, portant sur « l’hispano-américanisme » espagnol du début du XXe siècle, un texte programmatique sur les « études transatlantiques » de la part de Julio Ortega, ainsi qu’un troisième, de Claudio Maíz, sur les réseaux intellectuels transnationaux et l’histoire des idées ; ce volume 1 comportait ensuite deux sections consacrées respectivement au Mexique et à l’Amérique Centrale ; j’y reviendrai pour discuter le cadre théorique de l’ensemble. Le deuxième volume, publié en même temps que le premier, s’occupe du Cono Sur. La nationalité étant toujours le principe organisateur, la section argentine traite Borges, Roberto Arlt, Enrique Espinoza, Oliverio Girondo ; audelà des auteurs individuels, sont étudiées les avant-gardes, où la présence argentine est particulièrement forte, avec notamment une analyse de l’édition espagnole publiant de la littérature argentine, la revue Sur et Victoria Ocampo, ainsi qu’un débat sur Madrid en tant que « méridien intellectuel de Hispanoamérica » ; pour le Chili, Neruda, Huidobro, Mistral ; et pour l’Uruguay, Josefina Plá, José Mora Guarnido, Rodó, Carlos Reyles, Julio Casal et Fernando Pereda. Restait donc ce volume 3, portant sur les Caraïbes hispanophones et les pays andins, du Venezuela jusqu’au Pérou. Celui-ci ne semble plus guère avoir besoin de présentation : il s’agit de passer en revue, pays par pays, les relations entre un certain nombre d’auteurs latino-américains – pardon : hispano-américains – et l’Espagne. Trois volumes donc, et un total d’environ 1 530 pages, qui témoignent d’une certaine volonté sinon exhaustive du moins encyclopédique, pour une période de quelque vingt-cinq ans de présence hispano-américaine en Espagne. C’est certainement une période faste, tant sur le plan des contacts artistiques que sur le plan de l’engagement politique ; les années vingt correspondent aux avant-gardes historiques, auxquelles l’Amérique latine a contribué intensément en Espagne. La période prend fin à la suite de la victoire du franquisme, contre lequel les artistes américains auront été nombreux à prendre les armes. On était donc en droit de s’attendre à des volumes passionnants, sans pour autant espérer des révélations majeures. À côté de quelques constellations « classiques » – Alfonso Reyes, Pedro Henríquez Ureña et le Siècle d’Or, Nicolás Guillén et Lorca, Neruda et Paz –, les articles apportent énormément de documentation sur des auteurs moins connus de ce côté de l’Atlantique, dont Pablo de la Torriente Brau (Puerto Rico-Cuba), Genaro Estrada (Mexique), Humberto Salvador (Ecuador), Rosa Arciniega, Oquendo de Amat ou Angélica Palma (Pérou). Chaque texte apporte, en outre, une bibliographie détaillée permettant ainsi au lecteur de construire d’autres pistes exploratoires.

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Les redites sont peu fréquentes, ce qui est étonnant étant donné que les Latino-Américains fréquentaient sensiblement des réseaux très proches les uns des autres, pour ne pas dire les mêmes, lorsqu’ils résidaient en Espagne. Mais les constellations varient grandement, allant d’un voyage de quelques semaines jusqu’à des séjours de plusieurs dizaines d’années. Les études monographiques sont extrêmement fouillées, on y apprend énormément sur l’implication de certain(e)s auteur(e)s latinoaméricain(e)s dans les institutions espagnoles, c’est-à-dire les revues, maisons d’édition et instituts culturels ou académiques. Cette minutie n’était pas le fait des relecteurs du premier volume, où les coquilles sont parfois gênantes. Sur Alfonso Reyes on peut lire qu’il aurait 17 ans en 1916, déjà marié et un enfant à nourrir ; dans le même article on soutient que le coup d’État de Primo de Rivera était de 1924 ; et chez Claudio Maíz on trouvera un certain Blanco-Bombona, tandis que Jorge Schwartz apparaîtra comme auteur d’un célèbre texte sur les « idées déplacées » (« Ideias fora do lugar »), suite à une confusion avec Roberto Schwarz (pour ne donner que ces exemples). Le troisième et dernier volume est bien plus soigné. Nombreux sont les auteurs qui, au-delà de la description de leurs mouvements et contacts, tiennent à situer la production ayant trait à l’Espagne dans l’ensemble de l’œuvre des écrivains voyageurs, ainsi Julio Ortega sur Vallejo, Consuelo Triviño sur Jorge Zalamea, ou la constellation Unamuno-MarinelloMañach que forme María Ángeles Pérez López autour de Martí. Parfois ces rapports restent cependant assez imprécis, voire inexistants. Ainsi chez Vargas Vila, et on ne comprend pas non plus les raisons qui ont poussé les éditeurs à inclure un essai sur la revue Voces de Ramón Vinyes, lui-même catalan vivant en Colombie, et dans laquelle l’Espagne n’est pas un sujet de débat (ce qui se produit aussi dans le premier volume, où El águila y la serpiente, de Martín Luís Guzmán, fait l’objet d’une analyse où l’Espagne n’est nulle part mentionnée). Jusqu’ici, l’entreprise semble fructueuse. En revanche, ce qui brille par son absence, ce sont des considérations historiques sur la relation entre ancienne métropole et ex-colonies. Les sujets qui pourraient fâcher auraient mérité au moins une réflexion, ne serait-ce que dans l’introduction. Au contraire, même si chaque auteur donne une vision très équilibrée des relations hispano-américaines, sujet transatlantique par excellence, les vieux démons de l’Espagne éternelle ne sont pas absents. Certes occasionnels, ils sont cependant suffisamment nombreux pour que l’ensemble s’en ressente. L’entreprise donne ainsi l’impression qu’elle sert à démontrer une fois de plus les liens indéfectibles unissant à jamais l’Espagne à ses ex-colonies latinoaméricaines. Lorsque les dissensions apparaissent, elles restent plus ou moins en sourdine, la fraternité n’est presque nulle part soupesée à l’aune de l’idolâtrie latino-américaine pour la France, toujours virulente pendant la période en question. Plusieurs textes, parmi d’autres sur Asturias et Cardoza y Aragón (dans le volume 1) auraient pu fournir

