Comptes redus/reseñas

October 2, 2017 | Autor: J. Serrano Moreno | Categoría: Historical Sociology, Political Science, Memory Studies, Spain
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Comptes rendus

| Pr esses d e Sci e nces Po | Re vue f r a nça ise de sci ence poli t ique 2009/4 - Volum e 59 ISSN 0035-2950 | ISBN 9782724613456 | pages 820 à 831

Pour citer cet article : — Comptes rendus, R evue française de science poli t ique 2009/4, Volume 59, p. 820-831.

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Revue française de science politique Academy of Social Sciences (CASS) et autres centres de recherches, notamment des instituts rattachés au Bureau d’édition et traduction du Comité central, les documents de travail de l’École centrale, ainsi que les actes de divers colloques et séminaires universitaires. Par ailleurs, deux chapitres sont consacrés à l’étude des principaux changements récents du PCC, à savoir la mutation idéologique (en allant des « trois représentativités » de Jiang Zemin en 2001 au « développement harmonieux de la Chine » en 2005) et la réorganisation interne. Il en émerge un Parti qui a subi, depuis 1989, de profondes transformations, qui a été capable de réviser son idéologie au fur et à mesure de l’adoption des politiques publiques. Comme le note l’auteur, le rôle de l’idéologie est renversé : les politiques sont inspirées par des considérations « pragmatiques » et empiriques ; le Parti génère ensuite une explication idéologique ex-post pour les justifier. De nouveaux concepts sont constamment inventés, inspirés du marxisme et du léninisme et adaptés aux conditions locales, pour une idéologie « aux caractéristiques chinoises ». Dans le même temps, à travers le concept de « développement scientifique », le PCC a cherché à améliorer la qualité de ses cadres et de la fonction publique. L’accent a été mis, depuis 2004, sur les compétences professionnelles et l’éthique au sein de l’administration, la lutte contre la corruption, la démocratie interne au Parti au niveau local, le renforcement de la consultation avec les huit partis minoritaires, l’introduction de l’évaluation et de la performance dans la gestion des carrières de la fonction publique, la modernisation des écoles du Parti et le renforcement la formation continue de l’administration. Si l’ouvrage est très convaincant dans sa partie analytique et son observation d’un PCC ouvert sur l’extérieur et doté d’une capacité de réaction immédiate qui en assure le maintien au pouvoir, il l’est moins dans sa partie prévisionnelle. Le dernier chapitre prédit en effet, avec grande prudence, une reforme politique incrémentale et progressive conduite par un PCC qui saura se maintenir au centre d’un système d’État-parti, tout en se nourrissant d’expériences extérieures et éclectiques. En choisissant d’étudier le PCC en tant qu’institution plutôt que le système politique chinois dans son ensemble, Shambaugh semble passer à côté d’un certain nombre d’évolutions majeures (le droit, l’enseignement supérieur, l’environnement, la société civile...) qui s’opèrent parfois en marge, voire à côté du Parti. La capacité d’adaptation et de rebondissement de la société chinoise n’est-elle pas encore plus surprenante que celle de son leadership ?

Alessia LEFÉBURE Sciences Po, CSO

AGUILAR FERNANDEZ (Paloma) – Políticas de la memoria. Memorias de la política. El caso español en perspectiva comparada – Madrid, Alianza Editorial, 2008. 584 p. Annexes. Bibliogr. À la lumière de ses travaux plus récents 1, la politiste de l’UNED Paloma Aguilar a revu et actualisé son étude classique 2 sur les politiques de mémoire qui ont suivi la guerre civile espagnole. Désormais, sa question centrale est de savoir quel a été l’impact du souvenir véhiculé par ces politiques dans la construction des institutions démocratiques et, plus globalement, dans la culture politique des Espagnols. L’enquête se place, tout d’abord, du côté de

1. Voir notamment les contributions de l'auteur dans les ouvrages collectifs suivants : Paloma Aguilar, Alexandra Barahona De Brito, Carmen González-Enríquez (eds), The Politics of Memory, Oxford, Oxford University Press, 2001 ; Julio Aróstegui, François Godicheau (dir.), Guerra civil. Mito y memoria, Madrid, Marcial Pons, 2006 ; Santos Juliá (dir.), Memoira de la guerra y del franquismo, Madrid, Taurus, 2006. 2. Paloma Aguilar, Memoria y olvido de la guerra civil española, Madrid, Alianza Editorial, 1996 ; Memory and Amnesia : The Role of the Spanish Civil War in the Transition to Democracy, New York, Berghahn Books, 2002.

