Antoine Philippe, Bocquier Philippe, Maminirina Thierry, Razafindratsima Nicolas, 2000 : La collecte des biographies à Antananarivo : l’enquête BIOMAD98

September 22, 2017 | Autor: Philippe Antoine | Categoría: Survey Methodology, Event history analysis, Cities, Madagascar, Insertion
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Descripción

La collecte des biographies à Antananarivo L’enquête Biomad98 Philippe Antoine, Philippe Bocquier, Thierry Maminirina et Nicolas Razafindratsima1

Sans prétendre se substituer totalement à un observatoire de l’emploi et des conditions de vie des ménages, l’enquête biographique réalisée dans l’agglomération d’Antananarivo en 1998 permet de retracer au niveau micro l’évolution économique et sociale des trente années précédentes. L’objectif principal de l’enquête était de déterminer les conséquences de l’appauvrissement et de l’ouverture économique sur la dynamique du marché de l’emploi urbain et sur la situation des ménages, analysée à travers l’accès au logement, la constitution de la famille et la dynamique démographique. Après une présentation générale de l’enquête, les quatres modules du questionnaire et leur agencement sont décrits. On procède ensuite à une évaluation de la collecte, avant de présenter quelques résultats.

L’enquête biographique réalisée à Antananarivo en 1998 (Biomad98) s’inscrit dans le cadre d’une collaboration entre deux équipes de recherche de l’IRD (ex-Orstom), l’une formée d’économistes, l’autre de démographes. Elle a fait suite à une proposition du projet Madio au Centre français sur la population et le développement (Ceped) d’adjoindre, en 1998, à l’enquête annuelle sur l’emploi menée à Antananarivo, un volet biographique, afin de mieux analyser l’articulation entre la vie professionnelle et les autres éléments du cycle de vie.

Les objectifs de l’enquête Biomad98 Pour le projet Madio, l’enquête biographique a constitué une des enquêtes complémentaires qui ont été greffées sur l’enquête annuelle sur l’emploi, au même titre que les enquêtes sur le secteur informel, 1

la consommation des ménages (respectivement phases 2 et 3 de l’enquête 1-2-3), ou l’enquête sur la santé, l’éducation et les transferts entre ménages (Set97). Comme ces autres opérations, l’enquête biographique a eu pour objectif, non seulement l’analyse de la situation à Antananarivo, mais aussi le transfert de méthodologie au profit de l’Instat, l’institut national de la statistique de Madagascar, afin de renforcer l’appareil statistique national. L’enquête biographique a bénéficié largement du dispositif mis en place par le projet Madio pour réaliser des enquêtes statistiques, en faisant des économies sur l’échantillonnage, et en s’appuyant sur une équipe déjà constituée pour la sélection, la formation et l’encadrement des enquêteurs, pour la saisie, etc. Sans prétendre se substituer totalement à un

Au moment de la rédaction de cet artcile, Philippe Antoine et Philippe Bocquier étaient chercheurs au Ceped, et Thierry Maminirina et Nicolas Razafindratsima travaillaient au sein du projet Madio. Nicolas Razafindratsima a été responsable de l'enquête Biomad98.

84 observatoire de l’emploi et des conditions de vie des ménages, le principe de l’enquête biographique permet de retracer au niveau micro l’évolution économique et sociale des trente années précédant l’enquête. Grâce à l’utilisation d’un protocole d’enquête et d’analyse commun aux enquêtes réalisées dans d’autres pays africains, l’enquête Biomad98 a été en mesure de produire rapidement des résultats scientifiques comparables à ceux des enquêtes similaires menées dans d’autres capitales africaines (Dakar, Bamako, Yaoundé) (Antoine, Bocquier, Fall, Guissé et Namitelamio, 1995 ; Ouédraogo et Piché, 1995 ; Antoine, Ouédraogo et Piché, 1998 ; Antoine et Bocquier, 1999 ; Kouamé, Beining, Gueye, Kuepié et Kishimba, 1999). Elle s’est inscrite dans le courant qui tend à renouveler la collecte des données démographiques concernant la mobilité spatiale et sociale (Groupe de réflexion sur l’approche biographique, 1999). L’analyse des biographies permet de mesurer l’effet à moyen et long terme de la conjoncture économique (baisse des salaires, changement de politique commerciale, etc.) sur la dynamique du marché de l’emploi, et sur la constitution des ménages et leurs conditions de vie. Le contexte économique de Madagascar a été caractérisé par une baisse importante du niveau de vie depuis les années 1960 (Ravelosoa et Roubaud, 1996), suivie par une reprise économique dans la seconde moitié des années 1990 (Razafindrakoto et Roubaud, 1998). L’objectif principal de l’enquête Biomad98 a été de déterminer les conséquences de l’appauvrissement et de l’ouverture économique sur la dynamique du marché de l’emploi urbain et sur l’accès au logement et la constitution de la famille. Pour répondre à cet objectif, le processus d’insertion en milieu urbain a été analysé dans ses différentes composantes : accès au logement, accès à l’emploi, constitution du ménage et dynamique démographique. Ce type d’approche permet de comprendre les interactions entre situation familiale, itinéraire résidentiel et itinéraire professionnel.

Le mode d’échantillonnage Caractéristiques principales de l’échantillon L’enquête Biomad98 s’est faite en articulation avec l’enquête Emploi (phase 1 de l’enquête 1-2-3) de 1998. L’échantillon de l’enquête Biomad98 est un sous-échantillon d’individus déjà enquêtés dans l’enquête Emploi2. C’est donc parmi les 13 442 2

Voir dans ce numéro de Statéco l’article de Faly Rakotomanana, Éric Ramilison et François Roubaud sur l’enquête annuelle sur l’emploi dans l’agglomération d’Antananarivo.

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individus appartenant aux ménages interrogés lors de l’enquête Emploi de 1998, que l’on a tiré les individus soumis à l’enquête biographique. L’enquête Biomad98 s’est intéressée au sort de trois générations d’individus : ceux nés entre 1943 et 1952 (âgés de 45 à 54 ans au moment de l’enquête), ceux nés entre 1953 et 1962 (35-44 ans) et ceux nés entre 1963 et 1972 (25-34 ans). Ces trois générations ont, en effet, connu des contextes économiques et sociaux différents pendant leur parcours résidentiel, professionnel et matrimonial. Afin de pouvoir mener des comparaisons entre sexes et générations, il a été décidé d’enquêter auprès du même nombre d’individus dans chaque catégorie. L’échantillon total ayant été fixé a priori à 2 400 individus, essentiellement pour des raisons budgétaires et organisationnelles, cela revenait à chercher à tirer 400 individus par sexe pour chaque génération. Les taux de sondage à appliquer par génération ont été estimés à partir des structures par âge et sexe des individus enquêtés lors de l’enquête Emploi de 1997 (Rakotomanana, 1997). Sur la base de ces chiffres, l’échantillonnage au sein des différentes générations a été réalisé de la façon suivante : pour la génération 1943-52, tous les individus éligibles ont été retenus ; pour la génération 1953-62, on a procédé au tirage d’un individu sur deux à partir de la liste des personnes éligibles pour obtenir l’effectif voulu ; pour la génération 1963-72, on a procédé au tirage d’un individu sur trois dans la liste des personnes éligibles.

