Exposé \"Le Code Civil\" - Jean Carbonnier

June 20, 2017 | Autor: Camille Fromentin | Categoría: Law, Epistemology
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Descripción

« Le Code Civil », Jean Carbonnier, in Les lieux de mémoire, Pierre Nora

Comment se fait-il que le Code Civil demeure la référence absolue ?

Introduction 1 :40

Parution dans l'ouvrage Les lieux de mémoire de Pierre Nora en 1986. Recueil de textes dans lequel ambition = recenser principaux monuments, lieux et symboles ayant contribué à fonder l'identité française à travers l'Histoire
Ici, nous avons un texte issu de cette entreprise, texte qui nous présente Le Code Civil.
Son auteur : Jean Carbonnier. Né en 1908 et décède en 2003.
Agrégé en droit, très grand juriste, il a notamment façonné les réformes françaises du droit de la famille à partir des années 1960 et participé à la rédaction d'autres projets de loi (tutelle, autorité parentale etc); il est aussi très intéressé par la sociologie
Juriste et sociologue nombreuses réflexion de sociologie juridique : étude des phénomènes juridique en prêtant attention aux pratiques effectives des acteurs et non seulement aux textes en eux-mêmes.
Grand défendeur d'un droit flexible, droit se penchant et se mêlant aux mœurs
Code Civil est ici envisagé au prisme de cette sociologie juridique et c'est ce qui fait toute la force de son analyse et lui permet dé répondre à la question suivante

Comment se fait-il que le Code Civil, demeure la référence absolue en terme de droit en France?
Comment se fait-il que cet ouvrage, datant de 1804, ait réussi à se maintenir comme source de droit de référence, alors même que des changements profonds ont pu être observés dans notre société ?










Analyse linéaire – C'est par son inscription dans la mémoire collective que le Code Civil a su se maintenir comme cadre de référence

Le contexte historique de naissance et d'établissement du Code Civil en France : un événement qui marque durablement la mémoire des français – un Code Civil réceptacle d'une mémoire-histoire


Le code civil et Napoléon, un moment historique qui marque la mémoire

Un code porté par un personnage historique
« Il a été mis au monde par un personnage qui déjà était acclamé comme faisant partie de l'Histoire »
Bien sûr, Napoléon n'est pas celui qui va rédiger ce Code. Mais c'est à sa personne que le texte restera associé puisque c'est sous son impulsion et sa volonté que le projet a pu aboutir. Rappelons que de nombreux projets de codes s'étaient déjà succédés sans qu'aucun ne parvienne à aboutir. Ce qui manquait le plus, au fond, aux projets de Cambacérès, pour aboutir, c'était une réelle volonté politique : c'est Bonaparte qui la lui apporte.

La participation à l'action de l'an VIII : reconstituer l'Etat
Moment historique important, que l'on ressent déjà comme historique à l'époque : il s'agit de reconstituer l'Etat mis à mal après la succession de gouvernements provisoires et excessifs qui suivent la Révolution. Il s'agit ici de porter un véritable projet politique et permettre de rétablir l'ordre. On est dans un post coup d'Etat, il y a une reconstruction à effectuer. Ce sont des moments d'une grande intensité qui marquent nécessairement les esprits.
Carbonnier nous dit « D'autres pays, un siècle plus tard (…) se donneront, eux aussi, des codes civils d'unification. (…) Ces codes auront le prestige que leur mérite leur valeur technique. Mais il leur aura manqué la dramatisation »

Les épopées napoléoniennes et l'exportation du Code Civil : création d'une vanité et fierté française
Le Code Civil devient un objet de politique étrangère de Napoléon qui va porter le Code Civil aux territoires, aux peuples conquis. Là aussi on a quelque chose qui forcément frappe l'imaginaire, un général, des victoires, l'imposition d'un Code …
« Les Français suivent avec enthousiasme cette chevauchée fantastique de leurs lois à travers l'Europe, et la vanité devait leur en rester longtemps ». C'est un autre élément qui frappe nécessairement la mémoire des français.


