Complications infectieuses de la sarcoïdose

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Risques infectieux au cours des maladies syste´ miques

Dossier thématique

Mise au point

Presse Med. 2009; 38: 317–323 ß 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Complications infectieuses de la sarcoïdose Robin Dhote1, Sébastien Abad1, Dominique Valeyre2

1. Service de médecine interne, Hôpital Avicenne, UPRES EA 3409, Université Paris XIII, F-93000 Bobigny, France 2. Service de pneumologie, Hôpital Avicenne, F-93000 Bobigny, France

Correspondance : Robin Dhote, Service de médecine interne, Hôpital Avicenne, 125, rue de Stalingrad, F-93000 Bobigny, France. [email protected]

Key points The infectious complications of sarcoidosis In large cohort studies, infectious complications are rarely observed in the course of sarcoidosis. Only small series or cases reports of infection are described in sarcoidosis. Most of cases are represented by opportunistic infection: cryptococcosis, pneumocystis, nocardiosis, histoplasmosis. Corticosteroids-induced immune suppression, and T-CD4 lymphopenia, are often present in these cases of infection, but are not the only factors.

L

a sarcoïdose est une maladie systémique de cause indéterminée, caractérisée par la présence de granulomes épithélioïdes et gigantocellulaires sans nécrose caséeuse. L’incidence de la sarcoïdose est assez variable pour des raisons environnementales et génétiques, les taux les plus élevés sont observés dans les pays d’Europe du Nord, estimés à 16,5 cas pour 100,000 habitants par an chez l’homme et 19 pour 100 000 par habitants chez la femme [1]. La tranche d’âge la plus fréquente se situe entre 20 et 39 ans. Assez peu de données concernent le risque infectieux au cours de cette maladie. La situation est paradoxale, on

tome 38 > n82 > février 2009 doi: 10.1016/j.lpm.2008.11.008

Points essentiels D’après les études de cohorte, les complications infectieuses sont rarement observées au cours de la sarcoïdose, et n’apparaissent pas comme cause de décès. Les quelques observations concernent principalement des infections opportunistes, cryptococcose, pneumocystose, nocardioses, histoplasmose, mycobactéries. Dans la moitié des cas, un traitement corticoïde a contribué à l’apparition de ces infections, mais ce facteur n’est pas constant. La lymphopénie T-CD4, fréquente dans la sarcoïdose, n’est pas un facteur déterminant même dans les quelques rares cas de leucoencéphalite multifocale progressive.

considère en général que globalement le risque infectieux est plutôt faible au cours de la sarcoïdose, principalement secondaire aux traitements, ou représenté par les complications de la fibrose pulmonaire. Cependant de nombreuses observations isolées concernent des infections opportunistes graves. Nous proposons d’évaluer la fréquence des infections au cours de la sarcoïdose, de déterminer le profil des malades à risque infectieux (rôle de la maladie, rôle des traitements), de déterminer la part des infections opportunistes et des infections à pyogènes, de mesurer la gravité et le facteur infectieux dans les causes de décès.

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Disponible sur internet le : 20 décembre 2008

R Dhote, S Abad, D Valeyre

Une analyse bibliographique a été menée à partir du moteur de recherche Pubmed. Le terme « sarcoidosis » a été croisé avec les termes « infection », « infectious disease », « opportunistic infection », « cryptococcosis », « pneumocystis », « aspergillosis », « nocardiosis », « tuberculosis », « atypical mycobacteria », « viral infection », « progressive multifocal leucoencephalopathy », « histoplasmosis », « herpes simplex virus », « varicella-zoster virus », « cytomegalovirus ». Les références citées dans les articles ont également été cherchées. Concernant les observations isolées, seuls les cas détaillés ont été analysés, le diagnostic de sarcoïdose devant répondre aux critères internationaux [2]. Nous avons exclu de cette revue les maladies proches de la sarcoïdose, les granulomatoses associées aux déficits immunitaires.