Modalités pratiques de tirage Pour tirer le sous-échantillon d’individus de l’enquête Biomad98, il a fallu attendre le passage de l’enquête Emploi dans chaque ménage, afin d’obtenir la liste des individus du ménage et leurs caractéristiques, à partir desquelles le tirage de l’échantillon de Biomad98 pouvait être réalisé. Pour respecter le calendrier des enquêtes du projet Madio et pour éviter les déperditions, un délai d’une semaine seulement a été imposé entre le début de l’enquête Emploi et celui de l’enquête Biomad98. Ce court délai a obligé à procéder au tirage de l’échantillon de Biomad98 au fur et à mesure de l’arrivée des questionnaires de l’enquête Emploi. L’échantillon de l’enquête a donc été constitué petit à petit, et non d’un seul coup, comme dans une enquête classique. Pour éviter d’avoir recours à un tirage de l’échantillon par les enquêteurs eux-mêmes, un

85 protocole de tirage "automatique", destiné à servir tout au long des opérations, a été mis en place. Ce protocole comprenait trois étapes. La saisie des informations issues de l’enquête Emploi Deux fois par semaine, deux opérateurs saisissaient les données de l’enquête Emploi devant servir à identifier et à repérer les individus à enquêter : numéro d’identifiant, adresse, nom et prénoms et, bien sûr, sexe et âge. On a également saisi le numéro de l’équipe de collecte de l’enquête Emploi, pour faciliter la distribution des individus à enquêter aux équipes de terrain de l’enquête biographique. Le contrôle des données saisies Devant les contraintes de temps, une double saisie n’a pas pu être effectuée. Les informations saisies pouvaient donc être entachées d’erreurs. De plus, les données des questionnaires sur l’emploi étaient encore provisoires (non apurées). Il était donc important de réaliser un minimum de contrôle sur les informations saisies, avant de procéder au tirage. Pour ce faire, un programme informatique léger de tests de cohérence a été élaboré pour vérifier la bonne codification des différentes variables (notamment le sexe et l’âge) et l’exhaustivité des numéros d’identifiant, et éviter les doubles comptes. Ce programme simple a permis de repérer et de corriger un certain nombre d’erreurs, mais malheureusement pas toutes. Le tirage de l’échantillon de Biomad98 Après les opérations précédentes, on obtenait une base de sondage partielle, correspondant à environ trois jours de collecte de l’enquête Emploi. À partir de cette liste d’individus, le tirage a été réalisé de la manière suivante : tri de la liste selon le sexe, le groupe d’âges et le numéro d’identifiant ; division de la liste initiale en six strates, selon le sexe et le groupe d’âges3 ; application d’un tirage systématique à moitié ou au tiers, selon le groupe d’âges, pour les deux générations les plus jeunes, et d’un tirage exhaustif pour la génération la plus âgée ; tri de l’échantillon obtenu selon le numéro d’équipe, le sexe, le groupe d’âges et le numéro d’identifiant ; tirage d’une liste d’individus pouvant servir de remplaçants éventuels. 3

On a stratifié selon le sexe pour éviter un éventuel biais d’échantillonnage au moment du tirage. En effet, la liste des numéros d’identifiant était telle que celui du chef de ménage (souvent un homme) était généralement suivi par celui de son conjoint.

Le questionnaire biographique L’enquête Biomad98 est une enquête rétrospective où tous les individus interrogés ont retracé les événements qui ont marqué leur vie depuis leur naissance jusqu’à la date de l’enquête. Le principe du questionnaire biographique est d’insister sur les aspects de la vie de l’individu qui changent au cours du temps, et qui peuvent être bien remémorés et datés. Le questionnaire de l’enquête Biomad98 comportait quatre modules : Le module consacré à l’itinéraire résidentiel a repéré les changements de localité et de résidence, ainsi que les changements de situation au sein du ménage, et enregistré l’évolution du confort des logements occupés. Le module sur la formation et la vie professionnelle a retracé l’ensemble de la formation et de l’histoire professionnelle des individus. Le module sur la vie matrimoniale a relevé les différents types d’union (union libre, mariages coutumier, civil et religieux) et les changements de statut légal et de corésidence des conjoints. Le module sur la vie génésique a enregistré l’ensemble des naissances vivantes et des décès des enfants de l’enquêté.

La fiche "Agévén" Une fiche appelée "Agévén" (âge-événement) a permis d’avoir une vision d’ensemble de la biographie de chaque personne interrogée (Antoine, Bry et Diouf, 1987). Y ont été récapitulés les principaux événements de la vie et les dates correspondantes. Même si cette fiche n’était pas destinée à être saisie, elle a facilité énormément la conduite des entretiens, et devait donc être remplie avant de passer au questionnaire proprement dit4. La fiche "Agévén" a servi à classer dans le temps les différents événements vécus par la personne enquêtée : événements de la vie familiale, événements relatifs à l’itinéraire résidentiel et migratoire, événements de la vie professionnelle. Chacun de ces événements a été reporté dans l’une des trois colonnes de la fiche "Agévén" (figure et encadré). La première colonne concerne les principaux événements démographiques (date de naissance de l’enquêté et de ses enfants) et matrimoniaux 4

Cette fiche a été modifiée par rapport aux modèles antérieurement utilisés (Antoine et Bocquier, 1999), afin de tenir compte des changements de statuts au sein d’un même logement (une personne hébergée par ses parents peut rester dans le même logement, et devenir ensuite propriétaire par héritage), d’un même ménage (la relation au chef de ménage peut changer) ou d’une même entreprise (par suite d’une promotion).

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86 (mariages successifs, divorces et veuvages). Chaque événement est repéré à gauche de la colonne, et doit être suivi de son numéro d’ordre, des prénoms de l’enfant ou du conjoint, et éventuellement de sa date précise. Une croix est portée sur l’axe du temps (au milieu de la colonne) pour repérer chaque événement par rapport au calendrier figurant à gauche de la fiche "Agévén". Pour les divorces (D) et les veuvages (V), le numéro d’ordre est le même que celui de l’union (U) correspondante. Pour les naissances vivantes (N), on mentionne simplement le numéro d’ordre de l’enfant de l’individu enquêté. Les changements de statut dans le mariage figurent à droite de la colonne, s’ils sont séparés par des périodes de 6 mois au moins. Deux types de changements de statut sont distingués : les changements de régime matrimonial (mariage coutumier, civil ou religieux), et les changements de corésidence des conjoints (on indique les situations d’union libre, ainsi que les périodes de séparation de résidence, volontaire ou non, des conjoints). La deuxième colonne concerne les lieux de résidence. On y reporte les villes ou villages hors d’Antananarivo, ainsi que les quartiers d’Antananarivo, où l’enquêté a habité. Les noms figurent à gauche de l’axe du temps, tandis que les changements de statut figurent à droite de l’axe du temps, s’ils sont séparés par des périodes de 6 mois au moins. Deux types de changements de statut sont

distingués : les changements de statut d’occupation du logement (hébergé, locataire ou propriétaire), et les changements de statut dans le ménage observés à travers le lien de parenté avec le chef de ménage. La troisième colonne sert à relever tous les changements de scolarité, de situation d’activité professionnelle (emploi ou chômage), d’entreprise, ou de statut dans l’entreprise. Pour établir la chronologie, on ne tient compte que des activités principales. Les changements d’établissement scolaire ou d’entreprise figurent à gauche de la colonne. Les changements de statut, séparés de 6 mois au moins, dans l’établissement scolaire ou l’entreprise, figurent à droite de l’axe du temps. Deux types de changements de statut sont distingués : les changements de cycle scolaire (primaire, secondaire général, secondaire technique, supérieur), et les changements de statut d’occupa-tion dans l’entreprise (par exemple apprenti, ouvrier, chef d’équipe…). La fiche "Agévén" permet d’enregistrer aussi bien des événements donnés avec une date précise, que des événements pour lesquels on peut simplement donner l’ancienneté. Elle peut également enregistrer des périodes de la vie de l’enquêté dont la durée est connue, et qui peuvent être situées dans le temps par rapport à divers événements.