Ce qu'il faut bien voir ici c'est que le Code Civil a immédiatement marqué l'imaginaire des français en ce qu'il a été associé à un personnage et une époque historique. Il ne s'agit pas ici d'une imprégnation progressive dans l'esprit des français mais d'une entrée soudaine et intense, donc d'autant plus marquante. Carbonnier le dit : « Il n'est pas devenu, à l'ancienneté, historique (…) Il a été historique dès sa naissance. »
« Parce qu'il est né dans cette période, brève mais ardemment vécue, de mouvement, de vitesse, d'énergie (…) le Code Civil a d'emblée frappé les imaginations »

Un texte sous le feu de critiques diverses
Bien sûr, il n'y a pas eu un ralliement massif de tous les français autour de ce projet politique qu'était le Code Civil et Carbonnier n'élude pas la question.

Les territoires conquis
Bien sûr il s'agit ici d'un texte imposé de l'extérieur, de manière soudaine et brutale (il s'agit quand même d'une conquête militaire). D'un coup les traditions sont bousculées voire complètements supprimées : le Code Civil entraine avec lui l'abolition des droits féodaux, la légitimation du divorce, l'instauration du mariage séculier… autant de nouveautés qui attisent la haine et l'esprit de vengeances des princes aux territoires conquis

Des critiques du côté traditionnaliste et conservateur
Concentration des critiques autour du droit de la famille :
le divorce : Napoléon conserve un des acquis de la Révolution, le divorce par consentement mutuel. Attaque une des institutions fondamentales de l'Ancien Régime, la famille
la perte de la liberté testamentaire des parents : principe du partage égal des successions. Très critiqué, on y verra un risque de dénatalité française puisque qu'on craint que, pour éviter la dispersion du patrimoine, les famille ne fassent le choix de limiter leur descendance qu'à un héritier.

Des ennemis situés à gauche
Le Code Civil tombera aussi sous les critiques que Carbonnier qualifie « de gauche » et qui se feront plus vives à mesure que l'on avance dans le 19ème siècle et que l'industrialisation se fait de plus en plus pressante.
Code Civil : mise en avant de l'individualisme, suppression des corporations. On consacre la liberté contractuelle en matière de travail – négociation du contrat entre ouvrier et patron. Grand problème en 1804 mais peu à peu on ne va plus être dans une négociation ouvrier/patron mais cette liberté contractuelle mettra l'individu en situation de faiblesse dans une négociation face à des groupes

Cependant, pour lui, ces inimitiés ont aussi contribué à graver le Code dans la mémoire des français. Il le dit : « agissante ou subie, l'inimitié est une forme vive de la mémoire ». Ce qu'il faut voir ici, au-delà du fond des critiques, c'est leur effet : c'est que ce livre ne laisse pas indifférent, or c'est l'indifférence qui aurait pu participer de son oubli. Ici c'est tout l'inverse : en lui se sont cristallisées les critiques de la politique napoléonienne et c'est aussi par la force de la critique de le Code Civil s'est gravé dans la mémoire.


Le Code Civil comme « loi de compromis »
Un consensus politique entre l'Ancien Régime et la Révolution
transaction entre le Nord et le Midi
Cette sympathie pour la France s'exprimera spécialement à travers l'intérêt que portera J. Cartonnier au Code civil, " œuvre nationale " de " compromis " entre l'Ancien Régime et la Révolution, entre la tradition juridique et sociale et les principes révolutionnaires issus de la philosophie individualiste et libérale des Lumières, synthèse juridique de rayonnement mondial conçue et écrite avec " sobriété ", en accord avec une philosophie législative modeste et empirique (qu'il partage et qu'il a appliquée dans le cadre des réformes du droit de la famille évoquées plus haut),

transaction entre l'Ancien Régime et la Révolution

Un compromis assurant la paix sociale
Le Code entre dans la mémoire de la bourgeoisie par « la grande peur bourgeoise »
Le Code entre dans la mémoire des petits propriétaires par ce « titre suprême de propriété »

Le Code est alors moins perçu comme une oeuvre « révolutionnaire » que « nationale », synthétisant l'évolution historique du pays(185). Lors du Centenaire, c'est cette vision modérée qui va l'emporter sur celle des « révisionnistes » plus critiques (d'autant que certains d'entre eux, comme Saleilles, défendent le Code de 1804 - cf. infra, p. 284), et qui contribuera à faire échouer la tentative de révision générale. Ainsi l'influent Baudouin, procureur général près la Cour de cassation, président de la Société d'Etudes législatives, de la Société de Législation comparée et du Comité de patronage du Centenaire, souligne dès le printemps 1904 « l'immense bienfait » de « notre impérissable Code », « qui, mettant à profit les trésors accumulés du droit romain et de nos coutumes, et conservant en même temps les inappréciables conquêtes de notre glorieuse Révolution » [l'auteur insiste sur « l'unité de la législation civile »], « a su, par une transaction merveilleuse, relier le présent au passé et donner à notre société moderne le palladium sous lequel, depuis un siècle, elle vit, prospère, et progresse »(186).

