Conférences EPHE 2003

July 31, 2017 | Autor: Renée Koch-piettre | Categoría: Classics, History of Historiography, Sacrifice (Anthropology Of Religion), Cultural Anthropology
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Renée Koch Piettre

Conférence de Mme Renée Koch-Piettre In: École pratique des hautes études, Section des sciences religieuses. Annuaire. Tome 112, 2003-2004. 2003. pp. 399-404.

Citer ce document / Cite this document : Koch Piettre Renée. Conférence de Mme Renée Koch-Piettre. In: École pratique des hautes études, Section des sciences religieuses. Annuaire. Tome 112, 2003-2004. 2003. pp. 399-404. http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ephe_0000-0002_2003_num_116_112_12269

Historiographie et épistémologie en sciences des religions Conférences de Mme Renée Koch-Piettre Maître de conférences

Nous rendons compte brièvement, ci-après, de trois semestres de conférences (2002-2003, et premier semestre 2003-2004). — Année 2002-2003 1. 130 ans de théories du sacrifice (suite) Après avoir, durant l'année 2001-2002, consacré nos conférences sur ce thème à la persistance des diverses déclinaisons de l'interprétation du sacrifice comme renoncement et comme offrande1, avec le corrélat de la grâce et le parallèle de l'échange2, nous avons insisté en 2002-2003 sur la résistante (et résistible ?) théorie de la violence sacrificielle, ainsi que sur les relectures possibles de l'interprétation freudienne du sacrifice et du monothéisme3, tantôt à la lumière de la science préhistorique4, tantôt sous l'éclairage de l'histoire ancienne5, de l'histoire de la modernité viennoise6, de l'anthropologie7, de la réflexion psychanalytique elle-même8. C'est dans le cadre de ce questionnement des réflexions développées autour du sacrifice, et pour y inclure la dimension juridique et politique, que nous avons invité l'auteur d'Homo sacer, le Professeur Giorgio Agamben, de l'Université de Vérone, à donner, en janvier-février 2003, quatre conférences sur « IVSTITIVM, AVCTORITAS, OIKONOMIA. Les paradigmes politiques entre la théologie et le droit ».

1 Cf. ci-après le résumé d'une intervention de Ioanna Patera, doctorante de notre collègue Stella Georgoudi. 2 Marie Mauzé, Histoire et retombées culturelles de la théorie du potlatch ; Louis-Marie Chauvet, dans M. Neusch dir., Le sacrifice dans les religions, 1994 ; Marcel Hénaff, Le prix de la vérité, 2002. 3 Totem et tabou, L 'homme Moïse et la religion monothéiste. 4 Jacques Cauvin, Naissance des divinités, naissance de l'agriculture, 1997. 5 Jan Assmann, Moïse l 'Égyptien, 1 997 ; Alain Zivie, La prison de Joseph, 2003 . 6 Jacques Le Rider, Freud, de l'Acropole au Sinaï, 2002. 7 Bertrand Pulman, Anthropologie et psychanalyse. Malinowski contre Freud, 2002. 8 Guy Rosolato, Marie Balmary, Daniel Sibony, Gérard Pommier, Ghyslain Lévy, Fethi Benslama. Annuaire EPHE, Section des sciences religieuses, t. 112 (2003-2004)

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Historiographie et épistémologie en sciences des religions

