A la recheche de François de Fossa

July 17, 2017 | Autor: Matanya Ophee | Categoría: Classical Guitar, Guitar History
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Descripción

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À la recherche de de Fossa © Copyright 2005 by Matanya Ophee. Mesdames et messieurs, tout d’abord, je souhaite faire des excuses pour la nature défectueuse de mon Français. Cela fait déjà plusieurs années depuis la dernière fois ou je fus invité à parler en cette belle langue et sa pratique me fait horriblement défaut. Ce discours n’est pas une discussion musicologique, mais, si vous voulez, un roman policier. Il n’est pas sujet de la façon dont j’ai trouvé François de Fossa, mais sur la façon dont il, un compositeur/guitariste qui vivait au début du 19ème siècle, m’a trouvé à travers la barrière du temps. Il y a environ 30 ans, je vivais à Concord, la capitale de l’État de New Hampshire. Parmi mes distractions habituelles d’alors, je jouais de la guitare dans un petit groupe de musique de chambre. A cette époque il n’y avait pas beaucoup de musique disponible pour guitare et autres instruments, et assez rapidement nous avions épuisé le répertoire disponible, les quintettes de Boccherini, le quatuor de Schubert, le trio de Kreutzer, les œuvres de Paganini et quelques autres morceaux de la sorte. Il était temps d’en rechercher plus. En regardant dans une bibliothèque j’ai trouvé le catalogue thématique des œuvres de Boccherini par Yves Gérard. En ce livre, j’ai trouvé les informations sur la Sinfonia en Do Majeur par Boccherini qui inclut une partie pour la guitare en tant que membre de l’orchestre. Cela semblait intéressant, alors j’ai écrit à la Bibliothèque de l’Opéra à Paris, où se trouve le manuscrit autographe. Ils m’ont envoyé un microfilm de toutes les parties de la pièce. À ce point dans ma vie je n’étais pas un musicologue, mais un musicien interprète, travaillant, pour gagner ma vie comme pilote de ligne aérienne. Je n’avais vraiment aucune idée quoi faire avec un microfilm, jusqu’à ce que l’un des mes amis suggéra d’aller à la bibliothèque publique locale où ils devraient y avoir des machines qui peuvent lire des microfilms. La visite à la bibliothèque fut une déception. Ils ne possédaient pas les machines nécessaires à la lecture de microfilm. Après tout, c’était une très petite ville et les besoins pour de telles machines étaient pratiquement nuls. On me suggéra d’aller à la bibliothèque d’État et que là sûrement je trouverais ce que j’avais de besoin. La bibliothèque d’État est le dépôt officiel de tous les documents légaux et politiques, des divers journaux locaux, registres des immobiliers et de tout autre matériel qui n’a rien à faire avec la musique.

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Quand j’ai approché la bibliothécaire de référence à la bibliothèque d’état, prête à l’interroger au sujet des lecteurs de microfilm, j’ai noté derrière elle un petit meuble à cartes de catalogue avec un signe qui dit : Musique. C’était étrange pour des archives des documents juridiques locaux, alors j’ai demandé au bibliothécaire si elle connaissait quoi que ce soit au sujet de ce coffret de carte de catalogue de musique. Elle a tourné le dos, regardé le coffret avec une surprise totale, et me dit : ___ Je n’ai jamais vu ceci auparavant. ___ Voulez vous dire que ceci a été installé derrière vous il y a quelques minutes ? Ai-je demandé. ___ Non, répondit-elle, je suis assise à ce bureau depuis 27 ans, et ce coffret a toujours été là, mais je n’ai jamais noté que l’étiquette indique MUSIQUE. Ainsi avec sa permission, j’ai commencé à lire les cartes. était apparemment une collection de musique très grande, laquelle un certain bon citoyen avait donné à la bibliothèque d’État une génération ou deux auparavant, et personne n’y avait prêté attention depuis. Immédiatement j’ai trouvé là une collection de musique de guitare. Une partie de cette collection était de la musique écrite par des compositeurs que j’ai bien connus, et que j’ai joué toute ma vie, mais quelques choses étaient totalement nouvelles pour moi. Une des choses qui a immédiatement attiré mon attention, était une composition pour guitare, Variations sur les Folies d’Espagne par un François de Fossa, un compositeur dont le nom m’était totalement inconnu.

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J’obtenu donc des copies de cette musique et les amena à la maison pour les examiner avec la guitare en main. Il y a beaucoup de variations sur le thème Les Folies d’Espagne, mais celleci avait quelque chose qui immédiatement souleva ma tension artérielle. La deuxième variation de l’œuvre était un morceau de musique que j’ai connu toute ma vie en tant qu’une Étude de Campanelas par Francisco Tárrega.

