Les écoles juives anciennes

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Descripción

Les écoles juives anciennes : pharisiens, sadducéens et esséniens : qui sont-ils ? quelles sont leurs eschatologies respectives ? et quels sont leurs rapports avec le christianisme original ? Les trois écoles qui existaient à l’époque du Second Temple et qui furent semble-t-il, en guerre les unes avec les autres, sont assez difficiles à distinguer et à comprendre. Et cela, d’autant plus que les textes qui nous sont parvenus sont en général polémiques, et noircissent tant qu’ils peuvent leurs adversaires. Quand les manuscrits de Qumran furent découverts, un texte resta longtemps caché et fut l’objet d’intenses débats : il s’agit de 4QMMT. 4Q pour Qumran Grotte 4 et MMT pour Miqsat Ma’ase ha-Torah (Quelques préceptes de la Torah) ; il ne s’agit pas du titre original qui est, hélas, perdu, mais du titre donné par un des chercheurs ayant travaillé sur les fragments ; nous ne reviendrons pas sur les polémiques relatives à sa publication qui furent nombreuses, et qui donnèrent même lieu à des débats judiciaires. 4QMMT fut comme une bombe, trouvé en plusieurs exemplaires à Qumran, certes tous fragmentaires, il contenait des décisions relatives à l’interprétation de la Torah, qui sont décrites dans le Talmud, comme étant celles des sadducéens. La question devenait : mais que vient faire un texte sadducéen dans les manuscrits de Qumran, censés être esséniens ? 1

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les écoles juives anciennes :

La réponse n’est pas aussi complexe qu’on veut le croire, la lecture comparée des Pesharîm et de l’Écrit de Damas, montre que ce dernier traité ne connaît que deux écoles : celle de l’auteur et la congrégation des traîtres, surnommée Ephraïm ; les Pesharîm connaissent eux trois écoles : celle de l’auteur (la même que celle de l’auteur de l’Écrit de Damas), une école surnommée Ephraïm et une autre surnommée Manassé. Éphraïm fut assez facilement identifié aux pharisiens, à cause de la similitude phonétique ; Manassé devait alors correspondre aux sadducéens. Les raisons de ce surnom demeuraient mystérieuses, mais ce n’est pas aussi difficile à comprendre qu’on ne le pensait : Manassé se réfère au grand-père d’un lévite qui servit des idoles, or il est vraisemblable que ce lévite était le petit-fils de Moïse : en effet, dans le texte massorétique de Juges 18, 14–31, Manassé s’écrit MNSH (‫)מנשה‬, mais le nun (‫ )נ‬est suscrit ; si on le retire, il reste les lettres MSH (‫ )משה‬qui sont celles du nom hébreu de Moïse, Moshèh. De plus le père de ce lévite est appelé Gershom qui est le nom de l’un des fils de Moïse. Manassé désigne donc des prêtres ou qohanîm qui ont rallié le camp ennemi. Cela correspond parfaitement aux sadducéens, dont Flavius Josèphe dit : Leur doctrine n’est adoptée que par un petit nombre, mais qui sont les premiers en dignité. Ils n’ont pour ainsi dire aucune action ; car lorsqu’ils arrivent aux magistratures, contre leur gré et par nécessité, ils se conforment aux propositions des pharisiens parce qu’autrement le peuple ne les supporterait pas [l’application des peines par les sadducéens était bien plus rigoureuse que chez les pharisiens]. [Antiquités Juives, Livre XVIII, chapitre I, §4]

Comme on le voit, les sadducéens n’appliquent pas leur propre doctrine, mais appliquent la doctrine de leurs ennemis, les pharisiens. Esséniens et sadducéens ont donc la même doctrine, mais les premiers préfèrent ne pas servir au Temple qu’y servir en appliquant des préceptes qui souillent, à leurs yeux, le culte de Dieu ; c’est d’ailleurs la raison de 4QMMT qui réclame le retour à l’application des préceptes traditionnels au Temple et l’abolition des préceptes pharisiens.