Données physiopathogéniques La physiopathologie de la sarcoïdose repose principalement sur le lymphocyte T-CD4 dont l’interaction avec la cellule présentatrice d’antigène est à l’origine de la formation du granulome et de son renouvellement [3]. L’analyse du répertoire lymphocytaire T ab observé au cours de la sarcoïdose suggère que l’agent immunogène déclenchant favorise l’accumulation progressive et l’activation de clones T spécifiques [4]. Ces lymphocytes T-CD4 activés ont une différentiation pro-T helper 1 (TH1) en sécrétant essentiellement de l’interleukine-2 (IL-2) et de l’interféron g (IFN g). Ainsi, ils stimulent la production par les macrophages de facteurs de croissance hématopoïétique, granulocyte-monocyte colony stimulating factor (GM-CSF), de monocyte chemotactic protein-1 (MCP-1), de macrophage inflammatory protein-1 (MIP-1), d’interleukine-12, interleukine-15, interleukine-18 et surtout

Glossaire ADN ARN AZA CT GM-CSF IFN g IL-2 LEMP

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MCP-1 MIP-1 MTX ND PCR TH1 TNF-a VIH

Acide désoxyribonucléique Acide ribonucléique Azathioprine Corticoïdes Granulocyte-monocyte colony stimulating factor Interféron g Interleukine-2 Leuco-encéphalopathie multifocale progressive Monocyte chemotactic protein-1 Macrophage inflammatory protein-1 Méthotrexate Donnée non disponible Polymerase chain reaction T helper 1 Tumor necrosis factor-a Virus de l’immunodéficience humaine

de tumor necrosis factor-a (TNF-a) contribuant à amplifier la réponse inflammatoire locale [4]. La présence et la fonction des cellules T natural killer au sein du granulome sarcoïdien restent à caractériser. La sarcoïdose est un modèle de paradoxe immunologique. En effet, alors que la réponse inflammatoire locale T est amplifiée, existe également un phénomène d’anergie comme en témoigne la suppression de la réponse à la tuberculine. L’expansion en périphérie de lymphocytes T régulateurs caractérisés par l’hyperexpression du CD25 contribuerait à cette anergie en abolissant la production d’IL-2 et donc en inhibant la prolifération des lymphocytes T-CD4 [5]. La lymphopénie périphérique, T-CD4 prédominante, est expliquée par une séquestration des lymphocytes dans les granulomes. Ainsi, on estime que 40 % des sujets sont lymphopéniques, avec une aggravation au moment des poussées [6]. Le taux moyen de T-CD4 est de 0,3 giga/L dans une étude portant sur 64 sujets [7]. Dans cette étude, le rapport CD4/CD8 reste supérieur à 1. La lymphopénie participe probablement au risque infectieux. Dans la grande majorité des cas, les granulomes régressent sans laisser de séquelles fonctionnelles. Cependant, la fibrose pulmonaire peut survenir chez 10 % des sarcoïdoses. Les mécanismes physiopathologiques de la fibrose demeurent hypothétiques. On sait que le stade de fibrose pulmonaire, en raison des destructions parenchymateuses et des lésions kystiques secondaires, constitue également un risque infectieux.

Incidence des complications infectieuses au cours de la sarcoïdose Très peu de données concernent le risque infectieux au cours de la sarcoïdose (tableau I). On considère le risque faible sur la base des rares études de cohorte. Une seule étude est disponible, portant sur 122 cas de sarcoïdose suivis en moyenne 7,2 ans [8]. Les complications infectieuses ont été rares, 3 cas d’aspergillose, un cas de tuberculose et un cas de zona. Sur une population de 197 patients suivis en moyenne 11 ans, aucune infection n’a été signalée, mais l’analyse était rétrospective [13]. Dans les grandes études de cohorte comparant les populations nord-américaines, japonaises et françaises, portant sur respectivement 461, 282 et 329 cas de sarcoïdose, les complications infectieuses n’ont pas été signalées, et la mortalité a été située autour de 5-6 % sans facteur infectieux [12]. Concernant spécifiquement le risque d’infection opportuniste au cours de la sarcoïdose, nous avons trouvé une seule étude. L’analyse a porté sur 753 cas de sarcoïdose suivis 18 mois. On a dénombré 7 cas d’infections fongiques, 2 histoplasmoses, 3 cryptococcoses et deux blastomycoses [9]. Tous les patients avaient reçu un traitement immunosuppresseur, corticothérapie dans tous les cas pendant au moins un an, dans 4 cas associés au méthotrexate. Dans cette étude, il n’y a pas eu de données sur le stade de la sarcoïdose ni sur le taux de lymphocytes T-CD4. tome 38 > n82 > février 2009

Complications infectieuses de la sarcoïdose

Tableau I Incidence des complications infectieuses au cours de la sarcoïdose Références Winterbauer et al. [8]

Nombre de sarcoïdoses 122

Durée du suivi 11 ans

Nombre d’infections 5

Agent infectieux

Commentaires

Aspergillose (3 cas)

Mise au point

Risques infectieux au cours des maladies syste´ miques

Tuberculose (1 cas) Zona (1 cas) Baughman et al. [9]

