La Traversées des Alpes

September 14, 2017 | Autor: Daniel Pisters | Categoría: Art
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Descripción

La traversée des Alpes Exposition Europalia : Tous les chemins mènent à Rome. Visions mêlées sur les toiles d’Alexis-Nicolas Noël (Col du Grand Saint-Bernard), William Turner (Tempête sur le Mont-Cenis, Le col du Saint-Gothard pris au milieu du Pont du Diable), Rudolf Koller (La diligence du Saint-Gothard) et d’autres peut-être perdus dans les tempêtes de mon regard. Les Alpes. Âpreté blanche. Arêtes et crevasses. Franchissement de cols lunaires. Quelques voyageurs y paraissent aussi minuscules que des naufragés au milieu des vagues immenses de l'Atlantique. Le vent ne siffle pas, il crisse contre les rochers, se vrille en hurlant au fond des précipices. Des charges de nuages neigeux, roulent en grondant comme des avalanches. Assourdissant, aveuglant, le vent s'enroule en volute cyclopéenne autour d'un halo bleu. Soleil ou lune, la nuit, le jour n'ont plus cours dans le fouettement perpétuel des rafales. Les pauvres silhouettes n'avancent pas, mais péniblement se poussent, penchées contre un mur de souffle. Toujours l'astre bleu roule au milieu d'un tournoiement de spirales, tourbillonnement de griffes filandreuses, qui l'enserre et l'étouffe. De sentiers étroits en corniches, le long des parois, l'exploit vital se renouvelle à chaque pas. Une grande araignée de glace patiente au centre de sa toile. Elle ne hâte pas la chute des proies. La fatalité ne se précipite pas. Des nappes poudreuses dévalent les verticalités, forment des éclaboussements figés au pied des cascades, qui drapent les rochers comme des voiles de fantômes diaphanes. Des voyageurs épuisés attendent, près de leurs malles et paquetages, la diligence qui ne vient pas. Derrière eux, quelques maisons de pierres sont isolées sur leur socle rocheux. De petits ravins les séparent. Elles ne sont pas assez proches les unes des autres pour former un village. Les Alpes à l'architecture fracassée, hissée au sommet d’un chaos minéral. Ecartèlements et concassages. Gouffres comblés d'éboulements titanesques. Crevasses mordant des troncs d'arbre. Pendules de l'abîme sous des ponts de rondins, comptant leurs dernières oscillations, avant de rouler au fond des torrents. Les tempêtes sont ponctuées de calmes, pour mieux faire sentir l'étreinte silencieuse de la congélation, qui gerce les pierres.

Les aiguilles du grésil pénètrent la fibre des écharpes, piquent les lèvres, perforent les narines, montent derrière le front où le froid s'enracine. La parole n'a plus cours. La gel prend dans le fluide vocal et le bloque. Les cris sortent des gorges en arêtes grêles, roides et sèches. Voix pointues qui se cassent avant d'être entendues. La pensée se coagule, implose au fond du cerveau. La conscience, sourde à l’alpestre vacarme, ne capte plus que le bruit des pas dans la neige. Bercement létale de l'engourdissement. Les yeux fixent des dos qui oscillent, jusqu’à ce le sommeil tombe sur eux comme un rideau blanc.

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