pharisiens, sadducéens & esséniens

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Sadducéens et esséniens sont donc une seule et même école à l’origine qui s’est séparée quand les pharisiens prirent le pouvoir et appliquèrent leurs décisions au Temple, c’est-à-dire, à l’époque d’Hyrcan II et de Salomé Alexandra ; sombre période qui vit l’assassinat du Maître de Justice. De plus, on constate que dans l’Écrit de Damas, les esséniens s’appellent les « Fils de Sadôq » ; c’est-à-dire, les Justes, donc les Sadducéens. On a souvent fait des sadducéens, des littéralistes, ce qu’ils furent certainement, mais cette définition est insuffisante. Leur principale polémique, qui était donc aussi celle des esséniens, contre les pharisiens concerne les récompenses après la mort. Les sadducéens sont présentés comme ceux qui refusent la résurrection des morts dans les évangiles et d’ailleurs aussi dans le Talmud. Nous ne pensons pas que ni les sadducéens, ni les esséniens ne refusaient la résurrection des morts, mais qu’ils différaient sur le système des récompenses consécutives à la résurrection des morts. Le Traité des Pères, qui est inclus dans le Talmud, a conservé un précepte sadducéen, c’est celui d’Antigone de Sokhos, disciple de Shiméon le juste, qui disait : Ne soyez pas comme des serviteurs qui servent leur maître afin de recevoir un salaire ; soyez plutôt comme des serviteurs qui servent leur maître sans en attendre de rémunération, et que plutôt la crainte de Dieu soit sur vous. [Traité des Pères, chapitre I, §3.]

Notons que dans le Traité de rabbi Nathan, il est précisé que le serviteur recevra une double rémunération dans l’autre monde, ce qui est un contresens par rapport au précepte du Traité des Pères, mais est plus conforme à la vision pharisienne. Cette maxime a une similitude à une parabole des évangiles, celle du Serviteur inutile, conservée seulement en Luc 17, 7–10 : Qui de vous, ayant un serviteur qui laboure ou paît les troupeaux, lui dira, quand il revient des champs : « Approche vite, et mets-toi à table ? » Ne lui dira-t-il pas au contraire : « Prépare-moi à souper, ceins-toi, et sersmoi, jusqu’à ce que j’aie mangé et bu ; après cela, toi, tu mangeras et boi-

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ras ? » Doit-il de la reconnaissance à ce serviteur parce qu’il a fait ce qui lui était ordonné ? Vous de même, quand vous avez fait tout ce qui vous a été ordonné, dites : Nous sommes des serviteurs inutiles, nous avons fait ce que nous devions faire.

Le véritable débat entre pharisiens et esséno-sadducéens n’est donc pas concernant la réalité ou non de la résurrection ; mais, bien à déterminer si l’application de la Torah est une obligation pour l’homme ou si son application amène à l’homme une récompense qu’il n’aurait pas eue en ne l’appliquant pas. Posons le problème en termes modernes. L’État fixe des dates avant lesquelles, chaque citoyen doit remettre sa déclaration fiscale ; l’État détermine aussi toutes sortes de normes, relativement à la vitesse maximum à laquelle on peut rouler. Les pharisiens estiment que l’État devrait donner 1000 euros à celui qui remet à temps sa déclaration fiscale et 1000 euros à celui qui roule moins vite que la vitesse limite... Les esséno-sadducéens estiment que l’État ne doit pas récompenser ceux qui remettent à temps leur déclaration fiscale, mais punir ceux qui la remettent en retard ; pareillement ils estiment que l’État ne doit pas récompenser ceux qui respectent les limitations de vitesse, mais punir ceux qui dépassent la vitesse maximum autorisée. Pharisiens et Esséno-sadducéens diffèrent donc fondamentalement sur l’approche de la Torah : pour les pharisiens, étudier la Torah permet à l’homme d’accumuler du mérite qui le mènera à sa récompense ; pour les esséno-sadducéens, appliquer la Torah est une obligation, il n’y a aucune récompense à en attendre, l’homme qui n’a pas appliqué la Torah sera simplement puni de son non-respect des règles édictées par Dieu pour l’homme. Mais qu’en tirer du point de vue de la résurrection finale des hommes : Les opinions des esséno-sadducéens ne nous sont pas parvenues suffisamment complètement pour que nous puissions faire autre chose

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