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l’occasion de développer cet aspect. Or Asturias est toujours vu en tant que constructeur d’un pont entre « langue hispanique » et « mythes préhispaniques » (c’est moi qui mets entre guillemets) – une affirmation simplificatrice et très discutable. Le texte sur Alberto Hidalgo (volume 3), qui évoque ses attaques désopilantes, voire jouissives contre certaines statues de commandeurs espagnols – attaques injustes bien entendu – réduit celles-ci à des manifestations de son égo, assez développé il est vrai. D’autre part, lorsque Cardoza y Aragón commente Índice de la nueva poesía americana, une anthologie publiée en 1926 par Huidobro, Borges et Hidalgo, il s’étonne du nombre de poètes jugés dignes d’y figurer. Jesús Gómez de Tejada, auteur de l’article, ajoute en bas de page un commentaire de Borges tout aussi féroce : « Habrá ochenta renglones de poesía en toda la literatura hispánica o deshispánica » ? (vol. 1 : 386) C’est l’adjectif « deshispánica » qui mériterait un commentaire, parce qu’il désigne les nouveaux rapports littéraires entre l’Amérique latine et l’Espagne. Ici on pêche par omission, ailleurs les formulations deviennent ambiguës. Vicente Cervera, parlant de Henríquez Ureña affirme d’emblée que « América no podrá ser comprendida sin España y ésta, sin aquélla, por lo cual el plano utópico de su pensamiento estaría al fin « condicionado en su desarrollo por la integración de lo hispánico total » (vol. 3 : 37). Tout se passe comme si l’hispanité constituait en soi une utopie. Vers la fin, Cervera va jusqu’à mettre entre guillemets l’expression « américaine » lorsqu’il parle du projet qui animerait Henríquez Ureña d’une « mancomunidad cultural… que no comporte un alejamiento de la matriz lingüística y su trasfondo étnico y milenario » (vol. 3 : 54). Ce sont des paroles pour le moins anachroniques dans un texte autrement très équilibré. En faisant coïncider la langue et la culture « millénaire » espagnole, Cervera jette aux oubliettes toutes les spécificités culturelles latino-américaines et fait table rase tant des langues (et) populations indo-américaines (« millénaires » elles aussi) que des populations noires (dont la « millénarité » ne devrait pas faire de doute) et les autres immigrants postérieurs aux indépendances. L’idée ne serait-ce que du métissage, pour ne pas mentionner le concept de « transculturation », certes postérieur à la période considérée, ne semble pas faire partie de l’horizon intellectuel de ces volumes. Ce qui ne concerne pas uniquement les auteur(e)s espagnol(e)s. Dans son article sur Luis G. Urbina, Miguel Ángel Castro introduit son texte en écrivant que « se rompieron los lazos del sometimiento, pero permanecieron, sin embargo, los de la sangre, los del sentir y mirar el mundo », etc. (vol. 1 : 143). Qui mettrait en doute l’importance de l’Espagne pour le continent américain ? Mais le « sentir » et le regard sur le monde, seraient-ils restés à l’identique dans une constellation multi-ethnique ? Et à supposer que c’est vrai pour les élites revendiquant leur identité européenne, les littératures hispano-américaines n’auraient-elles pas eu à cœur d’approcher justement des émotionnalités différentes ?

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L’étude sur Marinello, Mañach et Unamuno, va au cœur du débat : réfléchissant sur la place stratégique qu’occupe la figure de Martí dans les contacts entre l’Espagne et l’Amérique latine, María Ángeles Pérez López, dans une contribution portée davantage vers les enjeux des rencontres hispano-américaines, écrit « Unamuno advertía… el carácter medular de la cuestión centro-periferia para abordar el fin de siglo, y abría la réflexion sobre el sentido que alcanzaría esa tupida red trasatlántica » (vol. 3 : 143/4). Il soutenait qu’en 98 « se engendró el pretorianismo que ha parido la tiranía que está devorando a nuestra pobre España ». Bref, en reconnaissant le poids du colonialisme Unamuno devient un interlocuteur crédible et sérieux, même pour un adversaire politique comme Marinello. Mais il est symptomatique de ces volumes qu’elle croit devoir ajouter que les liens entre les deux derniers se créeraient « en raison d’une racine commune de ‘‘penseur’’ (guillemets dans le texte cité) lequel ne se contente pas des apparences mais cherche à aller dans les entrailles des choses » (vol. 3 : 142). Le dire laisse supposer que hélas, ailleurs ce ne serait pas le cas. C’est que, entre frères de sang, le débat n’est pas de mise : peu importent les projets, idées ou conflits, on restera en famille. Si « idée » il y a, c’est l’unité hispanophone d’une culture commune basée sur la langue, deus ex machina si la biologie et/ou autres considérations ont perdu leur crédit : rien de vraiment nouveau, la vision hispanique de cette « unité » n’a pas changé depuis une centaine d’années. Ce type d’ouvrages semble transformer la littérature en annexe des services culturels des ambassades, qui en tireront de fort beaux discours. Les introductions ambitieuses du premier volume ne changent rien au fait qu’il s’agit d’une entreprise hispano-centrique, célébrant le retour des anciennes colonies vers l’ex-Mère Patrie à travers les « voyageurs, diplomates et exilés » du titre. Dans son introduction Carmen de Mora retrace brièvement ce qu’il est convenu d’appeler le « desencuentro » entre les deux rives atlantiques dans la période post-coloniale immédiate, qui n’est qu’un interlude précédant le rapprochement autour du 4e Centenaire. Elle cite une thèse discutable de José Carlos Mainer évoquant un « régénérationisme » latinoaméricain, trait commun des deux rives. Soit. Mais arraché de son contexte, un tel « régénérationisme » pourrait se revendiquer dans toutes sortes de crises nationales. D’autre part, Mora s’appuie fortement sur les « études transatlantiques » dont Julio Ortega, de la Brown University, s’est constitué en porte-parole. Son texte vient présenter les grandes lignes de cet axe de recherche : il s’agirait d’une rupture avec des discours autoritaires, nationalistes, mais aussi et surtout avec les études culturelles dominant la recherche littéraire aux États-Unis. Se réclamant tout autant de l’indigénisme, du postmodernisme et du postcolonialisme etc., Ortega appelle de ses vœux une recherche « dialogique », voire « pluriméthodique, plurithéorique et plurisystémique », distinguée par sa « transnationalité »