753

18 mois

7

Cryptococcose (3 cas)

Étude portant spécifiquement sur le risque d’infection opportuniste

Histoplasmose (2 cas) Blastomycose (2 cas) Nagai et al. [10]

337

7 ans

6

Mycobactérie Aspergillose

Wollschlage et al. [11]

Siltbach et al. [12]

Rubinstein et al. [13]

100

10 ans

10

Aspergillose (10 cas)

Étude portant sur le risque aspergillaire dans une population de sarcoïdoses à un stade avancé

1 072

ND

0

S

Étude comparant des cohortes nord-américaines, japonaises et françaises

197

11 ans

0

S

Étude rétrospective

ND : Donnée non disponible.

tome 38 > n82 > février 2009

sarcoïdoses développent une fibrose pulmonaire sévère responsable d’une insuffisance respiratoire. À ce stade il existe un risque infectieux de la fibrose mais qui apparaît probablement indépendamment de la maladie causale. Dans une étude japonaise portant sur 337 sarcoïdoses suivies en moyenne 7 ans, 6 patients sont décédés d’infection des voies aériennes (mycobactéries atypiques ou aspergillose), mais dans tous les cas, il s’agit d’une complication de la fibrose pulmonaire évoluée [10]. Dans l’ensemble des études publiées sur la sarcoïdose, le risque d’infection à pyogène n’apparaît pas, mais aucune étude comparative n’existe. Il est possible que la fréquence de ces infections soit sous-estimée en absence de déclaration des cas.

Observations isolées En dehors de ces études, de nombreuses observations isolées concernent les complications infectieuses au cours de la sarcoïdose. Une revue récente a colligé l’ensemble des cas publiés d’infections opportunistes [19]. Les auteurs ont recensé 80 cas documentés d’infections opportunistes au cours de la sarcoïdose, leurs 5 observations comprises (tableau II). Comparée à l’incidence de la maladie, cette complication reste rare.

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Dans les études autopsiques de sarcoïdose, les causes de décès ont été l’insuffisance respiratoire, l’atteinte cardiaque et plus rarement l’atteinte neurologique. Les complications infectieuses n’apparaissaient pas dans ces études. Dans une série autopsique, 38 décès ont été analysés, aucune cause infectieuse n’a été trouvée (50 % des décès sont de cause cardiaque, 43 % de cause pulmonaire) [14]. Sur une cohorte de 505 malades, 17 décès ont été analysés, 11 cas ont été liés aux complications cardiovasculaires, 4 cas ont été liés à l’insuffisance respiratoire et deux cas à un cancer [15]. Les mêmes données ont été observées dans une analyse de 320 patients atteints de sarcoïdose, aucun cas de décès de cause infectieuse n’a été signalé [16]. Dans les essais thérapeutiques, il y a eu très peu de complications spécifiques des traitements en particulier de la corticothérapie. Dans un essai thérapeutique comparant corticoïdes inhalés et placebo, les auteurs ont rapporté 7 cas d’infection pulmonaire sur 22, mais cette forme d’administration n’est pas courante [17]. Une métaanalyse récente, faite à partir de 150 essais thérapeutiques publiés, n’a pas mentionné de complication infectieuse de la corticothérapie [18]. Sur ces données, il n’a pas semblé exister de surrisque infectieux des traitements corticoïdes et immunosuppresseurs dans le cas particulier de la sarcoïdose. Une situation particulière doit être individualisée, la sarcoïdose au stade de fibrose pulmonaire. On sait que 5 à 10 % des

R Dhote, S Abad, D Valeyre

Tableau II Observations isolées, documentées, d’infections opportunistes survenant au cours de la sarcoïdose, données colligées par Girard et al. [19] Infection opportuniste

Nombre de cas publiés

Nombre de sujets recevant une corticothérapie au moment de l’infection opportuniste

Cryptococcose

35

12

Nocardiose

8

5

Mycobactérie atypique

8

6

Pneumocystose

7

3

Aspergillose

6

4

Histoplasmose

5

1

Coccidioïdomycose

2

1

Sporotrichose

2

2

Blastomycose

1

0

Candidose

1

1

Tuberculose

1

1

Candidose

1

1

Leishmaniose

1

1

Anguillulose

1

1

Infection herpétique systémique

1

1

Total

80

40 (50 %)