Encadré

La vie de Thierry (voir figure) Thierry est né en mai 1952 à Behenjy. En 1959, il commence sa scolarité à l’école publique, puis en 1963 la continue dans une école privée catholique. Il arrête l’école en 1966 après avoir suivi ses parents à Antananarivo. Il débute un apprentissage de mécanicien la même année. En septembre 1972, il rentre à la Solima comme ouvrier mécanicien. Le mariage de Thierry avec Marie (U1) est célébré coutumièrement en mars 1974, et le mariage civil et la cérémonie religieuse sont célébrés en décembre 1978. Trois enfants vont naître de cette union, Joseph en février 1976 (N1), Faly en octobre 1980 (N2) et François en juin 1983 (N3). Jusqu’en juillet 1976, Thierry a toujours été hébergé chez ses parents. Deux ans après son mariage, en juillet 1976, il est muté par son entreprise à Antsirabe, où il loue un logement. Durant son séjour à Antsirabe, il bénéficie d’une promotion dans son entreprise, et devient chef d’équipe en 1981. Cependant, il perd son emploi au début de l’année 1990. Il décide de revenir la même année à Antananarivo. Depuis 1988, sa femme et lui vivaient séparément. Il divorce en 1990 (D1). Se retrouvant seul, sans emploi, il retourne vivre chez ses parents. En juin 1992, il décide de s’installer comme mécanicien à son propre compte. Quelque temps plus tard, il rencontre Alice, et en février 1994, elle vient vivre avec lui (U2). En juin 1994, le père de Thierry décède et il hérite du logement familial, devenant ainsi propriétaire. En 1995, il se marie civilement et religieusement avec Alice, et en mars 1996, Alice met au monde Alain, quatrième enfant de Thierry (N4). La même année, en janvier, Thierry développe ses activités professionnelles et il embauche un ouvrier.

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87 Figure Un exemple de fiche "Agévén" remplie : la vie de Thierry (voir encadré)

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Les différents modules du questionnaire Chacun des quatre modules était constitué de plusieurs colonnes, correspondant chacune à chaque période de la vie de l’individu enquêté, repérée au préalable sur la fiche "Agévén". Le module sur l’itinéraire résidentiel Pour ce module, les périodes que la fiche "Agévén" a permis d’identifier correspondent au temps passé par l’enquêté dans un logement donné, sans changement de statut d’occupation ni de statut dans le ménage. Pour chacune de ces périodes, l’information recueillie a concerné le type d’habitat et les conditions d’occupation du logement. Une série de questions sur la nature des murs, l’accès à l’eau et à l’électricité, a permis de déterminer l’évolution du confort du logement occupé, entre le début et la fin de la période d’occupation du logement. Pour chacun des trois statuts d’occupation considérés (propriétaire, locataire, hébergé), des questions spécifiques ont été posées. On a distingué la propriété à titre individuel de la propriété collective (avec le conjoint, la famille, etc.), avec titre ou sans titre ; une question a porté également sur le mode d’acquisition du logement en propriété (héritage, achat, etc.). Différents types de locations ont aussi été identifiés (location-vente, location auprès de l’employeur, sous-location, location simple). Enfin, pour les hébergés, on a identifié la personne accueillant l’enquêté et son statut d’occupation du logement. Le module sur la formation et la vie professionnelle Le but de ce module a été de retracer l’itinéraire de formation, à travers les différents cycles d’études et les établissements fréquentés, et l’itinéraire professionnel, à travers les changements d’entreprises et l’évolution du statut dans l’entreprise. Ce module a été beaucoup plus développé que dans les enquêtes biographiques précédentes. Pour chaque période d’étude, identifiée par la fréquentation d’un cycle d’étude donné dans un établissement donné, on a notamment observé le type d’établissement fréquenté (public ou privé, confessionnel ou non). Une question a aussi porté sur la personne qui a pris en charge l’enquêté lors de chaque période d’étude. Par souci de comparabilité, la description de chaque période d’activité a été faite en très forte adéquation avec le contenu de l’enquête Emploi. Cela permet ainsi de retracer sur le long terme les évolutions

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dans l’emploi en utilisant les mêmes catégories que celles de l’enquête Emploi. En principe, seules les périodes d’activité de plus de 6 mois ont été prises en compte dans le questionnaire biographique. Cependant, nous avons introduit une question sur les périodes de recherche d’emploi, même inférieures à 6 mois, pour évaluer plus précisément la durée du chômage. Pour les périodes d’emploi à son propre compte (en auto-emploi ou en tant que patron), des questions ont porté sur les moyens utilisés pour se mettre à son compte (crédit, famille, associé, etc.) et sur le type de comptabilité (personnelle, selon un plan comptable, sans comptabilité). Les périodes d’activité en tant que salarié, apprenti ou aide familial ont donné lieu à des questions spécifiques : moyen d’embauche, catégorie socioprofessionnelle simplifiée, formation durant la période, existence de fiche de paie, d’un contrat (pour évaluer le caractère formel ou informel de l’entreprise), périodicité de la rémunération, nombre d’heures travaillées par semaine, prestations diverses. Enfin, des questions ont renseigné sur la raison du changement d’activité, ainsi que sur la pratique d’une activité secondaire. Pour les femmes, des questions spécifiques ont été posées sur la présence d’une aide pour les tâches ménagères, rémunérée ou non, membre de la famille ou non. Le module sur la vie matrimoniale Il faut souligner l’originalité de ce module, notamment par rapport à celui des enquêtes précédentes. Pour chaque union avec un partenaire, on a distingué en effet les différentes étapes de formalisation du mariage (coutumier, civil, religieux), ainsi que les périodes de cohabitation sans mariage et de séparation des conjoints. On peut ainsi retracer toute la dynamique de la vie matrimoniale. En outre, on a recueilli des informations sur l’appartenance ethnique et religieuse du conjoint, son âge, son instruction et son statut matrimonial. Malgré un nombre de questions assez réduit (17), leur enchaînement relativement complexe a expliqué la durée d’entretien importante liée à ce module. Le module sur la vie génésique Ce module, le plus simple avec seulement 7 questions pour chaque enfant de l’enquêté, a permis de retracer la fécondité de l’enquêté et la mortalité des premiers âges de la vie de ses enfants. Dans ce

89 module, ont figuré aussi des informations sur l’union d’où provient chaque enfant, afin de pouvoir relier les analyses de la descendance et de la vie matrimoniale.

