Protestants

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Dénes HARAI, « Protestants » dans Dictionnaire Richelieu, sous la direction de Françoise Hildesheimer et Dénes Harai, Paris, Honoré Champion, « Dictionnaires & Références » n°33, 2015, p. 294-297. Protestants – Le combat contre la force politique et militaire des protestants français (assemblées politiques et places de sûreté concédées par l’édit de Nantes) est le premier des quatre grands points du programme célèbre que Richelieu exécute sous l’égide de Louis XIII et qui est résumé en une phrase souvent citée du Testament politique (Première partie, chapitre premier) : « je luy [à Louis XIII] promis d’employer toute mon industrie et toute l’authorité qu’il luy plaisoit me donner pour ruiner le parti protestant, rabaisser l’orgueil des grands, réduire tous ses sujets en leurs devoirs et relever son nom dans les nations estrangères au point où il devoit estre. » Les campagnes menées contre les Rohan dans le Sud-Ouest du royaume (1625-1626, 1627-1629) et la prise retentissante de La Rochelle au terme d’un long et dramatique siège (1627-1628) ont fait quelque peu oublier que Richelieu voyait dans les protestants français « non seulement un parti politique à réduire à l’obéissance, mais aussi des âmes à sauver, ainsi qu’une hérésie à éradiquer » (F. Hildesheimer, Relectures de Richelieu, p. 40). Ces deux derniers objectifs étaient constamment présents dans l’esprit de Richelieu dès le début de son action publique. Fraîchement débarqué à Luçon, il obtient d’Henri IV une ordonnance le 14 avril 1609 interdisant aux protestants de continuer la construction du temple qui se trouvait en face de la maison où habitait le jeune prélat pendant la reconstruction du palais épiscopal, détruit par ceux de la « Religion Prétendue Réformée » pendant les guerres de religion ! Ce fait est emblématique de la volonté de Richelieu d’affirmer la présence de la Contre-Réforme dans une province – le Poitou – où le protestantisme était bien implanté : Sully y était gouverneur, s’y trouvait la forteresse de La Rochelle ainsi que l’Académie protestante de Saumur. C’est la raison pour laquelle Richelieu s’illustrait régulièrement comme le « défenseur résolu des catholiques face aux empiétements huguenots » en recourant « ponctuellement à l’autorité du roi pour soumettre les protestants aux dîmes, ou pour réprimer les incursions et violences par eux faites dans les églises afin d’y enterrer leurs coreligionnaires, comme c’est le cas en 1613 dans la paroisse de Boufféré » (F. Hildesheimer, Richelieu, p. 43). En tant qu’orateur du clergé prononçant la harangue finale de son ordre devant le roi aux États généraux de 1614-1615, Richelieu élève sa voix et demande « tous les châtiments de cette vie et de l’autre » contre les protestants qui avaient envahi et profané l’église de Millau le jour de Noël 1614, mais « pour les autres, qui aveuglés par l’erreur, vivent paisiblement sous votre autorité, nous ne pensons à eux que pour désirer leur conversion et l’avancer par nos exemples, nos instructions et nos prières, qui sont les seules armes avec lesquelles nous les voulons combattre ». C’est justement dans ces années-là que, « suivant la pente naturelle de son caractère de polémiste », Richelieu entreprend une activité de controversiste suivant la tradition catholique « qui, au lieu de s’adresser à la masse anonyme des hérétiques, prend pour cible de son combat verbal les pasteurs, propagateurs de la mauvaise doctrine, et suppose que le peuple frappé par la défaite de ses pasteurs se ralliera à la vraie doctrine », celle de l’Église romaine et catholique. De cette stratégie témoignent, par exemple, les Principaux points de la foy de l’Église catholique défendus contre l’écrit adressé au roi par les quatre ministres de Charenton (1618). Dans ses écrits destinés à susciter la conversion des protestants, Richelieu « témoigne de sa confiance dans le pouvoir de conviction de la controverse, une confiance qui l’oppose, sur ce point fondamental de la situation du protestantisme, à des hommes comme Bérulle persuadés quant à eux de la nécessité d’une solution politique radicale » (F. Hildesheimer, Relectures de Richelieu, p. 38). Richelieu ne préconisa la manière forte que pour mettre fin aux privilèges politiques et militaires dont profitèrent Rohan et ses partisans pour s’opposer au roi. En 1625, un an après son arrivée à la tête du Conseil du roi, Richelieu, cardinal depuis 1622, adresse un mémoire à Louis XIII pour lui dire que « c’est une chose certaine que tant que le parti des huguenots subsistera en France, le roi ne sera pas absolu en son royaume, qu’il ne saurait y établir l’ordre et la règle à quoi sa conscience l’oblige » avant de conclure que « le premier et principal dessein que Sa Majesté doit avoir est de ruiner ce parti ». La révolte menée par Henri de Rohan entre 1627 et 1629 dans certaines zones à forte majorité protestante du Sud-Ouest devenait d’autant plus inacceptable que les révoltés étaient soutenus par l’Angleterre (pendant le grand siège de La Rochelle), puis négociaient avec l’Espagne, sans en obtenir autre chose qu’un traité d’alliance (3 mai 1629) qui promettait au duc de Rohan un subside annuel de trois cent mille ducats de onze réaux de Castille chacun.