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Comptes rendus l’émetteur de ces politiques de mémoire, le régime franquiste, puis la question de leurs réceptions s’inscrit ensuite dans la période correspondante à la transition démocratique. Après un chapitre d’ordre théorique, le deuxième chapitre est consacré à l’analyse du discours franquiste sur la guerre, à partir des archives sur les commémorations et les monuments les plus significatifs, la presse, l’historiographie officielle, les mémoires d’acteurs clefs, etc. L’auteur montre comment le régime franquiste a cherché à consolider sa « légitimité d’origine » (p. 103-108) à travers une narration épique et manichéenne du conflit, qualifiée par les expressions comme celles de « croisade » ou de « guerre de libération », et qui présente la victoire des nationaux comme un point final au chaos et à la « domination rouge » du pays. P. Aguilar livre ensuite une analyse des effets de l’évolution interne du régime – ascension des nouvelles élites technocratiques et abandon définitif de l’autarcie économique en 1957 – sur les politiques de mémoire. Les références à la guerre vont diminuer progressivement pour une mise en avant de la « légitimité d’exercice » fondée sur le progrès économique. Néanmoins, ce nouveau discours n’a pas eu de visée réconciliatrice. En effet, bien que la guerre civile fût considérée comme une tragédie collective, l’événement a continué à être interprété comme inévitable, justifié paradoxalement par la paix bâtie par le régime. L’exemple culminant du passage de l’exaltation de la guerre à l’exaltation de la paix est la commémoration des « vingt-cinq ans de paix » le 1er avril 1962, qui s’est substituée à celle du « jour de la Victoire » (p. 189-207). Le troisième chapitre propose une analyse des effets des politiques de mémoire franquistes sur les comportements des élites politiques ayant participé au passage de la dictature à la démocratie dans les années 1970. Les matériaux issus de la presse de l’époque, des discours des partis, des débats parlementaires et des travaux préparatoires de la Constitution adoptée en 1978, constituent les sources principales exploitées ici par l’auteur. L’intérêt de cette étude est double. Premièrement, elle représente une exploration innovante de la variable mémorielle dans les travaux sur la transition démocratique espagnole 1 et, deuxièmement, elle permet de dénaturaliser les discours militants qui (dis)qualifient aujourd’hui la transition en tant que « pacte de l’oubli ». Les références aux événements des années 1930 ont été, en effet, très fréquentes à l’époque. Cependant, elles constituaient des contre-exemples formulés par les acteurs politiques dont l’objectif était d’éviter la répétition d’un nouveau conflit armé dans un contexte marqué par le terrorisme et la peur face à un coup d’État militaire. L’auteur soutient la thèse que les mémoires des acteurs politiques – et aussi celles d’une large partie de la population d’après les enquêtes d’opinion par sondage –, ayant été exposées aux appareils de socialisation franquistes, se sont transmutées en un « apprentissage politique » entraînant une « obsession » avant tout pour le maintien de l’ordre public et la recherche du « consensus » entre anciens dirigeants et anciens opposants (p. 233-254). Ce phénomène permet de comprendre ainsi, d’une part, l’architecture constitutionnelle de la monarchie parlementaire qui s’éloigne du modèle de la Seconde République espagnole perçu comme propice à la polarisation de la société ; et d’autre part, la modération des mesures de « justice transitionnelle » mises en place par les nouvelles autorités. Cette conclusion se trouve étoffée dans le quatrième chapitre par une comparaison avec les cas argentin et chilien. L’auteur constate alors l’insuffisance des mesures prises en Espagne en matière de réparation matérielle et symbolique des victimes de la répression franquiste, ainsi que leur inadéquation au droit pénal international (p. 481-493) – comme celle de la loi dite de « mémoire historique » adoptée en 2007 qui a suscité une vive polémique. Cet ouvrage socio-historique questionne l’efficacité sociale des usages politiques du passé et permet d’ouvrir de nouvelles perspectives sur des objets traditionnellement traités par la science politique. Il s’éloigne, en effet, des explications totalisantes des phénomènes mémoriaux et constitue enfin une référence incontournable pour ceux qui s’intéressent aux thématiques liées à la réconciliation et aux transitions démocratiques.