C'est en tranchant par le compromis des débats historiques que le Code Civil s'est aussi imposé aux mémoires. C'est aussi grâce à ces compromis, en échappant aux excès, qu'il a pu vivre dans le temps et finalement s'imposer durablement jusqu'à nos jours.

Transition : Cependant, au fur et à mesure du temps, la mémoire de ces évènements aurait pu s'échapper avec la disparition de ceux qui l'avaient vécue. C'est donc que le Code Civil était devenu, plus qu'un Code-Histoire, plus que la mémoire d'une tranche d'Histoire, un véritable symbole. Mais symbole de quoi ?




















Un texte porteur de symboles et de principes qui s'ancrent durablement dans l'imaginaire collectif des français – Le code Civil comme fondateur d'une mémoire nouvelle

Un symbole d'unité
Rassembleur de textes
Nous l'avons dit, le Code Civil a été l'aboutissement d'une unification des textes de droit en France : la mosaïque de coutumes, de droit romain, de droit canonique et de législation royale, laisse place à un Code Civil au contenu syncrétique

Rassembleur d'hommes
Comme le dit Carbonnier, « Du rassembleur de textes au rassembleur d'hommes, il n'y a qu'un pas ».
Pour la première fois, avec le Code Civil, l'ensemble des français tombe sous la coupe d'une même loi. Derrière le Code Civil se cache l'idée d'une unité du peuple français derrière une unité du droit : il s'agit bien sûr ici de renforcer l'idée de nation française, une et indivisible.

Par l'unité du droit civil, l'unité du texte, il s'agissait de créer dans l'imaginaire collectif, l'idée d'une unité des Français. C'est cette idée qui renferme une puissance symbolique inoubliable.

Un aura d'éternité
Comme l'exprime Carbonnier, le Code « forme un arrêt du temps, une espèce de stase magique », il fait partie de ces textes qui sont « soustraits à la loi commune du vieillissement et de la mort »

Refus d'un nouveau code
Pour Carbonnier, la preuve de ce symbole de pérennité c'est l'échec auquel se sont confrontés les tentatives de création d'un nouveau Code Civil. Malgré des réformes parfois à l'opposé du sens du texte initial (Carbonnier donne l'exemple des tentatives de réforme en droit de la famille peu après l'avènement de la 5ème République), le législateur a préféré « enchâsser dans les structures anciennes leurs contraires »
Il y a derrière ce choix l'affirmation de la valeur inestimable du Code Civil, comme un attachement à ce symbole. Choix qui implique que toutes ces dispositions, anciennes et nouvelles, tombent finalement « dans un seul et même champ de droit, hors de l'écoulement du temps »

Une « constitution sociologique »
Cette permanence du Code Civil dans son contenant fait dire à Carbonnier, en parlant de la France que « sa véritable constitution, c'est le Code Civil ».
Ce qu'il entend par là, ce n'est pas une Constitution au sens formelle dans la hiérarchie des normes.
C'est finalement beaucoup plus profond : il s'agit d'une Constitution au sens matériel, sociologique du terme. Un recueil contenant « les idées autour desquelles la société française s'est constituée au sortir de la révolution et qui continue de se constituer des nos jours encore, en développant ces idées, en les transformant peut-être, mais sans jamais avoir à les renier ». Il voit en fait ce Code Civil comme une forme de socle social de la France, un rassemblement des idées fondatrices de la société française.
On le voit ici, on parlait de projet politique tout à l'heure mais le Code Civil a été plus que cela : la preuve pour l'auteur, « en moins de deux siècles, le pays a vu avec flegme déferler plus de dix constitutions politiques » alors que le Code Civil, lui, perdure et renforce d'autant plus son aura d'éternité de par cette comparaison.

