Appendagite épiploïque primitive : à propos d’un cas

August 15, 2017 | Autor: Didier Mennecier | Categoría: Humans, Male, Clinical Sciences, Colitis, Adult
Share Embed


Descripción

Gastroentérologie Clinique et Biologique (2008) 32, 1092—1094 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com

CAS CLINIQUE

Appendagite épiploïque primitive : à propos d’un cas Epiploic appendagitis: Report of a case S. Bonnefoy ∗, D. Corberand, L. Sinayoko, F. Harnois, D. Mennecier, C. Thiolet Service d’hépatogastroentérologie, hôpital d’instruction des armées Bégin, 69, avenue de Paris, 94160 Saint-Mandé, France Disponible sur Internet le 15 aoˆ ut 2008

Résumé Les appendagites épiploïques primitives sont des causes rares d’abdomen aigu. Elles sont souvent prises pour une appendicite aiguë ou une sigmoïdite diverticulaire et le diagnostic est posé au cours d’une intervention chirurgicale. Nous rapportons un cas où la tomodensitométrie a permis de poser le diagnostic et de sursoir ainsi à une chirurgie inutile. © 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Summary Primary epiploic appendagitis are considered to be a rare cause of acute abdomen. They are frequently misdiagnosed as either acute appendicitis or acute diverticulitis and the diagnosis is usually made during surgery. We report a case in which computed tomography (CT) suggested the diagnosis and helped in avoiding unnecessary surgery. © 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Introduction

Observation

L’appendagite épiploïque primitive regroupe les torsions et les inflammations primitives des appendices épiploïques. Ces événements pathologiques considérés comme rares, ont longtemps été exceptionnellement diagnostiquées en période préopératoire. Les progrès de l’imagerie médicale permettent, désormais, d’éviter des interventions chirurgicales inutiles. C’est ce qu’illustre l’observation présentée ici.

M. M., 38 ans, aux antécédents d’œdème de Quincke à l’aspirine et d’appendicectomie se présentait aux urgences de l’hôpital, le 24 novembre 2006, pour des douleurs de la fosse iliaque gauche évoluant depuis six jours et d’aggravation progressive. Il ne souffrait ni de troubles du transit, ni de signes fonctionnels urinaires associés et était apyrétique. La palpation abdominale mettait en évidence une douleur exquise très localisée, superficielle, siégeant en fosse iliaque gauche. On notait, par ailleurs, un surpoids avec un IMC à 29. Biologiquement, la CRP était à 4 mg/l (N < 1), les leucocytes à 11 000 par millimètre cube dont 5764 polynucléaires neutrophiles. L’examen cytobactériologique des urines était négatif.



Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (S. Bonnefoy).

0399-8320/$ – see front matter © 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.gcb.2008.05.016

Appendagite épiploïque primitive : à propos d’un cas

1093

Figure 1 et 2 Coupes tomodensitométriques : torsion d’appendice épiploïque. CT scan: epiploic appendix torsion.

La radiographie de l’abdomen sans préparation ne mettait en évidence ni niveau hydroaérique, ni calcification en projection des voies urinaires. La tomodensitométrie révélait une lithiase vésiculaire non compliquée mais surtout une infiltration de la graisse à la jonction colosigmoïdienne, avec image graisseuse en navette entourée d’un anneau hyperdense, évocatrice d’une torsion d’appendice épiploïque (Fig. 1 et 2). Un traitement médical était débuté par anti-inflammatoires non stéroïdiens : diclofénac 50 mg trois fois par jour. À j1, la palpation abdominale objectivait la disparition des douleurs en fosse iliaque gauche. La biologie montrait une ascension secondaire de la CRP à 21,5 mg/l, des leucocytes à 8 280 par millimètre cube dont 6351 polynucléaires neutrophiles. La bonne évolution clinique permettait la sortie à j2, sous diclofénac 50 mg trois fois par jour. La biologie effectuée, en ville, à j5 notait une diminution du syndrome inflammatoire : CRP à 9 mg/l (N < 5), leucocytes à 7200 par millimètre cube dont 4176 polynucléaires neutrophiles. Le patient était revu en consultation à j17. Son examen clinique et sa biologie étaient normaux. Le diclofénac avait été arrêté à j8.

