10e Edition Festival Internasional Kreol

June 16, 2017 | Autor: Dr Jimmy Harmon | Categoría: Languages and Linguistics, Heritage language studies, Language and Identity Studies
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LE DEFI QUOTIDIEN 19 novembre 2015 Dr Jimmy Harmon: «La culture et la langue créole continueront leur évolution»

Directeur du Centre Nelson Mandela, Dr Jimmy Harmon a participé à plusieurs débats dans le contexte de l’introduction du kreol morisyen dans les écoles, devenue une réalité en 2012. Ce dernier, qui est aussi universitaire, formateur et activiste dans le milieu populaire créole, est parmi les intervenants au symposium qui se tient ce jeudi à l’Université de Maurice (UoM) dans le cadre de l’ouverture de la 10e Edition du Festival Kreol. Dr Jimmy Harmon fait le point sur la langue et la culture créole. Parlez-nous de la situation de la culture et de la langue créole à Maurice. La culture et la langue créole se portent bien. Cette langue et cette culture ont une double dimension : d’un côté, celle du « marqueur identitaire » des Créoles à Maurice et, d’autre part, une dimension nationale, car, la langue et la culture créoles sont l’ADN des Mauriciens. Le kréol a été, pendant longtemps, considéré comme la langue du petit peuple, des analphabètes, voire ceux qui sont en marge de la société. La situation a-t-elle évoluée ? La langue kreol connaît une évolution rapide, et continuera sur cette lancée, mais aussi dans une grande douleur et profonde blessure. Toutefois, elle a pu vaincre l’adversité. Avec le kreol dans le milieu scolaire et son utilisation dans sa forme écrite dans les institutions publiques, on est moins coincé. Il y a une explosion culturelle créole dans ses multiples facettes et ses différents aspects. Langue et culture kreol sont en passe de devenir un ‘Trade mark’. C’est le kreol qui détermine notre identité quelque part. Ainsi, il est important de

redonner à la langue, toute son importance. À ce niveau, les Créoles ont un long combat à mener, comparés à d’autres composantes de la société, pour préserver la langue. Le kreol Morisien est une langue reconnue avec un lexique établi. Très peu de personnes parviennent à l’utiliser tant à l’écrit et qu’à l’oral. Quels sont les facteurs responsables de ces difficultés ? Savoir distinguer le kreol à l’oral de l’écrit est fondamental… Toute écriture dans une langue demande un apprentissage. On peut parler bien la français ou toute autre langue sans pouvoir l’écrire. Pour les adultes, cela va être difficile d’écrire en Kreol au début, car on n’a pas étudié le kreol à l’école. Il faut se mettre à l’écriture sur une base régulière. Quant aux enfants, ayant choisi le kreol morisyen depuis 2012, cela ne les gêne pas dans l’apprentissage de l’anglais ou du français. Quelle est votre position par rapport à l’introduction du kreol morisyen au Parlement ? Il existe une crainte, selon laquelle le kreol est trop ‘grossier’ pour être utilisé dans un contexte aussi formel. Partagez-vous cet avis ? Est-ce que les parlementaires anglais, français, allemands ou espagnols ne disent jamais des mots « grossiers » ? Est-ce que cela voudrait dire qu’on ne peut pas tenir un discours argumenté en kreol ? Dans quelques années, nos enfants vont rire de ceux qui tiennent comme faux prétextes que le kreol est « grossier ». Je pense qu’il ne faut pas croire qu’il faut introduire le kreol pour aider nos parlementaires qui ont de la difficulté à s’exprimer en français ou en anglais. On fait fausse route si on pense mal. Il nous faut avoir des parlementaires de haut niveau, qui maîtrisent leur dossier, mais qui ont un profond respect pour notre langue et culture. Le kreol au Parlement relève du droit de tout citoyen de mieux comprendre les débats sur les sujets qui déterminent son avenir. Par rapport à la culture créole, est-elle réservée qu’aux Mauriciens d’origine africaine qu’on surnomme les ‘Créoles’ dans le jargon mauricien ? Cette question revient à chaque fois que les Créoles prennent la parole. Un Mauricien d’origine africaine me faisait l’observation suivante la dernière fois à la sortie d’une soirée de formation à La Gaulette : « Eski nou kapav koz enn bouyon pwason san pwason ? ». « Vous pouvez ajouter d’autres ingrédients mais, le poisson doit y être. » Je dirai que les Mauriciens d’origine africaine ont le droit de s’approprier la culture créole. Pensez-vous que notre culture créole disparaîtra avec l’urbanisation ? Pas du tout. Je crois que la culture créole continuera son évolution. Toute culture créole est capable de s’adapter aux changements dans la société. Ce qui fait qu’elle est créole, c’est qu’elle n’est pas figée dans l’ancestralité. J’ai confiance en l’avenir. Et, la vision du Centre Nelson Mandela ? Le centre a pour particularité l’autonomisation culturelle des Créoles avec la valorisation des cultures africaine et créole. La langue et la culture en sont la colonne vertébrale. Ajoutez à cela que le centre doit réaliser les recommandations de la Commission Justice et Vérité et organiser des levées de fonds pour atteindre ses nouveaux objectifs. Le centre a aussi pour mission de promouvoir et vulgariser l’art africain et la culture africaine et créole, à travers des ateliers de travail, des activités et des expositions. Quels sont les obstacles qui vous empêchent d’atteindre vos objectifs ? L’obstacle majeur reste la position du centre dans la société mauricienne. Selon moi, le seul moyen d’y parvenir est de contrer cet obstacle, et de transformer le Centre Nelson Mandela

en un institut. N’ayant pas de reconnaissance internationale, le centre ne peut pas organiser une levée de fonds auprès des organisations internationales. Des contraintes légales se présentent aussi. Ainsi, nous recherchons l’expertise sud-africaine pour avoir des modèles d’institut. Pour la deuxième édition de la Nelson Mandela Memorial Week prévue en décembre, Dr Matloleng Matlou, directeur d’Afrika Excelsior Consultant, sera en visite à Maurice, une initiative de la Haute commission sud-africaine. Il nous aidera à réfléchir sur ce sujet afin d’aboutir à un projet concret.