320

Les infections les plus fréquentes étaient par ordre de fréquence décroissant :  la cryptococcose ;  la nocardiose ;  les mycobacte ´ rioses atypiques ;  la pneumocystose ;  l’aspergillose ;  l’histoplasmose. Les autres infections sont restées très anecdotiques (1 ou 2 cas publiés). Les infections ont été pulmonaires dans 30 % des cas et extrapulmonaires ou disséminées dans les autres cas. Dans 50 % des cas un traitement corticoïde avait précédé l’infection opportuniste, associé à un immunosuppresseur dans 2 cas. D’après ces observations isolées, le manque de données ne permet pas d’évaluer la fréquence de la lymphopénie T-CD4. Depuis l’étude de Girard et al., 8 autres observations de cryptococcose neuroméningée ont été publiées [20–23]. Dans ces observations plus récentes, la majorité des cas a été traitée par corticothérapie au moment de la complication infectieuse, une lymphopénie T-CD4 n’a été à signaler que chez un seul malade. L’évolution a été favorable dans tous les cas.

Concernant les autres infections opportunistes, il n’y a pas eu à notre connaissance d’autres données récentes concernant les infections opportunistes et la sarcoïdose, en dehors d’observations isolées.

Leuco-encéphalopathie multifocale progressive La sarcoïdose fait partie des affections compliquées de leucoencéphalopathie multifocale progressive (LEMP) en dehors du virus de l’immunodéficience humaine (VIH) (tableau III). Sur 58 cas de LEMP chez des sujets négatifs pour le VIH, 9 % des cas sont surviennent survenus au cours d’une sarcoïdose [24]. Dans la majorité des cas, le traitement immunosuppresseur est a été un facteur prédisposant [25–31]. Dans quelques observations la sarcoïdose a été contemporaine de l’infection virale, et est apparue sur un déficit en lymphocytes T-CD4, avec un rapport CD4/CD8 inversé [26,29].

Aspergillose La sarcoïdose est la deuxième maladie respiratoire après la tuberculose compliquée d’aspergillose. Il s’agit d’une complication des lésions fibro-emphysémateuses toujours au stade de lésions avancées. La fréquence est assez variable selon les études. Cette complication a été estimée à moins de 2 % des malades sur une cohorte de 700 sujets [32]. Dans une étude prospective portant sur 100 sarcoïdoses suivies 10 ans, 12 sujets ont développé des précipitines aspergillaires, et 10 aspergillomes, dont 2 sont décédés d’hémoptysie [11]. Dans les 10 cas, les lésions aspergillaires sont apparues au cours de sarcoïdose de stade IV, forme surreprésentée dans cette étude. Cette étude a certainement surestimé la fréquence de cette complication, non retrouvée dans les grandes cohortes. La fibrose pulmonaire, responsable de distorsions bronchiques et d’une destruction parenchymateuse est responsable de lésions cavitaires colonisées par aspergillus. Il s’agit principalement d’aspergillomes, apparaissant après plusieurs années d’évolution de la maladie (3 à 18 ans). La corticothérapie ne semble par aggraver le risque de greffe aspergillaire, présente dans seulement 20 % des cas, à un stade de la maladie ou les immunosuppresseurs n’ont souvent plus d’indication [33]. L’aspergillose chronique nécrosante est exceptionnelle dans la sarcoïdose. L’aspergillose pulmonaire au cours de la sarcoïdose a un très mauvais pronostic, avec un risque de décès dans un tiers des cas (principalement d’hémoptysie).

Tuberculose On trouve quelques observations de tuberculose compliquant une sarcoïdose [34,35]. Dans une étude portant sur 8 cas d’association sarcoïdose et tuberculose, deux malades ont eu une tuberculose apparue au cours d’une sarcoïdose traitée par tome 38 > n82 > février 2009

Complications infectieuses de la sarcoïdose

Tableau III Observations de leuco-encéphalopathie multifocale progressives (LEMP) au cours de sarcoïdoses. Seules les observations détaillées sont rapportées Références

Observation

Durée d’évolution de la sarcoïdose

Traitements antérieurs

Lymphocytes

Évolution

Volker et al. [25]

Homme 49 ans

11 mois

CT

ND

Décès

De Raedt et al. [26]

Homme 43 ans

Sarcoïdose et infection contemporaines

Aucun

T-CD4 0,121 giga/L

Favorable

Owczarczyk et al. [27]

Homme 58 ans

12 mois

CT AZA

T-CD4 0,464 giga/L

Favorable

Olindo et al. [28]

Femme 47 ans

14 ans

CT

T-CD4 0,426 giga/L

Décès

Mackowiak-Cordoliani et al. [29]

Femme 70 ans

12 mois

CT MTX

T-CD4 < 0,300 giga/L

Décès

Rosenbloom et al. [30]

Femme 59 ans

LEMP découverte à l’autopsie

CT

Lymphocytes totaux 0,820 giga/L

Décès

Marriot PJ et al. [31]

Femme 52 ans

6 ans

CT

ND

Favorable

Mise au point

Risques infectieux au cours des maladies syste´ miques

AZA Azathioprine, CT : Corticoïdes, LEMP : Leuco-encéphalopathie multifocale progressive, MTX méthotrexate, ND donnée non disponible.