Organisation des opérations et évaluation de la collecte La collecte des biographies sur le terrain Recrutement et formation du personnel de collecte Au début de l’enquête Biomad98, l’équipe était constituée de 12 superviseurs (chefs d’équipe) et 36 enquêteurs, soit un superviseur pour 3 enquêteurs. Pendant les opérations de terrain, des recrutements supplémentaires ont été effectués pour renforcer certaines équipes particulièrement chargées et pour suppléer aux défections. En définitive, 41 enquêteurs ont travaillé sur l’enquête. Les superviseurs et les enquêteurs avaient un niveau d’études relativement élevé : seulement trois d’entre eux n’avaient que le baccalauréat, et les autres avaient tous un diplôme d’enseignement supérieur. Les trois quarts du personnel de collecte étaient des femmes. La formation des superviseurs et des enquêteurs a été divisée en deux parties : une formation théorique, et une formation pratique en salle de cours (remplissage de biographies fictives, simulations d’enquête). Un premier test écrit a été organisé à la fin de la formation pour évaluer les connaissances transmises. Un second test sur le terrain a permis de sélectionner les superviseurs. Déroulement des opérations de terrain Lors des tests du personnel de collecte, on s’est rendu compte de certaines lacunes et de mauvaises assimilations de concepts de l’enquête biographique. De plus, l’enquête Emploi avait dû être retardée de deux semaines pour des raisons diverses (calendrier électoral, augmentation du salaire des fonctionnaires, etc.). Cela a entraîné un report de l’enquête Biomad98, laissant une période creuse entre la fin de la formation et le début du travail de terrain. Il a alors été décidé de faire, juste avant les opérations de terrain, une remise à niveau au cours de laquelle les principaux concepts de l’enquête qui avaient été mal assimilés ont été précisés, en particulier dans le domaine de l’emploi. L’enquête, qui a débuté le samedi 4 avril 1998, a été prévue pour durer 7 semaines. L’équipe d’encadrement a accompagné sur le terrain toutes

les équipes, et a en particulier soutenu les équipes apparaissant, à l’issue de la formation, comme étant les plus faibles. Chaque équipe travaillait en collaboration avec l’équipe de l’enquête Emploi qui avait en charge la même zone géographique, afin de mieux identifier et repérer les individus retenus pour l’enquête biographique. Durant la collecte, deux réunions hebdomadaires ont été organisées entre les superviseurs et les responsables de l’enquête pour suivre l’état d’avancement des travaux, résoudre ensemble les problèmes rencontrés par chaque équipe en vue d’harmoniser les solutions à retenir, et pour distribuer l’échantillon entre les équipes de collecte. Les responsables ont vérifié manuellement les incohérences des données collectées. Ils ont effectué des contre-enquêtes pour chaque enquêteur, afin d’assurer la vraisemblance des renseignements contenus dans les questionnaires. Enfin, ils sont également allés sur le terrain pour résoudre les problèmes des refus et des ménages ou individus non identifiés. Durée de l’entretien biographique Il est souvent reproché aux enquêtes biographiques de nécessiter des entretiens trop longs. Nous avons donc voulu vérifier cette assertion, et voir ensuite quelle serait la stratégie de collecte optimale en fonction de l’expérience de l’enquête Biomad98. Pour chaque questionnaire rempli, il a été demandé à l’enquêteur d’indiquer l’heure exacte du début et de la fin de l’entretien. On a pu ainsi calculer la durée de l’entretien biographique, qui comprenait à la fois le remplissage de la fiche "Agévén" et celui du questionnaire biographique proprement dit. Il est apparu que la durée de l’entretien biographique suivait à peu près une courbe normale, avec une grande variation selon l’individu enquêté : de 8 minutes à 190 minutes (graphique 1). Cependant la durée d’entretien médiane a été de 45 minutes seulement, et 50 % des entretiens ont duré d’une demi-heure à une heure. Les durées longues ont été assez peu fréquentes : 10 % des entretiens (moins de 250 biographies) ont été réalisés en plus d’une heure et demi. Ainsi, la plupart des entretiens ont eu des durées raisonnables, et l’enquête biographique n’a pas semblé se distinguer particulièrement des autres enquêtes socio-démographiques quant à la durée des entretiens. Pour identifier les déterminants de la durée de l’entretien, nous avons estimé une régression sur

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90 Graphique 1 Distribution de la durée de l’entretien et courbe normale

Densité

.08937

0 8

35 45

60

90 Durée en minutes

190

.

Source : Enquête Biomad98 ; Instat, Madio.

cette durée d’entretien5.

maximum de colonnes remplies ayant été de 14.

Le nombre de colonnes à renseigner par module du questionnaire biographique est une indication de la complexité de la biographie de l’individu. D’après les résultats de la régression, on remarque que chaque colonne des modules sur l’itinéraire résidentiel et sur la vie active a nécessité un peu plus d’une minute d’entretien. Il en a résulté une grande variation d’un individu à l’autre de la durée d’entretien relative à ces modules, puisque le nombre de colonnes (ou de périodes de vie distinguées grâce à la fiche "Agévén") pouvait varier de 1 à 21. Le module sur la vie matrimoniale est assez complexe, et il est apparu que le temps nécessaire au remplissage de chacune de ses colonnes a été de 2,7 minutes ; cependant, le nombre maximum de colonnes remplies dans ce module, chaque colonne correspondant à une union, a été seulement de 4. Quant au module sur la vie génésique, il a nécessité en moyenne 0,4 minute d’entretien par colonne (ou par enfant), le nombre

L’âge de l’enquêté est aussi une indication de la complexité de sa biographie, ainsi que de la difficulté éprouvée par l’enquêté à se remémorer les événements passés. Mais bien que le coefficient de la régression soit significatif, une augmentation de l’âge de 10 ans n’a entraîné qu’un allongement de l’entretien de 2,5 minutes. Cela signifie qu’entre les plus jeunes enquêtés (25 ans) et les plus âgés (54 ans), l’écart de durée d’entretien a été d’environ 7,5 minutes. Par ailleurs, les entretiens auprès des femmes n’ont pas été significativement plus courts qu’auprès des hommes.

5

On a recherché un estimateur sans biais de la médiane de la durée d'entretien. La médiane a été utilisée plutôt que la moyenne, en raison de l'asymétrie de la distribution des durées, et de la robustesse (au sens de faible dépendance par rapport aux valeurs aberrantes ou extrêmes) des estimations sur la médiane.

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L’expérience accumulée par l’enquêteur au cours de l’enquête a eu pour effet de réduire la durée de l’entretien. Entre la première et la huitième semaine d’enquête, on a gagné ainsi plus d’un quart d’heure. Un rallongement de la durée de l’entretien a été enregistré au cours des neuvième et dixième semaines, mais celles-ci n’ont concerné en fait que des enquêtés avec lesquels on avait eu du mal à fixer un rendez-vous et dont l’entretien a pu présenter plus de difficultés. Entre la huitième semaine et la dixième, seulement 71 entretiens ont été effectués, soit moins de 3 % du total. En fait, le facteur explicatif le plus important des