Festival Internasional Kreol: nu langaz à l’honneur 19 novembre 2015 PAR Le Défi Quotidien 52 vues 0 Commentaire La 10e édition du Festival Internasional Kreol débute aujourd’hui avec un symposium sur la situation du kreol à Maurice. Cet événement annuel est une occasion de méditer sur l’importance accordée à notre héritage culturel et linguistique. « Sitiasion lang kreol dan bann institision Repiblik Moris ek dan lekol ». Tel est le thème du symposium national, qui se tient ce jeudi 19 novembre à l’auditorium Octave Wiehe à Réduit. Cette rencontre marque le début de dix jours d’activités sur le thème de la culture et la langue créoles à Maurice, dans le cadre de la 10e édition du Festival Internasional Kreol. L’accent est mis sur la découverte de notre héritage créole dans toute sa splendeur. L’occasion donc de s’attarder sur la place accordée à la langue et la culture créoles, tant dans le domaine linguistique qu’artistique à Maurice. Ces derniers temps, le kreol morisyen a été au centre de plusieurs débats, dont celui de son introduction à l’Assemblée nationale. Selon Alain Ahvee, formateur à Ledikasyon Pu Travayer, ces débats démontrent que le kreol Morisyen suscite de l’intérêt de part et d’autre. « Pandan buku letan kreol ti eskli dan bann intitisyon dans Moris. Me zordi nu kapav dire ki la sityasion pe sanze tigit tigit. Bann Morisien pe kumans interese ek zot leritaz. Kreol se langaz lepep. Li ena tou rezon pu rant dan Parlman. Me ena buku bann pwin ki nu bizin travay pu veye ki ecrir ek koz kreol dan fason ki bizin », affirme notre interlocuteur. Selon lui, nous disposons aujourd’hui d’outils qui nous permettent de suivre les règles linguistiques du kreol morisien. Au moyen du dictionnaire développé par un groupe de linguistes, souligne Alain Ahvee, il est maintenant possible d’utiliser cette langue tant à l’oral qu’à l’écrit, de façon grammaticalement correcte. Il fait également ressortir que le kreol morisien est un moyen de communication efficace, car il permet de toucher un maximum de personnes et est aussi un moyen de combattre l’analphabétisme.

Jean Marie F. Richard, Koordinater Organizasion Festival Kreol 2015: « Les retombées seront positives »

« Le Festival Kreol Internasional, particulièrement le symposium est une étape importante dans l’évolution de la langue et de la culture créole à Maurice. Nous réunissons sous un même toit toutes les parties concernées et cela ne peut qu’être un coup de pouce pour la reconnaissance du kreol morisyen. Les différentes parties du symposium vont permettre aux protagonistes de réfléchir sur ce sujet. Nous sommes sûrs que les retombées seront positives. On est arrivé à un point décisif de la reconnaissance du kreol à Maurice. Une telle rencontre ne peut qu’être bénéfique. »

Une langue, une nation Dev Virahsawmy, poète et auteur de plusieurs livres sur le kreol morisien, s’est aussi joint au débat. Il soutient que c’est uniquement la promotion de la langue créole qui permettra à Maurice d’être une nation. « Moris indepandan depi 47 ans. Me nu pa kapav dire ki nu enn nasyon parski nu pena enn lang nasyonal. Pu mwa, se zis kreol ki kapav konsidere kuma nu lang nasyonal ki kapav inir lepep », affirme-t-il. L’auteur compte d’ailleurs présenter son nouvel ouvrage, intitulé “Training in bilingual literacy”, au symposium. Il s’agit d’un livre de 240 pages qu’il décrit comme un outil novateur. « Angle ek kreol bien resanble. Nu kapav aprann toulede langaz ansam. Sa liv la pu montre kuma pou aprann kreol dans enn fason simp. Li pu permet nu realiz nu lobzektif fer buku dimoune konn lir ek ecrir kreol », souligne Dev Virahsawmy. Une source d’inspiration En sus de la langue, la culture créole sera sous les feux des projecteurs durant le Festival Festival Internasional Kreol. Divers artistes locaux et internationaux exposeront notre héritage créole, allant de la musique à la gastronomie. Un héritage riche en émotions, décrit l’artiste Zanzak Arjoon, également porte-parole de l’Association des Auteurs et Compositeurs Mauriciens (AACM).

« C’est notre fierté nationale. L’identité même de notre pays. Il n’y a rien de plus puissant que d’exprimer nos émotions utilisant notre langue et d’exploiter nos talents en faisant appel à notre culture », nous confie l’artiste, pour qui la langue créole est « une source inépuisable d’inspiration ». « Nous avons de nombreux artistes qui ont grandement valorisé le kreol morisien. Des termes et des mots relevant de notre vie de tous les jours sont utilisés par de nombreux artistes pour démontrer la typicité de notre île. Par exemple, le chanteur Jean-Claude Gaspard dans le fameux ‘pwason sale sounouk’ ou ‘problem kari’. Ces mots et ces termes touchent pratiquement chaque Mauricien au plus profond de son être car ce sont des choses qui l’entourent », explique Zanzak Arjoon. Nous avons à Maurice des perles artistiques qui font de leur mieux pour promouvoir la langue et la culture créoles, ajoute l’artiste. « Comme Jean de la Fontaine, de nombreux artistes utilisent le kreol pour exprimer leurs émotions. Ti Frer a démontré, à travers ses chansons, que chaque artiste peut puiser ses inspirations dans notre immense héritage culturel », dit-il. Les jeunes artistes l’ont parfaitement compris, souligne Zanzak Arjoon. « La nouvelle génération d’artistes suit la voie tracée par ceux qui ont placé la culture créole au centre de leur art. Cela donne lieu à de magnifiques créations. Nous ne cesserons pas d’aussitôt de découvrir toute la splendeur, la richesse et la variété de notre héritage créole », conclut-il.