Ah ! Je me suis dit, un cas évident de plagiat. Comment ce français pouvaitil oser voler un morceau de musique du grand Tárrega ? Ou peut-être était ce exactement le contraire ?

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J’ai su que Francisco Tárrega était né en 1852 et mourut en 1909. La première étape était de découvrir quand a vécu ce de Fossa. Regarder dans les dictionnaires et les encyclopédies musicales habituelles n’était pas chose utile. Les dictionnaires généraux de musique ne le mentionnaient pas du tout, et ceux consacrés à la guitare n’avaient que quelques lignes peu concluantes qui le rapportaient en tant qu’amateur de guitare au début de 19ème siècle. Tout en recherchant cette information, j’ai également commencé à rechercher plus de partitions de musique par de Fossa, et en peu de temps compilé une collection considérable de morceaux de diverses bibliothèques. Examinant ce riche ressource, je me suis bientôt rendu compte que ce compositeur inconnu était en fait une force importante de son temps, une force qui devait être rétablie et mise en évidence. Le goût de De Fossa en composition musicale, jugeant de ses œuvres connus, a été orienté sur la musique de chambre avec d’autres guitares, et avec les instruments de corde et le piano. Ses compositions originales montrent un degré rafraîchissant de sophistication musicale. Son style n’était pas une seule répétition des formules, mais une tentative de créer une musique originale en accord avec son temps. Les compositions de de Fossa démontrent une richesse des matériaux mélodiques peu commune et des surprises amusantes dispersées partout. Les rythmes syncopés, souvent liés, ainsi que les pédales dissonantes, la dynamique inattendue, la jonglerie harmonique, les modulations peu communes et fréquentes et un riche texture dialogué, toute contribuent pour créer une musique vibrante et intense. Le compositeur a bien connu la guitare, l’écriture est techniquement idiomatique et exploite une grande variété de ressources instrumentales. Certainement, ses œuvres montrent un traitement de bon goût des modèles classiques et d’un niveau élevé de technique de composition. Une de compositions que j’ai trouvées était les variations sur La Tirolienne, de Fossa Op. 1.

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Le compositeur était décrit à la page titre comme

Évidemment, une personne militaire. Discutant mes problèmes avec un ami, on me mentionna qu’il y a une composition par le guitariste espagnol Dionisio Aguado,

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ses Trois Rondeaux Brillants op. 2, qui porte à la page titre la dédicace suivante : A Mon Ami François de Fossa

Ainsi si de Fossa et Aguado étaient des amis, évidemment ils étaient également de la même génération. J’ai su qu’Aguado est mort en 1849, ce qui signifie que sans aucun doute le plagiat de la petite étude de campanela a été commis par Tárrega, et non pas par de Fossa. Qui était cet homme ? Je suis alors allé à Washington et passé 5 mois à travailler dans la Bibliothèque du Congrès, examinant plus de 5000 livres sur l’histoire de l’armée française dans cette énorme bibliothèque.

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J’ai même trouvé la bas une histoire du 23ème régiment de ligne, mais la seule information applicable à mon étude que je pouvais glaner d’elle était celle qu’en 1823 le régiment a été commandé par le Comte de Montboissieur, un nom maintenant familier, parce que les 3 quatuors de de Fossa op. 19 lui ont été dédiés. Pas un mot au sujet de de Fossa lui-même.

J’étais sur le point d’abandonner la chasse et rentrer à la maison, quand il me sembla soudainement que je cherchais dans la mauvaise direction. Oui, mon homme était un officier militaire, mais avec le préfixe "De" à son nom, il pourrait donc également appartenir à une famille noble. Ainsi je regarda dans plusieurs nobiliaires, et trouva rapidement un livre appelé Dictionnaire de Familles Françaises, où je trouva des articles sur deux familles séparées, toutes les deux nommé de Fossa. L’une était une ligne des descendants des Huguenots et était basée à Poitiers, et l’autre était à Perpignan. Le chef de cette famille était un professeur de loi à l’université de Perpignan appelé François de Fossa qui est mort en 1789. Quelques années avant sa mort, il a été anobli par Louis XVI. Certainement cet homme ne pouvait être la même personne à qui Aguado a dédié sa musique.