De ce parcours des limites de toute théorie générale du sacrifice, sur une fragile ligne de rencontre entre diverses sciences humaines, nous avons vu surgir surtout le dessin tremblé d'une frontière, d'une solution de continuité (entre le moi-nous et l'autre, par exemple), qui nous incite à revenir aux données observables du faire et du dire religieux. II. Le signe et son interprétation : recherches d'historiographie antique Nous avons examiné deux ensembles historiographiques distincts : d'une part YAnagraphê de Lindos (FGrHist 532 Jacoby), longue inscription listant par ordre chronologique des offrandes disparues du sanctuaire d' Athéna Lindia, sur l'île de Rhodes, ainsi qu'une série de miracles, epiphaneiai (la liste étant reconstituée, en l'an 99 a.C, par un historiographe, Timachidas, officiellement recruté pour consulter les archives et les travaux de ses prédécesseurs) ; d'autre part les Vies parallèles de Plutarque dont nous n'avons eu le temps de parcourir que quelques chapitres {Vies d'Alexandre, cf. Diodore de Sicile, XVII ; d'Alcibiade, de Brutus, de Cimon, de Crassus, de Démétrios, d'Eumène, de Lucullus, de Nicias, de Sertorius). Nous avons interrogé les divers jalons et modes d'une intervention divine dans les destinées collectives et individuelles, aussi bien que leur utilisation et leur incidence dans le travail de l'historien. Face à la codification du signe chez les annalistes romains (une grille est prête à le recevoir et à le traiter, et la sélection est déjà faite, par inscription officielle, pour permettre les interprétations futures), la Grèce présente, comme en beaucoup d'autres circonstances, une historiographie foisonnante qui doit œuvrer sans sélection préalable, au coup par coup. Ainsi Timachidas de Rhodes travaille-t-il sur des objets témoignant (marturia) de l'ancienneté et du prestige du sanctuaire ; en l'absence des objets, disparus avec le temps, il faut néanmoins rendre compte de leur existence passée et approfondir de la sorte la perspective temporelle : on a recours aux pièces et documents qui en témoignent, on les dénombre. De tout cela on pourra peutêtre, un jour, tirer un récit historique. Pour l'heure on enregistre, et ce qu'on enregistre ce sont des choses, des événements remarquables, epiphanê, soit par la notoriété qui s'attache à un donateur ou à un épisode historique, soit par un caractère paradoxal. Nous avons particulièrement retenu (et mis en attente pour plus ample information) une donnée de la Vie d'Alcibiade : son attachement aux mystères d'Eleusis, jusqu'au sacrilège qui consista à se les rejouer en privé, jusqu'à l'héroïsme qui l'amena, à peine réhabilité par ses compatriotes, à les réorganiser grandeur nature, malgré les troubles de la guerre ravageant l'Attique, sous la garde de l'armée et le regard de l'ennemi. — Année 2003-2004 Signe et destin dans l'historiographie grecque Nous avons interrogé une « école » d'historiens hellénistiques connus sous le nom de « tragiques » ou « mimétiques ».

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Les historiens hellénistiques sont innombrables, et notamment les historiens locaux. Ceux qui servirent de source à Plutarque dans son récit de la Vie de Démétrios ne nous sont guère connus que par ses citations explicites, qui nous permettent d'énumérer Hieronymos de Cardia, Douris de Samos, Phylarque, Philochore d'Athènes, et quelques auteurs plus anecdotiques ; Athénée tient de Douris de Samos le texte de l'hymne ithyphallique à Démétrios9. Malgré la sévérité de la critique à l'égard de ce Douris - on lui reproche un excès de rhétorique10-, on peut avec Hermann Strasburger11 reconnaître à l'historiographie hellénistique la recherche non du style mais de la vérité, de l'authenticité du rendu : son idéal est la mimêsis ; comme au théâtre, elle veut amener le lecteur à devenir le contemporain des événements racontés, à croire qu'il est en train de les vivre lui-même. Rejetant le modèle d'Isocrate, elle tâche d'imiter Thucydide dans sa description de la peste d'Athènes, voire Homère ou Hérodote. Il s'agit d'une forme de réalisme, où le critère de / 'enargeia désigne la vivante impression créée par une description réaliste, en d'autres termes la force d'une illusion. Et celle-ci se donne pour modèle l'illusion théâtrale, à laquelle nous renvoient de nombreuses comparaisons : ainsi dans la description de l'apparition de Démétrios sur le logeion du théâtre de Dionysos, sous les yeux épouvantés des Athéniens, ou celle de son costume au luxe incroyable, etc. Histoire, art et religion se rejoignent dans ces mises en scène, mais que reste-t-il de la dimension religieuse des signes qui permettent, ailleurs, à Plutarque de montrer l'intervention des dieux dans les vies humaines ? Douris condamnait le culte athénien de Démétrios comme pure flatterie. Cela ne l'empêche pas de tenir la liste des signes punissant l'impiété des Athéniens. Phylarque, élève et continuateur de Douris, que nous connaissons notamment par les Vies d'Agis et de Cléomène, permet de compléter notre information sur la pensée religieuse qui sous-tend ces récits12. Il nous apparaît qu'en critiquant le détournement et la mise en scène, à des fins politiques, de signes déclarés divins, Douris et Phylarque ne se contentent pas de rationaliser le surnaturel, ils tendent à une certaine réforme religieuse, comparable à celle que l'on voit mise en œuvre en Athènes ou à Sparte par les acteurs mêmes de leurs récits. Leur rationalisme consiste à sélectionner, parmi les apparences, les plus frappantes et les plus convaincantes. On peut supposer qu'ils furent de pieux citoyens, mais en matière de religion ils exigeaient le meilleur choix. Les spectateurs au théâtre sont gens sceptiques, amateurs de signes, mais pas de n'importe quels signes : ils exigent des signes convaincants, une impression de vérité. Nous sommes au temps d'Épicure : Douris et Phylarque, eux aussi, tâchent de sauver les apparences.

