\"Mujeres de Roma (version française)\", in Mujeres de Roma, Seductoras, maternales, excesivas, exposicion de la Obra Social de la Caixa con el museo del Louvre, Barcelona, 2015, p. 21-28.
Descripción
Mujeres de Roma
Seductoras, maternales, excesivas
Exposición coorganizada por la obra social La Caixa y el Museo del Louvre
Virginie Girod, « Mujeres de Roma », Mujeres de Roma, sedictoras, maternales, excesivas, catálogo de la exposición Obra Social La Caixa y museo del Louvre, Barcelona, 2015, p. 21-28.
Femmes de Rome
La femme romaine était à la fois un objet de désir et de mépris. Elle se caractérisait par sa dualité. Mais qu'elle fût matrone ou putain, elle était ontologiquement inférieure. Il s'agissait d'un ordre naturel élevé au rang de règle sociale. La femme ne pouvait pas grand-chose contre les faiblesses inhérentes à son sexe. Elle était dépensière, querelleuse, colérique, libidineuse, incapable de résister à ses passions. Et comment aurait-elle pu être vertueuse quand le mot vertu (uirtus) en latin dérivait étymologiquement du mot uir qui signifiait homme ? La vertu étant le propre de l'homme, on comprend aisément pourquoi les femmes ont été écartées de la vie civique. La femme, cet être imparfait, était ainsi condamnée à évoluer dans la sphère privée, en servante dévouée de son foyer, de ses dieux et de sa patrie.
Eternelles mineures
Hommes et femmes appartenaient tous à l'une des trois classes sociales qui définissait leurs droits. À la base de la société, il y avait les esclaves. Ceux-ci n'étaient pas tout à fait des humais mais des choses dépourvues de ce qui faisait l'essence de l'être véritable, la liberté. Ceux qui avaient gagné leur liberté devenaient des affranchis. Bien que libres, ils gardaient symboliquement dans leur chair la flétrissure de la servitude. Au sommet de la hiérarchie sociale, il y avait les citoyens nés libres de parents libres. Eux seuls pouvaient participer à la vie politique notamment à travers les élections. Mais s'il existait des citoyens, il ne fallait pas escompter trouver des citoyennes. Les femmes nées libres n'avaient pas accès à la vie publique.
Ainsi, il convient mieux de les qualifier d'ingénues en référence à la terminologie latine ingenua (née libre).
Qu'elle fût libre ou esclave, la femme romaine demeurait une éternelle mineure juridiquement égale aux enfants. Une ingénue dépendait avant tout de l'autorité de son père. Elle pouvait ensuite passer sous la tutelle de son mari au moment de son mariage mais, dès la fin de la République, le mariage sine manu, qui laissait une fille sous la tutelle de son père, était devenu la norme. Il était également possible de substituer au père ou à l'époux un tuteur légal, plus ou moins complaisant, parfois choisi avec l'accord de la principale intéressée. L'affranchie, quant à elle, dépendait de son patron, celui qui l'avait libérée du joug de la servitude ou son héritier. L'esclave, elle, ne dépendait que du bon vouloir de son maître. Aucune d'entre elles n'était vraiment une femme indépendante. À partir du début de l'empire, une femme pouvait au mieux espérer une émancipation. Mais ce luxe juridique avait un prix : il fallait d'abord payer un tribut à son foyer et à la patrie.
La maternité pour destin
Seules les ingénues et les affranchies qui n'avaient jamais exercé de métiers infamants (artiste ou prostituée) pouvaient légalement se marier. De cette union devait naître de futurs citoyens. Le mariage était l'une des structures de base de la société romaine. Les rôles biologique et social des femmes s'y cristallisaient : devenir mère pour offrir des héritiers à leurs familles et à Rome. Mais le taux de natalité sous la République était relativement bas. Le contrôle des naissances était très pratiqué par les élites pour éviter la fragmentation du patrimoine entre de trop nombreux héritiers.
