Book Review. La conquista de la salud. Mortalidad y modernización en la España contemporánea. by Vicente Pérez Moreda, David-Sven Reher, Alberto Sanz Gimeno. Marcial Pons Historia, Madrid, 2015., 474 p. ISBN: 978-84-15963-57-8

COMPTES RENDUS Belin | « Annales de démographie historique » 2016/2 n° 132 | pages 247 à 282

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Pour citer cet article : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------« Comptes rendus », Annales de démographie historique 2016/2 (n° 132), p. 247-282. DOI 10.3917/adh.132.0247 --------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

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ISSN 0066-2062 ISBN 9782701198781

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nationale, ou plus rarement régionale. Ainsi que le proposent Frans van Poppel et Fanny Janssen, l’analyse gagnerait beaucoup, de ce point de vue, à travailler directement sur des données individuelles. De la même manière, la question des effets à long terme des deux guerres mondiales, posée dans l’introduction par les directeurs de la publication, reste largement sans réponse. Les sources ne permettent que d’examiner la trajectoire de chaque écart hommesfemmes national en fonction du statut du pays, belligérant ou neutre, dans chacun des conflits. Dans ces conditions, le résultat négatif n’est guère étonnant. Être capable, au sein de cohortes constituées dans les classes d’âge mobilisées pendant les guerres, de mettre en rapport l’expérience militaire (exposition au combat, blessures, maladies) et la longévité subséquente, ouvrirait la voie à une épidémiologie historique des deux conflits mondiaux. Nicolas TODD Vicente PÉREZ MOREDA, David-Sven REhER, Alberto SANZ GIMENO, La conquista de la salud. Mortalidad y modernización en la España contemporánea, Madrid, Marcial Pons historia, 2015, 474 p. Comment l’Espagne, l’un des pays avec les plus forts taux de mortalité d’Europe en 1860, est-t-elle parvenue à se hisser parmi les pays présentant la plus forte espérance de vie au début du xxIe  siècle ? C’est à cette question, qui n’est simple qu’en apparence, que l’ouvrage La conquête de la santé. Mortalité et modernisation dans l’Espagne contemporaine s’attèle à répondre, en quelques 474  pages et à grand renfort de graphiques et tableaux statistiques. Présenté comme un travail de synthèse à destination d’un public large (du moins composé de non-spécialistes), l’ouvrage s’appuie sur les données statistiques produites par les travaux récents des historiens démographes espagnols, tout en s’efforçant de les compiler afin d’offrir une vision globale du déclin de la mortalité espagnole.

Dans cette perspective, les auteurs affichent d’emblée une préférence pour le traitement descriptif, considérant qu’une « bonne description est le plus souvent une bonne partie de l’explication » (p.  16). Dans leur avant-propos, puis dans un solide chapitre introductif, ils prennent le temps de défendre leurs positions historiographiques et méthodologiques : parti-pris pour la description, priorité absolue accordée au cadre national sur la présentation de cas d’étude locaux, et surtout le pari de la perspective quantitative plutôt que qualitative. S’en suit alors une démonstration de la « trajectoire de la mortalité » (p.  36) très solide, qui s’appuie sur une méthode très rigoureuse et très clairement explicitée. Outre les nombreuses illustrations (graphiques, tableaux) dans le texte, l’ouvrage propose des annexes très utiles, qu’il s’agisse de tableaux présentant des données statistiques synthétiques, ou bien d’éléments explicatifs pour un lecteur non-spécialiste, à l’image du glossaire en annexe du chapitre 1. À cela s’ajoutent des index thématiques et onomastiques, ainsi qu’une bibliographie très complète en fin d’ouvrage, qui font d’ores et déjà de ce travail un manuel indispensable pour quiconque s’intéresserait à l’histoire de la population espagnole. Les chapitres 2, 3, 4, 5 suivent des structures assez similaires : après une introduction, ils présentent de manière détaillée leurs sources, données et méthodes, puis réalisent leur analyse avant de proposer leurs conclusions. Suivant ce cadre, le chapitre 2 décrit le processus de réduction de la mortalité, entre 1860 et 1980, en Espagne, mettant en avant l’intensité du changement en esquissant une périodisation. Le chapitre  3 s’attache à détailler davantage ce premier aperçu en étudiant les causes de décès et leurs évolutions. Le chapitre 4 se centre sur la mortalité infantile considérée comme un élément clé de l’évolution et de la « modernisation ». Le chapitre 5 s’intéresse ensuite au « coût de la vie urbaine » en matière de santé et met en avant la réduction de l’écart entre ville et