91 différences de durées d’entretien est apparu lié aux enquêteurs eux-mêmes : cet effet a expliqué 35 % de la variance, contre seulement 14 % pour la complexité de la biographie (mesurée par le nombre de colonnes à remplir), 6,5 % pour l’expérience d’enquête (nombre de semaines d’enquête), 2 % pour l’âge de l’enquêté, et 0,1 % pour le sexe de l’enquêté. Une fois contrôlés les autres déterminants, la durée de l’entretien est apparue comme pouvant varier de plus d’une heure entre l’enquêteur le plus lent et l’enquêteur le plus rapide. Il faut noter cependant que certains enquêteurs se sont montrés particulièrement lents : si l’on fait abstraction des 7 enquêteurs les moins performants, l’écart entre le plus rapide et le plus lent est réduit à un peu plus d’une demi-heure. L’enquêteur le plus rapide n’avait que son baccalauréat, alors que les enquêteurs plus lents avaient un niveau d’études d’au moins 4 ans supérieur : le niveau de diplôme n’est donc pas apparu comme un gage d’efficacité sur le terrain. Au contraire, les enquêteurs les plus diplômés n’ont pas semblé plus rapides que les moins diplômés. Les résultats de la régression ont indiqué plutôt le contraire, bien que les tests ne soient pas significatifs. On a pu aussi remarquer que les enquêteurs qui n’avaient que le baccalauréat, et donc les plus rapides, étaient tous des femmes. Paradoxalement, l’expérience antérieure d’enquête a semblé jouer (quoique non significativement) dans le sens d’un rallongement de l’entretien. Il se peut que certains enquêteurs aient pris des habitudes lors d’enquêtes précédentes dont ils ont eu du mal à se débarrasser. L’enquête biographique est en effet très spécifique, par rapport à d’autres enquêtes où la reconstitution d’itinéraires passés est absente ou moins cruciale, ce qui a pu déstabiliser des enquêteurs expérimentés. Ceci a déjà été relevé pour d’autres enquêtes biographiques (Groupe de réflexion sur l’approche biographique, 1999). Les caractéristiques des enquêteurs, telles que leur âge, leur sexe, leur niveau de diplôme et leur expérience d’enquête, ne sont pas apparues suffisantes pour expliquer les variations d’un enquêteur à l’autre. Il reste un effet résiduel propre à chaque enquêteur. Cela signifie que d’autres éléments de la personnalité des enquêteurs (non renseignés) ont agi sur la durée des entretiens qu’ils ont menés. L’analyse de régression a montré aussi que les équipes étaient très hétérogènes : la durée de l’entretien n’a pas semblé dépendre d’un effet d’équipe ou du superviseur.

Ces résultats confirment qu’il est préférable, pour mener des enquêtes biographiques, de recruter moins d’enquêteurs, de les sélectionner plus strictement sur la base de leur performance sur le questionnaire biographique (à partir d’un test sur le terrain, et non à partir de leur niveau de diplôme ou de leur expérience passée), et de les faire travailler sur une période plus longue. À partir d’une analyse des premiers questionnaires remplis sur le terrain, on peut, à l’aide d’une analyse statistique comme celle qu’on vient de faire, éliminer les enquêteurs les moins performants. Il faudrait, dans cet exercice de sélection, prendre en compte non seulement la rapidité de l’entretien, mais aussi la qualité du recueil d’informations, dont nous n’avons pas tenu compte ici. Pour fixer la durée de l’enquête, il faut aussi tenir compte de la lassitude des enquêteurs : une enquête trop longue nuit à la qualité du remplissage des questionnaires et augmente les risques de fraudes. Ajoutons qu’un calendrier contraignant (l’enquête Biomad98 devait s’achever avant que d’autres enquêtes du projet Madio ne débutent), a contraint de limiter la durée prévue de l’enquête à 7 semaines. Cependant, en vue d’améliorer les collectes à venir, on peut estimer la durée optimum d’une enquête biographique du type de Biomad98 à 10 semaines, sans compter les quelques questionnaires remplis hors délais. On a compté qu’un enquêteur a rempli environ 9 questionnaires biographiques par semaine, ce qui signifie qu’on aurait pu, avec une collecte étalée sur 10 semaines, réduire le nombre d’enquêteurs à 27 ou 28 (au lieu de 36), c’est-à-dire 9 équipes de 3 enquêteurs, ou 7 équipes de 4 enquêteurs, encadrées par un superviseur.

Saisie, apurement et préparation du fichier biographique La saisie et l’apurement Compte tenu de la spécificité de l’enquête Biomad98, la saisie a nécessité la programmation d’un masque de saisie différent de celui des enquêtes habituelles traitées par l’Instat. La majeure partie de la saisie a été réalisée par une dizaine d’opérateurs recrutés spécialement. Pour des raisons matérielles et budgétaires, la procédure habituelle de double saisie n’a pu être réalisée. Le tiers des questionnaires ont été saisis directement, tandis que les deux tiers restants ont été d’abord codifiés (sur des feuilles séparées), pour être ensuite saisis. L’ensemble des questionnaires de l’enquête a pu être saisi en un mois. L’apurement a débuté par un contrôle automatique de cohérence des données, puis par leur correction en cas d’erreur. Pour cela, une série de tests de Statéco n° 95-96-97, 2000

92 cohérence, comprenant les traditionnels tests d’exhaustivité et de doubles comptes, ainsi que des tests de cohérence interne à chaque module du questionnaire biographique, ont été programmés. Pour compléter l’apurement des données, il a été nécessaire de vérifier la cohérence entre le fichier de l’enquête Biomad98 et celui de l’enquête Emploi (vérification des identifiants et correction des individus mal identifiés). L’écriture de ce programme d’apurement a nécessité un mois de travail pour un programmeur. Les tests ont permis de détecter des erreurs de codification et de saisie, ainsi que des erreurs de remplissage de questionnaire, qui ont quelquefois nécessité un retour sur le terrain pour correction. La fusion des fichiers biographiques Avant l’obtention du fichier de données définitif et exploitable, une deuxième série de tests a été réalisée. Il s’agissait de vérifier la cohérence de la datation des événements, entre les différents modules du questionnaire. Pour cela, nous avons créé un fichier biographique en fusionnant, en fonction du temps, les quatre modules (résidentiel, professionnel, matrimonial et génésique). En effet, les modules ont été d’abord saisis séparément dans quatre fichiers indépendants, qui ont ensuite été fusionnés pour former un seul fichier, dans lequel a figuré l’ensemble des événements vécus par l’enquêté depuis sa naissance jusqu’au moment de l’enquête. Le fichier final obtenu permet de connaître, pour un même individu, à chaque instant du temps, sa situation résidentielle, son activité détaillée, son état matrimonial précis et son nombre d’enfants (nés vivants, décédés et survivants). Le programme de fusion utilisé est relativement long et complexe. Sa mise au point a bénéficié de l’expérience des autres enquêtes biographiques déjà réalisées, de sorte qu’il a nécessité environ trois semaines de travail intense, délai nettement plus court que pour les enquêtes biographiques précédentes6. Finalement, le fichier apuré définitif a été obtenu moins de trois mois après la fin des opérations de collecte sur le terrain.

Évaluation de la collecte Quel que soit le soin qu’on apporte à la réalisation d’une collecte de données, celles-ci restent inévitablement entachées d’erreurs. L’évaluation de la collecte est donc primordiale. Les difficultés liées l’enquête Emploi 6

à

l’articulation

avec

Le travail de fusion a été aussi simplifié, car les différentes dates des événements étaient nettement mieux renseignées que dans les enquêtes précédentes.