Discussion Les appendices épiploïques (ou franges épiploïques) sont des formations graisseuses sous-péritonéales, formées par une duplication du péritoine viscéral recouvrant le côlon [1]. Ils se répartissent en deux lignes le long des bandelettes coliques. Ces formations graisseuses contiennent des vaisseaux issus de la vascularisation colique. Ils sont plus nombreux sur le sigmoïde et le cæcum, absents sur le rectum. Leur taille varie entre 0,5 et 5 cm de long [1,2]. Leur vascularisation précaire et leur morphologie pédiculée les prédisposent à des phénomènes de torsion, d’ischémie et d’inflammation, phénomènes regroupés sous le nom d’appendagite. De nombreux auteurs ne font pas la distinction entre torsion et inflammation, considérant les appendagites épiploïques inflammatoires primitives comme des torsions d’appendices spontanément détordues [1].

L’appendagite épiploïque primitive est une pathologie rare [1,3], mais son incidence est probablement sousestimée. Dans une série radiologique, elle représentait respectivement 2,3 et 1 % chez des patients explorés par tomodensitométrie pour suspicion clinique de diverticulite et d’appendicite iléocæcale. Dans la littérature, l’âge moyen de survenue est de 40 ans avec un sex-ratio proche de 1, mais certains auteurs retrouvent une légère prépondérance masculine [1,4,5]. L’appendagite épiploïque primitive survient préférentiellement chez les sujets en surpoids, car les appendices épiploïques sont chez eux plus nombreux et plus volumineux [1,2]. Ces caractéristiques épidémiologiques sont retrouvées chez notre patient. La douleur abdominale est constante, de siège variable selon la localisation de l’appendice pathologique, mais toujours très localisée. Elle se situe plus fréquemment dans les cadrans inférieurs (fosses iliaques droite et gauche) où les appendices sont les plus volumineux [1]. Le diagnostic est peu souvent évoqué en première intention devant ce tableau d’abdomen aigu évoluant depuis, en moyenne, trois jours [6]. Lorsque le patient se présente avec des douleurs en fosse iliaque droite, elles en imposent pour une appendicite ou une iléite [3,7,8]. Lorsque les douleurs siègent en fosse iliaque gauche comme c’était le cas chez notre patient, le diagnostic différentiel se fait avec une diverticulite sigmoïdienne essentiellement [3,7,8]. Les autres signes d’accompagnement comme les troubles du transit, les nausées, les vomissements ou la fièvre sont rares [1,8]. La notion d’un exercice physique intense dans les jours précédant le début des symptômes est parfois retrouvée [6,7]. Cliniquement, dans 10 à 30 % des cas, une masse abdominale sous-pariétale est palpable [1]. Sa palpation déclenche une douleur exquise. Biologiquement, il peut exister ou non un léger syndrome inflammatoire [1]. Sur le plan radiologique, l’abdomen sans préparation n’est jamais contributif [1]. Le lavement aux hydrosolubles est peu réalisé en pratique et aurait un intérêt théorique dans l’élimination du diagnostic de diverticulite [1]. Seules l’échographie et la tomodensitométrie permettent de poser le diagnostic de fac ¸on fiable [9,10]. Les appendices épiploïques peuvent être spontanément visibles en échographie ou en