9 G. Marasco, « Introduzione alla biografia plutarchea di Demetrio », Sileno 7, 1981, p. 5-70. 10 Jacoby, Antike 2, 1926, p. 1-29. 11 Studien zur Alten Geschichte, III, p. 963-1016. 12 T. W. Africa, Phoenix 14, 1960, p. 222-227 ; G. Marasco, Mélanges Eugenio Manni, 1980, IV, p. 1389-1402.

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Communications : ~ Ioanna Patera, 19 décembre 2002, « Des objets "gisants" : les keimêlia en Grèce ancienne » : En étudiant le champ sémantique du terme keimêlion, I. Patera a proposé une réflexion sur le statut des objets que ce terme désigne, en particulier chez Homère. Les keimêlia font partie du trésor, « gisants, immobiles », gardés dans les palais. Mais cette immobilité qu'accentuent notamment É. Benveniste et J.-P. Vernant n'est qu'apparente. Ces biens précieux peuvent en effet s'accroître et les héros homériques recherchent dans leurs errances leur acquisition. En outre, ces objets de métal précieux et d'étoffe sont des symboles de richesse. Cette notion de richesse a conduit I. Patera à examiner les théories de B. Laum et de L. Gernet concernant les objets "prémonétaires", en y décelant les difficultés de l'application de cette notion aux pratiques sociales ritualisées du monde homérique, et au-delà du monde homérique, les différences de valeurs véhiculées par l'argent monnayé et les objets précieux. En conclusion, les keimêlia sont associés aux notions de valeur, de mémoire et de don, une catégorie d'objets prisés ayant une histoire liée à leur circulation et à leurs possesseurs, dont ils véhiculent la mémoire. - Anne-françoise Jaccottet, 4 décembre 2003, « Dionysos et ses mystères : l'éclairage de l'épigraphie » (cf. son ouvrage Choisir Dionysos. Les associations dionysiaques ou la face cachée du dionysisme, Zurich, Kilchberg, 2003). - Fabienne Jourdan, 26 février 2004, « Du muthos au logos : la méthode exégétique dans le Papyrus de Dervéni » (cf. Le papyrus de Dervéni, traduit et présenté par Fabienne Jourdan, Paris, Les Belles Lettres, 2003). Le congé du Maître de conférences au second semestre a été compensé par les quatre conférences de Natale Spineto, directeur d'études invité, complétant par des exposés sur « les sciences des religions en Italie » la Conférence d'introduction du Maître de conférences au premier semestre. Sabina Crippa, chargée de conférences, n'a pu assurer que quatre conférences, au mois de mai.

Publications du maître de conférences : • Diogène 205, janv. -mars 2004, Éditeur invitée : « Avant-propos », p. 3-10 ; « Paul et les Épicuriens d'Athènes : entre polythéismes, athéismes etmonothéismes », p. 52-68 ; Compte-rendu de Philippe Borgeaud, Aux origines de l'histoire des religions, Paris, janvier 2004, p. 159-165. Le 1 8 décembre 2003, Mme Renée Koch Piettre a soutenu en vue de l'habilitation à diriger les recherches, sous la direction de M. Carlos Lévy, à l'Université de Créteil, un dossier intitulé : « Comment peut-on être dieu ? L'anthropomorphisme divin dans l'épicurisme antique ».