Juan E. SERRANO-MORENO Université Paris I-Panthéon Sorbonne, CRPS 1. Pour une introduction à cette littérature, voir Juan J. Linz, « The Paradigmatic Case of Reforma Pactada-Ruptura Pactada : Spain », dans Juan J. Linz, Alfred Stepan, Problems of Democratic Transition and Consolidation : Southern Europe, South America and Post-Communist Europe, Baltimore, Johns Hopkins University Press, 1996, p. 87-115.

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COMPTES RENDUS

Presses de Sciences Po | Revue française de science politique 2011/4 - Vol. 61 pages 751 à 804

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-------------------------------------------------------------------------------------------------------------------« Comptes rendus », Revue française de science politique, 2011/4 Vol. 61, p. 751-804. DOI : 10.3917/rfsp.614.0751

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Dans une troisième partie, l’auteure insiste sur le déplacement du conflit et ses transformations. Les enjeux évoluent passant d’un registre institutionnel (la question du statut juridique de la province) à un registre plus symbolique ou annexe (les parades, le rôle de la police bi-confessionnelle, la violence sociale...) Des cibles nouvelles apparaissent alors que les paramilitaires se reconvertissent. Ainsi constate-t-on une dérive xénophobe de la part des formations loyalistes ainsi qu’une tendance au moralisme communautaire présent dans les deux formations (traque des comportements amoraux, lutte contre les drogues...). La reconversion touche également le domaine criminel dans lequel de nombreux « para » – surtout loyalistes, quand les républicains profitaient de plus amples réseaux associatifs et politiques pour faire carrière – ont pu s’investir. Enfin dans un chapitre VII moins convaincant, tranchant avec l’acuité des analyses précédentes, É. Féron s’intéresse aux transformations des représentations des enjeux du conflit. La construction européenne, l’affadissement de la cause nationaliste ( ?), la fragilisation du modèle de l’État nation, la politique de contrition du gouvernement de Tony Blair ou la délégitimation de la violence terroriste après le 11 Septembre,

ont pu favoriser, explique trop rapidement l’auteure, les conditions de la paix. Mais c’est peutêtre surtout – et là l’analyse est très fine – l’expérience partagée de la douleur de la guerre via l’emprisonnement commun ou un même sentiment d’abandon qui a rapproché les camps ennemis d’hier tous deux victimes de la ségrégation et de la relégation sociale. É. Féron conclue son analyse comme elle l’avait commencée en insistant sur les dynamiques microsociologiques pour saisir les chances de la paix plutôt que sur l’influence des avancées institutionnelles. La confiance ne se décrète pas mais se construit en s’appuyant à la fois sur des mesures collectives (mise en place de commissions de réconciliation ou d’enquête), sur des initiatives locales via un dense réseau d’associations, sur des acteurs centraux, véritables passeurs entre les communautés, que sont les travailleurs sociaux et sur la mise en place de « bonnes pratiques » nécessaires au maintien des discussions (amélioration des communications, lutte contre les rumeurs...). Alors l’Irlande du Nord pourra peut-être « abandonner la violence »...

Xavier Crettiez – UVSQ, CESDIP

Payne (Stanley) – La Guerre d’Espagne. L’histoire face à la confusion mémorielle. Préface d’Arnaud Imatz. – Paris, Éditions du Cerf, 2010 (Cerf Politique). 616 p. Bibliogr. Index.