Évolution du kreol à Maurice et ailleurs…

Le symposium fait aussi un survol de la situation de la langue créole dans d’autres territoires créolophones, tels que Les Seychelles, La Réunion et Rodrigues, entre autres. Benjamin Mootoo, présent à l’événement, y fait un exposé sur le thème ‘Lang Kreol, depi mepri ziska rekonesans’. L’historien met l’accent sur l’évolution du kreol morisien, des colons aux esclaves, en passant par les immigrants indiens. « Le kreol morisien a toujours été considéré comme la langue des analphabètes. Sa lang la inn sufer buku mepri me malgre tousala li ine sirviv. Zordi, li ne pli lang pu bann esklav. Li enn passrel pu tu bann morisien », dit-il. Benjamin Mootoo raconte qu’auparavant, ceux qui parlaient le kreol n’étaient pas considérés comme des gens respectables. Toutefois, ajoute-t-il, la situation n’a pas vraiment changé dans certaines régions du pays. « Nu inn deza gagn calott kan coz kreol. Dimunn ti p dir nu ban

vilger. Me zot pa cone ki la plipar bann mo sorti depi franse. Ena enn lipokrisi dan nu societe ek ena morisien prefer koz franse sosiab ou enn kreol fransise pu gard zot ran », affirme-t-il. Le kreol morisien est ce qui unit notre population d’origines culturelles et de classes sociales diverses. « C’est le cordon ombilical pour l’unité nationale », fait-il valoir. Rodrigues: un sentiment d’appartenance À Rodrigues, c’est un sentiment d’appartenance qui prévaut, selon Nita RughoonundunChellapermal, responsable du département kreol du Mauritius Institute of Education (MIE). « Pu bann rodrige, li importan zot konn coz ek ekrir kreol. Zot cone ki nu langaz ede nu develop nu potansiel. Dan Moris, nu envi al vite, nu pa truv li importan al apran li cuma bizin », souligne-t-elle. Notre interlocutrice est d’avis que graduellement les Mauriciens pourront changer d’avis en ce qui concerne le kreol morisien. « Ou langaz se ou. Se enn handikap kan ou pa conn ou langaz cuma bizin », conclut-elle. La Réunion: garder sa typicité L’écrivain réunionnais, Alex Gauvin nous apprend qu’en 2001, le créole réunionnais y a été introduit comme sujet optionnel et il y a encore beaucoup à faire à ce niveau. « Malgré le fait que 85% des parents pensent que l’enseignement du kreol soit important, on note un repli de la part de certains. Or, nous ne pouvons pas leur imposer cette langue car les Réunionnais refuseraient de coopérer. Le rôle de Lofis Lang Kreol est justement d’apporter plus de réflexions sur l’importance des langues, notamment le Kreol », avance-t-il. L’écrivain souligne aussi que la culture créole permettra au Réunionnais de garder sa typicité. « Nous ferons tout pour avancer dans nos démarches et expliquer aux gens qu’ils doivent être fiers du créole réunionnais », lance-t-il.

Un outil pour lutter contre l’analphabétisme Des associations telles que Ledikasyon Pu Travayer utilisent le kreol morisien comme un moyen d’éradiquer l’analphabétisme, particulièrement chez les adultes. Plusieurs personnes ont pu, après avoir suivi ces cours, mieux s’exprimer et apprendre à compter et à lire. Qu’estce qui fait du kreol un outil efficace ?

Daniella Bastien, de la Creole Speaking Union: « Notre identité »

Daniella Bastien, de la Creole Speaking Union

« C’est une très bonne chose de constater que de nombreuses personnes sont enthousiastes à l’idée d’apprendre à lire et à écrire en kreol morisien. Cela s’explique de par le fait que c’est la langue la plus répandue à Maurice. Elle est également notre identité. L’apprenant se sent plus libre. Il n’y a presque pas de barrières linguistiques. Il peut ainsi s’exprimer facilement ». Alain Ahvee, de Ledikasyon Pu Travayer: « Facilite l’apprentissage »

Alain Ahvee, de Ledikasyon Pu Travayer

« Il est parfois difficile d’avoir l’attention des apprenants. Mais le kreol facilite l’apprentissage, car nous pouvons facilement susciter leur intérêt. De plus, l’enseignant dispose bien plus de moyens pour aider l’apprenant à mieux s’exprimer et à enrichir son vocabulaire. Il peut puiser dans les choses qui l’entourent et tirer des exemples dans son quotidien pour l’aider à saisir certaines règles ».

Dev Virahsawmy, auteur: « Médium d’enseignement »

Dev Virahsawmy, auteur

« Le terme “médium d’enseignement” n’est pas vraiment compris à Maurice. Le kreol ne doit pas être uniquement une langue de support, mais il doit être utilisé pour enseigner les différentes matières, telles que les mathématiques et les sciences entre autres. De plus, il doit être la langue utilisée pour répondre aux questions pendant les examens. Mais avant d’y arriver, il faut aider un maximum de gens à mieux s’exprimer dans cette langue ». Arnaud Carpooran, linguiste: « Langue maternelle »

Arnaud Carpooran, linguiste

« Dans plusieurs pays, l’apprentissage passe d’abord par la langue maternelle. Par exemple, en France, l’on apprend en français avant d’aller vers une autre langue. Pourquoi pas à Maurice ? Le kreol est la langue maternelle de la plupart d’entre nous et rend les choses plus faciles à la fois pour l’apprenant et l’enseignant. Toutefois, il faut quand même respecter les règles linguistiques ».