Statéco n° 95-96-97, 2000

L’articulation avec l’enquête Emploi n’a pas permis de bien harmoniser le déroulement de la collecte de l’enquête Biomad98. En fait, le nombre d’individus tirés n’était pas le même pour chaque équipe de collecte : il variait de 190 à 240, car la structure par âge et par sexe n’était pas uniforme entre les zones d’enquête. On a dû recruter 5 enquêtrices pour renforcer les équipes très surchargées, d’autant plus que 3 enquêteurs et 3 superviseurs ont dû abandonner l’enquête parce qu’ils avaient trouvé un autre emploi. De plus, un superviseur a été remercié car il n’arrivait pas à remplir les tâches qu’on lui avait assignées ; son travail a été réparti entre les autres superviseurs. L’organisation du travail de chaque équipe de Biomad98 était aussi fonction du travail rendu par les équipes de l’enquête Emploi, si bien que deux équipes n’ont pu commencer leur travail qu’une semaine après les autres. La plupart des équipes de Biomad98 ont aussi été confrontées à des problèmes de manque de cartes, certains superviseurs de l’enquête Emploi n’ayant pas fourni la totalité des cartes de leur zone. Des difficultés de repérage des logements et des ménages tirés ont également été enregistrées. Les problèmes relatifs à la mise en œuvre du plan d’échantillonnage Parmi les 2 533 individus de l’échantillon théorique, dont le mode d’élaboration a été présenté plus haut, on n’a pas pu recueillir la biographie de 258 d’entre eux. Entre les enquêtes Emploi et Biomad98, des individus ont été perdus pour diverses raisons : voyage, déménagement, migration, maladie, handicap… À cause de leurs activités professionnelles, quelques personnes sont aussi demeurées introuvables jusqu’à la fin de la collecte. Par ailleurs, des refus catégoriques ont été constatés lors du passage des enquêteurs de Biomad98. Dans certains cas, heureusement peu fréquents, des enquêteurs ont été refoulés et injuriés dès la première conversation. Le remplacement des individus de l’échantillon théorique ne pouvant être enquêtés était souhaitable pour atteindre le nombre de biographies voulu. Ces remplacements ont été effectués au sein de chaque zone d’enquête, en respectant le groupe d’âges et le sexe des individus. Rappelons que les remplacements n’étaient pas possibles dans le groupe d’âges des 45-54 ans, puisque toutes les personnes de ce groupe d’âges enquêtées lors de l’enquête Emploi devaient être enquêtées lors de l’enquête Biomad98. Les remplacements ont donc concerné seulement les deux plus jeunes générations : 59 remplacements ont été effectués dans la génération 1963-72 et 69 dans la génération 1953-62. Les remplacements ont

93 Tableau 1 Répartition des individus enquêtés par groupe d’âges et sexe Génération 1943-52 Génération 1953-62 Génération 1963-72 Total

Hommes 410 413 347 1 170

affecté un peu moins les femmes (57 cas) que les hommes (71 cas). Dans l’ensemble de la collecte, les 128 remplacements réalisés ont correspondu à un taux de remplacement de 5,1 % par rapport à l’échantillon théorique, et de 5,3 % par rapport à l’échantillon final. Certains individus non enquêtés n’ont pas pu être remplacés. 78 % de cette déperdition a concerné la plus vieille génération (101 cas sur 130), contre 12 % pour la plus jeune et 10% pour la génération intermédiaire. Finalement, on a pu relever 2 403 biographies d’individus (tableau 1). La différence de composition entre l’échantillon théorique et l’échantillon d’individus effectivement enquêtés est à l’origine de risques de biais dans les résultats obtenus. Ces risques de biais sont d’autant plus importants que les individus perdus (appartenant à l’échantillon théorique mais non enquêtés) ont des caractéristiques différentes des individus enquêtés. Autrement dit, l’analyse risquerait d’être biaisée si les individus effectivement enquêtés étaient susceptibles (au vu de leurs caractéristiques socio-démographiques) d’avoir des comportements résidentiels, professionnels et matrimoniaux différents de ceux de l’échantillon théorique. À partir de la liste exhaustive des individus de l’échantillon théorique et de leurs caractéristiques socio-démographiques de base relevées dans l’enquête Emploi (sexe, âge, situation matrimoniale, lien avec le chef de ménage, ethnie, religion, activité, lieu de résidence, niveau d’études), on a pu mesurer quelles caractéristiques de l’échantillon ont été les plus affectées par la déperdition et les remplacements. On a procédé pour cela à une régression logistique, pour déterminer le risque encouru par un individu de l’échantillon théorique d’échapper à l’enquête biographique. En introduisant dans une même régression l’ensemble des variables pouvant influencer le fait d’être non enquêté lors de l’enquête biographique, cette méthode permet d’estimer l’effet propre lié aux modalités de chaque variable, indépendamment des autres variables explicatives. La modalité ayant la fréquence la plus élevée a été choisie comme modalité de référence pour chaque variable

Femmes 439 425 369 1 233

Total 849 838 716 2 403

% 35,3 34,9 29,8 100,0

explicative (tableau 2). Il est apparu ainsi que les inactifs7 (retraités, invalides, malades…) ont eu 2,8 fois plus de risque de ne pas être enquêtés que les ouvriers, et les célibataires 2,0 fois plus que les personnes mariées. Les hommes ont aussi eu 1,5 fois plus de risque que les femmes de ne pas être enquêtés. À l’inverse, les personnes ayant suivi de 7 à 10 années d’études ont eu 1,5 fois plus de chance d’être enquêtées que les personnes scolarisées moins longtemps. De même, les enfants de chefs de ménage ont eu 1,8 fois plus de chance d’être enquêtés que les chefs de ménage eux-mêmes, toutes choses égales par ailleurs. Les variables ne semblant pas avoir joué significativement sur la probabilité d’être enquêté sont la génération, l’ethnie, la religion et l’arrondissement de résidence. Enfin, insistons sur le fait qu’on n’a détecté aucun biais sérieux dû à l’activité professionnelle. Ceci laisse présager que les itinéraires professionnels, au cœur de la problématique de l’enquête Biomad98, ont été relevés conformément aux caractéristiques de l’échantillon théorique. En prévision des déperditions possibles, une procédure de remplacement des individus de l’échantillon théorique non enquêtés a été mise en place, comme on l’a mentionné précédemment. Il est donc intéressant d’observer l’effet de ces remplacements sur la modification de la distribution de l’échantillon selon les caractéristiques sociodémographiques des individus (tableau 2). Notons d’abord qu’étant donné l’impossibilité de remplacement dans la plus ancienne génération, l’échantillon final a assez sensiblement sousreprésenté cette génération (40,0 % au lieu de 41,9 % dans l’échantillon théorique). Cela n’a cependant pas impliqué de problème pour l’analyse des biographies, puisque celle-ci devait être conduite en comparant les générations entre elles. Pour les autres variables, la comparaison de la répartition des individus de l’échantillon théorique et de l’échantillon effectivement enquêté suggère un effet mineur de la déperdition et des remplace7

La catégorie des inactifs représente une faible proportion (environ 3%) de la population considérée.

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94 Tableau 2 Régression logistique sur le risque d’être non enquêté lors de l’enquête Biomad98 pour les individus de l’échantillon théorique, et distribution de l’échantillon selon les caractéristiques socio-démographiques des individus. Variables explicatives

Génération

État matrimonial

Ethnie Religion

Activité

Lien avec le chef de ménage

Lieu de résidence

Années d’études

Sexe

Catégories

1963-72 1953-62 1943-52 marié célibataire autre Merina autre catholique protestant autre cadre ouvrier manœuvre patron à son compte aide familial inactif au foyer étudiant chômeur chef de ménage conjoint enfant autre firaisana 1 firaisana 2 firaisana 3 firaisana 4 firaisana 5 firaisana 6 périphérie 0-6 ans 7-10 ans 11-22 ans homme femme

Rapport Degré de de significachances tivité(1)

1,02 0,98 référence référence 1,97 1,61 référence 0,84 1,10 référence 0,42 1,12 référence 1,00 1,60 0,88 0,80 2,76 1,24 1,21 0,94 référence 1,16 0,57 0,97 1,14 1,08 1,30 0,89 0,97 0,62 référence référence 0,65 0,92 1,51 référence