C

e livre, première traduction en langue française des travaux de l’historien américain Stanley Payne, est destiné à occuper une place prééminente parmi les titres généralistes disponibles en France sur la guerre civile espagnole, ensemble d’ouvrages dont l’actualisation devenait nécessaire1. L’auteur est aujourd’hui considéré comme l’un des plus importants spécialistes en la matière. Il fait partie des hispanistes anglo-américains qui ont commencé dans les années 1960 à écrire l’histoire de la guerre civile en publiant leurs travaux dans la maison d’édition parisienne Ruedo Ibérico. S. Payne commença, en effet, sa carrière en 1961 en réalisant la première étude sur le parti de la

1. Voir, entre autres, les ouvrages classiques de Hugh Thomas, La Guerre d'Espagne, Paris, Fixot, 2009 (1re éd. : 1961) ; Pierre Broué, Émile Termine, La Révolution et la guerre d'Espagne, Paris, Édition de Minuit, 1961 ; Brunet Bolloten, La Révolution espagnole. La gauche et la lutte pour le pouvoir, Paris, Ruedo Ibérico, 1977 ; Pierre Vilar, La Guerre d'Espagne (1936-1939), Paris, PUF, 1997. ❘ REVUE FRANCAISE DE SCIENCE POLITIQUE ❘ VOL. 61 No 4 ❘ 2011 ¸

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sens aux acteurs sociaux. La pétrification s’observe aussi dans les pratiques, avec des violences qui perdurent quand bien même la paix est couchée sur le papier. É. Féron montre avec rigueur l’actualité des violences aux « interfaces », ces zones tampons entre quartiers communautaires où se comptabilise l’essentiel des incidents. La présence encore active des organisations paramilitaires usant d’un monitoring exacerbé sur les populations – peutêtre trop rapidement présentées dans l’ouvrage – associée à l’émergence d’une culture de l’« ennemi intérieur » et à l’activisme d’élus locaux – véritables spoilers – peu prêts à perdre la rente électorale locale que permet la stricte division communautaire, achèvent de freiner les tentatives de sortie rapide de la violence. Que dire des pratiques culturelles qui, à l’image des parades orangistes, des murals (ces fresques militantes souvent guerrières) et autres rituels (le marquage au sol des frontières confessionnelles), surinvestissent émotionnellement et politiquement le territoire ou plutôt les territoires de l’Ulster.

Phalange1 suite à laquelle il a écrit plus d’une vingtaine d’ouvrages en anglais et en espagnol sur la Seconde République, la guerre, le fascisme et le régime franquisme.

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On a affaire ici à un ouvrage de synthèse, à finalité didactique, organisé en chapitres qui répondent à des questions particulières et qui peuvent être lus séparément les uns des autres2. De cette manière, S. Payne appréhende les événements comme le résultat d’une guerre civile révolutionnaire et contre-révolutionnaire en les analysant sous plusieurs angles : celui de l’histoire militaire, des relations internationales, des protagonistes, des organisations, etc. Le premier attrait de ce livre réside donc, d’une part, dans son style direct et concis, et d’autre part, dans son érudition et son actualité, car il inclut les principaux apports historiographiques récents. Son second point fort relève de l’esprit critique de l’auteur, qui fait preuve d’une neutralité remarquable, bien qu’il l’abandonne ostensiblement dans les dernières pages où il interprète la récente effervescence mémorielle que connaît l’Espagne comme une instrumentalisation intéressée par la gauche et le gouvernement de J. L. Zapatero. Il faut signaler au passage que S. Payne est un des rares historiens, sinon le seul, qui prend en compte des auteurs comme Pio Moa, accusé par ses collègues espagnols, malgré ou en raison du succès de ses ventes, d’être un amateur révisionniste néofranquiste. Cela dit, et comme l’indique le sous-titre choisi pour l’édition française, S. Payne cherche à démonter de manière rigoureuse et au nom de l’histoire scientifique les « mythes et légendes » qui entourent la guerre civile et qui ont servi pendant des décennies à la légitimation de chaque camp et à la délégitimation de l’adversaire. De cette manière, l’auteur explique, à propos du coup d’État militaire du 17-18 juillet 1936, que celui-ci ne fut pas tant un attentat fasciste contre la légalité démocratique républicaine que la réponse d’une partie de la droite à la radicalisation des mouvements révolutionnaires socialistes et anarchistes qui sont parvenus à plusieurs reprises à utiliser l’insurrection armée – comme en 1934 aux