Pour encourager les femmes à accomplir leur devoir de procréation, l'empereur Auguste (27 av. J.-C.-14 ap. J.-C.) promulgua une loi qui émancipait juridiquement les mères de trois enfants. Le ius trium liberorum (le droit des trois enfants) permettait aux femmes trois fois mère de se passer d'un tuteur légal et de gérer librement leurs propres biens. Ce droit fut étendu aux affranchies qui cessaient de dépendre de leur patron après la naissance de leur quatrième enfant et, de la même manière, les esclaves gagnaient leur liberté grâce à la naissance de leur cinquième enfant. Paradoxalement, la promesse de l'émancipation par la maternité attachait les femmes à leur foyer. En outre, chaque grossesse mettait potentiellement en danger la vie de la jeune mère. On estime à environ 10 % le taux de mortalité liés aux couches sous l'empire romain.
Loin de donner l'exemple, les impératrices furent peu fécondes. Livie, l'épouse d'Auguste, qui avait déjà eu deux fils d'un premier lit, ne lui donna jamais d'enfant en cinquante-deux ans de vie commune. Cependant, elle avait obtenu le ius trium liberorum par la grâce d'un décret de son impérial époux. La jeune impératrice Messaline, l'épouse de l'empereur Claude (41-54 ap. J.-C.), offrit en revanche un prince porphyrogénète à son époux seulement trois semaines après son avènement. Il s'agissait de la première fois depuis le début de l'empire que la maison impériale voyait naître le fils d'un empereur en exercice. Une statue fut sculptée en l'honneur de Britannicus et de Messaline sur le modèle d'une ancienne sculpture grecque de Céphisodote, La paix portant la richesse (fig. 1). L'impératrice, dignement voilée dans un grand manteau, porte sur son bras gauche son tout jeune fils aux cheveux bouclés qui tend une de ses petites mains vers elle. Par sa fécondité, l'impératrice assurait la paix dans l'empire en offrant un successeur à son époux. Britannicus, lui, perpétuerait l'héritage de ses ancêtres en garantissant la prospérité et l abondance au peuple romain. Mais Britannicus ne prendrait jamais la pourpre à cause des turpitudes de sa mère. La trop grande liberté sexuelle de Messaline fit d'elle une icône de la décadence.
Des femmes pour jouir
Les honnêtes épouses s'offraient pudiquement à leurs époux pour leur donner des enfants. Pour les plaisirs de la chair, les hommes s'adressaient plus volontiers aux prostituées. Celles qui vendaient leur corps étaient frappées d'infamie, une véritable malédiction juridique et sociale, une souillure indélébile qui les mettaient pour jamais au ban du groupe des matrones. Pour autant, personne n'aurait jamais songé à les chasser de la Cité car elles avaient une véritable fonction sociale. Elles divertissaient les hommes, assuraient leur plaisir, apaisaient leurs tensions sexuelles et les empêchaient ainsi de séduire les femmes mariées. Elles étaient l'autre face de la féminité, l'antithèse de la matrone.
Trouver une prostituée s'avérait être une tâche aisée dans l'empire romain. Des plus miséreuses qui travaillaient la nuit entre les tombeaux, le long des voies romaines, aux courtisanes les plus belles et les plus cultivées en passant par les serveuses des bars et des restaurants ou les esthéticiennes des bains publics, il y en avait partout, pour tous les goûts et pour toutes les bourses. Sur les murs de Pompéi, les graffitis témoignant du lucratif commerce de la chair abondent. Dans une ruelle tranquille de la petite ville campanienne, la grecque Libianis pratiquait une fellation pour la modique somme de trois as, soit un as de moins que le prix d'une livre d'huile d'olive. En revanche, la délicate Successa, une véritable pompéienne, offrait ses faveurs dans une taverne du centre-ville pour la somme déjà conséquente de 100 as, ce qui correspondait peu ou prou à une semaine de solde pour un fantassin romain.