Didier Boisson et Hugues Daussy écrivent que « ce qui pousse Rohan à trahir ainsi sa patrie, en s’engageant aux côtés d’un souverain étranger contre l’armée du roi, est sa conviction que Richelieu a résolu d’éradiquer la Réforme protestante de France ». Durant sa troisième révolte contre Louis XIII, Rohan mène, plus que jamais, « une véritable guérilla entre Nîmes, Uzès et Millau, à travers les Cévennes, mais il ne peut compter sur l’appui de nombreuses cités réformées demeurées fidèles au roi et qui lui ferment les portes » (Les protestants dans la France moderne, p. 167-168). Si Louis XIII et Richelieu réussissaient à diviser ainsi politiquement les protestants, c’est en grande partie grâce à l’activité des agents royaux de confession réformée dont le principal et le plus connu était Auguste II Galland, conseiller d’État, chargé de gagner le Haut-Languedoc à la cause royaliste (septembrenovembre 1627). Recevant ses ordres du roi par l’intermédiaire de Richelieu et de Raymond Phélypeaux, seigneur d’Herbault, secrétaire d’État responsable de la Religion Prétendue Réformée, Galland rencontra les habitants des villes et des villages et rédigea une Réponse au manifeste du duc de Rohan pour montrer que le service du roi était tout à fait compatible avec le protestantisme. C’est dans cet esprit que Galland et deux de ses fils, juristes eux aussi, remplissaient le rôle du commissaire du roi lors de plusieurs synodes nationaux et provinciaux des Églises réformées de France entre 1623 et 1634 pour s’opposer au traitement des questions qui étaient qualifiées de politiques par le pouvoir royal. En effet, depuis la première révolte protestante du règne de Louis XIII (1621-1622), les assemblées politiques n’étaient plus autorisées et la cour voulait éviter que les synodes ne soient politisés par des partisans du duc de Rohan. Reconnaissant la supériorité de l’armée royale et l’impossibilité d’une résistance efficace après la capitulation de La Rochelle (28 octobre 1628) et celle de Privas (17 juin 1629), Rohan entamait des négociations avec Richelieu, par l’intermédiaire de Louis Ier de Montcalm (1585-1659), conseiller réformé à la chambre de l’Édit de Castres, pour obtenir la paix la plus avantageuse. Celle-ci fut signée à Alès, le 27 juin 1629 et communément désignée comme la « grâce d’Alès » car elle était « d’abord une amnistie générale, avant d’être le renouvellement de l’édit de Nantes » (J. Hubac, La paix d’Alès, p. 37). Cependant, les privilèges militaires (places de sûretés et garnisons payées par le trésor royal) accordés aux protestants français en 1598 furent supprimés et les fortifications de nombreuses villes, villages et châteaux furent détruites ou démantelées. Le duc de Rohan fut amnistié et rétabli dans ses titres, mais dut quitter le royaume. Après un exil de cinq ans à Venise, il fut rappelé par Richelieu pour commander l’armée française en Valteline (1634-1636), puis il rejoignit l’armée protestante du duc Bernard de Saxe-Weimar (1604-1639), allié du roi de France dans la guerre de Trente Ans, au service duquel il fut mortellement blessé à la bataille de Rheinfelden. Les dernières années de la vie de Rohan illustrent non seulement le fait que Louis XIII et Richelieu faisaient appel aux plus compétents protestants français pour effectuer des missions diplomatiques et militaires à l’étranger, mais aussi l’attitude favorable du roi et de son cardinal-ministre à l’alliance – conclue au nom de la raison d’État – avec les puissances protestantes européennes (des Provinces-Unies à la Transylvanie, en passant par la Suède et certains princes d’Empire) dans la guerre contre les Habsbourg. À sa mort, Richelieu travaillait toujours à son grand ouvrage de controverse, le Traité qui contient la méthode pour convertir ceux qui se sont séparés de l’Église, qui demeure inachevé. Dénes HARAI D. Boisson, H. Daussy, Les protestants dans la France moderne, Paris, Belin, 2006. – D. Harai, Pour le « bien de l’État » et le « repos du public ». Auguste II Galland (1572-1637), conseiller d’État et commissaire de Louis XIII aux synodes des Églises réformées de France, Paris, Honoré Champion, 2012. – F. Hildesheimer, Relectures de Richelieu, Paris, Publisud, 2000. – J. Hubac, La paix d’Alès. La fin du parti huguenot ? (27 juin 1629), Paris, Les Éditions de Paris, 2010. – Richelieu, Traité qui contient la méthode pour convertir ceux qui se sont séparés de l’Église, éd. S.-M. Morgain et F. Hildesheimer, Paris, Champion, 2005.

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