Infections virales De très rares observations d’infections à parvovirus B 19 au cours de la sarcoïdose ont été décrites, probablement fortuites [37]. L’évolution a été défavorable chez un malade, probablement secondairement à la réponse immune postvirale anormale sur ce terrain, marquée par une surexpression d’IFN-g responsable de la persistance des cytopénies, malgré l’élimination du parvovirus [38].

Origine infectieuse de la sarcoïdose L’origine infectieuse de la sarcoïdose demeure encore très controversée. L’hypothèse principale reste celle d’un agent microbien à l’origine du déclenchement de la maladie. Pour étayer cette hypothèse, on dispose d’études épidémiologiques et d’études interventionnelles, portant sur l’effet des antibiotiques. Des études épidémiologiques ont décrit l’association entre sarcoïdose et certaines professions à risque de contact avec les agents bactériens en particulier fongiques, mais la puissance de l’association était faible et les agents infectieux n’ont pas été isolés [39]. Plusieurs études d’intervention ont montré un intérêt relatif des antibiotiques sur l’évolution de la sarcoïdose, mais les résultats étaient très critiquables, car ils portaient sur des petites séries [40] ou comportaient des biais [41], et finalement aucun essai n’a démontré véritablement l’efficacité des antibiotiques. tome 38 > n82 > février 2009

Plusieurs travaux ont trouvé de l’acide désoxyribonucléique (ADN) de mycobactéries, de Propionibacterium acnes, de Chlamydiae dans les ganglions ou sur des liquides de lavage alvéolaire [42]. Les données sont restées très contradictoires, et n’ont pas apportées d’argument suffisant [43]. Finalement, l’étude cas témoin nord-américaine récente comparant 704 nouveaux cas de sarcoïdose à une population témoin appariée, n’a montré aucune différence entre les deux groupes, l’analyse reposant sur des les cultures, les techniques moléculaires [recherche d’acide ribonucléique (ARN) 16s en Polymerase chain reaction (PCR)]. Cette étude écarte l’hypothèse infectieuse prédominante de la sarcoïdose [44].

Conclusion Le risque infectieux n’apparaît globalement pas important dans les cohortes de malades atteints de sarcoïdose. Hors, il existe de nombreuses observations d’infections majoritairement opportunistes. Au cours de ces infections opportunistes, il est difficile de mesurer précisément la part des traitements immunosuppresseurs et la part de la maladie dans le déterminisme de ces infections, mais les données plaident plutôt en faveur du rôle des traitements. Cette donnée est particulièrement claire au cours de certaines infections opportunistes comme la LEMP. Le rôle de la lymphopénie T-CD4 dans ces infections opportunistes n’est pas constant. Dans de nombreuses observations aucun facteur favorisant n’est retrouvé (traitement immunosuppresseur, lymphopénie T-CD4). Les infections ne semblent pas aggraver le pronostic de la maladie, les causes infectieuses n’apparaissant pas dans les causes de décès dans les études de cohorte.

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corticoïdes [36]. Après analyse de ces quelques observations, le risque de tuberculose au cours d’une sarcoïdose reste exceptionnel et survient toujours chez des malades recevant une corticothérapie. Dans ces rares observations, la sarcoïdose qui était stable s’aggrave après la surinfection tuberculeuse.

R Dhote, S Abad, D Valeyre

Les données sont plus précises concernant le risque d’aspergillose, mais cette complication n’est pas spécifique à la maladie, et constitue une complication de la fibrose pulmonaire évoluée. Nous pouvons cependant recommander une surveillance des T-CD4, mais aucune étude n’a évalué l’intérêt d’un traitement préventif des infections opportunistes au cours de la sarcoïdose,

alors qu’il existe des données concernant les maladies systémiques [45]. En cas d’infections répétées, il faut savoir remettre en cause le diagnostic de sarcoïdose, et évoquer un déficit commun variable dans une forme associée à une granulomatose [46]. Conflits d’intérêts : aucun

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Complications infectieuses de la sarcoïdose

tome 38 > n82 > février 2009

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Mise au point

Risques infectieux au cours des maladies syste´ miques

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