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décentrée. À la place des mono-systèmes, mono-théories, des monométhodes qu’il rejette, c’est le retour à l’objet littéraire, dont la nouveauté serait la géotextualité, notion dans laquelle se noueraient deux strates a priori étrangères l’une de l’autre. Dans son texte sur Vallejo, qui clôt le volume 3, il expliquera que l’irreprésentabilité de l’horreur ou du tragique dont traite España aparta de mí este cáliz, se résout dans un nouveau langage, qui viendrait de l’Amérique. C’est une thèse respectable, qui n’est cependant pas étayée. Ici on penche du côté hispano-américain, dans la plupart des autres textes, l’hispanocentrisme est largement surreprésenté. Somme toute, le terme d’études atlantiques est pour le moins abusif, puisqu’il ne s’agit que d’un triangle Espagne-Amérique hispanophone (lusophone, entre parenthèse) et États-Unis. Le reste de la rive européenne de l’Atlantique en est exclu, dont des acteurs transatlantiques de premier plan comme l’Angleterre ou la France, et la rive africaine – introduite dans les études atlantiques par Paul Gilroy en 1993 – est à peine mentionnée, de façon peu crédible puisqu’Ortega place en juge du dialogisme transatlantique la population amérindienne. Le troisième texte d’introduction, dû à Claudio Maíz, déborde largement le cadre des relations bilatérales. Sa discussion des réseaux intellectuels est bien argumentée – mais elle reste confinée à l’espace latino-américain. À juste titre, il signale que le contact peut rester parfaitement « immatériel » – la lecture, l’influence des idées et des formes, à l’opposé des contacts à travers les voyages, les institutions académiques ou politiques, les revues, les voyages, etc. Ce texte est quelque peu isolé, dans la mesure où personne parmi les autres auteurs ne semble utiliser son outillage conceptuel. Entreprise volumineuse, certes, et pourtant on sort de ces lectures avec un sentiment d’insatisfaction. Il manque sans doute l’analyse des institutions, incontournable dans l’étude des réseaux évoquée par Maíz : maisons d’édition (GIAP), institutions académiques (fondée en 2008, la Junta de Ampliación de Estudios deviendra le CSIC en 1939, Centro de Estudios de Historia de América, Centro de Estudios Históricos, Instituto Hispano-Mexicano de Intercambio Universitario, Casa de América à Barcelone, etc), revues (Tierra Firme, Revista de Filología Española, Mono Azul), ou bien certains événements (exposition universelle à Séville en 1929), parmi bien d’autres. D’autre part, si l’impact des cultures latino-américaines n’est certes pas l’objet de cette entreprise, le dialogisme prôné par Carmen de Mora, à la suite d’Ortega, reste unilatéral. En fait, les courants de pensée ou conceptions culturelles latino-américaines qui feraient obstacle à « l’hispanité transatlantique » sont absents, et les obstacles du côté péninsulaire n’apparaissent que de-ci de-là : l’ignorance et l’indifférence étant mentionnées une seule fois, ce sont les exceptions qui sont présentées dans ces volumes. On insiste sur le socle commun, l’union « profitable » pour les deux côtés. En fait, pourquoi « deux côtés » ? Y aurait-il des liens plus « profonds » entre l’Équateur et l’Espagne

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qu’entre l’Équateur et le Pérou ? Enfin, ces études littéraires semblent ne pas avoir assimilé les travaux d’historiens comme Antonio Niño Rodríguez, Javier Moreno Luzón, Isidro Sepúlveda, Nuria Tabanera García, Salvador Bernabeu Albert et Consuelo Naranjo, qui font une approche davantage critique de cet hispano-américanisme espagnol première mouture. Christoph SINGLER Université de Franche-Comté