En milieu scolaire Introduit en 2012 en Standard 1 comme matière optionnelle du cursus scolaire, le kreol morisien avait été choisi par 3 487 élèves. Aujourd’hui, ils sont plus de 17 000, de 176 écoles primaires du pays, à étudier notre langue maternelle. Cette introduction marque un tournant historique de notre système éducatif. Quel est l’apport du kreol morisien dans le milieu scolaire ? Menon Munien, du ministère de l’Éducation: « Un atout pédagogique » « Nous avons pu attirer plus de 17 000 d’élèves en trois ans. Bien que cette langue soit optionnelle, nous avons constaté l’intérêt de plusieurs parents et d’élèves pour le kreol morisien. Depuis 2012, la demande est stable. Le ministère de l’Education travaille d’arrache-pied sur ce projet et a installé une ‘Creole Unit’ pour la formation des enseignants et la publication de manuels, entre autres. Maintenant, avec l’introduction du 9-Year Schooling, nous devons revoir le curriculum. Le kreol morisien est un atout pédagogique. Il permet à l’apprenant de mieux s’exprimer tant à l’écrit et à l’oral ». Cindy Desalles, du Bureau de l’Education Catholique: « L’enfant apprend mieux » « L’élève peut exploiter son potentiel plus efficacement. Nous avons la conviction qu’il faut apprendre une matière en français ou en anglais pour réussir. Il faut savoir que l’enfant apprend mieux dans sa langue maternelle. Certains parents insistent sur le fait qu’il faut parler uniquement le français à la maison. Cependant, ils sont plusieurs à parler un français incorrect, car ils ne maîtrisent pas cette langue. Ena morisien pense ki coz kreol pu rabes zot ». Alex Gauvin, Lofis Lang Kreol de la Réunion: « Augmente l’estime de soi »

Alex Gauvin, Lofis Lang Kreol de la Réunion

« Plusieurs personnes ne réalisent pas que parler et étudier notre langue maternelle augmente notre estime de soi. Un enfant dont la langue maternelle est le Kreol est bien plus à l’aise en classe. Notre but est aussi de mettre l’enfant dans le bilinguisme additif, c’est-à-dire de réunir

toutes les conditions pour l’apprentissage d’une deuxième langue. Chaque île a ses spécificités quant à l’enseignement du Kreol ». Nita Rughoonundun Chellapermal du MIE: « Développe l’imaginaire »

Nita Rughoonundun Chellapermal du MIE

« En tant que responsable de l’enseignement de la langue créole dans les écoles, j’estime que bon nombre de Mauriciens ne réalisent pas que nous travaillons dans la perspective d’un projet à la portée de tous les Mauriciens. Cela est dû au fait que le kreol morisien n’est pas utilisé ailleurs. Pourtant, il est grand temps que les Mauriciens comprennent que l’enseignement du kreol aide à développer l’imaginaire ». 

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La 10e édition du Festival Internasional Kreol débute aujourd’hui avec un symposium sur la situation du kreol à Maurice. Cet événement annuel est une occasion de méditer sur l’importance accordée à notre héritage culturel et linguistique. « Sitiasion lang kreol dan bann institision Repiblik Moris ek dan lekol ». Tel est le thème du symposium national, qui se tient ce jeudi 19 novembre à l’auditorium Octave Wiehe à Réduit. Cette rencontre marque le début de dix jours d’activités sur le thème de la culture et la langue créoles à Maurice, dans le cadre de la 10e édition du Festival Internasional Kreol. L’accent est mis sur la découverte de notre héritage créole dans toute sa splendeur. L’occasion donc de s’attarder sur la place accordée à la langue et la culture créoles, tant dans le domaine linguistique qu’artistique à Maurice. Ces derniers temps, le kreol morisyen a été au centre de plusieurs débats, dont celui de son introduction à l’Assemblée nationale. Selon Alain Ahvee, formateur à Ledikasyon Pu Travayer, ces débats démontrent que le kreol Morisyen suscite de l’intérêt de part et d’autre. « Pandan buku letan kreol ti eskli dan bann intitisyon dans Moris. Me zordi nu kapav dire ki la sityasion pe sanze tigit tigit. Bann Morisien pe kumans interese ek zot leritaz. Kreol se

langaz lepep. Li ena tou rezon pu rant dan Parlman. Me ena buku bann pwin ki nu bizin travay pu veye ki ecrir ek koz kreol dan fason ki bizin », affirme notre interlocuteur. Selon lui, nous disposons aujourd’hui d’outils qui nous permettent de suivre les règles linguistiques du kreol morisien. Au moyen du dictionnaire développé par un groupe de linguistes, souligne Alain Ahvee, il est maintenant possible d’utiliser cette langue tant à l’oral qu’à l’écrit, de façon grammaticalement correcte. Il fait également ressortir que le kreol morisien est un moyen de communication efficace, car il permet de toucher un maximum de personnes et est aussi un moyen de combattre l’analphabétisme. Jean Marie F. Richard, Koordinater Organizasion Festival Kreol 2015: « Les retombées seront positives »

« Le Festival Kreol Internasional, particulièrement le symposium est une étape importante dans l’évolution de la langue et de la culture créole à Maurice. Nous réunissons sous un même toit toutes les parties concernées et cela ne peut qu’être un coup de pouce pour la reconnaissance du kreol morisyen. Les différentes parties du symposium vont permettre aux protagonistes de réfléchir sur ce sujet. Nous sommes sûrs que les retombées seront positives. On est arrivé à un point décisif de la reconnaissance du kreol à Maurice. Une telle rencontre ne peut qu’être bénéfique. »

Une langue, une nation Dev Virahsawmy, poète et auteur de plusieurs livres sur le kreol morisien, s’est aussi joint au débat. Il soutient que c’est uniquement la promotion de la langue créole qui permettra à Maurice d’être une nation. « Moris indepandan depi 47 ans. Me nu pa kapav dire ki nu enn nasyon parski nu pena enn lang nasyonal. Pu mwa, se zis kreol ki kapav konsidere kuma nu lang nasyonal ki kapav inir lepep », affirme-t-il. L’auteur compte d’ailleurs présenter son nouvel ouvrage, intitulé “Training in bilingual literacy”, au symposium. Il s’agit d’un livre de 240 pages qu’il décrit comme un outil novateur. « Angle ek kreol bien resanble. Nu kapav aprann toulede langaz ansam. Sa liv la pu montre kuma pou aprann kreol dans enn fason simp. Li pu permet nu realiz nu lobzektif fer buku dimoune konn lir ek ecrir kreol », souligne Dev Virahsawmy.