1094 tomodensitométrie lorsqu’ils sont soulignés par un épanchement intra-abdominal abondant [1,2,6]. Au cours d’une appendagite épiploïque primitive, l’échographie trouve une masse hyperéchogène ovoïde correspondant au nodule graisseux, non dépressible, dans la zone cliniquement douloureuse, entourée d’un halo périphérique hypoéchogène [1,6,7]. Cependant, l’échographie peut être négative ou méconnaître une appendagite épiploïque secondaire à un foyer infectieux profond tel qu’une diverticulite, une appendicite ou une cholécystite [1,2,6]. La tomodensitométrie est l’examen de choix sans ou avec injection de produit de contraste, l’injection permettant un rehaussement des éléments réactionnels inflammatoires autour de l’appendice épiploïque. La tomodensitométrie permet d’affirmer le diagnostic en montrant une image caractéristique de lésion graisseuse en navette souspariétale ayant une densité légèrement supérieure à la graisse normale, cernée d’un liseré hyperdense, associée à une infiltration de la graisse périphérique [1,2,7—9]. Il peut également être observé un effet de masse sur les anses digestives adjacentes ainsi qu’un épaississement de la paroi colique en regard [2]. Le seul diagnostic différentiel difficile, tant en échographie qu’en tomodensitométrie, est la torsion ou l’infarctus du grand épiploon qui se présente également sous forme d’une lésion graisseuse inflammatoire [6,7]. La torsion ou l’infarctus du grand épiploon donnerait des lésions plus volumineuses et situées à la partie interne des côlons droit et gauche, les appendices épiploïques étant, plus volontiers, antérieurs ou externes. L’appendagite épiploïque primitive reste une pathologie bénigne mimant un tableau chirurgical trompeur [4]. Les cicatrices d’appendagites épiploïques primitives peuvent être rarement responsables d’invagination ou d’occlusion intestinale du fait de la formation de bride inflammatoire [2]. Rarement, après régression des symptômes et en l’absence d’intervention chirurgicale, les appendagites épiploïques peuvent se calcifier et se détacher de la séreuse colique et devenir des corps étrangers mobiles intrapéritonéaux. Ainsi, ces « coquilles d’œuf » peuvent être découvertes fortuitement sur un abdomen sans préparation ou au cours d’une chirurgie abdominale [2,10]. Au niveau thérapeutique, un traitement conservateur est actuellement préconisé [1,8]. Les appendagites épiploïques primitives traitées symptomatiquement par antalgiques, anti-inflammatoires non stéroïdiens, régressent cliniquement spontanément en moins d’une semaine comme chez notre patient, avec une diminution précoce des signes

S. Bonnefoy et al. inflammatoires en tomodensitométrie [2]. L’examen de contrôle n’est toutefois pas indispensable et n’a pas été effectué ici du fait de la bonne évolution clinique. Un traitement antibiotique n’est pas indiqué [7].

Conclusion Au total, l’appendagite épiploïque primitive est une pathologie rare, souvent méconnue, qui relève d’un traitement médical. Ce diagnostic doit être évoqué chez un adulte d’âge moyen, ayant une surcharge pondérale modérée, devant l’association d’un tableau d’abdomen aigu peu ou non fébrile ou subfébrile, sans trouble du transit, et avec ou non un léger syndrome inflammatoire biologique. La clinique et la biologie étant peu spécifiques, c’est l’avènement de la tomodensitométrie effectuée pour les tableaux abdominaux aigus qui a permis de décrire l’aspect pris en imagerie par une appendagite épiploïque primitive et d’éviter ainsi de porter le diagnostic en peropératoire.

Références [1] Levret N, Mokred K, Quevedo E, Barret F, Pouliquen X. Primary epiploic appendicitis. J Radiol 1998;79:667—71. [2] Gomez MA, Bretagnol F, Besson M, Scotto B, Roger R, Alison D. Radiologic appearance of epiploic appendages and their complications. J Radiol 2003;84:1719—24. [3] Kianmanesh R, Abdullah B, Scaringi S, Leroy C, Octernaud S, Chabanne S, et al. Primary epiploic appendagitis: a nonsurgical and often misdiagnosed pathology. Presse Med 2007;36:247—50. [4] Sivova N, Brachet D, Lebigot J, Fressinaud P, Berrut G, Hamy A. A rare cause of acute abdominal pain. Rev Med Interne 2006;27:964—5. [5] Sand M, Gelos M, Bechara FG, Sand D, Wiese TH, Steinstraesser L, et al. Epiploic appendagitis: clinical characteristics of an uncommon surgical diagnosis. BMC Surg 2007;7:11. [6] Rioux M, Langis P. Primary epiploic appendagitis: clinical, US and CT findings in 14 cases. Radiology 1994;191:523—6. [7] Singh AK, Gervais DA, Hahn PF, Sagar P, Mueller PR, Novelline RA. Acute epiploic appendagitis and its mimics. Radiographics 2005;25:1521—34. [8] Boudiaf M, Zidi SH, Soyer P, Hamidou Z, Panis Y, Pelage JP, et al. Primary epiploic appendicitis: CT diagnosis for conservative treatment. Presse Med 2000;29:231—6. [9] Rao PM, Rhea JT, Wittenberg J, Warshaw AL. Misdiagnosis of primary epiploic appendagitis. Am J Surg 1998;176:81—5. [10] Sirvanci M, Tekelio˘ glu MH, Duran C, Yardimci H, Onat L, Ozer K. Primary epiploic appendagitis: CT manifestations. Clin Imaging 2000;24:357—61.

Lihat lebih banyak...

Comentarios

Copyright © 2017 DATOSPDF Inc.