Anaïs FLÉCHET, « Si tu vas à Rio... ». La musique populaire brésilienne en France au XXe siècle, Paris, Armand Colin/Recherches, 2013. Cet ouvrage, adaptation d’une thèse de doctorat d’histoire soutenue en 2007, est consacré à la réception en France, sur le temps long du XXe siècle, de la musique brésilienne, principal pourvoyeur après Cuba de rythmes exotiques sur les marchés occidentaux. La musique, entendue ici au sens large, concerne celle qui est importée du Brésil mais aussi celle qui est créée en France et dont le contenu textuel ou rythmique évoque ce pays. « Si tu vas à Rio... », recherche de facture très originale sur un thème longtemps peu légitime chez les historiens, se situe au carrefour de l’histoire culturelle – sous l’angle des sensibilités, des régimes sensoriels, de l’imaginaire et des transferts – et de l’histoire des relations internationales. Pour atteindre ses objectifs, l’historienne a mobilisé, avec beaucoup d’inventivité, les sources les plus diverses : partition, programme de concerts, correspondances privées de musiciens, archives diplomatiques de l’Itamaraty, presse généraliste et spécialisée, sources audiovisuelles et sources orales issues d’entretiens… Loin d’une vision éthérée et idéaliste de la « culture », elle se montre constamment attentive aux conditions concrètes de la circulation musicale. D’où son intérêt pour l’extraordinaire diversité des passeurs : compositeurs de musique savante (Darius Milhaud, Villa-Lobos) mais également musiciens populaires dont certains Brésiliens établis en France, éditeurs, arrangeurs, impresarios, mécènes, maîtres de danse, voyageurs, agents de la diplomatie culturelle, sans oublier les médias avec la radio, le cinéma et la télévision, etc. ; d’où, aussi, son attention au contexte culturel et aux horizons d’attente de la société de réception : ainsi, par exemple, met-elle en relation de façon particulièrement éclairante le primitivisme qui envahit les arts plastiques à la Belle Epoque (cubisme, expressionnisme, dada) et l’engouement pour la maxixe, ce « tango brésilien » ou, encore, le rôle des expositions universelles (1900, 1925, 1937) et coloniales (1906, 1922, 1931) dans la propagation de l’exotisme.

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De même, rappelle-t-elle, l’essor des musiques et danses latines dans l’après-guerre ne peut se comprendre sans référence aux innovations techniques et à la mise en place progressive du système médiatique des trente glorieuses : croissance exponentielle du marché du disque microsillon, du rôle de la radio avec l’essor des radios périphériques et de celui des salles de spectacle parisiennes : Bobino, l’Olympia… L’ouvrage, découpé en trois parties sagement chronologiques, rend compte de façon tout à fait pertinente de l’évolution des circulations musicales transatlantiques. La première partie sur « La révélation d’un nouveau monde sonore », de la Belle Époque à la Seconde Guerre mondiale, évoque l’apparition de la musique brésilienne dans le paysage culturel français. À la veille de la Première Guerre mondiale, la maxixe est le premier genre brésilien à conquérir les faveurs du public parisien. Elle est bientôt suivie par les Saudades do Brasil de Darius Milhaud les Choros d’Heitor Villa-Lobos qui connaît son heure de gloire dans les années 20, quand est introduite la samba. La deuxième partie, sur « Le rêve exotique : 1945-1959 », souligne qu’après un net recul pendant la Seconde Guerre mondiale, la musique populaire brésilienne connaît un nouvel essor sous la IVe République. Interprétés par des vedettes françaises souvent accompagnées à l’accordéon, la samba et le baião, ce dernier popularisé par le film O cangaceiro primé à Cannes en 1953, deviennent des objets de consommation de masse. Entre 1945 et 1959, huit films français comprenant des morceaux brésiliens dépassent le million de spectateurs. La dernière partie, intitulée « Brésil, nouvelle vague » correspond à une sorte d’âge d’or brésilien marqué par la victoire à trois Coupes du monde de football (1958, 1962, 1970), la construction de Brasilia et le succès international du cinema novo. La France reçoit alors la bossa nova, née de la rencontre entre la samba et le cool jazz américain, le tropicalisme de Gilberto Gil et Caetano Veloso ainsi que la chanson engagée (Chico Buarque). De ce travail d’une grande richesse se détachent quelques apports majeurs que nous voudrions évoquer pour finir. En tout premier lieu, il donne à voir de manière fort suggestive comment, dans la première moitié du XXe siècle, se constitue un exotisme français et une rhétorique de l’altérité axée sur la primitivité du Brésil, opposé à la civilisation européenne. Ainsi, par exemple, s’ingénie-t-on, bien à tort, à considérer les Amérindiens comme principale source d’inspiration de la musique savante brésilienne, notamment sur le plan mélodique. Les transferts musicaux vers la France, comme le montre Anaïs Fléchet, ne sont pas simple diffusion à l’identique, l’horizon d’attente local contribuant souvent à modifier substantiellement les musiques, les instruments et les tempos venus du Brésil. Dans la plupart des cas,

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cette diffusion, c’est vrai pour la maxixe comme pour la samba, se fait au prix d’une considérable dénaturation et d’une réinvention. Les géographies, elles-mêmes, sont des plus fantaisistes : le Brésil se réduit souvent à la ville de Rio et les paysages brésiliens sont assimilés à la pampa argentine ! En outre, et sans doute est-ce un des apports majeurs de la recherche, les modes brésiliennes éclairent d’un jour nouveau l’histoire des relations culturelles entre l’Europe et l’Amérique latine, traditionnellement pensée de manière bilatérale et selon un schéma centre-périphérie. Or, la diffusion de la musique brésilienne contredit cette idée et atteste, au contraire, la réciprocité des échanges culturels entre les deux continents au cours du XXe siècle. Ainsi voit-on nombre de musiciens et de critiques français traverser l’Atlantique pour découvrir la scène musicale brésilienne. D’un autre côté, le passage par Paris confère une légitimation qui facilite la carrière brésilienne. C’est notamment le cas de la maxixe qui a dû passer par Paris avant de faire son entrée dans le salon carioca, ou encore de Villa-Lobos qui occupait une position marginale au Brésil avant son passage dans le Paris des années 20. Enfin, l’ouvrage met bien en lumière l’apogée puis la perte de centralité culturelle de Paris à partir des années 1940 au bénéfice d’une nouvelle géographie culturelle. Dans la première moitié du XXe siècle, avec toutefois un léger déclin dans les années 1930, Paris est un centre de création et de légitimation internationale sans égal. Le plus souvent, ce n’est qu’après avoir gagné Paris que les musiques brésiliennes se diffusent en Europe. Après la Seconde Guerre mondiale les États-Unis deviennent le principal pôle de légitimation et de distribution de la plupart des biens culturels et, singulièrement, de la musique brésilienne. Émergent alors de nouvelles circulations musicales dans l’espace atlantique, plus complexe, avec des transferts culturels triangulaires entre l’Amérique latine, les États-Unis et la France. À travers l’histoire de la circulation vers la France des rythmes brésiliens, primitifs dans les années folles, typiques après la Seconde Guerre mondiale, authentiques à l’ombre des années 60, c’est une bien belle et innovante recherche d’histoire culturelle qui nous est offerte. Au-delà de la seule histoire des circulations musicales, elle nous livre aussi bien des clés pour penser le siècle. Richard MARIN