Une source d’inspiration En sus de la langue, la culture créole sera sous les feux des projecteurs durant le Festival Festival Internasional Kreol. Divers artistes locaux et internationaux exposeront notre héritage créole, allant de la musique à la gastronomie. Un héritage riche en émotions, décrit l’artiste Zanzak Arjoon, également porte-parole de l’Association des Auteurs et Compositeurs Mauriciens (AACM). « C’est notre fierté nationale. L’identité même de notre pays. Il n’y a rien de plus puissant que d’exprimer nos émotions utilisant notre langue et d’exploiter nos talents en faisant appel à notre culture », nous confie l’artiste, pour qui la langue créole est « une source inépuisable d’inspiration ». « Nous avons de nombreux artistes qui ont grandement valorisé le kreol morisien. Des termes et des mots relevant de notre vie de tous les jours sont utilisés par de nombreux artistes pour démontrer la typicité de notre île. Par exemple, le chanteur Jean-Claude Gaspard dans le fameux ‘pwason sale sounouk’ ou ‘problem kari’. Ces mots et ces termes touchent pratiquement chaque Mauricien au plus profond de son être car ce sont des choses qui l’entourent », explique Zanzak Arjoon. Nous avons à Maurice des perles artistiques qui font de leur mieux pour promouvoir la langue et la culture créoles, ajoute l’artiste. « Comme Jean de la Fontaine, de nombreux artistes utilisent le kreol pour exprimer leurs émotions. Ti Frer a démontré, à travers ses chansons, que chaque artiste peut puiser ses inspirations dans notre immense héritage culturel », dit-il. Les jeunes artistes l’ont parfaitement compris, souligne Zanzak Arjoon. « La nouvelle génération d’artistes suit la voie tracée par ceux qui ont placé la culture créole au centre de leur art. Cela donne lieu à de magnifiques créations. Nous ne cesserons pas d’aussitôt de découvrir toute la splendeur, la richesse et la variété de notre héritage créole », conclut-il.

Évolution du kreol à Maurice et ailleurs…

Le symposium fait aussi un survol de la situation de la langue créole dans d’autres territoires créolophones, tels que Les Seychelles, La Réunion et Rodrigues, entre autres. Benjamin Mootoo, présent à l’événement, y fait un exposé sur le thème ‘Lang Kreol, depi mepri ziska rekonesans’. L’historien met l’accent sur l’évolution du kreol morisien, des colons aux esclaves, en passant par les immigrants indiens. « Le kreol morisien a toujours été considéré comme la langue des analphabètes. Sa lang la inn sufer buku mepri me malgre tousala li ine sirviv. Zordi, li ne pli lang pu bann esklav. Li enn passrel pu tu bann morisien », dit-il. Benjamin Mootoo raconte qu’auparavant, ceux qui parlaient le kreol n’étaient pas considérés comme des gens respectables. Toutefois, ajoute-t-il, la situation n’a pas vraiment changé dans certaines régions du pays. « Nu inn deza gagn calott kan coz kreol. Dimunn ti p dir nu ban

vilger. Me zot pa cone ki la plipar bann mo sorti depi franse. Ena enn lipokrisi dan nu societe ek ena morisien prefer koz franse sosiab ou enn kreol fransise pu gard zot ran », affirme-t-il. Le kreol morisien est ce qui unit notre population d’origines culturelles et de classes sociales diverses. « C’est le cordon ombilical pour l’unité nationale », fait-il valoir. Rodrigues: un sentiment d’appartenance À Rodrigues, c’est un sentiment d’appartenance qui prévaut, selon Nita RughoonundunChellapermal, responsable du département kreol du Mauritius Institute of Education (MIE). « Pu bann rodrige, li importan zot konn coz ek ekrir kreol. Zot cone ki nu langaz ede nu develop nu potansiel. Dan Moris, nu envi al vite, nu pa truv li importan al apran li cuma bizin », souligne-t-elle. Notre interlocutrice est d’avis que graduellement les Mauriciens pourront changer d’avis en ce qui concerne le kreol morisien. « Ou langaz se ou. Se enn handikap kan ou pa conn ou langaz cuma bizin », conclut-elle. La Réunion: garder sa typicité L’écrivain réunionnais, Alex Gauvin nous apprend qu’en 2001, le créole réunionnais y a été introduit comme sujet optionnel et il y a encore beaucoup à faire à ce niveau. « Malgré le fait que 85% des parents pensent que l’enseignement du kreol soit important, on note un repli de la part de certains. Or, nous ne pouvons pas leur imposer cette langue car les Réunionnais refuseraient de coopérer. Le rôle de Lofis Lang Kreol est justement d’apporter plus de réflexions sur l’importance des langues, notamment le Kreol », avance-t-il. L’écrivain souligne aussi que la culture créole permettra au Réunionnais de garder sa typicité. « Nous ferons tout pour avancer dans nos démarches et expliquer aux gens qu’ils doivent être fiers du créole réunionnais », lance-t-il.

Un outil pour lutter contre l’analphabétisme Des associations telles que Ledikasyon Pu Travayer utilisent le kreol morisien comme un moyen d’éradiquer l’analphabétisme, particulièrement chez les adultes. Plusieurs personnes ont pu, après avoir suivi ces cours, mieux s’exprimer et apprendre à compter et à lire. Qu’estce qui fait du kreol un outil efficace ?

Daniella Bastien, de la Creole Speaking Union: « Notre identité »

Daniella Bastien, de la Creole Speaking Union

« C’est une très bonne chose de constater que de nombreuses personnes sont enthousiastes à l’idée d’apprendre à lire et à écrire en kreol morisien. Cela s’explique de par le fait que c’est la langue la plus répandue à Maurice. Elle est également notre identité. L’apprenant se sent plus libre. Il n’y a presque pas de barrières linguistiques. Il peut ainsi s’exprimer facilement ». Alain Ahvee, de Ledikasyon Pu Travayer: « Facilite l’apprentissage »

Alain Ahvee, de Ledikasyon Pu Travayer

« Il est parfois difficile d’avoir l’attention des apprenants. Mais le kreol facilite l’apprentissage, car nous pouvons facilement susciter leur intérêt. De plus, l’enseignant dispose bien plus de moyens pour aider l’apprenant à mieux s’exprimer et à enrichir son vocabulaire. Il peut puiser dans les choses qui l’entourent et tirer des exemples dans son quotidien pour l’aider à saisir certaines règles ».