Asturies). Un processus révolutionnaire face auquel les leaders de gauche du régime républicain se montraient complaisants et parfois complices – e.g. l’assassinat du député de Calvo Sotelo par la police le 13 juillet3. De même, S. Payne explique que, pendant la guerre, le régime républicain a perdu son caractère démocratique pour devenir une « Troisième République », voir une préfiguration des « républiques populaires » soviétiques, de moins en moins pluraliste du fait de l’accroissement du rôle des communistes qui était insignifiant au début du conflit (p. 425 et suiv.). Parallèlement, la construction d’un régime autoritaire par Franco fut, selon l’auteur, une sorte d’accident historique, car le coup d’État dirigé par le général Mola ne visait à l’origine qu’à « réorienter la République à droite » (p. 400 et suiv.) suivant l’exemple de Salazar au Portugal. L’auteur discrédite ainsi la croyance dans la nature fasciste et totalitaire du régime issu de la guerre en montrant comment fonctionnaient et furent exploités par Franco les jeux d’équilibres entre les différents composants du camp national notamment entre la Phalange et l’Église catholique. En outre, S. Payne nie que la guerre civile ait été le champ d’essais militaires du Troisième Reich et de l’URSS qui aurait anticipé le déroulement de la seconde guerre mondiale. Sur ce point, il explique que, contrairement à ce que l’on pense aujourd’hui, le bombardement de Guernica était en fait une opération plus ordinaire et moins innovante et brutale que l’ont été d’autres actions militaires à la même l’époque. L’auteur défend, par ailleurs, la thèse selon laquelle l’aide étrangère dont a bénéficié le camp national fournie par Mussolini, Hitler et les volontiers marocains fut bien plus déterminante dans la suite des événements que l’aide apportée par Staline et les brigadistes internationaux au camp républicain contrairement à ce qui a été soutenu longtemps par la propagande franquiste. On pourrait continuer à énumérer d’autres thèses défendues dans ce livre comme celle de l’attitude plus maladroite que soumise à Moscou adoptée par le président du gouvernement républicain Negrin, en revenant sur l’épisode des réserves d’or de la Banque d’Espagne qui ont fini en

1. Stanley Payne, Falange, A History of Spanish Fascism, Standford, Standford University Press, 1961 ; Falange, Historia del fascismo español, Paris, Ruedo Ibérico, 1965. 2. Son titre originel est « 40 questions fondamentales sur la guerre civile » : Stanley Payne, 40 preguntas fundamentales sobre la guerra civil, Madrid, La Esfera de los libros, 2006. 3. Cette thèse est développée dans Stanley Payne, The Collapse of the Spanish Republic, 1933-1936. Origins of the Civil War, New Haven, Yale University Press, 2006 ; El colapso de la República. Los orígenes de la Guerra Civil (1933-1936), Madrid, La Esfera de los Libros, 2005. ❘ REVUE FRANCAISE DE SCIENCE POLITIQUE ❘ VOL. 61 No 4 ❘ 2011 ¸

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Russie. Néanmoins, les propos les plus polémiques de S. Payne concernent les travaux sur la répression qui se sont multipliés au cours des vingt dernières années. L’auteur nie la distinction défendue par cette littérature entre une répression républicaine « désordonnée, spontanée, inorganisée » et une répression des nationaux « beaucoup plus contrôlée, centralisé, implacable » (p. 157 et suiv.). Il critique notamment « la qualité et la méthodologie inégales » des « monographies souvent incomplètes » qui calculent le nombre des victimes républicaines.

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En somme, cet ouvrage fait preuve d’une érudition et d’une rigueur dont pourront bénéficier tout lecteur cherchant à prolonger ses connaissances sur l’histoire du 20e espagnol. Et cela, en stimulant en même temps une réflexion qui va au-delà du cas espagnol grâce à la comparaison avec d’autres guerres civiles, à la contextualisation des événements antérieurs et postérieurs au conflit et sa dimension internationale et, enfin, aux questions contrefactuelles formulées par l’auteur – du type « qu’est-ce qui ce serait passé si... ? » – destinées à susciter de vifs débats.