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Verónica OIKIÓN SOLANO, Eduardo REY TRISTÁN, Martín LÓPEZ AVALOS (ed.), El estudio de las luchas revolucionarias en América Latina (1959-1996). Estado de la cuestión, Zamora-Santiago de Compostela, El Colegio de Michoacán/Universidade de Santiago de Compostela, 2014, 504 p. + CD-Rom. Si l’on se place dans le contexte de la Guerre froide et de la rupture « dialectique » affectant aussi bien les processus révolutionnaires que le socialisme internationaliste à la suite de la Révolution cubaine (1959), revisiter les nouvelles options idéologiques et politiques du second vingtième siècle présente un intérêt certain, compte tenu de l’ouverture des archives concernant cette période et de la multiplication des travaux la concernant. Cet ouvrage insiste d’entrée sur la diffusion d’un nouveau modèle globalisant, celui de la « nouvelle gauche » appelé à influencer durablement les gauches latino-américaines et au-delà. Un bilan est proposé de la période pendant laquelle le nationalisme révolutionnaire évolue vers des formes de socialisme internationaliste, et les expériences insurrectionnelles continentales s’insèrent dans une logique internationale. Y a-t-il pour autant un « modèle » de révolution latino-américaine comme l’ont soutenu les propagandistes d’une version autoritaire du changement social et politique ? Les diverses contributions y répondent en partie, dans un cadre qui reste cependant celui des différents pays étudiés. En d’autres termes, elles éclairent cette problématique à partir de cas nationaux visant avant tout à proposer un bilan historiographique critique du « paradigme révolutionnaire » et des idéologies en présence. L’étude de cette gauche révolutionnaire s’ouvre logiquement sur deux textes concernant l’exemple emblématique de Cuba et l’Amérique latine dans une perspective comparée, les limitations historiographiques d’un sujet encore marqué par les frontières de l’État-nation, et la variabilité des définitions de la « révolution ». Le rôle légitimateur du discours historiographique – particulièrement conséquent – dans la Cuba de F. Castro est souligné, démarche qui ne manque pas d’intérêt compte tenu de l’importance accordée à la lutte armée et au foquisme sur le continent aussi bien par ses partisans que par leurs adversaires. L’histoire militante trouve également sa place sur le terrain argentin (Montoneros, ERP) ou encore dans Brésil de la Commission de la Vérité, où se pose indiscutablement la question de la place de la guérilla dans la « mémoire sociale et les usages politiques du passé ». La violence sur le long terme (Colombie), la reconnaissance du traumatisme de la dictature et du rôle de la résistance armée (Chili), les racines populaires de la lutte armée, le rôle de la théologie de la Libération et du marxisme et son éventuelle reconversion sous forme de partis politiques (Salvador, Guatemala, Nicaragua, Pérou, Uruguay…), les cycles du socialisme révolutionnaire et son impact dans l’imaginaire politique continental, l’asymétrie des affrontements et le terrorisme d’État voire le rôle des organismes de Sécurité nationale (Mexique et autres) sont

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quelques-uns des thèmes abordés par les différents auteurs. À noter que l’histoire orale occupe ici et pour des raisons évidentes une place de choix dans ces études du « contemporain », ce qui pose encore plus la question du statut de l’historien ou du spécialiste de sciences sociales dans un espace politique qui est celui du temps présent. Il s’agit en définitive d’un bilan fort utile, accompagné pour chacune des contributions d’une sélection bibliographique bienvenue. Une telle entreprise demanderait inévitablement à être précisée concernant certains pays ou espaces (Venezuela, Bolivie, pays d’Amérique centrale), certaines dynamiques et circulations des militants, intellectuels ou/et des idées (i.e. le fonctionnement des Partis communistes, incompréhensible depuis une optique simplement nationale ou hémisphérique) voire certaines sources progressivement dévoilées (les archives des internationales communistes et socialistes, ou du mouvement ouvrier) mais elle facilitera en grande part les recherches à venir sur une question d’une grande actualité. Nous regretterons toutefois le peu de maniabilité du répertoire annoncé sur CD-Rom, dont nous n’avons pu visualiser qu’une brève analyse quantitative par pays (PDF). L’accès au répertoire en question semble en effet être réservé à certains systèmes PC puisque même les logiciels de type « couteau suisse » ne parviennent guère à y accéder. À l’heure des humanités numériques, il est indéniable qu’une telle base de données aurait grandement gagné à être mise en ligne à l’instar d’autres réalisations historiographiques et bibliographiques concernant l’Amérique latine, afin notamment d’y être effectivement accessible, complétée et régulièrement actualisée. Plus encore : l’ensemble de ce projet dont il est à espérer qu’une suite lui sera donnée par ses différents acteurs gagnerait à s’enrichir d’un dictionnaire thématique et onomastique, sous forme numérique bien évidemment, afin de mettre en évidence les interactions entre les acteurs de ces luttes révolutionnaires et de leur contrepartie partisane dans le cadre des démocraties représentatives puis participatives. Frédérique LANGUE CNRS