Dev Virahsawmy, auteur: « Médium d’enseignement »

Dev Virahsawmy, auteur

« Le terme “médium d’enseignement” n’est pas vraiment compris à Maurice. Le kreol ne doit pas être uniquement une langue de support, mais il doit être utilisé pour enseigner les différentes matières, telles que les mathématiques et les sciences entre autres. De plus, il doit être la langue utilisée pour répondre aux questions pendant les examens. Mais avant d’y arriver, il faut aider un maximum de gens à mieux s’exprimer dans cette langue ». Arnaud Carpooran, linguiste: « Langue maternelle »

Arnaud Carpooran, linguiste

« Dans plusieurs pays, l’apprentissage passe d’abord par la langue maternelle. Par exemple, en France, l’on apprend en français avant d’aller vers une autre langue. Pourquoi pas à Maurice ? Le kreol est la langue maternelle de la plupart d’entre nous et rend les choses plus faciles à la fois pour l’apprenant et l’enseignant. Toutefois, il faut quand même respecter les règles linguistiques ».

En milieu scolaire Introduit en 2012 en Standard 1 comme matière optionnelle du cursus scolaire, le kreol morisien avait été choisi par 3 487 élèves. Aujourd’hui, ils sont plus de 17 000, de 176 écoles primaires du pays, à étudier notre langue maternelle. Cette introduction marque un tournant historique de notre système éducatif. Quel est l’apport du kreol morisien dans le milieu scolaire ? Menon Munien, du ministère de l’Éducation: « Un atout pédagogique » « Nous avons pu attirer plus de 17 000 d’élèves en trois ans. Bien que cette langue soit optionnelle, nous avons constaté l’intérêt de plusieurs parents et d’élèves pour le kreol morisien. Depuis 2012, la demande est stable. Le ministère de l’Education travaille d’arrache-pied sur ce projet et a installé une ‘Creole Unit’ pour la formation des enseignants et la publication de manuels, entre autres. Maintenant, avec l’introduction du 9-Year Schooling, nous devons revoir le curriculum. Le kreol morisien est un atout pédagogique. Il permet à l’apprenant de mieux s’exprimer tant à l’écrit et à l’oral ». Cindy Desalles, du Bureau de l’Education Catholique: « L’enfant apprend mieux » « L’élève peut exploiter son potentiel plus efficacement. Nous avons la conviction qu’il faut apprendre une matière en français ou en anglais pour réussir. Il faut savoir que l’enfant apprend mieux dans sa langue maternelle. Certains parents insistent sur le fait qu’il faut parler uniquement le français à la maison. Cependant, ils sont plusieurs à parler un français incorrect, car ils ne maîtrisent pas cette langue. Ena morisien pense ki coz kreol pu rabes zot ». Alex Gauvin, Lofis Lang Kreol de la Réunion: « Augmente l’estime de soi »

Alex Gauvin, Lofis Lang Kreol de la Réunion

« Plusieurs personnes ne réalisent pas que parler et étudier notre langue maternelle augmente notre estime de soi. Un enfant dont la langue maternelle est le Kreol est bien plus à l’aise en classe. Notre but est aussi de mettre l’enfant dans le bilinguisme additif, c’est-à-dire de réunir

toutes les conditions pour l’apprentissage d’une deuxième langue. Chaque île a ses spécificités quant à l’enseignement du Kreol ». Nita Rughoonundun Chellapermal du MIE: « Développe l’imaginaire »

Nita Rughoonundun Chellapermal du MIE

« En tant que responsable de l’enseignement de la langue créole dans les écoles, j’estime que bon nombre de Mauriciens ne réalisent pas que nous travaillons dans la perspective d’un projet à la portée de tous les Mauriciens. Cela est dû au fait que le kreol morisien n’est pas utilisé ailleurs. Pourtant, il est grand temps que les Mauriciens comprennent que l’enseignement du kreol aide à développer l’imaginaire ». 

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La 10e édition du Festival Internasional Kreol débute aujourd’hui avec un symposium sur la situation du kreol à Maurice. Cet événement annuel est une occasion de méditer sur l’importance accordée à notre héritage culturel et linguistique. « Sitiasion lang kreol dan bann institision Repiblik Moris ek dan lekol ». Tel est le thème du symposium national, qui se tient ce jeudi 19 novembre à l’auditorium Octave Wiehe à Réduit. Cette rencontre marque le début de dix jours d’activités sur le thème de la culture et la langue créoles à Maurice, dans le cadre de la 10e édition du Festival Internasional Kreol. L’accent est mis sur la découverte de notre héritage créole dans toute sa splendeur. L’occasion donc de s’attarder sur la place accordée à la langue et la culture créoles, tant dans le domaine linguistique qu’artistique à Maurice. Ces derniers temps, le kreol morisyen a été au centre de plusieurs débats, dont celui de son introduction à l’Assemblée nationale. Selon Alain Ahvee, formateur à Ledikasyon Pu Travayer, ces débats démontrent que le kreol Morisyen suscite de l’intérêt de part et d’autre. « Pandan buku letan kreol ti eskli dan bann intitisyon dans Moris. Me zordi nu kapav dire ki la sityasion pe sanze tigit tigit. Bann Morisien pe kumans interese ek zot leritaz. Kreol se

langaz lepep. Li ena tou rezon pu rant dan Parlman. Me ena buku bann pwin ki nu bizin travay pu veye ki ecrir ek koz kreol dan fason ki bizin », affirme notre interlocuteur. Selon lui, nous disposons aujourd’hui d’outils qui nous permettent de suivre les règles linguistiques du kreol morisien. Au moyen du dictionnaire développé par un groupe de linguistes, souligne Alain Ahvee, il est maintenant possible d’utiliser cette langue tant à l’oral qu’à l’écrit, de façon grammaticalement correcte. Il fait également ressortir que le kreol morisien est un moyen de communication efficace, car il permet de toucher un maximum de personnes et est aussi un moyen de combattre l’analphabétisme. Jean Marie F. Richard, Koordinater Organizasion Festival Kreol 2015: « Les retombées seront positives »