-

** * *** * -

** *

Distribution selon les variables Individus Échantillon Échantillon enquêtés de effectivement théorique l’échantillon enquêté théorique (N=2 533) (N=2 275) (N=2 403) 28,6 28,5 29,5 29,5 29,6 30,5 41,9 41,9 40,0 77,6 78,3 77,9 12,7 12,2 12,9 9,7 9,6 9,2 88,1 88,1 88,0 11,9 11,9 12,0 36,5 36,2 36,5 61,1 61,3 61,1 2,4 2,5 2,4 8,9 8,8 9,0 26,3 26,6 26,7 10,0 9,9 10,0 4,2 4,0 4,1 24,9 25,3 25,1 3,2 3,3 3,3 3,1 2,7 2,6 8,9 8,9 8,8 2,3 2,1 2,2 8,3 8,4 8,3 48,9 48,5 48,2 33,7 34,3 34,1 10,0 10,1 10,4 7,4 7,1 7,3 17,0 16,8 17,0 14,5 14,3 14,3 12,6 12,2 12,4 9,6 9,7 9,6 18,3 18,4 18,4 8,0 8,4 8,2 20,1 20,2 20,1 36,9 36,6 36,2 28,9 29,7 29,5 34,2 33,7 34,4 49,3 48,7 49,0 50,7 51,3 51,0

(1) : *** : significatif au seuil de 1 % ; ** : significatif au seuil de 5 % ; * : significatif au seuil de 10 %.

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95 ments. On a donc tout lieu de penser que l’échantillon final de l’enquête Biomad98 est très peu biaisé, car il diffère peu de l’échantillon théorique constitué à partir de l’enquête Emploi. Ce résultat est satisfaisant car les analyses des itinéraires biographiques sont alors peu susceptibles de biais. Les problèmes rencontrés dans l’administration du questionnaire Dans l’ensemble, les enquêteurs ont bien assimilé la logique de la datation des événements et des questionnaires biographiques. Mais certaines questions se sont avérées peu pertinentes ou peu opérationnelles à l’usage. On peut énumérer les principaux problèmes rencontrés, module par module. Module sur l’itinéraire résidentiel Le type d’habitat s’est révélé être une variable peu pertinente, et les enquêteurs ont eu tendance à souvent retenir la modalité "maison individuelle". Les concepts de locataire et d’hébergé ont été reprécisés lors des opérations de terrain, en particulier pour les femmes hébergées par leur conjoint. Mais certains enquêteurs n’ont pas su identifier exactement dans quelles situations le changement de statut d’occupation à l’intérieur du même logement s’appliquait. La distinction entre les modalités "ciment/brique cuite" et "brique non cuite" à propos de la nature des matériaux des murs a intrigué souvent les enquêteurs et les enquêtés, qui ne connaissaient pas vraiment la différence entre ces deux types de matériaux. Le lien de parenté de l’enquêté avec le chef de ménage a pu parfois être relevé en sens inverse : si l’enquêté était le fils du chef de ménage, l’enquêteur a parfois codé "ascendant" au lieu d’"enfant", parce que le questionnaire n’a pas suffisamment bien précisé "ascendant du chef de ménage", mais simplement "ascendant". Module sur la formation et la vie professionnelle Une question comportait la description la plus précise possible de la profession. Beaucoup d’enquêteurs ont éprouvé des difficultés avec les catégories socio-professionnelles, certains surclassant les enquêtés, d’autres les déclassant. La question sur la raison du changement d’activité a souvent été mal remplie, les enquêteurs ayant tendance à trop souvent retenir la modalité "autre raison". En outre, alors que la question portait sur le

changement d’activité par rapport à la période suivante (c’est pour cela qu’elle figurait parmi les dernières questions posées), les enquêteurs ont pensé souvent que la question portait sur le changement d’activité par rapport à la période précédente. En ce qui concerne le local principal de l’activité professionnelle, un oubli nous a fait omettre une modalité spécifique pour les agriculteurs. La modalité qui a été choisie et se rapprochait le plus de ces activités est "local professionnel". Module sur la vie matrimoniale Dans le questionnaire, la formulation en malgache concernant la durée des périodes de cohabitation était imprécise : la question posée était "La cohabitation dure-t-elle encore ?", alors que le sens exact de la question était "Cette période de cohabitation dure-t-elle encore ?". Cela pouvait causer une confusion entre les divers épisodes de cohabitation pour une même union, conduisant à ne pas enregistrer différents épisodes de cohabitation pour une même union. Module sur la vie génésique Le module sur la vie génésique ne semble pas avoir posé de problème particulier. Mais comme dans d’autres enquêtes du même type, les enquêtes démographiques et de santé par exemple, il a été difficile de savoir si des enfants décédés n’ont pas été omis par l’enquêté, du fait que l’enquêteur n’aurait pas bien insisté sur la nécessité de prendre en compte tous les enfants, même ceux décédés en bas âge. On aurait pu aussi adjoindre dans ce module deux ou trois questions concernant la scolarisation et le devenir résidentiel des enfants.

Quelques résultats Plusieurs types d’analyses sont possibles à partir des enquêtes biographiques. Les premiers résultats publiés (Madio, 1999 ; Antoine, Bocquier, Razafindratsima et Roubaud, 2000) ont concerné différents domaines : éducation, emploi, mariage, fécondité, logement. Un moyen simple permet de donner une vision d’ensemble de l’évolution des trajectoires de vie d’une génération à l’autre. Pour chaque génération, nous avons retenu une série d’événements qui marquent le passage à l’âge adulte : la fin des études, le départ de chez les parents, l’accès à un premier emploi (y compris l’accès à l’apprentissage), l’accès à un premier emploi rémunéré, la première mise en couple (quelle que soit la forme qu’elle revêt), le mariage

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96 civil ou religieux, la naissance du premier enfant, et l’accès à une résidence autonome (pour les femmes, il s’agit de la leur ou de celle de leur conjoint). L’âge médian à chacun de ces événements peut servir d’indicateur de l’âge auquel une génération a connu cet événement. La comparaison de ces âges médians entre les trois générations considérées a été effectuée en s’intéressant aux individus présents à Antananarivo à l’âge de 18 ans8. Les changements entre génératiions sont loin d’avoir été identiques pour les hommes et les femmes. Entre les trois générations, les hommes semblent avoir connu une histoire similaire, avec des décalages dans le temps (graphique 2). Ainsi, la génération la plus ancienne (née entre 1943 et 1952) a terminé ses études à 17,6 ans (dans les années 1960), trouvé un premier emploi à 18,8 ans, et un premier emploi rémunéré à 20,3 ans. L’entrée dans la vie professionnelle a précédé le début de la vie familiale des individus. Le départ de chez les parents a eu lieu à 22,6 ans, précédant de peu la formation du premier couple à l’âge de 23,8 ans, la naissance du premier enfant et la formalisation de l’union (par un mariage civil ou religieux) étant intervenues à 25,8 ans. Enfin, l’accès à une résidence autonome a été la dernière étape, à 27,8 ans. La génération suivante (née entre 1953 et 1962) a connu le même ordonnancement des événements, avec un décalage bien plus marqué entre le début de la vie professionnelle (le premier emploi rémunéré a été obtenu à 20,5 ans, sensiblement au même âge que la génération précédente) et le début de la vie familiale. Presque 5 ans se sont écoulés entre le début de la vie professionnelle et le départ de chez les parents, soit 2 ans et demi de plus que pour la génération 1943-52. Mise en couple et naissance du premier enfant ont connu également un retard du même ordre. Ce retard a encore été plus accentué pour le mariage et l’accès à un logement autonome (environ 3,5 ans). Ces événements familiaux se sont produits dans les années 1980, époque pendant laquelle les conditions pour constituer son ménage semblaient plus difficiles. La génération la plus jeune (née entre 1963 et 1972) a connu une histoire très voisine de celle de la génération 1953-62, avec une légère précocité de tous les événements étudiés, sauf la fin des études. Par ailleurs, le temps d’attente entre la fin des études et le début de la vie professionnelle a été raccourci par rapport à la génération précédente. Cet agencement des événements est totalement bouleversé chez les femmes (graphique 3), où les 8

Les migrants arrivés à Antananarivo après l’âge de 18 ans ont été exclus de l’analyse. Les données de l’enquête Biomad98 concernent en effet essentiellement la population née ou socialisée dans la capitale.