Anita FERRARA, Assessing the Long-term Impact of Truth Commissions. The Chilean truth and reconciliation commission in historical perspective, London-New York, Routledge, 2015, 258 p. Bien que placé dans une collection consacrée au droit et aux sciences politiques, cet ouvrage récent d’Anita Ferrara, issu de sa thèse soutenue à l’Université de Londres en 2012, présente un intérêt indéniable pour l’histoire du temps présent, au-delà de sa remarquable vocation pluridisciplinaire. Les commissions de la vérité constituent en effet l’un des éléments clés des processus de transition à la démocratie dans

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l’Amérique latine des années 1990 voire plus tardivement dans le cas brésilien. À l’interface des institutions étatiques et des ONG portées par la société civile, elles font de la connaissance de ce « passé qui ne passe pas » l’une des conditions sine qua non de la viabilité d’une démocratie retrouvée et de modes de gouvernance fondés sur la « réconciliation ». Telle est d’ailleurs l’une des initiatives prises par les gouvernements de sortie de dictature, ce dont témoigne l’exemple chilien. La Commission de vérité et réconciliation chilienne a été créée en 1990, à la fin du régime de Pinochet et à l’initiative d’un gouvernement démocratiquement élu, afin de statuer sur les violations des droits humains commises au long des dix-sept années d’une dictature parmi les plus impitoyables de l’histoire tragique du continent. Elle est la première des cinq commissions de ce type créées dans le monde et, par conséquent, à autoriser une analyse sur une durée suffisamment longue à l’échelle de ce type d’organisme, y compris dans le domaine sensible de la justice dite « transitionnelle » dont elle a été, en grande partie, à l’origine. L’ouvrage vise en tout premier lieu à analyser la manière dont la commission chilienne a contribué à la « transition » à la démocratie, s’appuyant sur le pacte conclu à cette occasion, identifiant les responsabilités (politiques et militaires) et ouvrant la voie à des décisions de justice. Cette perspective historique et le constat de cette « mémoire du passé » dans l’opinion publique chilienne permet à l’auteur de s’inscrire à l’encontre de l’opinion communément admise et véhiculée en grande partie par les medias, selon laquelle les activités de la commission chilienne n’auraient été suivies que de peu d’effets. A. Ferrara démontre tout au long de son étude que c’est l’inverse qui s’est produit sur le long terme : la commission chilienne a bel et bien été à l’origine de la quête de justice (condamnations des responsables d’assassinats et de disparitions), de politiques de réparation mais aussi de transformations éthiques et institutionnelles (notamment lors de la deuxième commission dite commission Valech, à l’origine du rapport de 2004), à l’instar du travail réalisé par d’autres organismes comparables au niveau mondial. Le travail ardu de ces commissions, sur lesquelles les travaux adoptant une perspective historique sont encore peu nombreux et plus encore dans une perspective comparée, est ainsi éclairé par l’exemple chilien. Les prolongements de celui-ci en termes de justice internationale (épisode de l’arrestation de Pinochet à Londres [1988] et ses conséquences sur le processus politique chilien ou « transition pactée », les institutions judiciaires et la société dans son ensemble, le rôle joué sur ce point par le rapport Rettig, enquête sur les violations des droits humains publiée en 1991) sont ainsi amplement précisés. Ce très bel ouvrage, extrêmement précis et argumenté constitue une lecture incontournable pour les historiens du contemporain et plus encore du temps présent, spécialistes ou non du domaine latino-

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américain, de la « justice transitionnelle » (A. Ferrara est d’ailleurs la fondatrice du Centre for Transitional Justice and Development, à Rome, et a une expérience dans le domaine des droits humains et de la gouvernance, acquise auprès d’organismes dépendant de l’ONU) et de la résolution de conflits, des droits humains et de la justice criminelle internationale. Son orientation pluridisciplinaire fait la preuve, si besoin était, de la nécessité d’approches convergentes d’événements et de situations présentes dont seule l’inscription dans le passé permet de percevoir les tenants et aboutissants. Ajoutons que le processus de mémorialisation, perceptible entre autres à travers la création d’un Musée de la mémoire et des droits humains, en d’autres termes la prise en compte des enjeux patrimoniaux liés à la connaissance d’un passé récent et de ses implications dans le temps présent, n’est pas oublié de cette réflexion « holistique » combinant archives et témoignages qui constitue, à nos yeux, un modèle du genre. Frédérique LANGUE CNRS