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Maintenant j’avais un choix. Je pouvais aller vers le nord à Poitiers ou vers le sud à Perpignan. Mais parce que je suis guitariste, je savais que beaucoup des choses de valeur dans l’histoire de la guitare et de son répertoire, a été créée par des guitaristes catalanes, de Fernando Sor à Miguel Llobet à Emilio Pujol. Je décida donc d’essayer Perpignan d’abord. Mon premier arrêt était le 12ème étage de la bibliothèque du Congrès, où ils gardent les annuaires téléphoniques de toutes les villes partout dans le monde. Nous sommes toujours en 1979, et l’Internet n’existe pas encore. Je trouva l’adresse des archives Départementales de Pyrénées Orientales à Perpignan, et je leur écrive une lettre. Voici ce que je sais : une personne militaire qui est également un musicien, et un autre, professeur de loi à l’université, tous les deux portants le nom de François de Fossa. Pouvez-vous s.v.p. m’indiquer ce que vous connaissez au sujet d’eux, et s’il y a n’importe quel rapport familial entre les deux. Dans un délai de deux semaines, j’ai reçu un grand paquet avec un inventaire complet des entrés de Fossa de leurs archives, et de la réponse qu’en effet ces deux personnes étaient de la même famille. Elles étaient père et fils. J’étais là à Perpignan en 48 heures. J’ai passé une semaine passionnante travaillant dans les archives, établissant lentement une image complète de cet homme étonnant. Seulement la lecture des 300 lettres qu’il a écrites à sa sœur Thérèse Campagne pendant 27 ans, commençant par son exil en Espagne et au Mexique, m’a donné une appréhension profonde du caractère et de la personnalité de ce monsieur. François de Fossa est né à Perpignan le 31 août, 1775. Son père était l’un des historiens les plus importants du Roussillon. Il était un juriste distingué, chef de la faculté de la loi à l’université de Perpignan et un auteur prolifique. Peu de chose est connues au sujet de l’éducation de jeune François. Mais après avoir été absorbé avec l’érudition et apprenant ce qui doit avoir imprégné le ménage dans lequel il a grandi, on peut seulement supposer qu’il doit avoir été exposé à la culture musicale dans sa jeunesse. Peu de temps après la manifestation de la révolution française, de Fossa a émigré en Espagne où il a joint l’armée espagnole en tant que volontaire à une compagnie des officiers d’armée et des Gentilshommes de la noblesse, appelée la Légion de Pyrénées. Il a servi là de la création du bataillon en 1793, et a participé à plusieurs de ses campagnes. En 1796 il a été sommé par Miguel d’Azanza, alors ministre espagnol de guerre, pour servir

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directement sous lui. En 1799 d’Azanza a été appelé par Carlos IV comme Vice-roi du Mexique et a pris de Fossa avec lui. Après avoir passé un certain temps à Mexico et à Puebla, de Fossa a joint la compagnie d’infanterie d’Acapulco comme "Cadete Gentilhombre." En 1800 il a été promu deuxième lieutenant. Il est revenu en Espagne sur des ordres du roi en 1803. Après plusieurs emplois et promotions militaires, il a été attaché au ministère des Indes en tant que chef de bureau. Par la suite, il a rejoint son régiment au rang du capitaine. Dans la bataille de Grenade, 29 janvier, 1810, il a été fait prisonnier par les Français, emporté à Madrid où il a été libéré sur parole par Joseph Bonaparte et ré affecté par celui-ci à son vieux poste au ministère des Indes. Après la chute de Bonaparte en 1813, il s’est sauvé en France avec l’armée française qu’il a alors jointe en tant que capitaine. De Fossa est revenu en Espagne, cette fois du côté français participant à la campagne du duc d’Angoulême en Catalogne en 1823. À la fin de cette campagne, il a été promu au rang de chef de Bataillon, et en 1825 il a été fait chevalier de la Légion d’Honneur. Plus tard il a participé à la guerre contre l’Algérie. Il s’est retiré du service militaire en 1844. François de Fossa est mort à Paris le 3 juin, 1849. Il semble que de Fossa composait déjà pour la guitare en 1808. Cette année là, dans une lettre qu’il a écrite de Madrid à sa sœur à Perpignan, il rapporte d’avoir essayé d’augmenté son faible revenu de fonctionnaire en composant de la musique pour guitare. Il rapporte même que certains de ses quatuors ont été joués publiquement et qu’il s’est fait appeler par ses admirateurs le Haydn de la guitare. Mais Madrid de 1808 n’était pas un bon endroit pour établir une carrière musicale et il s’est bientôt rendu compte qu’il devrait chercher ses fortunes dans d’autres professions. En effet de Fossa n’a jamais fait de la musique une carrière à temps plein. Cela ne l’a pas empêché de composer, et le moment venu, de publier en France et en Allemagne un nombre considérable d’œuvres musicales. Dans une conversation avec l’archiviste à Perpignan, je lui ai demandé où ils ont obtenu tout ce matériel. Ils l’ont reçu, m’a t’on dit, environ 20 années auparavant d’une vieille dame à Marseille qui était un descendant direct de la famille. Ils avaient même une adresse et un numéro de téléphone, mais n’étaient pas sûrs si la dame était encore vivante. J’ai appelé. __Madame de Fossa ? __ Oui. La réponse m’a donné un frisson incroyable, et pendant quelques secondes j’étais sans voix. La situation était pour moi, pareille comme appeler Madame Mozart, et obtenir la même réponse. Je me suis pris en main et j’ai expliqué à la