Juan E. Serrano-Moreno – Université Paris I-Panthéon Sorbonne, CESSP

Karl (Rebecca E.) – Mao Zedong and China in the Twentieth-Century World. A Concise History. – Durham, Duke University Press, 2010. 200 p. Bibliogr. Index.

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st-il encore possible de prendre Mao Zedong et l’effervescence politique de la Chine de son époque au sérieux ? C’est à la fois le pari et la déclaration d’intentions de Rebecca E. Karl, professeur à l’Université de New York, qui, par son court essai historique, invite le lecteur à se placer dans le contexte chinois du début du 20e siècle et à suivre l’évolution des idées et des actions de Mao « depuis l’intérieur ». Si la vie de Mao est déroulée de façon chronologique et sobre, volontairement accessible à tous, il ne s’agit pas d’une biographie au sens des ouvrages parus dernièrement sur le personnage1. L’ouvrage ressemble plutôt à une histoire de l’émergence de la théorie socio-économique maoïste, composante centrale de la construction du communisme chinois, de la

révolution et de la modernité de la Chine du 20e siècle. Par sa brièveté, Mao Zedong and China évoque un grand nombre de faits majeurs de l’histoire de Chine sans pouvoir les approfondir ni donner les références des sources d’archives. Les questions de politique étrangère et le rôle de Zhou Enlai sont à peine mentionnés. Tout est centré sur la vision de Mao, sur ce qui détermine l’évolution de sa pensée et de sa politique. R. E. Karl rappelle, en effet, que la Chine était au début du 20e siècle un pays très différent de la Russie, puis de l’URSS, notamment à cause de la présence des puissances étrangères sur son territoire et du caractère rural de sa société. La classe ouvrière urbaine y était minoritaire et le marxisme était donc, selon Mao, inadapté à réaliser la lutte des classes et l’égalité sociale. Il fallait donc repenser le marxisme dans ses fondements théoriques et l’adapter à la situation chinoise. Mao est présenté comme un homme d’action qui croyait en la révolte et en la rébellion comme facteurs de changement. La couverture du livre annonce la couleur : il n’y a pas de fond rouge ni de photo de Mao en version kitch. Seulement une photo en noir et blanc prise à Yan’an pendant la guerre sino-japonaise dans les années 1930. On y voit un jeune Mao qui s’adresse à ses hommes, à un moment de profonde transformation pour le pays et pour Mao lui-même. C’est la transformation en effet qui est le fil conducteur du livre, qui cherche à reconstruire les événements, les défis et les circonstances qui ont permis progressivement au jeune homme de la photo de devenir le Grand Timonier dont l’histoire se souviendra. L’auteure plonge ainsi le lecteur dans le contexte intellectuel, politique et économique qui a permis à Mao de proposer un projet révolutionnaire pour transformer radicalement la société dans laquelle il vivait. Attentive à ne pas lire l’histoire avec des jugements ex-post, elle suit le développement intellectuel du personnage, retrace son éveil politique par ses lectures, ses maîtres et ses amis de jeunesse. Ce cheminement est situé dans son époque (le titre de l’ouvrage est bien Mao Zedong and China) avec toutes les difficultés qui se présentaient à ceux qui voulaient s’engager dans le changement social, mais aussi avec tous les rêves. Selon R. E. Karl, « rappeler l’ambition de Mao, c’est rappeler une époque où tout semblait

1. Parmi les dernières biographies de Mao Zedong : Jung Chang, Jon Halliday, Mao. The Unknown Story, Londres, Jonathan Cape, 2005 ; Roderick MacFarquhar, Mao's Last Revolution, Cambridge, Harvard University Press, 2006 ; Maurice Meisner, Mao Zedong. A Political and Intellectual Portrait, Londres, Polity, 2007. ❘ REVUE FRANCAISE DE SCIENCE POLITIQUE ❘ VOL. 61 No 4 ❘ 2011 ¸

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