Le Code Civil contient des idées, des valeurs, qui ont fondé la société au sortir de la Révolution et fondé un socle social, socle social que les français se sont approprié, ont imprimé dans leur mémoire collective. Les idées qu'il renferme, bien qu'elles aient pu être modifiées au cours des évolutions sociétales des deux derniers siècles, sont néanmoins assez mythiques, assez importantes, pour que le Code Civil n'ait pas pu être abrogé et perdure ainsi comme livre canonique, hors du temps.
C'est aussi probablement la raison pour laquelle Carbonnier lui voue tant d'admiration : il est représente ainsi un idéal de loi souple et précise que défendait Carbonnier.

La poésie de l'écriture
Carbonnier insiste sur un dernier aspect qui confère un aspect mythique au Code Civil en distinguant les dispositions « instrumentales » (celles qui se limitent à prescrire des comportements) et les dispositions « symboliques », celles qui lancent l'imagination bien plus loin que les résultats qu'elles prescrivent.
Il donne l'exemple de l'article 1134 du Code Civil : « les convention légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites » rassemble à la fois :
Style : assez poétique tout en étant lapidaire
Force du principe : une certaine gravité, un enjeu fort
Combinaison d'un style et d'une force de principe font de certaines dispositions des dispositions symboliques.

Il faut comprendre que plus que ou en plus de par le fond, c'est par la forme que le Code Civil se grave dans l'imaginaire. « C'est par ces dispositions symboliques plus que par ces dispositions instrumentales que le Code Civil s'est imposé à la mémoire collective des français » nous dit Carbonnier dans « Le Code civil des Français dans la mémoire collective »

« la mémoire a retenu la poésie et a laissé s'enfuir la prose 

















Mise en perspective – De la pertinence de l'idée d'une permanence du Code Civil dans la mémoire de la société française

Quid de la permanence du rôle de la mémoire comme canal d'accès au Code, à sa symbolique et à son historique ?
La mémoire se heurte à la diminution des canaux de transmission : la famille, l'école
l'école : Carbonnier l'évoque, « l'initiation au Code demeure une exception ». L'école ne peut faire office de canal de transmission
la famille : Carbonnier le dit, toutes les célébrations au cours desquelles certains passages du Code Civil peuvent être évoqués (mariage, procès, divorce etc.), « rien de cela ne peut remplacer ce coutumier de droit civil qui (au début du siècle encore semble-t-il), se transmettait oralement dans les familles ».
Les canaux de transmission semblent de plus en plus amaigris pour réellement pénétrer la mémoire de l'individu

La mémoire se heurte à une technicité croissante des textes du Code
Carbonnier l'affirme : « la mémoire individuelle, dès qu'elle se réfère aux lois, se heurte à des limites vite atteintes dans la technicité de son objet ». Il impute d'ailleurs cette faute aux juristes qui refusent de voir dans la « loi, au delà d'un métier, une culture » et moins à une indifférence du grand public. Ils sont pour lui responsables de cet hermétisme du droit qui, in fine, nuit au partage et à la transmission d'une mémoire du Code Civil.
Jean Carbonnier n'aimait pas le droit rigide, ce qu'il désignait comme le droit « dogmatique », c'est-à-dire la règle pour la règle, la règle conçue à l'intérieur d'elle-même, fière de ne pas dépendre d'autre chose que de sa technicité

// Carbonnier semble cependant résoudre cette question de la transmission et de la permanence du Code dans les mémoires. Si ces obstacles affectent la mémoire individuelle du contenu du Code, la mémoire collective permettrait de dépasser ces contraintes en conservant en elle la symbolique du Code que nous avons évoquée :
« Si les Français se souviennent du Code civil, ce n'est pas qu'ils soient capables de le connaître (…) article par article (…) ; Ils savent que là bas sont les sources d'un droit qui les rassure parce qu'il s'inspire d'idée qui, par osmose, étaient devenues les leurs ».


Cependant, cela reste et va à mon sens devenir une question grandissante : dans quelle mesure peut-on encore dire que le Code Civil s'impose aux français quand ceux-ci n'y ont finalement qu'un accès indirect (via la mémoire collective) et limité (au symbole, avec un faible accès au contenu) ? Et justement, en parlant de symbole, celui-ci n'est il pas aussi attaqué ?