À Rome, les courtisanes les plus réputées pour leur beauté, leur grâce, leur élégance et les arts qu'elles pratiquaient, vendaient leurs nuits à prix d'or. Ces belles de nuit n'étaient à la portée que des hommes les plus riches qu'elles tâchaient de dépouiller méthodiquement en les rendant fous de désir, allant parfois jusqu'à laisser leurs portes closent pour mieux exciter un amant fallacieusement éconduit et monnayer chèrement le moindre baiser, la moindre caresse. Les courtisanes, véritables expertes en séduction, ne vendaient pas que du sexe, elles offraient du rêve et glorifiaient le mâle romain en exaltant sa virilité.
Mais le temps du succès passait vite dans une Rome où seules les femmes jeunes étaient désirables. Les rides et les cheveux blancs entrainaient une baisse drastique des tarifs. Celles qui avaient subi les outrages du temps étaient condamnées à la misère à moins de trouver une place de duègne, agent de filles plus jeunes à qui elles enseignaient le métier.
Spiritualités féminines
Les Romains étaient un peuple très religieux. Ils devaient en premier lieu adorer les divinités de leurs foyers qu'étaient les Lares et les Pénates. Ils devaient ensuite faire allégeance à l'empire à travers le culte impérial. Outre ces obligations religieuses, familiales et civiques, ils étaient ensuite libres de choisir leurs divinités favorites parmi les nombreuses déités du panthéon romain régulièrement enrichi par l'intégration de nouveaux dieux plus ou moins exotiques.
Les femmes, peut-être plus que les hommes, avaient une spiritualité très riche. Les femmes mariées adoraient des déesses qui glorifiaient leur fonction matronale à l'instar de Pudicitia (la Pudeur) ou de Vénus Verticordia, celle qui détournait les cœurs des matrones et des vierges des amours illicites. Si les honnêtes épouses avaient leurs divinités tutélaires, les prostituées n'étaient pas en reste. La divinité d'origine sicilienne connue sous le nom de Vénus du Mont Eryx était la sainte patronne des filles de joie. Le jour de sa fête, le 23 avril, les prostituées romaines venaient au temple de la déesse lui porter des cadeaux dans l'espoir d'obtenir la beauté qui assurerait leur succès. Evidemment, les courtisanes les plus belles et les plus en vue s'y rendaient en milieu de journée, lorsque la foule nombreuse venait admirer le spectacle éminemment érotique de leur défilé.
Mais les femmes, indépendamment de leur statut social, se retrouvaient souvent autour de divinités exotiques telles qu'Isis ou Cybèle dont le culte possédait une dimension eschatologique qui n'existait pas dans la religion romaine traditionnelle. Par ailleurs, les femmes pouvaient occuper des prêtrises importantes dans le clergé de ces déesses orientales (fig. 2). Mais Rome réprouvait les religions qui mettaient en danger sa structure sociale. Les Bacchanales furent longtemps interdites notamment parce que les prêtresses et les initiées y étaient puissantes et que le vin, consommé en abondance, générait une ambiance propice à la transgression.
Dans la tradition romaine, le nombre des prêtresses était très limité. Ainsi, la flaminique de Jupiter, incarnation symbolique de l'épouse romaine parfaite, n'était prêtresse que dans la mesure où son mari était le flamine de Jupiter. Si l'un d'eux venait à mourir, l'autre, devenu veuf, perdait sa fonction. Les vestales constituaient le seul collège de prêtresses exclusivement féminin. Ces prêtresses vierges veillaient sur le feu de Vesta qui assurait la pérennité de la Ville. Elles étaient sacrosaintes et jouissaient du privilège du ius trium liberorum. Afin que son testament demeurât inviolé, Jules César avait pris soin de le déposer dans le temple de Vesta car personne n'aurait osé violenter une des servantes de la divinité. Mais malheur à celle qui dérogeait à l'obligation d'absolue pureté. La vestale qui s'offrait à un homme commettait un crime qualifié d'inceste. Souillée, elle devait expier sa faute par la mort. Elle était alors enterrée vivante et vouée aux dieux infernaux. Ainsi, être une vestale garantissait à une femme pouvoir et respect mais le prix à payer pour ces privilèges étaient si lourd que les familles n'offraient jamais spontanément leur fille à la déesse. Ainsi, les jeunes filles correspondant aux critères de sélection étaient tirées au sort à chaque fois qu'il était nécessaire d'intégrer une nouvelle prêtresse à la maison des Vestales. Une fois prise par le Grand Pontife, le chef de la religion romaine, les jeunes Vestales portaient l'austère robe correspondant à leur fonction et renonçaient ainsi à toutes les coquetteries dont raffolaient les Romaines.