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évolutions d’une génération à l’autre ont été multiples9. Entre la génération 1943-52 et la génération 1953-62, deux changements de faible ampleur méritent d’être soulignés : le début de la vie professionnelle est devenu plus précoce que le départ de chez les parents, et le premier emploi rémunéré est devenu concomitant au début de la vie en couple, alors qu’il lui était postérieur. En outre, la formalisation de l’union est devenue nettement plus tardive (1,6 an plus tard). Mais c’est surtout entre la génération 1953-62 et la génération 1963-72 que les comportements sociaux des femmes ont évolué le plus. Les jeunes femmes nées entre 1963 et 1972, après avoir suivi plus longuement des études (1 an de plus), sont entrées plus rapidement dans la vie professionnelle et ont occupé un emploi rémunéré 1,3 an avant celles de la génération précédente. L’entrée dans la vie professionnelle a précédé, pour cette génération, le départ de chez les parents qui s’est produit à 21,3 ans, soit 2,2 ans plus tard que pour la génération précédente. La première mise en couple a été aussi plus tardive, ainsi que la naissance du premier enfant, mais l’intervalle de temps entre les deux événements a diminué de 1,1 à 0,8 an. Enfin l’accès à un logement autonome et la formalisation de l’union se sont produits à un âge bien plus élevé. Pour les femmes de la plus jeune génération considérée, il s’est écoulé 3,6 ans entre la naissance du premier enfant et l’autonomie résidentielle, et plus de 4 ans entre cette naissance et la formalisation du mariage. Les premières années de la vie du couple se sont donc déroulées chez d’autres personnes. Bien que les femmes aient travaillé en plus grand nombre et aient accédé plus rapidement à un emploi, l’installation du jeune couple a été bien plus étalée dans le temps que pour les générations précédentes.

Conclusion L’articulation de l’enquête Emploi et de l’enquête Biomad 98, bien que difficile techniquement, s’est révélée non seulement possible mais efficace : la déperdition d’individus de l’échantillon théorique a été relativement faible, de l’ordre de 10 %, et les remplacements l’ont compensée pour moitié. Par rapport aux enquêtes du même type menées en 9

Rappelons qu’il n’y pas "symétrie" entre les hommes et les femmes de l’échantillon. Les femmes de l’échantillon ne sont pas les conjointes des hommes de l’échantillon, et certaines d’entre elles ont épousé des hommes appartenant à des générations plus âgées que celles considérées dans l’enquête Biomad98. De même, les hommes de l’échantillon pouvaient être mariés à des femmes âgées de moins de 25 ans au moment de l’enquête.

97

Graphique 2 Évolution de l’âge médian des hommes à différents événements, pour les trois générations 31 29 27 Âge 25

23 21 19 17 15 1943-52

1953-62

1963-72

Fin des études

Premier emploi

Emploi rémunéré

Départ de chez les parents

Vie en couple Résidence autonome

Premier enfant

Mariage formel

Source: Enquête Biomad98 ; Instat, Madio.

Graphique 3 Évolution de l’âge médian des femmes à différents événements, pour les trois générations 31 29 27 Âge 25

23 21 19 17 15 1943-52 Fin des études Départ de chez les parents

Mariage formel

1953-62

1963-72

Premier emploi

Emploi rémunéré

Vie en couple Résidence autonome

Premier enfant

Source: Enquête Biomad98 ; Instat, Madio.

Afrique, de meilleurs résultats ont été obtenus à Antananarivo : la déperdition avait atteint 28,3 % dans l’enquête de Dakar (essentiellement en raison du délai d’un mois entre l’enquête auprès des ménages fournissant la base de sondage et l’enquête biographique), 14,4 % dans celle de Bamako (l’enquête biographique avait eu lieu le lendemain de l’enquête auprès des ménages, mais aucun remplacement n’avait été prévu), et 32,5 % dans

celle de Yaoundé (malgré l’absence de contrainte quant à la stratification par âge). Les problèmes d’articulation entre l’enquête Emploi et l’enquête biographique ont concerné essentiellement la transmission de l’information entre les équipes des deux enquêtes, liée notamment aux problèmes de cartes et d’identification des ménages et des individus. Statéco n° 95-96-97, 2000

98 Les difficultés rencontrées lors de la formation des enquêteurs et de l’administration du questionnaire biographique ont pu être dépassées grâce notamment à un suivi très rapproché sur le terrain et à l’implication directe des chercheurs responsables de l’enquête, au moins dans ses premières phases. Il est important de souligner que les enquêtes biographiques nécessitent un contrôle très strict sur le terrain, en particulier concernant la datation et l’ordre des événements. La fiche Agévén s’est ainsi révélée une fois de plus très efficace pour un bon recueil biographique et une bonne reconstitution des histoires individuelles des trente à quarante années précédant l’enquête. Du point de vue du contenu des différents modules du questionnaire, les questions sur l’habitat et son évolution au cours du temps sont certainement apparues les moins satisfaisantes. Il est toutefois difficile de dire si cela est dû à la faible évolution des conditions de logement des habitants de l’agglomération d’Antananarivo, à une mauvaise conception de ces questions ou à des difficultés inhérentes au thème. Il est certes difficile de décrire les caractéristiques d’une maison habitée il y a trente ou quarante ans, et ces caractéristiques peuvent aussi avoir évolué dans le temps. Il a certainement manqué à l’équipe de l’enquête Biomad98 l’avis d’un spécialiste de l’habitat urbain à Madagascar. Les questions sur l’emploi ont en revanche bien

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fonctionné sur le terrain, à l’exception de la question sur la raison des changements d’activité, ce qui n’est pas une surprise : une telle question relève plus de la question d’opinion, faisant appel à une rationalisation a posteriori de l’enquêté, que de la question factuelle, et nous savions à l’avance que le questionnaire biographique est mal adapté à ce type de questionnement. Le module matrimonial de l’enquête Biomad98 est certainement celui qui présentait le plus d’innovations, et celui qui était le plus délicat à remplir. Les résultats ont cependant été très satisfaisants : une fois assimilé par les enquêteurs, ce module a été correctement rempli, a présenté peu d’incohérences, et a permis de bien retracer l’itinéraire matrimonial des enquêtés dans sa complexité. L’apurement des données a constitué un bon test de la qualité du recueil sur le terrain. Le résultat est apparu très positif, puisque, en comparaison avec les autres enquêtes biographiques, l’enquête Biomad98 a nécessité moins de travail de correction, tant au niveau de la datation des événements que de la cohérence interne des modules. En somme, l’enquête biographique d’Antananarivo offre à la fois un questionnaire et une stratégie de collecte très efficaces, qui pourraient être valablement utilisés dans d’autres contextes. L’effort d’amélioration pourrait porter essentiellement sur les questions d’habitat.

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