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Autres activités du maître de conférences : Activités régulières • Conférence d'introduction (2003-2004) : « Les sciences des religions aujourd'hui : orientations épistémologiques ». • Organisation des Journées doctorales de rentrée à l'Ecole doctorale "Sciences des religions et systèmes de pensée" : une journée et demie sur « L'Écrit, le livre sacré, le canon », octobre 2002 ; une journée sur « Comment se pose aujourd'hui la question des religions ? Polythéismes, monothéismes, athéismes », novembre 2003. Organisation de la demi-journée de clôture académique, juin 2004. • Séminaire interdoctoral mensuel, "Religions et sociétés de la Méditerranée ancienne". • Groupe de travail "Pratiques des polythéismes" (« Autels et aires sacrificielles : modes de mise en présence et formes d'approche des instances »), avec M. Cartry et J.-L. Durand. • Membre de la Commission de l'École doctorale « Sciences des religions et systèmes de pensée » (2003-2004). • Membre de la Commission scientifique (2004). • Membre de la Commission des archives (2004). Activités ponctuelles • 31 mai 2002, participation à la journée d'études « Identités religieuses » (EPHE-Centre Glotz) : communication sur « Quelques aspects de l'identité épicurienne ». • 30 novembre 2003, membre du jury de thèse EPHE de Claire-Lise Weick (dir. J.-P. Willaime), "Les enfants du presbytère. Filiations et transmissions dans les familles pastorales ». 26 février 2003, membre du jury de thèse EPHE d'Alain Fortier (C. ZivieCoche dir.), « Recherches sur le dieu Montou ». • 13-21 mars 2003, participation à la Session européenne de formation doctorale, Paris, EPHE. Organisation des trois premières journées sur « Histoire des sciences des religions en Europe ». Communication sur « Génération et mutation des chaires dans l'histoire de la Section des sciences religieuses à l'École pratique des hautes Études ». • 3-5 avril 2003, participation au Colloque international "L'idole dans l'imaginaire occidental", UCL, Louvain-la-Neuve. Communication sur « 'II faut faire les statues des dieux joyeuses et souriantes' (Diogène d'Œnoanda, fr. 1 9 Smith) : Diogène d'Œnoanda en réformateur de la religion olympienne dans la Grèce d'époque romaine ». • 16-19 mai 2003, participation à l'atelier du GDR "Les mondes lettrés" (C. Jacob), Tourtour (Var). Communication sur « L'exotérisme lettré de Pépicurisme antique ». • Participation au séminaire de Christian Jacob (CNRS/EHESS), "Les Mondes lettrés" : Communication sur « Le cri et l'écrit dans la secte épicurienne, juin 2003.

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Historiographie et épistémologie en sciences des religions

• 8-10 septembre 2003, participation au IXe Colloque du CIERGA, Fribourg (Suisse). Communication sur « Les Épicuriens entre dévotions privées et cultes publics : le dossier épigraphique ». • 25-26 octobre 2003, participation au colloque "Les objets de la mémoire. Réflexions comparatives à propos des religques", Univ. de Genève. Communication sur « La Chronique de Lindos, ou comment accommoder les restes pour écrire l'histoire ». • 19-20 décembre 2003, participation au Colloque international "Athénée" (BNF). Communication sur « Pourquoi lit-on à table ? ». • 12-17 mai 2004, participation à l'atelier du GDR « Les mondes lettrés » (C. Jacob), Tourtour (Var). Communication sur « Les savoirs de la réflexivité dans la secte épicurienne ». • Participation au séminaire "Bible et psychanalyse" d'Hedwige RouillardBonraisin et Gérard Burzstein (EPHE). Communication sur « La sagesse grecque au miroir d'Œdipe à Colone », juin 2004. • 19-22 juillet 2004, participation au Colloque international "Theoi epiphaneis ; Confronting the Divine in the Graeco-Roman World", Univ. d'Exeter. Communication sur « Anthropomorphism, theater, epiphany from classical to hellenistic Greece ». • Participation aux travaux de l'association "Antigone à Grambois" (psychanalystes). Communication sur « Les Grecs : faut-il avoir peur des Enfers?», juillet 2004.

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