La quête de la beauté
Dans la Rome impériale, pacifiée et riche, les femmes tenaient à être séduisantes. Les matrones des familles les plus aisées et les prostituées dont le corps servait de fonds de commerce étaient celles qui consacraient le plus de temps à leur toilette. Outre les deux ou trois heures passées aux bains publics en fin d'après-midi, les élégantes commençaient à se soucier de leur image dès le petit matin. Les femmes accordaient un soin particulier à leur visage sur lequel se succédaient crèmes et onguents à base d'ingrédients douteux dans l'espoir d'avoir un teint blanc, brillant, frais et sans imperfection. Le corps était également soigneusement épilé et parfumé jusque dans les recoins les plus intimes. Les femmes confiaient ensuite leurs cheveux aux coiffeuses, expertes dans l'art de boucler, onduler, cranter et tresser au gré des modes changeantes.
Après ces soins qui épuisaient les servantes, les belles dames se maquillaient. Même si les cosmétiques étaient à l'origine l'apanage des courtisanes, les honnêtes épouses empruntèrent bien vite le blanc de céruse, le rose d'orcanète et le noir de charbon aux filles de la nuit. Le maquillage réussi était celui qui renforçait le chromatisme naturel du visage. Le teint était outrageusement blanchi, parfois avec des dérivés de plomb qui laissaient des séquelles sur le long terme. Les lèvres et les joues étaient rougies. Les yeux se faisaient charbonneux pour mieux capter le regard des hommes. Mais les grandes dames devaient savoir garder la main leste comme en témoigne le portrait d'une belle provinciale du Fayoum (fig. 3).
Les femmes accordaient aussi un soin particulier à leurs vêtements et à leurs parures. Outre les pierres précieuses, les perles ornaient sans parcimonie les oreilles, les cous et les chaussures des élégantes. Les robes, longues et couvrantes, avaient pour vocation de cacher les corps et de les rendre moins désirables. Pourtant, les femmes rivalisaient de créativité pour mettre en valeur la finesse de leur taille, la rondeur de leurs hanches ou le galbe de leurs seins tout en restant décentes. Seules les courtisanes s'autorisaient à paraître dans des robes translucides qui dévoilaient leur anatomie aussi bien que les draperies mouillées des Vénus marmoréennes (fig. 4).
Les femmes romaines n'étaient pas sur un pied d'égalité avec les hommes. Il serait pourtant anachronique et historiquement faux de les croire opprimées. Celles qui voulaient malgré tout intervenir dans la vie publique s'en donnaient les moyens par le truchement des hommes de leur entourage : un père aimant, un mari influençable ou des clients dépendants. Nombreuses étaient les impératrices et les princesses qui savaient à quel point le sexe et la politique pouvaient être intimement liés.
Dr Virginie Girod
Juvénal, Satires, VI, 114-126 : le satiriste propage une rumeur fausse selon laquelle l'impératrice Messaline se prostituait nuitamment dans un lupanar des bas quartiers de Rome.
CIL, IV, 2028.
CIL, IV, 4000.
CIL, IV, 4025.
Ovide, Fastes, IV, 863-900.
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