Ewa BOGALSKA-MARTIN (dir.), Être noir au Brésil aujourd’hui. Identité et mémoires en mutation, Paris, L’Harmattan, La Librairie des Humanités, 2015. Cet ouvrage collectif est composé de dix articles rédigés par des anthropologues et sociologues de l’Université de Grenoble, des chercheurs brésiliens et le journaliste Charles Vanhecke, longtemps correspondant du Monde au Brésil. Il est préfacé par la grande historienne brésilienne Katia Mattoso, décédée en 2012. « Être esclave au Brésil » (1982), un de ses maîtres-livres, inspire d’ailleurs le titre de l’ouvrage. À travers les différentes contributions, l’objectif affiché est de sonder les différentes facettes de ce moment inauguré avec la restauration des institutions démocratiques, il y a une trentaine d’années, avec l’effervescence de l’afro-brasilianité et la remise en cause du mythe de la démocratie raciale, forgé dans les années 1930. À cette fin, l’ouvrage revisite un certain nombre de thèmes au cœur du débat national. Ainsi sont passées en revue les questions du racisme, de la discrimination raciale, les programmes d’affirmation positive imaginés sous la présidence Fernando Henrique Cardoso et devenus effectifs sous celle de Lula, la vivacité des formes religieuses d’origine africaine ou, encore, l’élaboration d’une mémoire de l’afro-brasilianité, longtemps occultée et qui pèse désormais dans le sens d’une reconfiguration de l’identité nationale. Dans leur ensemble, ces contributions témoignent de ce que, au bout du compte, la société brésilienne a beaucoup gagné en lucidité sur elle-même et que, si

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beaucoup reste encore à faire pour la promotion des afro-descendants, on ne peut contester qu’un grand chemin a été parcouru. Au total, il s’agit d’un ouvrage qui ne manque pas d’intérêt mais, c’est un peu la loi du genre, très inégal. Dans la première partie intitulée « Dynamiques identitaires et mémoires », la plus fournie, on relèvera tout particulièrement l’article de Charles Vanhecke : « La nouvelle position des noirs dans la conscience brésilienne » qui problématise et synthétise de manière très claire l’évolution des trente dernières années. Dans la seconde partie, les deux articles consacrés au fait religieux disent en réalité fort peu sur les religions de racine africaine au-delà de quelques généralités. Quant à la dernière partie, intitulée carrières noires », on retiendra l’article original de Michel Raspaud qui montre de manière convaincante que les trois autobiographies du footballeur Pelé (1961, 1977, 2006) sont un bon sismographe capable de prendre la mesure des évolutions des mentalités brésiliennes. En effet, les plus récentes n’hésitent pas à évoquer le racisme vécu par le jeune footballeur, alors que rien n’en est dit dans l’ouvrage de 1961, au temps de la démocratie raciale. Richard MARIN

Ricardo SALAS ASTRAIN, Fabien LE BONNIEC (dir.), Les Mapuche à la mode. Modes d’existence et de résistance au Chili, en Argentine et au-delà, Paris, L’Harmattan, Esthétiques, 2015. Cet ouvrage collectif, produit par les chercheurs du groupe d’Études Interethniques et Interculturelles de l’Université catholique de Temuco (Chili), se compose de treize articles. Pour l’essentiel, il se consacre à l’analyse de l’émergence du mouvement sociopolitique et culturel mapuche, en Argentine et, surtout, au Chili. Il s’intéresse tout particulièrement à la confrontation entre les logiques culturelles de la société dominante et celles des Mapuche dont les revendications et l’affirmation identitaire n’ont cessé de gagner en ampleur depuis le début des années 90. Cette visibilité nouvelle mérite d’autant plus d’être soulignée qu’il y a peu encore de nombreuses voix pronostiquaient la disparition inexorable de leur culture. Or, selon les derniers recensements et avec toutes les réserves qu’ils peuvent susciter s’agissant des classifications ethniques, l’auto-affirmation mapuche a progressé : ils étaient 955 000 en Argentine (2,4 % de la population) en 2010 et 1 442 215 au Chili (8,6 % de la population) en 2012. Les Mapuche à la mode est organisé autour de trois axes de réflexion. Le premier, intitulé « Territoires, Mémoires et Langues en pays mapuche », rend compte des cadres historique, géographique, linguistique et juridique qui ont conditionné l’évolution du territoire et

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de la société mapuche contemporaine. Cette première partie met bien en lumière la façon dont les États argentin et chilien, dans la seconde moitié du XIXe siècle, ont progressivement mis fin à la souveraineté des Mapuche sur leur territoire, alors que celle-ci était reconnue par la législation coloniale. Le second axe sur les « savoirs éducationnels et culturels entre deux mondes » s’intéresse aux combats récents menés par les Mapuche en défense de leur culture. Il évoque leur lutte de longue durée contre la castillanisation à outrance et la scolarisation mono-culturelle, la défense de leur langue (le mapudungun) ainsi que l’insistance militante en faveur d’un dialogue entre savoirs occidentaux et indigènes. À partir des années 90, de substantielles avancées sont intervenues au Chili : ainsi, la loi de 1993 dite ley indígena (Chili) a-t-elle donné une impulsion décisive à l’éducation primaire interculturelle en contexte mapuche. Le troisième et dernier axe décrit, à partir d’études de cas, les modes de résistance et les échelles de mobilisation des Mapuche dans le contexte de la mondialisation, avec, nous disent les auteurs, un glissement du discours autonomiste vers une rhétorique de plus en plus ethnonationaliste. Ces luttes complexes mettent en relations les acteurs locaux, les ONG, les fonctionnaires d’organismes nationaux et internationaux et les entreprises transnationales. Une place particulière est accordée à la lutte des Mapuche de l’Araucanie contre les avancées et la spoliation des grandes entreprises forestières. Au passage, est rappelé le tribut payé par les Mapuche sous la dictature du général Pinochet : selon le rapport de la Commission Nationale de réparation et de réconciliation (2001), 149 d’entre eux sont morts victimes de la violence d’État dont 51 en Araucanie pour la défense de leurs terres. Ces mobilisations, dans un contexte international plus favorable avec, notamment, les résolutions de la décennie onusienne des populations autochtones (1995-2005), ont sans doute favorisé une réelle inflexion des politiques publiques de l’État chilien – fort peu est dit sur l’Argentine. Nombre de communautés mapuche ont pu récupérer leurs terres et la nomination par Michelle Bachelet, en 2014, du premier intendant d’origine mapuche pour la 9e région, lequel a publiquement demandé pardon au peuple mapuche pour la spoliation de ses terres par l’État chilien marque, au moins symboliquement, un tournant à ne pas sous-estimer. On l’aura compris, grâce à son ambition synthétique sur la question, cet ouvrage est une lecture de grand intérêt pour quiconque s’intéresse au devenir des descendants des Araucans, ces farouches résistants à la Conquista espagnole. Richard MARIN