Quid du symbole d'unité des textes et d'hommes ?
L'unité des textes
La méthode des interpolations
Choix de conserver ce Code Civil mais d'y ajouter de nouveaux articles, de réformes particulières si bien que moins de la moitié des textes originaux sont toujours présents ; on se retrouve avec ce phénomène des interpolations dans le droit de Justinien, que nous avons déjà évoqué en cours attaque au principe d'unité du texte
// Réponse de Carbonnier : cela n'affecte pas l'architecture globale

Le développement de nouveaux codes
De nombreux codes sont venus se développer aux côtés du Code Civil, parfois dans des domaines qui auraient cependant pu lui sembler réservés forme d'attaque au principe d'unité du texte. Par exemple, Code Civil silencieux dans le domaine commercial développement du Code de Commerce
// Réponse de Carbonnier : le CC reste la source de ces nouveaux codes

MAIS, réforme du droit des obligations est la preuve que le CC perdait de plus en plus ce statut de source des autres codes dans les faits. Dans la présentation générale de l'avant projet de réforme, Pierre Catala nous dit : « Accomplie dans cet esprit de juste milieu, la modernisation du code civil le maintiendra comme pivot du droit privé, tronc robuste d'un arbre dont les branches procèdent et se ramifient sans se délier de leur souche. » On voit bien ici la volonté de remettre le Code Civil au centre du dispositif, à la source des autres codes et, en filigrane, l'idée que ce n'était plus tout à fait le cas.

Dans quelle mesure cette transformation physique du Code et cette multiplication de textes n'affecte pas, dans l'imaginaire collectif, l'idée d'un Code Civil comme unique texte de référence et l'idée symbole d'une unité portée par ce texte ?

L'unité des hommes
Face aux évolutions culturelles, sociales et sociétales qu'a connu la population française depuis deux siècles, le Code Civil pourrait finalement apparaître comme un symbole dépassé d'une unité fictive.
Carbonnier se pose d'ailleurs la question, déjà en 1986 et nous dit : « un seul droit pour une seule nation – mais qu'est ce que cela peut signifier en 1986 ? »


Un problème contemporain : de nouvelles populations chargées d'autres cultures
Carbonnier évoque la vague d'immigration qui a accompagné l'industrialisation de la France. Il évoque l'immigration venue d'Europe qui ne soulève pas de problème d'assimilation juridique de part une forme de « cousinage juridique ». Il s'arrête plus longuement cependant sur l'immigration venue du Maghreb et soutient que « beaucoup de ces nouveaux français intérioriseront comme norme de conduite, plutôt que le Code civil, la charia, le droit musulman qu'ils ont vécu ou que leurs parents leur ont fait revivre ». Il ne s'agit certainement pas ici de porter un jugement de valeur sur l'immigration ou le droit musulman mais plutôt de montrer comment l'assimilation d'un autre droit par une partie de la population pourrait finalement attaquer le principe unificateur de peuples.

Ce qu'il faut bien voir ici c'est comment, avec l'arrivée d'individus attachés à d'autres cultures juridiques, nous pouvons toujours concevoir le Code Civil comme un texte qui se dresse comme l'unique référence dans l'imaginaire des français? Si, formellement, c'est toujours lui qui s'applique à tout citoyen français, il n'est peut-être pas le texte de référence pour certains d'entre eux,

Une rupture entre juristes et non juristes

Dans quelle mesure peut-on encore dire que le Code Civil est le reflet d'une société unie autour de mêmes valeurs et d'un même texte que tous s'approprient comme le leur à égalité ?

Conclusion : 1 :40

Comment se fait-il que le Code Civil, demeure la référence absolue en terme de droit en France?
Comment se fait-il que cet ouvrage, datant de 1804, ait réussi à se maintenir comme source de droit de référence, alors même que des changements profonds ont pu être observés dans notre société ?


L'auteur voit dans le Code Civil un véritable le lieu de mémoire et c'est pour cette raison qu'il demeure encore aujourd'hui la référence en terme de droit dans l'imaginaire des français.
Il est finalement un lieu de double mémoire.
Il est à la fois le réceptacle d'une mémoire d'évènements historiques, d'une mémoire qu'il a « reçu en dépôt » au moment de sa création ; mais, il est aussi le réceptacle d'une mémoire « qu'il a fondée », celle de l'attachement à des grands principes qu'il renferme. Si ces deux mémoires pourraient paraître en rupture : l'une commémorant le passé, l'autre fondant l'avenir, Carbonnier soutient que c'est précisément toute la force que devrait être celle du Code Civil : celle de les réunir.
C'est grâce au Code Civil, conservé dans le temps grâce à la mémoire collective, qu'une « continuité subtile court sous la rupture ineffaçable », rupture que l'on peut comprendre comme étant celle du droit pré et post 1804.



