« Le Festival Kreol Internasional, particulièrement le symposium est une étape importante dans l’évolution de la langue et de la culture créole à Maurice. Nous réunissons sous un même toit toutes les parties concernées et cela ne peut qu’être un coup de pouce pour la reconnaissance du kreol morisyen. Les différentes parties du symposium vont permettre aux protagonistes de réfléchir sur ce sujet. Nous sommes sûrs que les retombées seront positives. On est arrivé à un point décisif de la reconnaissance du kreol à Maurice. Une telle rencontre ne peut qu’être bénéfique. »

Une langue, une nation Dev Virahsawmy, poète et auteur de plusieurs livres sur le kreol morisien, s’est aussi joint au débat. Il soutient que c’est uniquement la promotion de la langue créole qui permettra à Maurice d’être une nation. « Moris indepandan depi 47 ans. Me nu pa kapav dire ki nu enn nasyon parski nu pena enn lang nasyonal. Pu mwa, se zis kreol ki kapav konsidere kuma nu lang nasyonal ki kapav inir lepep », affirme-t-il. L’auteur compte d’ailleurs présenter son nouvel ouvrage, intitulé “Training in bilingual literacy”, au symposium. Il s’agit d’un livre de 240 pages qu’il décrit comme un outil novateur. « Angle ek kreol bien resanble. Nu kapav aprann toulede langaz ansam. Sa liv la pu montre kuma pou aprann kreol dans enn fason simp. Li pu permet nu realiz nu lobzektif fer buku dimoune konn lir ek ecrir kreol », souligne Dev Virahsawmy.

Une source d’inspiration En sus de la langue, la culture créole sera sous les feux des projecteurs durant le Festival Festival Internasional Kreol. Divers artistes locaux et internationaux exposeront notre héritage créole, allant de la musique à la gastronomie. Un héritage riche en émotions, décrit l’artiste Zanzak Arjoon, également porte-parole de l’Association des Auteurs et Compositeurs Mauriciens (AACM). « C’est notre fierté nationale. L’identité même de notre pays. Il n’y a rien de plus puissant que d’exprimer nos émotions utilisant notre langue et d’exploiter nos talents en faisant appel à notre culture », nous confie l’artiste, pour qui la langue créole est « une source inépuisable d’inspiration ». « Nous avons de nombreux artistes qui ont grandement valorisé le kreol morisien. Des termes et des mots relevant de notre vie de tous les jours sont utilisés par de nombreux artistes pour démontrer la typicité de notre île. Par exemple, le chanteur Jean-Claude Gaspard dans le fameux ‘pwason sale sounouk’ ou ‘problem kari’. Ces mots et ces termes touchent pratiquement chaque Mauricien au plus profond de son être car ce sont des choses qui l’entourent », explique Zanzak Arjoon. Nous avons à Maurice des perles artistiques qui font de leur mieux pour promouvoir la langue et la culture créoles, ajoute l’artiste. « Comme Jean de la Fontaine, de nombreux artistes utilisent le kreol pour exprimer leurs émotions. Ti Frer a démontré, à travers ses chansons, que chaque artiste peut puiser ses inspirations dans notre immense héritage culturel », dit-il. Les jeunes artistes l’ont parfaitement compris, souligne Zanzak Arjoon. « La nouvelle génération d’artistes suit la voie tracée par ceux qui ont placé la culture créole au centre de leur art. Cela donne lieu à de magnifiques créations. Nous ne cesserons pas d’aussitôt de découvrir toute la splendeur, la richesse et la variété de notre héritage créole », conclut-il.

Évolution du kreol à Maurice et ailleurs…

Le symposium fait aussi un survol de la situation de la langue créole dans d’autres territoires créolophones, tels que Les Seychelles, La Réunion et Rodrigues, entre autres. Benjamin Mootoo, présent à l’événement, y fait un exposé sur le thème ‘Lang Kreol, depi mepri ziska rekonesans’. L’historien met l’accent sur l’évolution du kreol morisien, des colons aux esclaves, en passant par les immigrants indiens. « Le kreol morisien a toujours été considéré comme la langue des analphabètes. Sa lang la inn sufer buku mepri me malgre tousala li ine sirviv. Zordi, li ne pli lang pu bann esklav. Li enn passrel pu tu bann morisien », dit-il. Benjamin Mootoo raconte qu’auparavant, ceux qui parlaient le kreol n’étaient pas considérés comme des gens respectables. Toutefois, ajoute-t-il, la situation n’a pas vraiment changé dans certaines régions du pays. « Nu inn deza gagn calott kan coz kreol. Dimunn ti p dir nu ban

vilger. Me zot pa cone ki la plipar bann mo sorti depi franse. Ena enn lipokrisi dan nu societe ek ena morisien prefer koz franse sosiab ou enn kreol fransise pu gard zot ran », affirme-t-il. Le kreol morisien est ce qui unit notre population d’origines culturelles et de classes sociales diverses. « C’est le cordon ombilical pour l’unité nationale », fait-il valoir. Rodrigues: un sentiment d’appartenance À Rodrigues, c’est un sentiment d’appartenance qui prévaut, selon Nita RughoonundunChellapermal, responsable du département kreol du Mauritius Institute of Education (MIE). « Pu bann rodrige, li importan zot konn coz ek ekrir kreol. Zot cone ki nu langaz ede nu develop nu potansiel. Dan Moris, nu envi al vite, nu pa truv li importan al apran li cuma bizin », souligne-t-elle. Notre interlocutrice est d’avis que graduellement les Mauriciens pourront changer d’avis en ce qui concerne le kreol morisien. « Ou langaz se ou. Se enn handikap kan ou pa conn ou langaz cuma bizin », conclut-elle. La Réunion: garder sa typicité L’écrivain réunionnais, Alex Gauvin nous apprend qu’en 2001, le créole réunionnais y a été introduit comme sujet optionnel et il y a encore beaucoup à faire à ce niveau. « Malgré le fait que 85% des parents pensent que l’enseignement du kreol soit important, on note un repli de la part de certains. Or, nous ne pouvons pas leur imposer cette langue car les Réunionnais refuseraient de coopérer. Le rôle de Lofis Lang Kreol est justement d’apporter plus de réflexions sur l’importance des langues, notamment le Kreol », avance-t-il. L’écrivain souligne aussi que la culture créole permettra au Réunionnais de garder sa typicité. « Nous ferons tout pour avancer dans nos démarches et expliquer aux gens qu’ils doivent être fiers du créole réunionnais », lance-t-il.