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dame que j’étais un musicien américain étudiant l’histoire du compositeur François de Fossa qui devait avoir été son arrière-grand-père et j’apprécierais beaucoup une chance de la rencontrer et de lui poser quelques questions. Immédiatement elle a répondu que je perdais mon temps, et le sien, puisqu’il n’y avait jamais eu aucun musicien dans sa famille, seulement des militaires. Mais j’ai persisté et l’ai implorée pour qu’elle m’accorde 5 minutes de son temps. Elle a finalement accepté, mais a averti que le lendemain elle serait occupée, parce qu’il y avait un ennui sérieux avec la salle de bain, et le propriétaire refuse de réparer, et que son fils va venir pour régler les choses avec le propriétaire récalcitrant. Je n’étais pas tout à fait certain dans quelle sorte d’ennui je m’embarquais, mais en tant qu’historien, la chance de rencontrer un vrai descendant direct d’un compositeur du début de 19ème siècle, était un stimulant si puissant, que j’ai fait fis de toutes les embûches et pris le train pour Marseille. Le jour suivant, à 10 heures du matin, je me suis présenté chez Madame de Fossa-d’Ornano et sonné la porte. La porte s’est ouverte, et quelque chose d’incroyable se produit. Un moment je me tenais dans la hâte et le mouvement bruyant de Marseille moderne du 20ème siècle, et dès que j’ai fait un pas par la porte, j’ai été transporté, comme si dans une machine à voyager dans le temps, au 19ème siècle. Odette de Fossa-d’Ornano était une femme âgée de 96 ans à ce moment la, une petite femme avec un regard fixe et clair et le comportement pointu, l’image même de la noblesse.

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Aimablement elle m’a permis d’examiner les tableaux et les portraits innombrables accrochés partout dans l’appartement, tout en continuant à m’avertir qu’a tout moment son fils viendra pour régler le problème avec le propriétaire. Une des tableaux sur le mur attira mon attention. C’était un petit camée ovale montrant un jeune homme dans l’uniforme militaire.

Elle ne savait pas qui était cet homme, peut-être son propre père, qui était également un homme militaire. Je savais que cela ne pouvait être possible, parce que son père serait dans le service militaire pendant le début du 20ème siècle, et le

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peu que je connaissais sur l’uniforme militaire, suggérait que le portrait soit celui d’un officier dans une période beaucoup plus ancienne. J’ai demandé la permission de photographier le camée et elle m’a permis de le faire. J’ai alors pris mon congé, ne souhaitant pas m’imposer plus longuement. Revenant à la maison, j’ai développé l’image et ai commencé à l’étudier.

J’ai regardé dans les bibliothèques pour de l’information sur l’uniforme militaire français, et en effet l’uniforme était celui d’un chef de bataillon. J’ai alors identifié les trois médailles sur la poitrine de l’officier

et elles correspondaient aux médailles que François de Fossa reçu, exactement comme énuméré dans les documents militaires qui étaient également dans les archives de Perpignan. L’ordre de St. Louis, l’ordre de San Fernando et la Légion

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d’Honneur. Mais cet homme pouvait être n’importe qui et pas nécessairement mon compositeur. Heureusement, je pouvais présenter l’image à Leonid Tarasiuk à New York, une personne qui a été toute sa vie le conservateur des uniformes militaires au musée d’Hemitage à Saint Petersburg. Il a regardé l’image et a prononcé : C’est un chef de bataillon de l’armée française, entre 1815-1820, appartenant à 23ème régiment de ligne. J’ai su que François de Fossa a appartenu au 23ème régiment, mais comment lui, Leonid Tarasiuk, a-t-il su cela ? Simple, il a dit. Le nombre du régiment est toujours inscrit sur les boutons de la tunique.

C’était la preuve finale qu’en effet c’était un portrait de notre compositeur. Plusieurs années après, j’ai rencontré le Maître d’Ornano à Marseille. Quand je lui ai raconté l’histoire avec les boutons de la tunique, il a trouvé chez lui le deuxième portrait du compositeur,

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une image qui est maintenant connue partout dans le monde, et je dois le dire, le seul portrait d’un guitariste/compositeur du début de 19ème siècle existant aujourd’hui en couleur. Par ailleurs, je ne suis jamais allé à Poitiers.

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