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campagne, tout en faisant valoir, par contraste, l’importance du processus de modernisation économique et sociale en ville. Le chapitre  6 permet de compléter cette perspective en se focalisant sur la mortalité dans les capitales de provinces. Le chapitre 7 est sans doute l’un des chapitres clés de l’ouvrage puisqu’il présente les facteurs déterminants qui, selon les auteurs, permettent de comprendre ce déclin de la mortalité. Après avoir traité la question de l’évolution économique de l’Espagne, le chapitre donne une vision générale de l’évolution des infrastructures et du développement de l’ingénierie sanitaire plutôt bien documentée, puis s’intéresse à l’amélioration de l’alimentation, de l’hygiène, de la médecine, ou encore de l’éducation. Tout ceci permet aux auteurs de conclure que la « spectaculaire » transformation démographique s’explique en réalité par une combinaison de ces facteurs et d’insister sur le « cercle vertueux de la croissance » (p. 367). Dans une suite logique, le huitième et dernier chapitre présente les réflexions finales, dans lesquelles les auteurs, selon leurs propres termes, tentent de calibrer l’existence, l’importance et l’efficacité des différents facteurs évoqués plus haut ainsi que d’établir une chronologie de leurs effets sur la mortalité (p. 369). Dans ces conclusions, les auteurs font aussi la part belle aux facteurs moins traités dans l’ouvrage et présentent les défis auxquels devront faire face les sociétés modernisées à l’avenir. Ce dernier chapitre, qui a le grand mérite de la clarté, rappelle explicitement, si cela n’avait pas été suffisamment limpide dans le reste de l’ouvrage, le choix épistémologique des auteurs et leur adhésion totale à l’idée que l’amélioration de la santé des populations s’explique par la modernisation de la société. Il faut dire que la porosité entre les discours de certains acteurs de l’époque et celui produit par ces chercheurs n’est pas dissimulée, et est même tout à fait assumée dès l’introduction. À l’image du titre, qui aurait mérité un commentaire étendu, les

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auteurs reprennent à leur compte les termes employés alors, sans chercher à analyser leur construction ni à les resituer dans leur contexte de production particulier. C’est d’autant plus regrettable qu’en Espagne l’histoire sociale de la santé et de la médecine n’a pas été en reste sur cet aspect ces dernières années (voir notamment Josep Bernabeu Mestre, Jorge Molero Mesa, Esteban Rodríguez Ocaña ou encore Rafael huertas). Ces travaux sont bien cités en notes de bas de page et dans la bibliographie finale, mais ils ne sont malheureusement exploités que pour les aspects factuels. Pourtant, une référence plus longue à ces travaux aurait permis de relever l’importance des choix effectués et d’apporter une réflexion critique vis-à-vis du concept de modernisation qui, déjà à l’époque, n’emportait pas la faveur de tous. Sans remettre en question l’idée de « cercle vertueux de la croissance » à laquelle les auteurs adhèrent, la prise en compte de ces travaux aurait aussi permis d’étoffer davantage les conclusions du travail en approfondissant le rôle des agents du changement (chapitre  7). Cela aurait par exemple permis de prendre du recul concernant l’influence des facteurs climatiques ou encore d’analyser différemment la place des femmes, uniquement perçues ici comme facteurs de changement et dont le rôle est réduit au minimum. Mais c’était peut-être, pour les auteurs, s’aventurer sur des chemins qui les éloignaient de leur but premier : décrire, quantifier et expliquer le « formidable » déclin de la mortalité en Espagne. En ce sens, l’ouvrage tel qu’il est écrit est sans contexte un travail très sérieux qui remplit pleinement le contrat proposé en introduction. On regrettera simplement cette absence d’exploitation des résultats produits par l’historiographie récente, qui pourtant n’aurait pas été contradictoire avec l’ambition d’un travail de synthèse. Celia MIRALLES BuIL

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