Le Code Civil s'est imposé comme référence par le biais de la mémoire collective, marquée à la foi par l'Histoire qui imprègne ce texte, et par la symbolique qu'il renferme

Un texte mémoire d'une Histoire

Ce qu'il faut bien voir ici c'est que le Code Civil a immédiatement marqué l'imaginaire des français en ce qu'il a été associé à un personnage et une époque historique. Il ne s'agit pas ici d'une imprégnation progressive dans l'esprit des français mais d'une entrée soudaine et intense, donc d'autant plus marquante. Carbonnier le dit : « Il n'est pas devenue, à l'ancienneté, historique (…) Il a été historique dès sa naissance. »

Cependant, pour lui, ces inimitiés ont aussi contribué à graver le Code dans la mémoire des français. Il le dit : « agissante ou subie, l'inimitié est une forme vive de la mémoire ». Ce qu'il faut voir ici, au-delà du fond des critiques, c'est leur effet : c'est que ce livre ne laisse pas indifférent, or c'est l'indifférence qui aurait pu participer de son oubli. Ici c'est tout l'inverse et c'est aussi par la force de la critique de le Code Civil s'est gravé dans la mémoire.
Les inimitiés à Napoléon se cristallisent autour du Code Civil et, loin de l'affaiblir, le renforcent

C'est en tranchant par le compromis des débats historiques que le Code Civil s'est aussi imposé aux mémoires. C'est aussi grâce à ces compromis, en échappant aux excès, qu'il a pu vivre dans le temps et finalement s'imposer durablement jusqu'à nos jours

Un texte qui fond une mémoire par sa symbolique

Par l'unité du droit civil, l'unité du texte, il s'agissait de créer dans l'imaginaire collectif, l'idée d'une unité des Français. C'est cette idée qui renferme une puissance symbolique inoubliable.

Le Code Civil contient des idées, des valeurs, qui ont fondé la société au sortir de la Révolution et fondé un socle social, socle social que les français se sont approprié, ont imprimé dans leur mémoire collective. Les idées qu'il renferme, bien qu'elles aient pu être modifiées au cours des évolutions sociétales des deux derniers siècles, sont néanmoins assez mythiques, assez importantes, pour que le Code Civil n'ait pas pu être abrogé et perdure ainsi comme livre canonique, hors du temps, ce qui lui confère un symbole de pérennité.

Il faut comprendre que plus que ou en plus de par le fond, c'est par la forme que le Code Civil se grave dans l'imaginaire. « C'est par ces dispositions symboliques plus que par ces dispositions instrumentales que le Code Civil s'est imposé à la mémoire collective des français » nous dit Carbonnier dans « Le Code civil des Français dans la mémoire collective »



Il convient cependant d'interroger certaines des affirmations que nous avons dressées dans cette première partie, et que l'auteur aborder parfois d'ailleurs lui-même. Peut-on encore aujourd'hui dresser le Code Civil comme un lieu de mémoire et un symbole d'unité


II-

A-

Cependant, cela reste et va à mon sens devenir une question grandissante : dans quelle mesure peut-on encore dire que le Code Civil s'impose aux français quand ceux-ci n'y ont finalement qu'un accès indirect (via la mémoire collective) et limité (au symbole, avec un faible accès au contenu) ? Et justement, en parlant de symbole, celui-ci n'est il pas aussi attaqué ?

B-

Ce qu'il faut bien voir ici c'est comment, avec l'arrivée d'individus attachés à d'autres symboles et historiques de droit, nous pouvons toujours concevoir le Code Civil comme un texte qui nous unifie, qui se dresse comme la référence unique alors que l'on voit bien que dans la réalité, il n'est plus, pour tous les français, le premier texte de droit ? L'idée d'une unité des hommes censée être achevée par le Code Civil peut largement aujourd'hui être questionnée.



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