Un outil pour lutter contre l’analphabétisme Des associations telles que Ledikasyon Pu Travayer utilisent le kreol morisien comme un moyen d’éradiquer l’analphabétisme, particulièrement chez les adultes. Plusieurs personnes ont pu, après avoir suivi ces cours, mieux s’exprimer et apprendre à compter et à lire. Qu’estce qui fait du kreol un outil efficace ?

Daniella Bastien, de la Creole Speaking Union: « Notre identité »

Daniella Bastien, de la Creole Speaking Union

« C’est une très bonne chose de constater que de nombreuses personnes sont enthousiastes à l’idée d’apprendre à lire et à écrire en kreol morisien. Cela s’explique de par le fait que c’est la langue la plus répandue à Maurice. Elle est également notre identité. L’apprenant se sent plus libre. Il n’y a presque pas de barrières linguistiques. Il peut ainsi s’exprimer facilement ». Alain Ahvee, de Ledikasyon Pu Travayer: « Facilite l’apprentissage »

Alain Ahvee, de Ledikasyon Pu Travayer

« Il est parfois difficile d’avoir l’attention des apprenants. Mais le kreol facilite l’apprentissage, car nous pouvons facilement susciter leur intérêt. De plus, l’enseignant dispose bien plus de moyens pour aider l’apprenant à mieux s’exprimer et à enrichir son vocabulaire. Il peut puiser dans les choses qui l’entourent et tirer des exemples dans son quotidien pour l’aider à saisir certaines règles ».

Dev Virahsawmy, auteur: « Médium d’enseignement »

Dev Virahsawmy, auteur

« Le terme “médium d’enseignement” n’est pas vraiment compris à Maurice. Le kreol ne doit pas être uniquement une langue de support, mais il doit être utilisé pour enseigner les différentes matières, telles que les mathématiques et les sciences entre autres. De plus, il doit être la langue utilisée pour répondre aux questions pendant les examens. Mais avant d’y arriver, il faut aider un maximum de gens à mieux s’exprimer dans cette langue ». Arnaud Carpooran, linguiste: « Langue maternelle »

Arnaud Carpooran, linguiste

« Dans plusieurs pays, l’apprentissage passe d’abord par la langue maternelle. Par exemple, en France, l’on apprend en français avant d’aller vers une autre langue. Pourquoi pas à Maurice ? Le kreol est la langue maternelle de la plupart d’entre nous et rend les choses plus faciles à la fois pour l’apprenant et l’enseignant. Toutefois, il faut quand même respecter les règles linguistiques ».

En milieu scolaire Introduit en 2012 en Standard 1 comme matière optionnelle du cursus scolaire, le kreol morisien avait été choisi par 3 487 élèves. Aujourd’hui, ils sont plus de 17 000, de 176 écoles primaires du pays, à étudier notre langue maternelle. Cette introduction marque un tournant historique de notre système éducatif. Quel est l’apport du kreol morisien dans le milieu scolaire ? Menon Munien, du ministère de l’Éducation: « Un atout pédagogique » « Nous avons pu attirer plus de 17 000 d’élèves en trois ans. Bien que cette langue soit optionnelle, nous avons constaté l’intérêt de plusieurs parents et d’élèves pour le kreol morisien. Depuis 2012, la demande est stable. Le ministère de l’Education travaille d’arrache-pied sur ce projet et a installé une ‘Creole Unit’ pour la formation des enseignants et la publication de manuels, entre autres. Maintenant, avec l’introduction du 9-Year Schooling, nous devons revoir le curriculum. Le kreol morisien est un atout pédagogique. Il permet à l’apprenant de mieux s’exprimer tant à l’écrit et à l’oral ». Cindy Desalles, du Bureau de l’Education Catholique: « L’enfant apprend mieux » « L’élève peut exploiter son potentiel plus efficacement. Nous avons la conviction qu’il faut apprendre une matière en français ou en anglais pour réussir. Il faut savoir que l’enfant apprend mieux dans sa langue maternelle. Certains parents insistent sur le fait qu’il faut parler uniquement le français à la maison. Cependant, ils sont plusieurs à parler un français incorrect, car ils ne maîtrisent pas cette langue. Ena morisien pense ki coz kreol pu rabes zot ». Alex Gauvin, Lofis Lang Kreol de la Réunion: « Augmente l’estime de soi »

Alex Gauvin, Lofis Lang Kreol de la Réunion

« Plusieurs personnes ne réalisent pas que parler et étudier notre langue maternelle augmente notre estime de soi. Un enfant dont la langue maternelle est le Kreol est bien plus à l’aise en classe. Notre but est aussi de mettre l’enfant dans le bilinguisme additif, c’est-à-dire de réunir

toutes les conditions pour l’apprentissage d’une deuxième langue. Chaque île a ses spécificités quant à l’enseignement du Kreol ». Nita Rughoonundun Chellapermal du MIE: « Développe l’imaginaire »

Nita Rughoonundun Chellapermal du MIE

« En tant que responsable de l’enseignement de la langue créole dans les écoles, j’estime que bon nombre de Mauriciens ne réalisent pas que nous travaillons dans la perspective d’un projet à la portée de tous les Mauriciens. Cela est dû au fait que le kreol morisien n’est pas utilisé ailleurs. Pourtant, il est grand temps que les Mauriciens comprennent que l’enseignement du kreol aide à développer l’imaginaire ». 

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