Table des matières des comptes rendus Verena DOLLE (ed.), La representación de la Conquista en el teatro latinoamericano de los siglos XX y XXI (Claire PAILLER)

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José Manuel DÍAZ BLANCO, Así trocaste tu gloria : guerra y comercio colonial en la España del siglo XVII (Guillaume Gaudin)

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Alejandro SORIANO VALLÈS (edición, introducción, estudio liminar y notas), Sor Filotea y Sor Juana. Cartas del obispo de Puebla a Sor Juana Inés de la Cruz (Marie-Cécile Bénassy)

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Hortensia CALVO, Beatriz COLOMBI (ed.), Cartas de Lysi. La mecenas de Sor Juana Inés de la Cruz en correspondencia inédita (Marie-Cécile Bénassy)

211

Evelyne SANCHEZ, Las élites empresariales y la independencia económica de México. Estevan de Antuñano o las vicisitudes del fundador de la industria textil moderna (1792-1847) (Jean Pierre Dedieu)

212

António COSTA PINTO, Francisco CARLOS PALOMANES MARTINHO (org.), O passado que não passa. A sombra das ditaduras na Europa do Sul e na América Latina (Frédérique Langue)

214

Luc CAPDEVILA, Frédérique LANGUE (dir.), Le passé des émotions d’une histoire à vif, Amérique latine et Espagne (Bernard Lavallé)

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Carmen DE MORA, Alfonso GARCÍA MORALES (ed.), Viajeros, diplomáticos y exiliados. Escritores hispanoamericanos en España (1914-1939) (Christoph Singler)

219

Anaïs FLÉCHET, « Si tu vas à Rio... ». La musique populaire brésilienne en France au XXe siècle (Richard Marin) 224 Verónica OIKIÓN SOLANO, Eduardo REY TRISTÁN, Martín LÓPEZ AVALOS (ed.), El estudio de las luchas revolucionarias en América Latina (1959-1996). Estado de la cuestión (Frédérique Langue)

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Anita FERRARA, Assessing the Long-term Impact of Truth Commissions. The Chilean truth and reconciliation commission in historical perspective (Frédérique Langue)

228

Ewa BOGALSKA-MARTIN (dir.), Être noir au Brésil aujourd’hui. Identité et mémoires en mutation (Richard Marin)

230

Ricardo SALAS ASTRAIN, Fabien LE BONNIEC (dir.), Les Mapuche à la mode. Modes d’existence et de résistance au Chili, en Argentine et au-delà (Richard Marin)

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CAHIERS DU MONDE HISPANIQUE ET LUSO-BRESILIEN CARAVELLE 105 Décembre 2015

CAHIERS DU MONDE HISPANIQUE ET LUSO-BRESILIEN

Cuba, cultures contemporaines ........................................................................................... Sylvie MÉGEVAND : Présentation .......................................................................................

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Les paradoxes culturels de la période spéciale ..................................................................... Luisa CAMPUZANO : La Casa de las Américas hoy (memoria personal asistida)..................... Sylvie MÉGEVAND : Opus Habana, organe du discours urbanistique de l’Oficina del Historiador de la Ciudad de La Habana...................................................................................................... Sylvie BOUFFARTIGUE : Le talent ne fructifie pas dans l’oisiveté : une Française dans la Révolution cubaine..................................................................................................................

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Des voix créatives multiples ................................................................................................. Nancy MOREJÓN : Agustín Cárdenas y las formas del silencio ............................................... Sandra MONET-DESCOMBEY HERNÁNDEZ : Afro-féminisme et écriture critique à Cuba ....

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L’exil : vers une autre transculturation ............................................................................... Michèle GUICHARNAUD-TOLLIS : Écritures, espaces et imaginaires cubains depuis l’exil ....

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Mélanges ............................................................................................................................... Christine RUFINO DABAT : La Magna Carta des coupeurs de canne dans le Pernambouc (Brésil) selon les archives de la Justice du Travail (1963-1965).................................................................... Étienne SAUTHIER : Une Madeleine tropicale : la première traduction brésilienne d’À la recherche du temps perdu ...................................................................................................................... Antonino VIDAL ORTEGA, Giuseppe D’AMATO CASTILLO : Los otros, sin patria: italianos en el litoral Caribe de Colombia a comienzos del siglo XX ............................................. Orlando ARAÚJO FONTALVO : La ficcionalización del erotismo en los cuentos de Germán Espinosa

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Cuba, cultures contemporaines

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IPEAT INSTITUT PLURIDISCIPLINAIRE POUR LES ÉTUDES SUR LES AMÉRIQUES À TOULOUSE

Comptes rendus.................................................................................................................... 199 (Voir détail p. 233)

CAR 105

Prix : 27 €

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cultures contemporaines

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Littératures ........................................................................................................................... 189 Poèmes de Nancy MOREJÓN inédits en France ...................................................................... 191

Code Sodis : F408075 ISBN : 978-2-8107-0406-4

Cuba,

2015

105 PRESSES UNIVERSITAIRES DU MIDI 2015 - ISSN 1147-6753

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